Sylvain George publie des extraits de son carnet de route rédigé entre 2007 et 2010 dans le nord de la France, près de Calais, sur les terrains de l’exil et des migrations dont il rend compte et témoigne par ses films dont le dernier "Qu’il reposent en révolte (Des figures de guerres I)"... "Depuis maintenant cinq ans je travaille sur les politiques migratoires en Europe et les mobilisations sociales qui peuvent s’y rapporter. Pour moi, les questions en rapport à l’immigration et à la figure de l’étranger sont cruciales. Ce sont des indicateurs qui permettent de mesurer l’état de nos démocraties. Au début, j’avais prévu de réaliser un court-métrage en deux parties. Au fur et à mesure que je me trouvais confronté aux réalités du terrain, que je faisais des rencontres avec des personnes, en Europe comme en Afrique, le projet s’est considérablement développé. Le film devait s’ouvrir sur la situation des personnes migrantes en transit à Calais, puis montrer un certain nombre de situations en Afrique, en Europe... J’avais initialement prévu de me rendre dans cette ville pour une durée de trois mois. Au vu des situations rencontrées et des liens tissés avec de nombreuses personnes, j’y suis finalement resté trois ans, avec des durées de séjour variables, entre juillet 2007 et Janvier 2010. La "partie Calais" s’est peu à peu "imposée" et "autonomisée" par rapport au reste du film. Elle est devenue un long-métrage à part entière : Qu’ils reposent en révolte. Un certain nombre de "fils" qui se trouvent dans ce premier film vont être développés dans le second" - Propos recueillis par Olivier Pierre pour le FID Marseille en 2010.
(Re)Construire un mouvement national et unitaire contre le racisme, la politique d’immigration du gouvernement et pour la régularisation des sans-papiers
Olivier Le Cour GrandmaisonAucun doute : l’offensive xénophobe et sécuritaire, dont l’actuel ministre de l’Intérieur est le héraut, va se poursuivre et sera au cœur de la campagne des présidentielles. Il est urgent de (re)construire un mouvement national et unitaire contre le racisme, la politique d’immigration du gouvernement et pour la régularisation des sans-papiers. Tel est le sens de l’Appel à manifester partout en France le 28 mai 2011 (http://dailleursnoussommesdici.org), signé par des dizaines d’organisations politiques, de très nombreux syndicats, associations et élus locaux, députés et parlementaires européens.
On s’étonne souvent en France du silence des intellectuels arabes, du supposé mutisme des démocrates arabes. (J’emploie ici indifféremment ces deux vocables d’intellectuels et de démocrates arabes et j’insisterai sur le Maghreb, et sur le Maghreb depuis Paris). Plus les crises sont violentes, durables, difficiles à appréhender, plus on les réclame. Et plus le silence se fait pesant, leur absence pénible, le vide croissant. Du reste, l’interrogation vire vite au soupçon puis à l’incrimination : où sont-ils ? Pourquoi n’élèvent-ils pas la voix face aux extrémistes de tous bords, face à toutes les tragédies qui se succèdent par rafales depuis quelques décennies ? Pourquoi est ce qu’on ne les entend pas davantage, alors que « l’islam » est au cœur du vortex global depuis le 11 septembre 2001, au centre de la géopolitique que mène l’empire, et alors qu’il nourrit en Europe les réactions que l’on sait sur l’immigration et la montée des extrêmes droites ?
L’obligation de réserve ne peut en aucun cas valoir pour les intellectuels, y compris lorsqu’ils sont fonctionnaires. Les y soumettre revient purement et simplement à les faire disparaître comme intellectuels, c’est ruiner la liberté dont ils ont besoin pour continuer leur oeuvre salutaire, indispensable à la vie normale d’un pays politiquement sain, et qui a besoin d’eux pour son équilibre. Ce qui arrive à notre collègue Vincent Geisser, qui a le malheur de travailler sur l’islam, sujet brûlant s’il en est, est d’une extrême gravité et interpelle tous les citoyens de ce pays. Le traitement indigne auquel il est soumis est une honte pour la profession et pour la France.
Le jour marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale est aussi celui où l’État français a réprimé dans le sang l’une des premières manifestations pacifiques pour l’Algérie libre. Un passé toujours occulté.
Collectif - 30 mars 2009
La médiathèque « Abdelmalek Sayad » de la cité de l’immigration ouvrira le lundi 30 mars Pourquoi pas ? La création d’un outil institutionnel ouvert au public destiné à la promotion et à la valorisation des cultures de l’immigration a une utilité pédagogique en ces temps de stigmatisation tout azimut des populations venant des pays du Sud. Le fait que l’on donne le nom d’un intellectuel à une médiathèque n’a pas non plus en soi un caractère scandaleux. En revanche l’idée que la figure emblématique de la sociologie de l’immigration soit ainsi instrumentalisée et que cette inauguration soit conduite par les ministres C. Aubanel (Culture), X. Darcos (Education nationale), V. Pécresse (Enseignement supérieur et recherche) et E. Besson (Immigration et identité nationale) est inadmissible pour ceux qui respectent son oeuvre. Que A. Sayad, décédé en 1998, soit arboré par des personnes ayant manifesté du mépris pour la pensée, pour le bien commun et participant de la xénophobie de gouvernement dans une cérémonie publique officielle est inacceptable.
Le Gouvernement français ayant fait de l’unification de la politique européenne en matière d’immigration une de ses priorités, la France souhaitait parvenir à un "pacte sur l’immigration" dès son accession à la Présidence de l’UE le 1er juillet 2008 [8]. Finalisé par tous les ministres de l’Intérieur de l’UE, les 7 et 8 juillet, à Cannes en France, le texte du dit Pacte a été adopté par le Conseil européen le 16 octobre 2008, à Bruxelles. Partant de la volonté de ‘’protéger l’Europe’’ – selon le président français, ‘’contre le réchauffement climatique, l’énergie chère et l’immigration irrégulière’’, notamment – ce texte se place dans une position de ‘’fermeture’’ – vis-à-vis des pays de départ des migrants irréguliers - en retenant la prééminence du principe de la ‘’Préférence communautaire’’ comme fondement politique et base de la nouvelle politique migratoire unifiée de l’Europe.
Film documentaire
Brice KartmannPrintemps 2005 : 9 familles de demandeurs d’asile sont expulsées des foyers où elles ont passé les derniers jours de l’hiver et se retrouvent sans solution de logement avec leurs enfants. Un collectif de militants les prend en charge 3 semaines en les logeant à leurs frais dans des hôtels. Les dons venant à manquer, ils décident d’installer les familles dans une salle de l’université de Tours tout en rappelant aux pouvoirs publics l’obligation légale qu’ils ont de les loger. Le film est le récit d’une lutte politique. Un lieu unique : une faculté. L’approche n’est ni militante ni journalistique. Elle est le résultat d’une présence quasi quotidienne auprès des militants et des familles avec lesquels un rapport tacite de confiance a pu s’établir. Les 2 réalisateurs sont issus du collectif de cinéastes documentaristes, Sans Canal Fixe, basé à Tours. Les 10 premières minutes du film sont visibles en ligne.
Plusieurs dizaines de grèves de travailleurs sans papiers avec occupation de leurs entreprises ont été déclenchées en France depuis ces derniers mois. Ce mouvement a en effet été déclenché dans un contexte nouveau tant au plan national qu’au niveau international. En France, la politique de chasse aux étrangers ne cesse de se durcir accompagnée par la systématisation d’un discours hostile et de légalisme radicalisé tenu par les autorités et dans les médias. Des mouvements de contestation récurrents se déroulent dans et hors des centres de rétention administrative pour tenter de résister à cette politique. Mais pour prendre la mesure de ce mouvement il est nécessaire de sortir du piège du fait divers, auxquels sont le plus souvent réduits les étrangers dans l’espace public, condamnés à l’équarrissage par une actualité oublieuse. Il faut selon moi englober cette mobilisation dans un ensemble d’autres faits. Ce mouvement des sans papiers n’est pas isolé mais s’intègre dans un ensemble de luttes actuelles de salariés « bridés » éparpillés dans le monde économique mais partageant une condition commune.
Nous étions au milieu des années 90 et Massimo d’Alema leader du PDS (Partito dei democratici di Sinistra) voulait que l’Italie devienne « un pays normal » Mais les monceaux d’ordures qui brûlent dans les rues de Naples ne font pas un pays normal. Alors faut-il ce rite sacrificiel par le feu, incendier les camps des nomades pour effacer la honte et la souillure ?
"J’en suis arrivé à la conviction qu’il est aujourd’hui possible de produire une thèse de doctorat en science politique, avec ChatGPT4 (Microsoft) ou Gemini (Google), en cinq mois au lieu de cinq ans, sans que les deux types de thèses ne soient différenciables intellectuellement, technologiquement ou juridiquement (ChatGPT4 produit une estimation de 1 à 2 ans au lieu de 3 à 5 ans qui me paraît prudente par effet de dressage centralisé d’entreprise tendant à se prémunir contre des risques d’opinions publiques, comme des critiques politiques et réticences sociales à l’usage). Vu la vitesse d’accélération de l’élévation des niveaux de performances des IAg depuis un an et demi, involontairement « dressées » par les dizaines de millions de personnes qui les utilisent déjà (dressage décentralisé), il est improbable que cette vitesse se réduise dans les prochaines années. Les détecteurs de plagiat sont aujourd’hui morts, aveuglés par les IAg de paraphrase ; les détecteurs de textes artificiels n’ont jamais existé réellement et n’existent toujours pas. Toutes les observations socioéconomiques conduisent à penser que les entreprises concernées, notamment Microsoft et Google, n’ont aucun intérêt économique à favoriser des détections efficaces de ce que leurs machines produisent. Il faut donc s’organiser dès maintenant pour faire face à ce type de réalités et à d’autres types d’évolutions similaires, dans les prochaines années et décennies. "
Le mensuel REGARDS s’attache à repérer les phénomène sociaux et culturels de fond. Il bénéficie de contributions d’intellectuels notamment Eric Fassin, Sociologue (ENS, IRIS, EHESS), qui publie chaque mois une chronique dont les sujets et les approches intéressent le réseau TERRA et qui sont rééditées ici grâce à l’aimable autorisation du journal et de l’auteur. Cette page accueillera les prochaines chroniques et sera actualisée aussi longtemps que nécessaire.
Quelques minutes avant la fermeture des portes, des cris au dernier rang de l’avion. Une reconduite à la frontière classique.Deux personnes tentent de contenir un homme d’une quarantaine d’années qui se débat violemment. On croit d’abord à une bagarre entre passagers. Certains veulent les séparer mais en sont vite dissuadés par les policiers qui se font alors connaître. S’ensuit une scène d’une grande violence : l’un des policiers pratique un étranglement sur le passager, l’autre lui assène de grands coups de poing dans le ventre. Ses hurlements se transforment en plaintes rauques.
Parce que les choses s’aggravent, parce que la dissuasion clandestine, surtout quand elle s’accompagne d’une disqualification de ceux qu’elle éconduit, et d’une affectation d’honorabilité de ceux qui y contribuent, est une stratégie déshonorante, et que la déshonneur rejaillirait sur quiconque, après s’en être avisé, renoncerait à s’en ouvrir, il faut franchir un cran dans la dénonciation des modes de gestion du droit d’asile.
Je me suis entretenue aujourd’hui avec la famille de Elanchelvan, réfugiée en France, au sujet de votre demande. Ils sont tout à fait d’accord pour que vous publiez sur TERRA les documents ayant trait aux différentes démarches que Elanchelvan avait faites lorsqu’il était en France dans la mesure où, comme vous, ils ont voulu rendre son assassinat public afin d’éviter que d’autres personnes comme lui ne soient renvoyées à la mort. Avec leurs mots, c’est "Lui, il est perdu, on ne peut plus rien faire pour lui, mais il ne faut plus que ça arrive à d’autres, y compris ceux qui viennent d’ailleurs que du Sri-Lanka".
La première fois, c’est arrivé à Lampedusa. Une île, certes, mais aussi un lieu qui se laisse percevoir comme privé d’espace concret, physique, puisque, depuis quelques années, elle est une sorte de point d’origine, de matrice et de concentration de tout ce qui advient autour des migrants et qui de là s’irradie dans d’autres directions pour "rarriver" ailleurs. La première fois, donc, c’est arrivé à Lampedusa. Ce n’était pas le premier naufrage, auparavant, on en avait vu d’autres, là-bas, dans cette mer, ou dans des mers voisines ; auparavant, on avait parfois fait semblant de ne pas voir, comme pour le naufrage de Portopalo : quatre années de silence sur les corps entraînés par l’eau, quelquefois repêchés et rejetés à la mer par les pêcheurs.
Le 30 décembre 2005, eut lieu l’effroyable massacre, par la police égyptienne, d’un nombre de Soudanais oscillant, selon les sources, entre 27 personnes (d’après les autorités) et plus de 200 (d’après le chiffre cité « selon des témoins oculaires, la presse internationale et des organisations des droits de l’homme » par le Parlement européen). Faisant suite au traité de paix au Sud-Soudan de juin 2004, le HCR a décidé d’arrêter toute procédure en vue de la reconnaissance du statut de réfugié en faveur des Soudanais. Durant des semaines les pourparlers entre l’organisation onusienne et les leaders des réfugiés ont « pataugé » jusqu’à ce que le HCR sollicite la police égyptienne pour évacuer les manifestants. Barbara Harrell-Bond, anthropologue, spécialiste des Etudes sur les Réfugiés et la migration forcée (Forced Migration and Refugee Studies) de l’Université Américaine du Caire répond aux questions de Fabienne Fabienne Le Houérou (Le Caire, 28 avril 2006).
Cette violence appelée excision est prise en compte en tant que persécution spécifique aux femmes dans le droit français. Une femme persécutée peut argumenter de son refus de l’excision pour demander le statut de réfugiée à l’O.F.P.R.A. et la C.R.R., mais, à ce jour, qu’elle soit excisée et que sa demande s’articule sur les stigmates de cette persécution ne suffit pas. Il faut que cette femme soit mère d’une fille mineure (non excisée) et qu’elle s’oppose à son excision en cas de retour au pays d’origine. L’OFPRA et la C.R.R. pousse, en outre, à rajouter dans le dossier d’asile, un certificat d’examen médical gynécologique de la mère et de la fille. Celui ci se doit d’établir l’excision de la mère et la non excision de l’enfant. Pour l’OFPRA c’est encore insuffisant l’office accrédite des structures reconnues par ses services comme expertes pour effectuer en amont un pré-tri des étrangères.
Dans ce témoignage recueilli par l’association Migreurop et publié dans son livre intitulé Guerre aux migrants – Le livre noir de Ceuta et Melilla, (Paris : Migreurop, juin 2006, pp. 17 à 26), la parole est donnée à Serge C, jeune exilé ivoirien de 28 ans qui a traversé l’Afrique subsaharienne et le Maghreb pour chercher refuge en Europe. Il décrit les moments les plus cruciaux de son parcourt et l’arrivée au Maroc "au mauvais moment", celui de la phase paroxystique, à l’automne 2005, de la répression hispano-marocaine qui fera de nombreux morts parmi les exilés devant les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila.
Les femmes, qui constituent plus de la moitié des réfugiés et des personnes déplacées dans le monde, sont toujours les victimes d’une vision machiste et obsolète du droit d’asile, vision qui continue malheureusement de prévaloir à de trop nombreuses reprises en France. Etant familier avec le monde du droit d’asile, l’auteur est convaincu que la grande majorité des professionnels de ce secteur sont sensibles, avertis et attentifs à la situation des femmes, car leur fragilité est apparente et alarmante. Mais il sait aussi combien il est difficile de garder en tête les particulières nécessités de la protection des femmes lorsque l’on est responsable de la gestion quotidienne de l’application des lois sur l’asile.
« L’État-nation, incapable de fournir une loi pour ceux qui avaient perdu la protection d’un gouvernement national, remit le problème entre les mains de la police » : Hannah Arendt caractérisait ainsi, il y a un peu plus de cinquante ans, le sort de ceux qu’elle appelait les « sans-État ». Plongés dans le trouble de l’exil et les risques de l’anonymat, les réfugiés disent une complainte qui reste inaudible : « Personne ne sait qui je suis ». En fuyant, ils ont dû renoncer à leur citoyenneté qui est le nom d’une double relation politique – à la fois reconnaissance et protection d’un État. Ils sont devenus des sans-État de fait.
L’exil, pas plus que le deuil, n’est seulement privation -des paysages, des affections, des nourritures, des odeurs, des sonorités, en particulier celle de la langue, où l’on puisait ses repères, une facilité d’être, sans effort, à laquelle il vous force à renoncer- ; l’exil, comme le deuil, est aussi encombrement, de l’âme, de l’esprit et du corps, par la nostalgie des liens distendus ou détruits, la honte des batailles perdues, la peur des violences subies, et dont, pour peu que rien ne garantisse la pérennité de l’asile ou de l’accueil qui vous est concédé, pour peu que les frontières soient poreuses, on n’arrive pas à se persuader qu’on n’est, pour de bon, plus menacé.