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Reflets

Recueil Alexandries

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mai 2024

Jérôme Valluy

Devenir des Écoles Doctorales face aux IAg ?

auteur

Professeur au Département de science politique (Ufr11) de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Chercheur au centre de recherche COSTECH de l’Université de Technologie de Compiègne. Livre : Jérôme Valluy, Humanité et numérique(s) – De l’histoire de l’informatique en expansion sociétale… au capitalisme de surveillance et d’influence (1890-2023), Collection HNP, TERRA-HN-éditions, 2023, 255 p. (+ Allemand, Anglais, Espagnol, Grec, Italien, Portugais) : (...)

résumé

"J’en suis arrivé à la conviction qu’il est aujourd’hui possible de produire une thèse de doctorat en science politique, avec ChatGPT4 (Microsoft) ou Gemini (Google), en cinq mois au lieu de cinq ans, sans que les deux types de thèses ne soient différenciables intellectuellement, technologiquement ou juridiquement (ChatGPT4 produit une estimation de 1 à 2 ans au lieu de 3 à 5 ans qui me paraît prudente par effet de dressage centralisé d’entreprise tendant à se prémunir contre des risques d’opinions publiques, comme des critiques politiques et réticences sociales à l’usage). Vu la vitesse d’accélération de l’élévation des niveaux de performances des IAg depuis un an et demi, involontairement « dressées » par les dizaines de millions de personnes qui les utilisent déjà (dressage décentralisé), il est improbable que cette vitesse se réduise dans les prochaines années. Les détecteurs de plagiat sont aujourd’hui morts, aveuglés par les IAg de paraphrase ; les détecteurs de textes artificiels n’ont jamais existé réellement et n’existent toujours pas. Toutes les observations socioéconomiques conduisent à penser que les entreprises concernées, notamment Microsoft et Google, n’ont aucun intérêt économique à favoriser des détections efficaces de ce que leurs machines produisent. Il faut donc s’organiser dès maintenant pour faire face à ce type de réalités et à d’autres types d’évolutions similaires, dans les prochaines années et décennies. "

à propos

Le texte ci-dessous est une "profession de foi" adressée le 6 mai 2024 à l’occasion d’un renouvellement de direction d’École Doctorale à des collègues de science politique mais aussi à l’ensemble des dix Écoles Doctorales de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et donc plus largement au vaste champ des sciences humaines et sociales. Il conduit à s’interroger sur le devenir des Écoles Doctorales et des sciences humaines et sociales face au tournant numérique des trente dernières années et face à l’arrivée des "intelligences artificielles génératives" en accès relativement ouvert. Il a été préparé et prolongé par des observations présentées au groupe "IA & ESR" de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne le 22 mai 2024 (ci-dessous en PDF).

citation

Jérôme Valluy, "Devenir des Écoles Doctorales face aux IAg ?", Recueil Alexandries, Collections Reflets, mai 2024, url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article1481.html

641.1 ko

Compte-rendu d’observations au groupe "IA & ESR" de Paris 1 Panthéon-Sorbonne le 22/05/24.

Lundi 6 mai 2024

Chers collègues,

Étant candidat à la direction de l’École doctorale de science politique de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, je vous propose un programme axé sur l’excellence académique, bien sûr, mais en la recherchant dans la collaboration interdisciplinaire et l’internationalisation, et en adaptant nos méthodes et notre organisation à l’ère numérique. Évidemment les doctorants et leurs laboratoires sont au centre de toutes les préoccupations et de tous les points de ce programme. Ils seront au centre de sa mise en œuvre, mais aussi les chercheurs, enseignants et administrateurs de l’École de Science Politique de la Sorbonne (ESPS) étroitement liée à l’ED.

C’est un programme qui ambitionne de reconcevoir ce que peut être une école doctorale de science politique en 2024, en tenant compte des nécessités actuelles, comme moteur de progrès, en adaptations et protections face au numérique, dans le périmètre large de l’ESPS, Diplômes, Laboratoires, Administrations… Ceci sans focalisation sur le passé, sauf sous un angle : la conviction profonde qui est la mienne que nous devons relier plus étroitement que jamais l’héritage intellectuel en sciences sociales des derniers siècles et la nécessité de faire face au présent et aux futurs possibles et/ou probables. D’où la forme originale de cette profession de foi consistant à citer des auteurs classiques dont les choix individuels n’ont pas d’autre signification que celle précédemment énoncée.

Je travaille intensément, quotidiennement, sur & avec les « intelligences artificielles génératives » (IAg) depuis plus d’un an, notamment avec le « Groupe IA et ESR » créé par notre Vice-Président « numérique » et avec mon centre de recherche. J’explore aussi les possibles avec des étudiants de Licence, Master et Doctorat. J’en suis arrivé à la conviction qu’il est aujourd’hui possible de produire une thèse de doctorat en science politique, avec ChatGPT4 (Microsoft) ou Gemini (Google), en cinq mois au lieu de cinq ans, sans que les deux types de thèses ne soient différenciables intellectuellement, technologiquement ou juridiquement (ChatGPT4 produit une estimation de 1 à 2 ans au lieu de 3 à 5 ans qui me paraît prudente par effet de dressage centralisé d’entreprise tendant à se prémunir contre des risques d’opinions publiques, comme des critiques politiques et réticences sociales à l’usage). Vu la vitesse d’accélération de l’élévation des niveaux de performances des IAg depuis un an et demi, involontairement « dressées » par les dizaines de millions de personnes qui les utilisent déjà (dressage décentralisé), il est improbable que cette vitesse se réduise dans les prochaines années. Les détecteurs de plagiat sont aujourd’hui morts, aveuglés par les IAg de paraphrase ; les détecteurs de textes artificiels n’ont jamais existé réellement et n’existent toujours pas. Toutes les observations socioéconomiques conduisent à penser que les entreprises concernées, notamment Microsoft et Google, n’ont aucun intérêt économique à favoriser des détections efficaces de ce que leurs machines produisent.

Il faut donc s’organiser dès maintenant pour faire face à ce type de réalités et à d’autres types d’évolutions similaires, dans les prochaines années et décennies. Je plaide depuis plusieurs mois au sein des instances centrales de Paris 1 pour la création d’un centre de recherche en sciences humaines et sociales, idéalement comme unité propre de recherche, transdisciplinaire et trans-composantes, spécialisé sur les IAg et le tournant numérique, les deux dimensions se confondant depuis plus de vingt ans, même si nous n’en prenons conscience que depuis deux ans. Des initiatives sont en réflexion voire en genèses, mais j’ignore si elles aboutiront, s’approcheront de l’idéal et, surtout, à quelle vitesse. Je doute aussi que ce centre de recherche soit suffisant à l’échelle de l’établissement pour aider tout le monde à affronter les évolutions en cours. Les Diplômes et Laboratoires se réorganisent, mais, nécessairement, lentement. Les Écoles Doctorales pourraient jouer un rôle beaucoup plus important et plus large que par le passé à cet égard, tant pour la formation des étudiants de Doctorat, de Master, que des chercheurs dans les Laboratoires et des administrateurs dans les composantes.
D’où la nécessité de reconcevoir ce qu’est une ED, d’où les points clés de ce programme :

- Renforcement de la recherche : Développer des partenariats avec d’autres institutions académiques et centres de recherche pour enrichir notre offre de recherche et offrir plus d’opportunités de collaboration à nos doctorants. Lancer des projets conjoints sur les sujets émergents comme le capitalisme numérique, la cybersécurité et la gouvernance numérique, en invitant des spécialistes pour des ateliers réguliers. Réexaminer les théories classiques face aux sociétés numérisées d’une planète numérisée depuis celles de la communication à deux niveaux de Lazarsfeld et Katz ("Influence personnelle") ou de la spirale du silence de Noelle-Neumann ("The Spiral of Silence") jusqu’aux théories des relations internationales de Morgenthau ("Politics Among Nations") ou de Aron ("Paix et guerre entre les nations"). Chercher à intégrer, avec esprit critique, les outils numériques dans nos pratiques de recherche et celles des doctorants pour exploiter la sociologie des données massives et les productions des intelligences artificielles génératives, aujourd’hui essentielles pour comprendre les dynamiques sociales et politiques complexes d’aujourd’hui. Des ateliers et des projets conjoints permettront d’évaluer l’impact des outils numériques avant toute intégration systématique. Nous envisagerons des partenariats stratégiques avec des institutions dotées de compétences numériques et susceptibles de nous soutenir financièrement, tout en préservant nos standards académiques rigoureux.

- Internationalisation : Augmenter notre visibilité et notre attractivité à l’international par des programmes d’échanges, des conférences internationales et des collaborations avec des universités étrangères notamment en Europe, en Amérique du Nord et en Afrique. Utiliser les plateformes de collaboration en ligne pour faciliter des interactions constantes avec des chercheurs du monde entier, tout en restant vigilant quant à la qualité et la sécurité de ces nouveaux modes de communication. Solliciter davantage les compétences et les réseaux de nos collègues les mieux implantés dans l’espace scientifique de l’Union européenne, d’Amérique du Nord et d’Afrique pour favoriser ces collaborations et les recherches de leurs financements. Identifier dans les diasporas internationales notamment chinoises, russes et indiennes des collègues compétents en science politique afin de favoriser, par des collaborations, notre suivi des transformations mondiales. Favoriser par des collaborations internationales l’enrichissement de notre compréhension des champs politiques et culturels mondiaux au sens de Bourdieu ("Les Règles de l’Art") à l’ère numérique. Développer et encourager les analyses comparatives de systèmes politiques pour comprendre les diverses rationalisations et bureaucratisations observables à travers ce monde numérisé en s’inspirant par exemple de Weber ("Économie et société"). Établir une série de webinaires mensuels avec des partenaires internationaux pour discuter des dernières recherches et théories en science politique et conserver ainsi durablement à la science politique de Paris 1 un rôle de leader en France.

- Soutiens spécifiques aux Doctorants : Améliorer les ressources disponibles pour nos doctorants, notamment en termes de financements, de formations complémentaires et de soutien à la publication de leurs travaux notamment sur le plan financier grâce au dispositif envisagé au point 7 ci-dessous de regroupement d’informations sur les financements initiaux et complémentaires. Inclure des formations aux nouveaux outils numériques et analytiques non pas seulement sous l’angle des usages qui peuvent en être faits dans la recherche, mais également sous l’angle de la critique de leurs usages sociaux dans la recherche contemporaine et dans la société, sans jamais dissocier les deux approches favorables aux critiques de la technologie. Mettre en place un nouveau programme de mentorat numérique où les doctorants pourront recevoir des conseils et un soutien en ligne de chercheurs établis. Tout en reconnaissant l’importance des compétences numériques, veiller à ce que nos formations complémentaires maintiennent un équilibre avec les méthodes éprouvées de la recherche en science politique pour soutenir la publication de travaux tout en intégrant des compétences réadaptées.

- Dialogue interdisciplinaire : Encourager les échanges entre différentes disciplines au sein de notre université pour enrichir les approches méthodologiques et théoriques de nos recherches, par exemple, en explorant les intersections de genre, de pouvoir et de politique en tirant parti de Bourdieu ("La domination masculine") ou encore la grande diversité des approches de l’État, de Burdeau ("Traité de science politique") à Duverger ("Les Partis politiques") tout en cherchant, à chaque occasion, à examiner les différentes façons d’utiliser les classiques dans les sociétés numérisées d’aujourd’hui. Promouvoir l’utilisation de méthodologies innovantes issues du numérique pour créer de nouvelles perspectives dans l’analyse politique, par exemple en travaillant par IAg sur des corpus juridiques à la recherche de formes d’objectivation nouvelles, technologiques, des non-droits de Carbonnier ("Flexible droit") ou du flou du droit de Delmas-Marty ("Le flou du droit"). Organiser des hackathons annuels qui réunissent des étudiants en science politique, en informatique et en statistique pour développer et surtout tester de nouvelles approches analytiques, instrumentées ou pas, face aux réalités numériques contemporaines. Cet encouragement aux échanges entre disciplines, implique de rester vigilant pour que ces dialogues renforcent, et non diluent, la rigueur de notre champ disciplinaire qui doit rester la science politique construite depuis un demi-siècle tout en l’adaptant aux évolutions des trente dernières années.

- Engagement sociétal : Intensifier notre rôle dans le débat public et notre contribution à la société par des initiatives de recherche et des engagements citoyens, comme, par exemple, sur la démocratie participative. Développer des partenariats avec des médias professionnels et des journalistes professionnels, pour produire et diffuser des analyses critiques des structures de pouvoir, notamment des anciens et nouveaux médias, en mettant l’accent sur la responsabilité éthique inspirée par Weber ("Le Savant et le Politique"). Favoriser ainsi la diffusion vers un public large des connaissances produites dans les thèses de doctorat les plus éclairantes sur les sociétés contemporaines et leurs découvertes relatives aux évolutions récentes de ces sociétés, ceci pour rendre la science politique à la fois accessible et réactive aux préoccupations actuelles. Certaines plateformes numériques de participations élargies aux débats publics pourraient être intéressantes à utiliser afin de favoriser des échanges avec la société sur l’agenda scientifique et sur les méthodes scientifiques, tout en favorisant la diffusion des connaissances issues des thèses. Mais de tels usages devraient s’accompagner de réflexions et surtout de réexamens de concepts tels que ceux de « société civile » et « d’État » à l’ère numérique en s’inspirant des classiques, de Hobbes ("Le Léviathan") à Marx ("La Question juive"), de Tocqueville ("De la démocratie en Amérique") à Gramsci ("Cahiers de prison"), de Locke ("Deux Traités du gouvernement",) à Duguit ("Traité de droit constitutionnel"). L’engagement de notre école dans le débat public doit, dans tous les cas, rester mesuré et réfléchi, même en utilisant des plateformes numériques, ceci afin de maintenir notre intégrité académique et de ne pas diffuser involontairement des illusions technologiques dans la société.

- Équilibre des sous-spécialités : Pour conserver à la science politique sa force d’analyse des conjonctures actuelles, il faut soutenir et promouvoir des équilibres délicats entre les différentes sous-spécialités de la science politique, mais aussi à l’ère numérique, entre empirie et théorie et également entre macro- méso- et micro-sociologies. Puisant dans la variété des sous-disciplines explorées par les penseurs comme Durkheim ("Le Suicide") ou, avec lui, Zuboff ("L’âge du capitalisme de surveillance"), il faut veiller à un développement équilibré entre les approches empiriques et théoriques au sein de notre école, ainsi qu’entre les visions globales de plus en plus nécessaires, quand cinq milliards d’humains sur huit sont connectés à l’internet et les approches plus étroitement focalisées et approfondies. Cela inclut aussi l’allocation équitable de ressources pour les recherches en politique comparée, relations internationales, politique française, théorie politique, sociologie du genre, communication politique, gouvernances européennes, sociologie électorale, socioéconomie du politique, science administrative, sociologie des mobilisations sociales, développement et action humanitaire, actions publiques européennes et internationales... Nous organiserons des séminaires et des conférences inter-spécialités pour encourager les échanges et collaborations entre elles, renforçant ainsi notre compréhension globale des enjeux politiques à l’ère numérique.

- Articulations entre les Masters et l’École Doctorale : Mutualiser avec d’autres ED de science politique et des ED d’autres disciplines, de Paris 1 et d’autres établissements, un dispositif de regroupement d’informations sur les financements initiaux et complémentaires des thèses de doctorat, un peu à l’image de ce que réalisait l’ANDES dans les années 1990 en utilisant tous les moyens technologiques de recherches automatisées et d’IAg pour réaliser cela à moindres frais. Mettre en place des passerelles structurées entre les programmes de Master en science politique et notre École Doctorale pour garantir une continuité pédagogique et scientifique, favorisant l’initiation à la recherche dans les Masters ainsi que les vocations doctorales. Ces passerelles pourraient correspondre à des domaines thématiques, des théories anciennes à réexaminer ou à des auteurs : par exemple, en nous inspirant de Foucault ("Surveiller et punir"), nous pourrions créer une passerelle théorique et pratique permettant une meilleure compréhension des dynamiques de pouvoir et de surveillance dans le contexte actuel ; ou, en nous inspirant de Marcuse ("L’Homme unidimensionnel"), une passerelle pour comprendre comment l’industrie numérique réprime les potentiels de libération et d’émancipation humaine, en intégrant la technologie et la consommation comme formes de contrôle social. Cela inclura aussi des ateliers conjoints, des projets de recherche intégrés, et des opportunités de mentorat par les doctorants pour les étudiants de Master, afin de préparer ces derniers à des carrières académiques et professionnelles menacées et/ou reconfigurées par le numérique.

- Formation à l’utilisation efficace et éthique des IAg : Il convient de mettre en place, très vite, des formations sur l’utilisation efficace et éthique des intelligences artificielles en recherche académique. En s’inspirant de Rousseau ("Du contrat social") un nouveau contrat social de la recherche est à concevoir, en commençant par s’affranchir du tabou social des usages clandestins et en fixant ensuite des principes éthiques et déontologiques nouveaux d’utilisations intenses et réfléchies des IAg. Ces formations viseront à renforcer les compétences des doctorants sur les opportunités et les défis liés à l’IAg, tout en promouvant une utilisation transparente et responsable. Des formations « études de cas » peuvent être imaginées par exemple en analysant collectivement avec IAg des grands ensembles de données politiques pour identifier des tendances électorales ou pour modéliser des scénarios d’action publique, tout en raisonnant sur des normes notamment de confidentialité et de protection de la vie privée. Cet engagement collectif rapide, intense et profond dans les usages des IAg, pour ne pas en devenir seulement dépendant, nécessite de déconstruire aussi, par exemple avec Marx ("Le Capital"), les structures économiques qui sous-tendent les IAg et, par exemple avec Althusser ("Pour Marx"), les structures surconscientes (ex. : appareils idéologiques d’État) de reproduction des conditions de production. En intensifiant nos propres usages des IAg et en faisant appel à des chercheurs spécialisés, nous montrerons aux étudiants de Master et de Doctorat l’intérêt d’utiliser les IAg comme outils d’exploration aux performances étonnantes, mais aussi leurs grandes faiblesses comme béquilles intellectuelles. En écho aux idées de Weber sur la rationalisation ("Économie et société"), nous encouragerons des approches critiques de l’utilisation des IA, en soulignant aussi les risques de déshumanisation, sans rien oublier des enseignements d’Adorno et Horkheimer ("La Dialectique de la raison") montrant comment la raison instrumentale et la culture de masse servent à opprimer les individus.

- Recherche pour l’enseignement : À la charnière des Laboratoires et des Diplômes, l’ED peut favoriser cette perspective de travail qui n’est pas nouvelle, mais à réinventer dans l’ère numérique. Il ne s’agit ni seulement de recherche sur la pédagogie numérique et ses outils, ni seulement de didactique ou de sciences de l’éducation. Il ne s’agit pas seulement non plus de réactualiser à l’ère numérique une forme classique de « recherche pour l’enseignement », celle des manuels universitaires depuis de celui de Say ("Traité d’économie politique") ou celui de Hauriou ("Précis de droit administratif") jusqu’aux manuels modernes, mais l’ED peut prendre des initiatives novatrices en ce sens, pour des formats numériques en accès ouvert & papiers, en partenariat avec les Presses Universitaires de la Sorbonnes ou d’autres éditeurs. Il s’agit surtout d’intégrer dans les méthodologies de sciences sociales les contraintes de rapidité des transformations –numériques, mais pas seulement – des sociétés, de rapidité d’obsolescence des recherches sur le présent, de rapidité nécessaire des contrôles de fiabilité des résultats à transmettre aux doctorants et aux autres étudiants. Par exemple, des méthodes de recherches bibliographiques en chronologie inversée sur des temps courts de cinq à dix ans ou encore des réflexions à renouveler sur les relations entre sciences humaines et sociales et journalismes d’investigation sur le numérique. Notre ED et l’ESPS sont privilégiées par l’abondance des approches sociohistoriques du présent, à obsolescences limitées. Mais il faut se doter de moyens nouveaux afin de pouvoir réactualiser continuellement les contenus en science politique, en préservant un équilibre entre les connaissances fondamentales et les nécessités d’adaptation à l’ère numérique.

- Financement du programme : au-delà de ce qui nous est alloué par l’université Paris 1, nous chercherons à obtenir des financements auprès d’organismes publics et privés dédiés à la recherche et à l’innovation en sciences sociales. Nous solliciterons l’ANR pour des projets spécifiques qui favorisent l’innovation et la collaboration interdisciplinaire dans le domaine de la science politique. Nous demanderons des financements du MESR pour le développement de programmes de formation, pour l’internationalisation de nos cursus ainsi que pour le renforcement de nos infrastructures numériques. Nous ferons appel au Programme Horizon Europe pour des projets de recherche collaboratifs à l’échelle internationale. Nous exploiterons les opportunités de financement du CNRS pour des projets qui impliquent des collaborations entre les sciences humaines et sociales et d’autres disciplines. Nous solliciterons des aides régionales IdF pour des projets qui contribuent au développement socio-économique et culturel de la région. Nous solliciterons la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH) pour des projets spécifiques, des conférences et des échanges académiques. Nous chercherons à obtenir des financements de la Fondation de France pour des projets de recherche qui visent à intégrer la société civile et à développer une compréhension des dynamiques politiques contemporaines. D’autres fondations comme la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) seront à examiner pour financer des études sur les nouvelles tendances en politique et les impacts de la numérisation sur la société.

- Gouvernance de l’École Doctorale : Je m’engage à promouvoir une gouvernance de l’École Doctorale qui soit à la fois transparente, démocratique et inclusive. Cette gouvernance sera guidée par des valeurs humanistes, telles que le respect mutuel, l’équité et la solidarité entre tous les membres de l’école - doctorants, enseignants, chercheurs et personnel administratif. Nous établirons des mécanismes de consultation réguliers pour assurer que toutes les voix soient entendues et prises en compte dans la prise de décision. Sur les dix précédents points, nous mettrons en place des comités comprenant des membres de divers secteurs de notre communauté éducative et scientifique. Ces comités auront pour mission de surveiller les processus décisionnels et de garantir que les politiques et les initiatives de l’école reflètent nos valeurs partagées et contribuent au bien-être de tous. L’objectif est de renforcer le sentiment d’appartenance et de responsabilité collective, favorisant ainsi un environnement académique où chacun se sente valorisé et soutenu.

Mon objectif est d’assurer, à long terme, la meilleure protection et la meilleure cohésion possible de notre communauté éducative et scientifique telle qu’elle s’incarne partiellement dans l’ED, mais aussi dans d’autres instances, face aux risques actuels de dévalorisation de nos productions, d’obsolescences rapides de nos dispositifs éducatifs et scientifiques, mais aussi de réduction des libertés académiques et de dégradation des conditions de travail dans le service public. Je crois que la meilleure façon de procéder est de faire de notre ED un leader de la science politique, reconnue comme telle en France et à l’étranger, reconnue pour son excellence académique, sa modernité fondée sur une histoire intellectuelle ancienne de la science politique au sein des sciences humaines et sociales et son impact sociétal dans un 21e siècle massivement numérisé. Je compte sur votre soutien pour réaliser ensemble ces ambitions. Bien cordialement,

Jérôme