Cette violence communément appelée excision est aujourd’hui prise en compte en tant que persécution spécifique faite aux femmes dans le droit français et dans son application. Une femme persécutée peut donc argumenter de son refus de l’excision pour demander le statut de réfugiée à l’O.F.P.R.A. et la C.R.R., mais à ce jour, qu’elle soit excisée et que sa demande s’articule sur les stigmates de cette persécution. ne suffit pas en soi. Il faut que cette femme soit mère d’une enfant mineure (fille non excisée) et qu’elle s’oppose à son excision en cas de retour au pays d’origine. L’OFPRA et la C.R.R.pour qui le récit de persécution n’est pas une garantie suffisante pousse à rajouter dans le dossier d’asile en tant qu’élément de preuves, un certificat d’examen médical gynécologique de la mère et de la fille. Celui ci se doit d’établir l’excision de la mère et la non excision de l’enfant. En ce qui concerne l’OFPRA c’est encore insuffisant pour octroyer un statut de réfugié. Bien que la loi n’en dise rien, cette administration sous la tutelle du ministère de l’intérieur, accrédite des structures reconnues par ses services comme expertes pour effectuer en amont un pré-tri des étrangères.
Dans son rapport « La violence sexuelle et sexiste contre les réfugiés, les rapatriés et les personnes déplacées » [1] Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés définie les mutilations sexuelles [2] féminines ainsi :
Section des organes génitaux pour des raisons non médicales, généralement pratiquée en bas âge, allant de la section partielle à l’ablation totale des parties génitales, en passant par leur suture pour des raisons culturelles ou autres raisons non thérapeutiques ; intervention souvent subie plusieurs fois au cours de la vie d’une femme (p. ex. après l’accouchement ou après une agression sexuelle). Pratiquées par : Praticiens traditionnels, appuyés, tolérés ou assistés par la famille, les groupes religieux, la communauté entière et certains États.
Cette violence communément appelée excision est aujourd’hui prise en compte en tant que persécution spécifique faite aux femmes dans le droit français [3]et dans son application.
Une femme persécutée peut donc argumenter de son refus de l’excision pour demander le statut de réfugiée à l’O.F.P.R.A. et la C.R.R. [4], mais à ce jour, qu’elle soit excisée et que sa demande s’articule sur les stigmates de cette persécution. ne suffit pas en soi .
Il faut que cette femme soit mère d’une enfant mineure (fille non excisée) et qu’elle s’oppose à son excision en cas de retour au pays d’origine.
L’OFPRA et la C.R.R.pour qui le récit de persécution n’est pas une garantie suffisante pousse à rajouter dans le dossier d’asile en tant qu’élément de preuves, un certificat d’examen médical gynécologique de la mère et de la fille.
Celui ci se doit d’établir l’excision de la mère et la non excision de l’enfant
En ce qui concerne l’OFPRA c’est encore insuffisant pour octroyer un statut de réfugié. Bien que la loi n’en dise rien, cette administration sous la tutelle du ministère de l’intérieur, accrédite des structures reconnues par ses services comme expertes pour effectuer en amont un pré –tri des étrangères.
Dans les dossiers de « protection excision » est exigée une expertise sociologique du G.A.M.S. [5] seule structure reconnue par l’Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides. Ce document vient compléter le dossier soit à la demande de la dépositaire du dossier soit à la demande de l’administration compétente
La Commission de Recours des Réfugiés qui elle en tant que juridiction, conserve un tant soit peu d’indépendance ne tient pas compte à ce jour de ce document sociologique.
Dans les 21 jours suivant son entrée en France ou au mieux dans les 2 premiers mois, [6] le parcours d’asile suivant doit être accompli par la femme qui demande l’asile pour mutilations sexuelles sans qu’elle soit pour autant assurée de l’obtenir. Comme nous allons nous efforcer de le démontrer, il multiplie les intermédiaires entre l’Etat et la personne contrainte de relater à plusieurs reprises son histoire ?
En sus de « l’imagerie du faux réfugié » [7]propre à l’OFPRA, c’est le contenu de son dossier associé à ce qu’elle défendra, seule, lors de l’entretien individuel à l’O.F.P.R.A. qui sera déterminant.
Jour 1 : Permanence d’accueil associative :
première prise de contact-orientation/ information sur les démarches
Préfecture : retrait du dossier d’asile
Permanence d’accueil : recueil du récit de vie ,montage du dossier d’asile
Certificat médical : justification de l’examen gynécologique
Certificat sociologique : justification du certificat
Permanence d’accueil : recueil des justificatifs – clôture du dossier 1ère instance
Jour 21 : O.F.P.R.A. : réception du dossier
Les A.S.T.I. [8] sont, de fait, par leur démarche de solidarité active respectueuse des histoires de vies, des lieux privilégiés de rencontre entre personnes migrantes primo arrivantes et personnes installées en France et favorisent donc l’accès aux donc d’accès aux codes sociaux du pays d’accueil.
La politique d’immigration illustrée par l’obligation de récits de persécutions de plus en plus détaillés et des délais de dépôt des dossiers d’asile de plus en plus réduits pénalisent ce qui hier, nous permettait d’être des espaces passerelles entre les normes du pays d’origine et celles du pays d’arrivée.
« A l’asile politique c’est substituée la raison humanitaire ;l’individu menacé à laissé place au corps souffrant » [9]
Nous avons de plus en plus de mal à rester cette boite à outils libre d‘accès, à la portée de toutes et tous, permettant un processus réel d’intégration.
La prise en compte de cette pratique coutumière qu’est l’excision se fait ,en France au prisme d’une médiatisation érotisée et n’est pas s’en soulever bon nombre d’inquiétudes tant sur le plan de l’accompagnement global de la personne confronté à l’instrumentalisation des outils médico-sociaux que sur celui d‘une application du droit d’asile inadaptée.
Par conséquent en nous situant clairement dans la lutte contre l’excision et par delà des réactions émotionnelles qui maintiennent ces femmes et leur histoire dans l’impensé, il nous est nécessaire d’effectuer une première analyse de l’accompagnement de ces femmes et de son efficience, et d’évaluer ce qui de fait, pourrait par effet boomerang, enfermer les personnes accueillies dans une impossibilité à se défaire des pratiques de l’excision et continuer alors à les reproduire .
Complexité de l’appréhension des mutilations sexuelles féminines
Que se joue–t-il lorsqu’interagissent excision et droit d’asile, norme d’origine et norme d’accueil ?
Lors d’ une permanence d’accueil pour une prise en compte globale de la personne -historique, politique, sociale, économique et culturelle (Rechtman) par delà la constitution du dossier d’asile, il s’agit de se positionner du côté des femmes : en tant que témoin actif, solidaire de la femme dans les persécutions qu’elle a subie.
Cette approche permet une rencontre qui s’inscrit dans un processus d’échange souvent long et complexe mais qui servira de tremplin pour sortir du conditionnement (Falquet) dans laquelle les femmes victimes de violences sont enfermées .
On ne naît pas excisantE on le devient
L’excellent article de .Christine BELLAS CABANE « Fondements sociaux de l’excision dans le Mali du XXIème siècle » [10] nous donne un aperçu de ce qui motive l’excision : mythes, rapports sociaux, religions qui régissent une place des femmes strictement encadrée :
Dans presque tous les entretiens, la notion de respect des conceptions éducatives des aînés est évoquée. [11]
De fait il faut s’efforcer de comprendre que le groupe familial en mutilant l’enfant agit dans la seule forme d’inscription sociale dont il a connaissance et. assume à sa manière sa responsabilité à préparer l’avenir de son enfant dans une société donnée. Une petite fille non excisée une fois adulte, n’aura pas de place dans cette société.
On peut dire que l’excision est justifiée de nos jours par ceux qui la pratiquent, comme un moyen de maîtrise de l’hypersexualité fantasmée de la femme africaine, sans pour autant que cela porte atteinte à sa capacité d’accéder au plaisir sexuel. Dans cette représentation paradoxale, elle agirait comme une régulation mécanique du désir. Elle serait en fait l’outil d’une incorporation identitaire, déterminant le comportement féminin reconnu comme correct, selon la norme sociale dominante. Le jugement porté sur l’effet de cette incorporation de la règle n’est pas établi d’après la réalité du comportement de la femme, mais sur l’acte lui même : pour faire partie de la norme, il suffit d’être excisée. Ce qui compte, c’est le marquage physique. Si elles ne l’ont pas subi, les filles restent en l’état de bilakoro, état ambivalent, fragile, inachevé, ne pouvant être considéré comme véritablement humain. [12]
« Avant je ne savais pas qu’il y avait des femmes non excisées ,je n’en connaissais pas. »
« ta fille, si tu demandes l’asile , elle va vivre en France et les hommes ici ils préfèrent des femmes non excisées ».Ces propos échangés en permanence collective sont fondamentaux pour appréhender le processus d’accompagnement des femmes.
Cet échange s’inscrit dansun point d’accroche des deux cultures : la place des femmes en tant qu’ épouse et mère dans des société hétéro centrées et patriarcales mais il est aussi indicateur d’une tentative d’ajustement des différences
D’un côté un pays d’origine où le sexe est intime et où il est acquis que c’est l’acte d’excision (les rituels de passage à l’âge adulte étant aujourd’hui très limités) qui donne un statut social aux femmes et les inscrit comme membre du groupe. De l’autre un pays où la sexualité est affichée [13]. Le statut social se situe dans une sexualité nommée comme désirante et désirable. C’est la capacité de la femme à produire voir à montrer son plaisir qui sera nommée comme valorisante et assurant la pérennité de son statut .
Ils sont aussi révélateur du degré d’intimité relationnel qui se crée dans un espace non mixte , où des féministes, formées à la dimension d’écoute, s’inscrivant dans une démarche de soutien et positionnées dans un rapport égalitaire soutiennent d’autres femmes.
Le juridique est ici un outil de solidarité indispensable à réinscrire dans une globalité . entre deux intervenantes il y a des habitus, une appréhension culturelle et personnelle propre. C’est la capacité d’humilité, de non jugement et de disponibilité qui permettra à l’accueillante de se décentrer de sa culture et à la personne primo arrivante de s’approprier des outils de compréhension d’un système de valeur différent de celui qu’elle vient de quitter.
Le fait que dans un contexte de limitation drastique d’accès au statut de réfugiées, la non excision de la génération suivante puisse permettre l’accès aux papiers de la mère donc de la famille bouleverse un système de valeurs.
Ce qui de fait ne pouvait être évoqué parce que’ ordinaire et tabou : le souvenir de sa propre excision, la douleur qui reste souvent très présente, la place de la femme dans la structure sociale devient accessible et peut conduire à un travail de fond invalidant la transmission des mutilations .
En ouvrant des droits à un statut légal et in extenso une amélioration majeure des conditions de vie familiale, cette petite fille réelle et rêvée peut devenir celle qui va permettre de rompre la traditionnelle chaîne des mutilations et libérer ces mères.
A contrario, l’enfant-papier devient porteuse d’un poids qui peut se révéler préjudiciable dans la relation mère –enfant : le temps du désir n’est pas posé mais imposé par la situation administrative et marque une fois de plus une différenciation femmes françaises –femmes étrangères.
Pour ces dernières le droit à disposer de leur corps, le choix de leur sexualité et de la contraception leur est encore refusé.
De plus en imposant l’enfant comme sésame d’ accès au papiers, l’Etat français infirme la reconnaissance de la souffrance de la mère et ce faisant, ne pose pas une position de lutte réelle contre l’excision et donc de protection des femmes qui en sont victimes( quelque soit leur origine) comme préalable mais se contente d’un acrobatique entre deux. D’une part une médiatisation de cette problématique, d’autre par là comme ailleurs une chasse à la « fausse réfugiée »
Détournement des outils médico-sociaux au profit d’une gestion migratoire
La législation en refusant le statut de réfugiée à une femme qui a déjà été excisée estime ainsi que la persécution se limite à l’acte en lui même.
C’est nier que le trauma produit au moment de la mutilation ne s’arrête pas avec la cicatrisation de la plaie mais peut continuer à se répercuter dans le corps et le psychisme de la femme
Les violences et les souffrances, permanentes et enfin évoquées ou racontées, habitent totalement les récits. Très souvent marquées par des viols caractérisés (« les femmes paient un lourd tribut aux violences sexuelles, avec des atteintes profondes à la sexualité, l’intimité, la vie privée »), ces violences sexuelles, physiques et psychologiques provoquent un psychotraumatisme (ou névrose traumatique) qui représente l’affection la plus répandue parmi les nouveaux patients du Comede. [14]
Il peut être nécessaire d’orienter les femmes en souffrance vers des espaces de soins où la pratique, loin de réduire le migrant à sa seule dimension culturelle, distingue essentiellement malades et non malades et se concentre sur le sujet [15].
S’il n’y a pas une pathologie spécifique au migrant, la situation au pays d’origine, le parcours d’exil peuvent être à l’origine de ce psycho traumatisme (Aïdan-Rechtman) nécessitant un suivi approprié. Mais c’est aussi le non accueil fait en France (Fassin ) à ces personnes qui renforce leur vulnérabilité et empêche alors une efficience du soins : impondérable et harcelante difficultés matérielles, statuts juridiques incertains ne permettent que rarement de s’octroyer le devenu luxe du temps thérapeutique ou simplement de se poser pour digérer le passé et envisager l’avenir : celui ci est toujours source d’angoisse parce que soumis à l’improbabilité d’un statut légal .
Comme si cette réalité matérielle prégnante ne suffisait pas à complexifier le travail du soins, l’injonction institutionnelle de joindre des certificats médicaux au dossier d’asile détourne le sens de la consultation médicale pour le soignant mais aussi pour la patiente .(Veisse).
Ainsi la patiente bascule de l’espace qui soigne à celui qui va valider ou invalider sa parole et en modifiant les enjeux (Fassin) le marque du seau de l’expertise .
Fondée sur « le mythe de la preuve » cette « prime à la torture » témoigne d’une application restrictive de la convention de Genève, qui évoque des craintes de persécutions et non des persécutions avérée[...]En matière de psychothérapie ,l’illusion que la souffrance donnerait des droits conduit à des impasses redoutables. [16].
Par delà l’enjeu éthique du soignant (Veisse), l’acte médical permettant de déceler une excision n’est pas toujours chose aisée et demande une formation spécifique du soignant. L’apparence des organes génitaux des femmes est particulière à chacune (plus ou moins protubérant) et il existe plusieurs types d’excision (de l’ablation du clitoris à l’ablation du clitoris, des petites et grandes lèvres, ou à l’infibulation) [17] .
Entre les pratiques attentives du planning familial où un travail partenarial et des protocoles d’accueil [18] peuvent être mis en place permettant aux soignantes de se situer dans le respect total de l’intégrité de la personne [19], d’autres praticiens reconnus par l’O.F.P.R .A. vont par leurs pratiques malencontreuses (négation de l’excision, refus de donner le certificat en main propre à la patiente )destituée la femme d’une reconnaissance fondatrice de la violence qu’il lui a été faite et redoubler l’obligation habituelle de silence.(Nantes juin 2005)
L’instrumentalisation de la sociologie
Le certificat sociologique est lui, basé principalement sur un interrogatoire de la femme et sur sa généalogie . Depuis 2006, l’O.F.P.R.A. impose un entretien entre l’experte (1 seule en France) et les demandeuses avant toute délivrance de certificat.
Cela suppose d’une part :
Que les demandeuse d’asile disposent d’un accès immédiat à l’information sur cette procédure très spécifique et en comprennent l’utilité. Ce qui est absolument sans rapport avec la réalité des lieux d’accueil des femmes, du parcours d’exil et du processus d‘appropriation culturel de nouvelles normes.
Que ces mêmes personnes soient en mesure de se déplacer jusqu’au local de l’association (3 en France à ce jour) cela signifie trouver de quoi payer des frais téléphonique ,des frais de transports, organiser la vie familiale durant leur voyage ou en leur absence tout ceci dans les 15 jours suivant leur arrivée en France .
Qu’elles acceptent de réitérer leur récit de vie face à des personnes qui vont valider ou invalider celui ci et qui vont détenir le pouvoir de favoriser ou de défavoriser l’obtention du statut d’asile ,une sorte d’entretien OFPRA préliminaire.
Une disponibilité et une éthique majeure de la structure d’expertise seule accréditée à ce jour (G.A.M.S.)et interroge sur les enjeux de cette reconnaissance lorsqu’elle ne s’accompagne pas d’une volonté de diversifier les partenaires pour faciliter la délivrance de ce certificat .
Citons ici Arnaud Veisse, médecin coordinateur du Comède
le certificat destiné à la demande d’asile doit pouvoir être délivré par , nécessaires (cadre, temps, interprète professionnel), le certificat peut aider le patient à se sentir reconnu, mais risque de le fixer dans une position de victime qui bloque les possibilités d’évolution, dans l’espoir que les mots du médecin puissent remplacer les siens [20]
Le fait même de la collaboration entre l’administration habilitée à délivrer un statut de réfugiée et l’association experte fausse les rapports entre la demandeuse et la structure associative .
Il la détourne des valeurs solidaires en institutionnalisant les inégalités et introduit un rapport de domination que les mouvements de femmes ont combattu aussi dans le domaine de la santé : refus de celui qui va dire le vrai à la place de [21]et par ce faire assujetti l’autre à la passivité en le dépossédant de son savoir de l’expérience (de sa capacité à agir sur cette expérience)et donc de sa capacité à la « perlaboration ».. [22]
De plus sur la validité même du certificat sociologique ,une étude de 2006 [23]a permis de démontrer qu’il y avait une « mauvaise corrélation entre l’interrogatoire et l’examen clinique qui tient à de nombreux facteurs : imprécision des termes traditionnels pour désigner les différents types d’excision, méconnaissance des femmes elles-mêmes du type de mutilation dont elles ont été victimes,[…]
Il semble donc que toute étude sur la prévalence de l’excision et de ces différents types, et bien sûr sur ses conséquences sanitaires, se doit de faire référence à l’examen clinique et non à l’interrogatoire. » [24]
L’instrumentalisation des femmes dans la politique migratoire
Sous la pression militante, droit national et international identifient les mutilations sexuelles féminines comme persécutions.
En France cette reconnaissance s’articule dans une évolution sociale globale de prise en compte des violences faites au femmes [25] : La moitié des femmes victimes d’homicide le seraient par leur compagnon (30%) ou un "autre partenaire" (20%) d’après Lecomte et al. [26]
Cette lisibilité nouvelle peut s’entendre comme une prise de conscience , de volonté de déconstruction des normes sociales de domination et de réhabilitation des victimes et aurait pu y englober les mutilations sexuelles mais la différentiation de traitements majeurs entre femmes immigrées et femmes françaises en contredit les éventuels effets positifs.
Sous l’affirmation d’une défense de droits des femmes, certaines d’entre elles étrangères donc étranges (Dewitte) sont exposées à la une des médias dans ce que nous avons toutes de plus intime : le sexe .Alors que nombre de persécutions sont faites en France à des femmes de toutes origines par des hommes de tous horizons, l‘intérêt massif public et politique pour une problématique certes existante en France mais très minoritaire [27], laisse songeuse .
En confondant volontairement immigration et le droit à la protection internationale qu’est le droit d’asile [28], l’Etat français persiste dans sa politique du bouc émissaire( Guénif) à ne pas penser le processus d’accueil de l’autre. et à reproduire des rapports de domination dont notre histoire passé n’a toujours pas fait le bilan. [29]
Ainsi devant cet intérêt compulsif à entendre et voir [30] ,on ne peut s’empêcher de s’interroger sur ce corps objet d’un investissement fantasmatique (Guénif) pour la nature « sauvage » de l’indigène.
L’histoire coloniale française est à ce titre intéressante puisque quelques soient les colonies et les époques, le colonisé semble réduit à son corps : symbole de barbarie des hommes et de bestialité des femmes. :
Ainsi dans les plantations :
Dès le XVIIe siècle le système plantocratique a requis la mise en place d’une politique spécifique en matière de sexualité. Identités et activités sexuelles, mariage et reproduction ont constitué un enjeu crucial dans la mesure ou ils furent au service de la reproduction de clivages sociaux. [31]
Pour satisfaire la moralité coloniale (Dorlin , Paris) intervient alors la construction des stéréotypes de l’identité des femmes:esclaves :sexualité insatiable, et sans pudeur l’imaginaire colonial allant jusqu’à les doter d’ organes sexuels hypertrophiés. afin de légitimer ses théories.
Au XXème siècle pendant la guerre d’Algérie (mai 58) place du Gouvernement à Alger des colons organisent des cérémonies de dévoilements des femmes musulmanes.
Celles ci (pour la plupart illettrées) viennent brûler leur voile sur un podium [32].Cette mise en scène est sensé symboliser le soutien des femmes à l’Etat français et sa culture.
Au XXIe siècle, les femmes immigrées toutes colonies confondues, réduites à leur clitoris ou à leur voile, sont présentées dans des colloques et fond la une de la presse , les unes devenant des affaires d’Etat les autres un problème de santé publique. [33]
Si avec l’évolution des mœurs : la bonne épouse n’est plus celle de la pudeur et la retenue mais celle « libérée »qui contribue à l’épanouissement sexuel de son partenaire, les stéréotypes sur la femme immigrées s’y sont adaptés : l’excision pense- t-on induit chez la femme une aversion pour la sexualité ce qui finalement revient au fait de l’enfermer dans une mystique érotisée et diabolisante. d’un côté une sexualité désirable « blanche » de l’autre une sexualité bestiale indigène.
Une injonction qui ……
a pour fonction de renforcer les liens entre les femmes blanches et les hommes blancs en les rassurant sur leur humanité .C’est s’assurer d’inscrire durablement la domination sociale entre les hommes et les femmes mais aussi entre les femmes entre elles, françaises de souches et les éternelles étrangères donc de racialiser les rapports sociaux. […]la vertu est d’autant plus associé à la blancheur que le vice reste associé à la noirceur . [34]
Dans le même ordre d’idée Nacira Guénif Souleimas souligne :
L’examen des représentations médiatiques de l’ « Arabe »en France depuis les années 1980 met en évidence deux dynamiques à l’œuvre dans les discours dominants : la première ,directement liée à la nouvelle conjoncture internationale, est la recomposition des images de l’ennemi dans un référentiel mondialisé[..] ; et la seconde, renvoyant clairement à l’imaginaire colonial , réduit la question du rapport à l’Autre, dans la « France métropolitaine » à la gestion de « cette menace » avec les outils et les représentations hérités de l’ex Empire. Ces deux techniques médiatiques mobilisent plusieurs techniques discursives-amalgames, dénégation, homogénéisation, utilisation des figures positivisées, autocritique du discours, articulant discours sécuritaire et discours identitaire [35]
Ce détour par l’histoire inscrit les pratiques de lutte officielle contre les mutilations sexuelles dans de multiples résonances dont l’esprit s’illustre dans une citation toujours d’actualité :
« l’indigène a infiniment plus de mal à s’assimiler à notre culture que les Européens, nos voisins, que des siècles d’éducation gréco-latine et chrétienne ont beaucoup rapprochés de nous » [36].
Une fois de plus la femme étrangère est enfermée dans un positionnement inextricable . L’excision devient ici à la fois le symbole de la résistance à l’acculturation et le statut de la honte et du jugement . :elle devient l’autre in intégrable parce que trop étrange, qu’il y a urgence à ré éduquer et qui doit prouver constamment sa bonne foi puisque toujours suspecte Celle qui a été marqué du seau de la différence reste susceptible de récidive et doit être surveillée de près. Les injonctions s de signalements systématiques des familles dites à risques qui sont faites aux travailleurs sociaux sont ainsi édifiantes .Arguant de la responsabilité pénale du soignant ou de l’actrice sociale, une pression au contrôle social et à la mise sous tutelle s’accroît confondant à dessin prévention et répression.. Basée la prévention sur un préalable répressif et ou une réaction émotionnelle, c’est toujours révélé un échec.
Cette politique participe par cette stigmatisation d’une population à reproduire le pacte de violence et de silence un instant effrité et entrave le processus d’accompagnement des acteur-trice de la solidarité.
Par son discours et ses pratiques elle enferme dans une fidélité communautaire qui peut conduire au maintien de la coutume de l’excision en France en tant que signe d’une revendication identitaire, au prix de la souffrance de celles même censées être protégée :
“Le mécanisme « d’incorporation identitaire » produit par l’excision reste la représentation la plus forte et la plus répandue de cette pratique. L’hypothèse de l’abandon de l’excision semble angoissante, comme si elle signifiait, la perte identitaire. En situation de migration, l’injonction “d’intégration” à la société d’accueil peut être ressentie comme un risque de “désintégration” de son être profond. La peur de la perte d’identité est encore plus présente. Il a été souvent démontré au cours de l’histoire que les peuples exilés, gardiens fidèles et jaloux des coutumes ou de la langue d’origine, les figeaient à la date de leur exil alors qu’elles continuaient d’évoluer dans les pays d’origine [37]
C’est nier les droits fondamentaux des femmes et les maintenir dans une subordination inextinguible
Une approche culturaliste des migrantEs aboutit à représenter et souvent à nommer les étrangers comme un « groupe à risque" du point de vue de la santé publique, au sens de risque pour les autres(contamination potentielles) et d’un risque pour eux mêmes (impossible intégration) [38]
Récuser les mutilations sexuelles est un processus que nous avons le devoir d’inscrire dans le cadre d’un contrat moral entre la société et la personne instituant le droit à ne pas être excisé, mais aussi le droit à un revenu et un logement décent, un statut social et juridique égalitaire.
C’est ainsi que les mutilations sexuelles pourraient s’éteindre en France.
Florence Lacaze Novembre 2006
Bibliographie
- Asylon(s)Numéro 1, octobre 2006 Sous la direction de Jane FREEDMAN, Jérôme VALLUY , LES PERSECUTIONS SPECIFIQUES AUX FEMMES :Quelles connaissances ? Quellesmobilisations ? Quelles protections ? rubrique102.html
- BELLAS CABANE Christine, "Fondements sociaux de l’excision dans le Mali du XXIème siècle"
- AÏDAN Philip, "Femmes, soin et parcours d’exil" -
- BROCARD Lucie, GUEGUEN Morgane, LACAZE Florence, "Présentation de l’intervention du GRAF : "L’appréhension des persécutions visant spécifiquement les femmes dans le milieu associatif : regards croisés sur un Collectif "
CEDREF- Genre travail et migration en Europe-Jane Freedman- « Introduire le genre dans le débat sur l’asile politique » –
Hommes et Migrations N°1225 –santé le traitement de la différence Philippe Dewitte- Malade Etranger, Etranger malade ? Didier Fassin- repenser les enjeux de la santé autour de l’immigration Richard Rechtman –de la psychiatrie des migrants au culturalisme des ethnopsychiatres
La Fracture Coloniale- la découverte-2005 Pascal Blanchard- la France entre deux immigrations - Nacira Guénif Souilamas-la réduction à son corps de l’indigène de la République
Nouvelles Questions Féminines-Santé !-vol25- N° 2/2006-Antipodes
Nouvelles Questions Féministes, Vol. 18, Antipodes-J. Falquet Guerre de basse intensité contre les femmes ? La violence domestique comme torture, réflexions sur la violence comme système à partir du cas salvadorien.
Nouvelles Questions Féministes, Vol. 23-25, Antipodes -Sexisme, racisme, le cas français et Sexisme, racisme post colonialisme
Pratiques n° 26-juillet 2004-l’acceuil et l’exil en médecine A. Veisse- la santé en exil
Plein Droit n°56, GISTI, mars 2003 A. Veisse Les lésions dangereuses
Plein Droit n° 69 GISTI- juillet 2006 Immigration ,parole de trop – J.Valluy - Genèse du « faux réfugié –L.Borcard,H.Lamine-Quand les politiques « protègent les femmes »
Le foulard islamique en questions*, Paris, Editions Amsterdam, 2004.Charlotte Nordmann (dir.), Todd Shépard "La bataille du voile pendant la guerre d’Algérie
Poscolonialisme et immigration- Contretemps-textuel Myriam Paris–Elsa Dorlin Genre esclavage et racisme : la fabrication de la virilité.