La médiathèque « Abdelmalek Sayad » de la cité de l’immigration ouvrira le lundi 30 mars Pourquoi pas ? La création d’un outil institutionnel ouvert au public destiné à la promotion et à la valorisation des cultures de l’immigration a une utilité pédagogique en ces temps de stigmatisation tout azimut des populations venant des pays du Sud. Le fait que l’on donne le nom d’un intellectuel à une médiathèque n’a pas non plus en soi un caractère scandaleux. En revanche l’idée que la figure emblématique de la sociologie de l’immigration soit ainsi instrumentalisée et que cette inauguration soit conduite par les ministres C. Aubanel (Culture), X. Darcos (Education nationale), V. Pécresse (Enseignement supérieur et recherche) et E. Besson (Immigration et identité nationale) est inadmissible pour ceux qui respectent son oeuvre. Que A. Sayad, décédé en 1998, soit arboré par des personnes ayant manifesté du mépris pour la pensée, pour le bien commun et participant de la xénophobie de gouvernement dans une cérémonie publique officielle est inacceptable.
Il y a plusieurs raisons à cela :
Les critiques suscitées par la création en 2006 de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI) et les hypothèques qui pèsent depuis sur l’établissement public de la Porte Dorée, auquel est rattachée cette médiathèque, ne sont pas levées. Rappelons-en rapidement quelques-unes : Le fait d’avoir imaginé un établissement ad hoc, en dehors de l’institution muséographique, pour aborder l’histoire et la mémoire immigrée pose toujours problème. Comme l’a expliqué A. Sayad, l’immigration est toujours traitée comme un cas particulier et ne fait jamais l’objet d’une prise en charge banale par le droit commun. En outre le symbole du site choisi pour installer la Cité, anciennement palais des colonies et jardin d’acclimatation est pour le moins de mauvais goût vu son histoire. Enfin, au vu des modalités du pilotage très « politique » et des découpages ethnico-thématiques des actions de la CNHI, les interrogations sur la manipulation symbolique demeurent entières. Les multiples escamotages et soubresauts qui ont accompagné la gestation et le lancement de la Cité, ainsi que la démission d’historiens de l’immigration de son conseil scientifique, ont témoigné de ces tensions. Rien n’a été réglé pour éviter les risques d’une production culturelle officielle, étatisée et ethnocentrée du récit des migrations.