présentation de l'éditeur
Martine Storti, L’arrivée de mon père en France , Paris : Editions Michel de Maule, nov. 2008, 221 p. En librairies le : 21 novembre 2008 - Éditeur : Editions Michel de Maule - Reliure : Broché - Description : 221 pages - ISBN : 978-2-87623-234-1 Prix : 20 € A lire sur TERRA : le résumé, le sommaire et un extrait en texte intégral |
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avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur, un extrait du livre
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PRESENTATION
Martine Storti Née juste après la guerre (29 avril 1946), à Colombes. Père, Dominique, fraiseur-outilleur, italien, émigré. Mère, Marcelline, dite sans profession. Martine a été étudiante à la Sorbonne, Professeur de philosophie à Denain, dans le Nord (1969-1974 ), journaliste à Libération (1974-1979) : "...Cinq années, soit à peu près le temps que mit Libération à passer des masses populaires aux mass-media, de la parole au peuple à la parole aux journalistes. Comme je fus en désaccord avec les deux, je vécus ces cinq années dans un malaise permanent...". Co-fonde le mensuel féministe Histoires d’elles avec Marie-Odile Delacour et Evelyne Le Garrec. Chargée de mission au cabinet du Premier ministre Laurent Fabius (1984-1986), conseillère technique au cabinet du ministre de la Francophonie Alain Decaux (1989-1991), chargée de la politique audiovisuelle extérieure puis inspectrice générale de l"éducation nationale. Elle a déjà publié Un chagrin politique (L’Harmattan, 1995), Cahiers du Kosovo (Textuel, 2001), 32 jours de mai (roman, Le bord de l’eau, 2006).
Plus d’informations sur l’auteur et ses publications : http://www.martine-storti.fr
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A Calais, ceux qui veulent, par tous les moyens, passer en Angleterre, le répètent : « on a un oncle, un frère, un père là-bas, c’est pour les rejoindre qu’on veut y aller... » Vrai ou faux, c’est ce qu’ils affirment, croyant ainsi faciliter leur départ. C’est parce qu’elle n’a cessé d’entendre cela, un jour qu’elle est allée à Calais se rendre compte de cette « invasion » par les étrangers dont on nous parle sans cesse, que la narratrice se demande si Matteo, a lui aussi répondu, au début des années trente, quand il a franchi la frontière italienne : « j’ai une sœur et un beau-frère là-bas, installés en France, je vais les rejoindre. » Au fond la narratrice n’en sait rien. Et c’est parce qu’elle ignore la manière dont il a quitté l’Italie et pourquoi, qu’elle se met à imaginer cette arrivée en France de Matteo, soit celui qui allait, des années plus tard, devenir son père. Ce récit chemine dans des temporalités différentes, présent et passé (avant-guerre, seconde guerre mondiale, années cinquante), dans l’immigration actuelle, avec la manière dont sont traités, à Calais, à Lampedusa, aux îles Canaries, ceux qui arrivent puis errent en Europe, et dans la vie française de l’ouvrier italien Matteo, du début des années trente à sa mort dans les années soixante-dix. Matteo resté italien et resté ouvrier en banlieue parisienne, mais dans l’usine de sa sœur et de son beau-frère... Une histoire aussi d’exploitation, d’ingratitude et d’humiliation, avec des trouées de soleil et de bonheur, la rencontre avec Thérèse, le plaisir de la danse, les vacances en Bretagne... Ce faisant, ce texte est une méditation sur l’exil, l’identité, la mémoire et la transmission, le jeu social, le courage et la lâcheté, les camps d’hier et ceux d’aujourd’hui, la conjugaison de l’histoire singulière et de l’Histoire. |
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Martine Storti, L’arrivée de mon père en France
Extrait p.22 à 40 (publié avec autorisation de l’éditeur)
© Éditions Michel de Maule, 2008
DÉBUT DE L’EXTRAIT, P.22
« L’arrivée de mon père en France, il faut que je l’imagine… Cette phrase à Calais, devant l’église Saint-Pierre-Saint-Paul, un 11 novembre, et trois jours plus tard, au petit matin du 14 novembre, l’église évacuée par les CRS, les quatre-vingt-dix-neuf Kurdes et Afghans encore à l’intérieur embarqués dans des autobus pour être emmenés vers les commissariats de Boulogne-sur-Mer, de Coquelles, de Saint-Omer. De là, on nous l’affirme, ils pourront être hébergés dans un centre d’accueil, mais dans un autre département, pour faire une demande de droit d’asile qui a bien peu de chance d’être satisfaite, ou bien être reconduits à la frontière.
Cette phrase qui surgit à Calais et une curiosité nouvelle, plus intense que jamais éprouvée, celle d’en savoir davantage sur l’arrivée de mon père en France, le désir de me renseigner, d’essayer de trouver des éléments, des bouts de réalité.
Mais pendant près de quatre ans, sans que pourtant cette phrase et l’obligation qu’elle contient, ce il faut qui indique un travail à accomplir, quelque chose à quoi l’on ne peut se dérober, ait d’une quelconque manière disparu de mon esprit, pendant près de quatre ans, rien, pas une recherche, pas une ligne, une incapacité dont je ne peux rendre compte. Pas plus que je ne peux expliquer la nécessité qui m’a prise, presque quatre ans plus tard, de m’y remettre, ou plutôt de m’y mettre, ce geste de revenir à cette arrivée en France.
Quelques pages, celles qui évoquent le surgissement des mots, l’arrivée de mon père, le moment, les conditions, l’environnement, l’occasion, il faut que je l’imagine, et puis, très vite, l’impossibilité de continuer, ou plutôt cette envie entravée par quelque chose qui m’apparaît encore plus nécessaire, d’une nécessité plus forte, retourner à Calais, savoir comment ça se passe là-bas.
Pendant ces quatre années, je n’avais pas été totalement indifférente à la suite des événements, parcourant les articles qui racontaient la fermeture définitive du centre de Sangatte, l’errance des réfugiés, les abris de fortune, à Calais et plus au nord, tout au long de la côte, vers Loon-plage, Grande-Synthe, les abords de Dunkerque, la mobilisation de bénévoles, les violences des passeurs, les traques policières, les visites successives du ministre de l’Intérieur, ses exhortations répétées à « la lutte contre les clandestins. » Pas indifférente mais avec un intérêt flottant, au gré des reportages, ou des tribunes, par exemple la lettre adressée, en décembre 2005, au ministre de l’Intérieur par l’évêque d’Arras, Monseigneur Jean-Paul Jaeger, et cette réflexion à propos des « migrants » : « je suis étonné de constater que la République se comporte à leur égard comme s’ils n’existaient pas. » Ou encore la tribune dans Le Monde du vendredi 24 février 2006 où Françoise Jeanson, présidente de Médecins du Monde et Smaïn Larcher, sociologue, décrivaient « une condition parfois proche de l’animalité » pour des « victimes dominées », « repoussées sur les bas-côtés du monde commun. »
Ce fut ainsi, l’écriture de quelques pages, à peu près celles qui précèdent, et à nouveau un travail que j’interromps, à nouveau ce geste nécessaire d’aller à Calais, d’y retourner, impossible de faire autrement, c’était un 7 avril, le 7 avril 2006, par hasard encore une journée ensoleillée et froide, à peu près le même temps qu’en novembre 2002 alors que le printemps était là, comme un décalage des saisons, deux journées, l’une d’automne, l’autre de printemps, pourtant le même temps, un froid lumineux, ensoleillé.
Le gouvernement français pensait-il vraiment qu’en fermant Sangatte, plus personne n’arriverait à Calais pour tenter de passer en Angleterre ? Qui peut croire cela ? Ou bien l’objectif était-il de rendre ces hommes et ces femmes moins voyants ? Moins visibles ?
Moins visibles ! Mais quand on arrive, même à l’improviste, à Calais, même en ne sachant rien des lieux où ils sont, où ils peuvent être, ce qui était mon cas ce jour d’avril, pas besoin de chercher beaucoup, on les voit vite, en plein centre de Calais, derrière l’hôtel de ville, le long des quais, des bassins, une visibilité énorme au contraire, des hommes qui marchent, j’apprendrai plus tard que la plupart, dans la journée, ne font que cela, marcher, marcher encore…
Il est un peu plus de midi, un terre-plein sinistre le long d’un canal, quelques hommes, plutôt jeunes, assis par terre, non loin d’un petit bungalow assez crasseux. Ces jeunes types sont habillés d’un anorak, d’une parka, certains ont un sac à dos, leur nombre augmente au fil des minutes, bientôt ils sont rejoints par quelques femmes et même des enfants. On voit bien que ces gens attendent quelque chose, ils attendent la distribution d’un déjeuner tandis que le soir, dans un autre lieu, l’église Saint-Pierre-Saint-Paul, celle qui avait été occupée en novembre 2002 et qui est maintenant désaffectée, ils attendront un repas chaud.
Mais le déjeuner, lui, est froid, pris sur le pouce, une boîte de thon, une portion de Vache qui rit, un tiers de baguette, une banane, ils sont trente, cinquante, cent, davantage, ils se mettent en file pour récupérer leur sac de bouffe, ils mangent accroupis ou debout, appuyés à un muret. Bientôt le sol est jonché de papier gras, de sacs en plastique, de boîtes de conserve, de peaux de banane, parce qu’alentour, il n’y a pas de poubelles. Pas de poubelles pour ne pas officialiser le lieu. S’il n’y a pas de poubelle, le lieu n’est pas officiel. Et si le lieu n’est pas officiel, il n’existe pas. On en est là. Pas de poubelles donc pas de lieu. Plus de camp à Sangatte. Plus de camp à Sangatte donc plus d’immigrés à Calais.
Pourtant, depuis quatre ans, ils n’ont pas cessé d’arriver, poussés hors de leur pays par tant de choses, guerre, répression politique, dictature, conflits ethniques, religieux, ou plus fréquemment, la faim, la misère, le désir de vivre mieux, ou de faire vivre mieux leur famille, ou d’en finir avec la pauvreté ou avec leur vie de merde et leur pays de merde, pourquoi toujours les mêmes dans la misère, pourquoi toujours les mêmes à ne pas aller à l’école, pourquoi toujours les mêmes à ne pas pouvoir se faire soigner, pourquoi toujours les mêmes à vivre comme des chiens…
Peut-être l’envie aussi de connaître autre chose, d’approcher cet Occident qu’ils ont vu et revu à la télévision, ou côtoyé à travers les touristes, ceux qui viennent prendre le soleil en plein hiver, s’offrir une lampée de dépaysement, d’exotisme, mais confortablement et pour quelques jours.
Plus de centre, plus de prise en charge officielle, et donc cette errance, des squats dans des lieux inoccupés, hangars désaffectés, chantiers abandonnés, immeubles en construction, ou sous des ponts, dans des bois, 200, 300, 400, selon les jours, à la fois invisibles et visibles, terriblement visibles, toujours sur leur garde, sans cesse sur le qui-vive, CRS et flics qui tournent dans la ville, cars, fourgons, et le soir, l’approche du port, là où sont les camions avant l’embarquement sur les car-ferries, une moyenne de soixante par jour, et la tentative, chaque jour recommencée, de monter, malgré les grillages, les barbelés, les vigiles, les chiens, les caméras, les alarmes, malgré la sophistication technique, le détecteur de gaz carbonique, le scanner qui permet de repérer la chaleur d’un corps, l’amplificateur qui permet d’entendre les battements d’un cœur. Monter, se glisser, sous un chargement, dans une remorque, tenter, échouer, recommencer, échouer à nouveau, recommencer, partir…
Pas de prise en charge officielle mais une prise en charge officieuse, par des bénévoles regroupés au sein d’associations, La belle étoile, Salam (Soutenons, Aidons, Luttons, Agissons pour les Migrants), le collectif C’sur (Collectif de soutien d’urgence aux émigrés) qui distribuent les repas, froids le midi et chauds le soir. Ou par la communauté d’Emmaüs, ou l’ONG Médecins du monde, ou le Secours catholique qui se charge notamment d’un service de douches.
Le minibus est arrivé, les types se bousculent devant la porte, une jeune femme est au volant, un homme plus âgé, assez baraqué, s’efforce de mettre de l’ordre. Pour monter, il faut présenter un ticket – les tickets sont distribués le lundi et parfois revendus au marché noir – qui permet d’aller dans la maison que le Secours catholique a achetée à Calais. Prendre une douche, laisser couler sur le corps fatigué une bienfaisante eau chaude, avoir du savon, du shampoing, s’essuyer avec une serviette propre, mettre des sous-vêtements repassés, des gestes banals, ordinaires, quotidiens, dont la saveur échappe à ceux qui les accomplissent chaque jour, sans même y penser, sans même en éprouver du plaisir, pris dans leur habitude de confort et de bien-être, et qu’eux ne font qu’une fois par semaine.
Dans la petite maison, la rotation des douches s’effectue par groupes de quatre, parce qu’il n’y a que quatre cabines, et, après la douche, après les vêtements propres, le thé chaud, un instant volé à la rue, à la saleté, au froid, à la promiscuité, à la peur d’être arrêté, transporté, déplacé, expulsé… Et parfois, un instant volé à l’anonymat. Et parfois un instant retrouvé de son histoire, de son individualité, comme cet instant-là, lorsque l’un des jeunes types en train de boire son thé s’approche de moi et me dit : Kaboul, en montrant l’écharpe large et colorée que je porte. Il sourit quand je lui réponds : Yes, Chicken street, sésame qui lui suffit pour comprendre que j’ai en effet acheté cette écharpe en Afghanistan, à Kaboul, dans une boutique de Chicken Street, cette rue à touristes dont, à mon grand étonnement, les boutiques étaient rouvertes dès le mois de janvier 2002, peu de temps après le départ des Talibans. Kaboul à moitié en ruine et, pour les journalistes, les militaires, les multiples missions déferlant alors en Afghanistan, quelques petites échoppes remplies de souvenirs, tapis, bijoux, poteries, verreries, cuirs, foulards, gants, écharpes et un nombre infini de pacols, la coiffe rendue célèbre par le commandant Massoud.
Dans ce constat que quelqu’un, là, à Calais, dans cette maison de la Croix-Rouge connaissait l’Afghanistan et Kaboul et Chicken Street, ce jeune homme n’était plus seulement un immigré-clandestin-irrégulier-sans-papier, il était un jeune homme venu d’un pays somptueux appelé Afghanistan. S’il avait mieux su l’anglais ou le français ou si moi j’avais connu le pashtou ou le dari, il aurait pu me dire quelque chose de sa vie, de son histoire personnelle, de son passé, quelque chose des liens qu’il avait, ailleurs, là-bas, avec d’autres êtres humains, des hommes, des femmes, des enfants, tout ce que l’appellation clandestin, évacue, place hors champ.
Mariam, une jeune femme d’origine marocaine qui a, elle aussi, été en situation irrégulière, pendant plusieurs années, avant de devenir française, anime la maison, organisant le service des douches, « il faut aller les chercher en voiture pour qu’ils ne viennent pas tous en même temps, sinon cela provoquerait des attroupements devant la maison et les voisins se plaindraient », conduisant le minibus, planifiant l’activité des bénévoles, une petite centaine de personnes, majoritairement des retraités, qui viennent du Pas-de-Calais et qui se relaient, chaque jour, pour les douches, le thé, la collecte et le tri des vêtements donnés par les uns, les autres. Ou pour s’occuper des enfants et même des bébés, car il y en a, pour lesquels il faut des couches, du lait, ainsi que de leurs mères, parfois très jeunes. Ou écouter les femmes, certes en nombre bien moins important que les hommes, mais pour lesquelles, à la traque de la police s’ajoutent, plus que pour les hommes, des violences sexuelles, exercées par les passeurs et les émigrés eux-mêmes.
Je retourne au bassin de la Batellerie, là où les types mangeaient leur boîte de thon, là où il y a l’algeco, baptisé la cabina. La queue devant la petite porte est assez longue, maux de tête, de dents, de gorge, de ventre, foulures, entorses, parfois fractures, brûlures, ampoules, abcès, problèmes dermatologiques, grippes, rhumes, bronchites, et parfois aussi morsures de rats, tout cela considéré comme des petits bobos et que l’équipe de Médecins du monde traite plusieurs fois par semaine. Pour les maladies plus graves, des bénévoles les aident, les emmènent chez le médecin, paient à leur place, donnent un faux nom, des bénévoles qui parfois les hébergent, bien que cela soit interdit.
Queue devant la cabina et brouhaha de conversations incompréhensibles, en arabe, en persan, en kurde, en somali, dans ce printemps 2006 moins d’Afghans et d’Irakiens que quatre ans plus tôt, au moment de la fermeture de Sangatte, plus de Somaliens, d’Érythréens, de Soudanais, des migrants qui sont, pour la plupart, absolument sans papiers et sans argent.
Une militante de l’association C’sur croit que je suis journaliste : « il faudrait que vous alliez voir la jungle, si vous voulez je vous emmène. » La jungle, à prononcer, me dit-elle, en anglais, jungel, sans me préciser pourquoi, bois Dubrulle et bois des Garennes, zone industrielle derrière le port, où beaucoup passent la nuit. Sous des tentes ? Non, pas même des tentes, des bâches en plastique tendues entre deux branches d’arbre, des chiffons, des cartons à même la terre humide, un feu de bois, des canettes, des sacs en plastique, des bouteilles, des boîtes de conserve, deux ou trois caddies, des vêtements sales qui pendent, des ordures, des monceaux d’ordures, de la merde, car ils chient là, sur place. Forcément, où pourraient-ils chier sinon là ?
Certains ont passé tout l’hiver dans ce bois, même quand la température descendait largement au-dessous de zéro, un camp bien plus sordide que ceux que j’ai vus dans les territoires palestiniens, ou en Jordanie, ou en Albanie, au Kosovo, en Afghanistan, au Pakistan, en Indonésie, et même en Afrique.
Dans l’après-midi de ce 7 avril, pas grand monde dans la jungle, c’est que la veille, il y a eu une centaine d’interpellations, et tous, immigrés, bénévoles, s’attendent à une prochaine « opération de nettoyage », comme il y en a déjà eu dans les mois précédents, opération vaine puisque rapidement les campements sordides se reconstituent, au même endroit ou à quelques centaines de mètres. Et en effet, l’opération aura lieu, quatre jours plus tard, je l’apprendrai par un article relatant que « la jungle a été nettoyée », kilos de bâches et de couvertures, tonnes de déchets ramassées une nouvelle fois par les agents de la ville, nettoyée, c’est le mot utilisé par les médias, les ministres, les agents municipaux, un mot qui fait flores un peu partout depuis son apparition lors des guerres dans l’ex-Yougoslavie des années 90. Nettoyage, nettoyage ethnique, purification, tenace fantasme. En France on nettoie, au Karcher, ailleurs on purifie à la machette, au fusil, à la mitraillette…
Des flics patrouillent, ils viennent me demander ce que je fais là. Que puis-je leur répondre ? À moi-même aussi, je ne peux répondre. Qu’est-ce que je fais là en effet ? Je suis là pour rien, sans véritable raison, sans aucune utilité immédiate pour ces gens, ni pour les clandestins, ni pour ceux qui les aident. Je regarde, je suis à Calais, je suis en France, le pays des droits de l’homme, c’est cela qu’on affirme, qu’on rappelle sans cesse, dont on se gargarise, gauche et droite, la-France-pays-des-droits-de-l’homme, le message de la France au monde, les valeurs de la République française… De quoi être fier, vraiment ?
J’étais déjà venue, j’avais lu des articles, vu quelques reportages à la télévision, et pourtant je ne m’attendais pas à cette désolation, à ces êtres affublés de tant de dénominations qu’ils n’en ont vraiment aucune, émigrés, migrants, émigrants, immigrés, réfugiés, clandestins, sans papiers, tant de noms et aucun nom. Celui d’être humain, l’ont-ils encore ? Ici ou ailleurs. En France et dans les autres pays européens. Invisibles et visibles, des fantômes, des gueux, des errants, des parias, des indésirables, des misérables. Des misérables qui n’ont pas trouvé leur Victor Hugo.
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« Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants. » Il y a ce vers d’Apollinaire que je murmurais, à Calais, ayant en face de moi, non plus ceux qu’évoquait le poète et qui arrivaient alors d’Italie, d’Espagne, du Portugal, de Pologne, mais des hommes et des femmes venant de plus loin. Maintenant, en effet, ils viennent du Mali, de Guinée, du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Burkina Faso, du Niger, de la Gambie, du Mali, d’Érythrée, de Somalie, d’Irak, d’Iran, de Chine, d’Ukraine, de Turquie, des Balkans…
Ils s’appellent Karim, Omar, Hamed, Hadji, Douga, Ibrahim, Mehmet, Alassane, Ould, Fassili, Moktar, Moustapha, Malek, Jamal, Menour, Abdel, Mohammed, Khadime, Boubakar… Dans les articles, ils sont un prénom, prénom réel, ou d’emprunt, parfois ils n’ont pas de prénom, seulement une nationalité, un Somalien, un Sénégalais, parfois ils n’ont même pas de nationalité ou de pays d’origine, la seule indication d’une zone géographique étant jugée suffisante. On nous dit : un Subsaharien, les Subsahariens, tous confondus dans un magma indifférencié. Mais c’est quoi un Subsaharien ? C’est un Noir. Un Nègre.
Chaque article de raconter une histoire singulière, en fait toujours la même, la guerre ou la persécution politique ou ethnique ou religieuse, ou, le plus souvent, la misère, l’envie de gagner plus et plus vite, le mirage européen, ceux qui ont réussi à passer et qui appellent, « pourquoi tu ne viens pas, pourquoi tu n’essaies pas ? », le village qui ne survit que grâce à ce qu’envoient les émigrés… Peut-être l’envie de partir, juste l’envie de partir.
Est-ce avec cette envie que Matteo a quitté l’Italie, dans un autre siècle, au début des années trente ? Je l’appelle Matteo, je pourrais l’appeler Luigi ou Mario ou Antonio ou Giorgio ou Pietro ou Giovanni ou, pourquoi pas, Domenico. Je regardais les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants et je songeais à nouveau à l’arrivée de mon père en France, une arrivée sur laquelle, du temps où il aurait pu me la raconter, je ne l’ai jamais interrogé. C’est ainsi, de son vivant, je ne lui avais jamais posé de question, jamais demandé : « au fait, ton arrivée en France, ça s’est passé comment ? »
Maintenant, je l’interrogerais, je ne m’en tiendrais pas à une seule question et je ne me contenterais pas d’une réponse vague, j’exigerais un récit détaillé, poussée par une curiosité sans cesse croissante. Comme si connaître le passé m’importait d’autant plus que je m’en éloignais davantage. Comme si mon avancée dans la vie, la perspective qui se rapproche d’entrer dans la vieillesse rendaient plus poignante mon ignorance.
N’ayant jamais questionné mon père, je ne peux que tenter d’imaginer son arrivée et les raisons de son départ. Vivre dans l’Italie fasciste, non, Matteo ne le peut pas, il faut fuir, fuir aussi le chômage ou les boulots incertains qu’il enchaîne, contrôleur de tram à Livourne quelques semaines, manutentionnaire sur le port de La Spezia les jours d’après. Ou bien, lui aussi, juste l’envie de partir, d’aller voir ailleurs… Larmes des parents, déjà une fille qui n’est plus là, maintenant le fils qui veut s’en aller, ne restera avec eux que la plus jeune fille, Mara, ou bien non, ses parents sont contents, la vie à Sarzane est trop dure, Matteo a bien raison d’aller en France.
Tant pis s’il n’a pas les papiers nécessaires, tous ceux qu’il faut constituer pour être en situation régulière. Je peux imaginer Matteo quittant l’Italie sans contrat de travail, juste un passeport avec un visa touristique, ou bien n’ayant même pas de passeport. Cols alpestres franchis clandestinement, marche en montagne, nuit sans lune, fatigue, trouille, excitation… Ou bien, autre version, il s’embarque sur un navire qui part de La Spezia, passager clandestin, un copain d’enfance l’a fait monter, il reste caché durant la traversée, débarque à Nice ou à Marseille, ou à Vintimille, passe la frontière à pied, ciel clair et étoilé, peur d’un contrôle, course dans les collines fleuries…
Une telle équipée de Matteo est peu probable, compte tenu des deux ou trois indications que je possède, il est arrivé en 1931, venait d’Italie, exactement d’une ville nommée Sarzane, rejoignait sa sœur et son beau-frère déjà installés en France, depuis cinq ans. C’est assez précis pour que je parie sur un départ et une arrivée plutôt calmes, assez vague pour me laisser imaginer les détails. D’où est-il parti ? Pourquoi ? Comment ? En bateau ? En car ? En train ? Tout est possible, au sens de tout est vraisemblable.
En bateau, pourquoi pas ? Embarquement dans le port de la Spezia, accostage à Marseille, par exemple, ensuite des autocars jusqu’à Paris. Mais peut-être a-t-il fait la totalité du trajet en autocar, par La Spezia, Gênes, Vintimille, la Côte d’Azur, Lyon, Paris. Il est jeune, Matteo, guère plus de vingt ans, voyager ne lui fait pas peur, il a déjà bourlingué, déjà quitté l’Italie, mais pas tout seul, engagé à dix-sept ans, trois années passées dans la marine militaire italienne, à l’autre bout du monde, en Chine, une précision que je n’ai pas à imaginer.
Ces deux albums de photos toujours gardés et toujours regardés, dès mon enfance et toute ma vie.
Deux albums que Matteo a portés d’Italie en France, il n’est pas allé les chercher plus tard, non, il les a emportés avec lui dès son premier voyage, et je me demande si ceux qui errent à Calais, en quête d’un passage vers l’Angleterre ou qui débarquent aux Canaries ou à Lampedusa ont, comme Matteo, emporté avec eux quelque chose qui leur appartient en propre, qui leur permet, même en exil, de ne pas être dans le dépouillement de tout, l’absence de leur vie d’avant, quelque chose de très petit, un médaillon, une photo, un collier, une mèche de cheveux ?
Matteo, lui, a mis dans son sac deux albums, assez encombrants, ce qui prouve qu’il devait y tenir, qu’il voulait absolument les avoir avec lui, et tant pis s’ils pèsent au fond du sac. L’un des albums est rectangulaire, avec une couverture en carton, noire, sans dessin ni décoration, seulement au dos une petite étiquette blanche « Yung Hsing Stationery Co, Peking-Tientsin », et je suppose que cela indique que l’album a été acheté à la papeterie Yung Hsing de Tientsin, aujourd’hui Tianjin, nom de la ville, voisine de Pékin, où se situaient, depuis la fin du xixe siècle, les concessions occidentales. L’autre, en bois laqué noir et or, s’ouvre sur une première page décorée de lettres blanches, peintes à la main : « Cina-Ricordi. Pechino 1928-1930. »
Enfance, adolescence, et ce plaisir persistant d’ouvrir les albums, de regarder les photos. Mais je les regardais sans les voir. Leur existence même me suffisait, elle constituait une sorte de trésor qui faisait partie de ce qui me distinguait des autres, prenant en effet comme une marque de distinction, et presque de supériorité, le fait que mon père ait passé trois années dans un pays lointain, en Chine, années dont ces photos étaient l’attestation. La preuve, en quelque sorte, qu’il était à la fois ce qu’il était et autre chose, que sa vie ne se résumait pas à sa vie d’ouvrier en France.
Aujourd’hui je suis émue par la matérialité même de ces photos, par les gestes qu’elle suppose, les avoir prises, puis les avoir fait développer, puis les avoir collées dans un album, ramenées de Chine en Italie puis transportées d’Italie en France, et conservées. Je vis comme une richesse de pouvoir encore regarder et montrer à des enfants ces signes d’un autre temps, qui, sans correspondre à aucune expérience ou à aucun souvenir personnel, attestent du passé, et de l’existence du passé dans le présent, et sans doute encore dans le futur si d’autres continuent à en prendre soin. Émotion en effet de regarder et de toucher des objets dont la durée de vie est plus grande que celle des êtres humains, par exemple ces photos prises il y a quatre-vingts ans, certaines par celui qui n’était pas encore mon père, d’autres par ses copains, marins comme lui dans l’armée italienne, et comme lui faisant partie du détachement italien en Chine, un pays où Matteo n’avait probablement pas décidé d’aller mais où, s’engageant sur un coup de tête, il avait été envoyé, comme il aurait pu l’avoir été en Amérique ou en Afrique.
Trois ans là-bas, 1928-1929-1930, et ces photos comme traces, Grande Muraille, palais de Pékin, monuments de Shanghaï, parcours touristique obligé auquel se mêlent quelques aspects de la vie quotidienne chinoise de l’époque, dans les villes ou dans les campagnes, marchands ambulants, voitures à bras, échoppes minuscules, jonques, pousse-pousse, palanquins, coolies, porteurs d’eau, vendeurs de bois, défilés folkloriques…
Un monde disparu, enfoui dans les décennies, mais conservé dans ces photos en noir et blanc, plutôt en gris et blanc, un blanc jauni, presque sépia qui témoignent aussi de la vie des militaires dans la concession italienne, marins en uniforme d’hiver, manteau de drap épais avec col et bonnet de fourrure, ceinturon de cuir où s’attachent l’étui du revolver et le fourreau du poignard, ou en tenue d’été, pantalon, veste et béret blancs, parfois même pas d’uniforme, un short et un maillot de corps, blancs eux aussi, soldats en train de monter la garde, per la patria et per il re, ou en train de défiler, ou de pousser un canon, ou de hisser le drapeau, ou de jouer au football, ou de faire de la gymnastique, ou de prendre le soleil sur une plage ou en train d’embarquer, tantôt sur un croiseur, tantôt sur une canonnière.
Matteo photographié dans ces tenues, pauses et postures, jeune type de taille moyenne, mince, des traits fins, presque une impression de fragilité. Il est très jeune, à peine vingt ans, il sourit sur toutes les photos, même quand il a l’arme au pied, et déjà cet air un peu détaché de tout qu’il gardera sa vie entière, l’air un peu ailleurs, une sorte d’absence, non, le mot est trop fort, il n’est pas absent, juste distant, une distance à l’égard du lieu et du moment, il est là et il n’est pas là. Sa vie entière ainsi, c’est ce que je pense aujourd’hui, sa vie entière, malgré tout, malgré sa dureté, dans cette distance, une sorte d’humour à l’égard du monde, des autres et de lui-même, un humour et même une espièglerie.
Ces photos sont bien de la fin des années vingt, elles sont, nombreuses, diverses, elles remontent bien à ce temps-là, elles ne disent cependant rien de ce qui se passe alors en Chine, et qui sans doute pas n’est étranger au fait que Matteo y ait été envoyé, puisque le bataillon italien a été renforcé, à l’instar des autres détachements militaires des puissances étrangères.
Ne disent rien en effet de cette Chine en ébullition, celle que Malraux prend pour décor flamboyant de La Condition humaine, une Chine d’émeutes anti-occidentales, expéditions contre les Seigneurs de guerre, révolutions nationale, paysanne, prolétarienne… « à droite, sous les oriflammes verticales couvertes de caractères : Plus que douze heures de travail par jour. Plus de travail des enfants au-dessous de huit ans, des milliers d’ouvriers des filatures étaient debout, accroupis, couchés sur le trottoir dans un désordre tendu. L’auto dépassa des groupes de femmes, réunies sous la bannière Droit de s’asseoir pour les ouvrières. L’arsenal même était vide : les métallurgistes étaient en grève. À gauche des milliers de mariniers en loques bleues, sans bannières, attendaient, accroupis le long du fleuve. La foule des manifestants se perdait, du côté du quai, jusqu’au fond des rues perpendiculaires… » une Chine de compagnies internationales soucieuses de défendre leurs intérêts et leurs profits… « pas une des sociétés possédées par le Consortium franco-asiatique qui ne fut atteinte : celle de constructions navales, à Hong-Kong, par l’insécurité de la navigation ; toutes les autres : travaux publics, construction, électricité, assurances, banques, par la guerre et la menace communiste. Ce qu’elles importaient demeuraient dans leurs entrepôts de Hong-Kong ou de Shanghaï ; ce qu’elles exportaient dans ceux de Han-Kéou, parfois sur le quai… », une Chine de Kuomintang continuant à écraser, sous la gueule des canons français, anglais, allemands, italiens, américains, les grèves communistes, comme il avait commencé à le faire en 1927, à Shanghaï… « même maintenant, alors que nous sommes politiquement battus, que nos hôpitaux sont fermés, des groupes clandestins se reforment dans toutes provinces Les nôtres n’oublieront plus qu’ils souffrent à cause d’autres hommes, et non de leurs vies antérieures. Vous disiez : « ils se sont éveillés en sursaut d’un sommeil de trente siècles dont ils ne se rendormiront pas. » Vous disiez aussi que ceux qui ont donné conscience de leur révolte à trois cents millions de misérables n’étaient pas des ombres comme les hommes qui passent – même battus, même suppliciés, même morts… »
Photos muettes, sur l’histoire en train de se faire, et ignorantes aussi d’autres représentations qui traversent romans et films, fumeries d’opium, salles de jeux, chefs de gangs, aventuriers, trafiquants de drogue, femmes fatales, amours impossibles, vies ratées…
Les albums de Matteo ne montrent pas ces facettes de la Chine. Est-ce une preuve qu’il ne les a pas connues ? Pourquoi ne pourrais-je pas l’imaginer, lui qui était, cela est un détail exact, canonnier dans la marine italienne, remontant le Yang Tse Kiang, comme Steve Mac Queen dans la canonnière du même nom, faisant le coup de feu contre les seigneurs de guerre. Ou bien passant des nuits à s’enivrer en compagnie de femmes lascives, Asiatiques en fourreau de soie, Occidentales à jamais perdues…
La réalité fut vraisemblablement plus prosaïque, Matteo obligé par le règlement militaire de ne pas quitter, sauf pour de brèves parenthèses touristiques, la concession italienne, étant là pour en protéger les ressortissants, ne fréquentant donc que ses compatriotes, et parfois les militaires des autres nations présentes. Il ne devait rencontrer que les Chinois travaillant dans la concession, peut-être aussi quelques filles à soldats, amenées au cantonnement pour que les troufions tirent leur coup.
Matteo est jeune mais il a déjà bourlingué, années en Chine, semaines en mer pour aller là-bas et en revenir, Livourne, Gênes, Naples, Port Saïd, Aden, Colombo, Singapour, des escales de quelques heures ou de quelques jours, avant l’arrivée à destination. Puis le retour.
Maintenant qu’il quitte à nouveau l’Italie pour un autre pays, certes moins lointain, il a peut-être envie de prendre son temps, ou plutôt d’en avoir le prétexte, l’autocar en est un bon, remonter vers le nord de la péninsule, puis traverser la France, mais lentement, s’attarder encore un peu au soleil, respirer encore l’air de la mer avant de gagner cette région parisienne dont il ne sait rien mais qu’il devine plus grise, plus sombre que la Toscane. Combien de temps pour faire ce trajet en autocar au début des années trente ? Trois jours, quatre jours, des changements de véhicules, des arrêts dans des restaurants, des escales dans des auberges, des rencontres, des bavardages, des verres offerts par l’un, l’autre, des yeux que l’on croise, une femme que l’on caresse une nuit durant…
Mais peut-être est-il arrivé comme arrivaient alors la plupart des émigrés italiens, en train, franchissant la frontière à Modane, puis prenant un autre train jusqu’à la gare de Lyon.
Cette frontière entre la France et l’Italie, que Matteo l’ait franchie à Vintimille ou à Modane, ou ailleurs, qu’importe ! Quelle que soit la ville, ce qui compte, c’est de savoir si, lors du passage de la frontière, quelqu’un – un policier ? un douanier ? un gendarme ? – lui a demandé ses papiers et les raisons de sa venue en France. Était-il en règle ? Avait-il des papiers en règle ? Avait-il déjà en poche un contrat de travail, qui lui permettrait d’entrer en France sans difficultés et d’obtenir rapidement la carte d’identité d’étranger valant permis de séjour et permis de travail ? Ou bien n’avait-il qu’un visa de quelques semaines ?
Si la question lui a été posée, à Modane ou à Vintimille ou dans une autre ville, a-t-il répondu : « j’ai une sœur et un beau-frère, ils sont déjà installés en France, je vais les voir » ? À Calais, c’est ce qu’ils répètent : « On a un oncle ou un frère ou un cousin en Angleterre, c’est pour ça qu’on veut aller là-bas, traverser la Manche. » Pour ça qu’ils veulent à tout prix, à n’importe quel prix, monter dans un train, se cacher dans un camion, pour ça qu’ils sont prêts à filer tout leur fric aux passeurs, à risquer leur vie.
Est-ce que mon père a dit la même chose : « j’ai une sœur et un beau-frère en France » ? A-t-il été encore plus précis, donnant le nom de la ville, Colombes, et même le nom de la ville, Colombes, et même l’adresse, rue des Voies du bois ?
Mais peut-être Matteo n’a-t-il eu à répondre à aucune question, parce que son arrivée en France s’est passée de manière plutôt calme, sans encombres en quelque sorte, sans autre inquiétude que celle de l’exil, sans autre risque que celui-là, quitter son pays, décider d’aller vivre ailleurs au moins pour un temps. Ou pour toute la vie. Même cela je ne le sais pas, ignorant en effet si mon père envisageait cette venue en France comme un moment provisoire ou s’il avait décidé de quitter l’Italie pour toujours. »
FIN DE L’EXTRAIT, P.40