2010
Carolina KobelinskyUne ethnographie de l’attente
Éditions du Cygne
978-2-84924-183-7
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Chapitres 5 et 7
à propos
Chapitres publiés en ligne avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur. Copyright © 2010 Éditions du Cygne
présentation de l'éditeur
La politique contemporaine en matière d’asile est marquée par l’oscillation permanente entre assistance et contrôle, compassion et suspicion, respect des conventions en matière d’asile et mise à l’écart des indésirables. Les étrangers qui demandent la protection de la France au titre de l’asile peuvent être pris en charge dans des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) pendant la durée de leur requête. Ces institutions d’hébergement et d’accompagnement, financés par l’État, constituent une forme rare et particulière d’hospitalité publique. À partir d’une démarche ethnographique, fondée notamment sur l’observation du quotidien, Carolina Kobelinsky s’interroge sur le traitement des demandeurs d’asile en examinant les pratiques et les expériences des résidents et des intervenants sociaux. La vie ordinaire des personnes en CADA est caractérisée par une dilatation du temps et une rétraction de l’espace. L’auteure propose une réflexion sur l’attente imposée aux demandeurs d’asile, la politique qui l’institue et sa signification.
Carolina Kobelinsky est anthropologue, elle a fait sa thèse sur l’accueil des demandeurs d’asile en France à l’École des hautes études en sciences sociales. Elle poursuit actuellement ses recherches sur la Cour nationale du droit d’asile à l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux. Elle a co-dirigé l’ouvrage Enfermés dehors. Enquêtes sur le confinement des étrangers (Éditions du Croquant, 2009).
Mots clefs
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Laboratoire : IRIS / EHESS
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TABLE DES MATIÈRES
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AVANT-PROPOS
CHAPITRE 1 : VERS UNE FORME D’HOSPITALITÉ PUBLIQUE
CHAPITRE 2 : L’ADMINISTRATION DES DEMANDEURS D’ASILE
CHAPITRE 3 : LES FIGURES DU DEMANDEUR D’ASILE
CHAPITRE 4 : CIRCULATION, CONFINEMENT, ATTENTE
CHAPITRE 5 : L’ENNUI DANS L’ATTENTE
CHAPITRE 6 : GÉRER L’ATTENTE
CHAPITRE 7 : FAIRE ATTENDRE, FAIRE ESPÉRER
CHAPITRE 8 : ESTOMPER L’ATTENTE
CONCLUSION
NOTES
BIBLIOGRAPHIE
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CHAPITRES CHOISIS
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(les notes infrapaginales sont en bas de l’écran)
L’immersion dans le quotidien du foyer
En décembre 2003, j’ai démarré un travail exploratoire de quatre mois dans un CADA géré par l’association France Terre d’Asile (FTDA), auquel j’ai eu accès à partir des contacts de mon directeur d’études. En octobre 2004, j’ai repris les observations dans ce même foyer et quelques mois plus tard, à partir d’un contact qu’avait une assistante sociale du centre, j’ai commencé une enquête dans un autre CADA, cette fois géré par une organisation beaucoup plus petite, que j’appelle ici Association pour les travailleurs immigrés (ATI). Dans les deux établissements, j’ai été acceptée et assimilée comme une sorte de stagiaire car ils sont habitués à recevoir des étudiants des métiers du social en formation. Je n’ai vu aucun inconvénient à ce statut en dehors du fait que les résidents m’associaient fréquemment, lors de nos premières rencontres, avec l’équipe du foyer. Je m’efforçai donc de m’écarter de ce rôle, en essayant, par exemple, d’éviter de mener des entretiens dans les bureaux des travailleurs sociaux, en passant beaucoup de temps dans les couloirs et les chambres.
J’ai suivi un résident lorsqu’il a quitté le CADA où il se trouvait pour s’installer temporairement dans un centre provisoire d’hébergement, après avoir été reconnu réfugié. Lorsqu’il a déménagé, je lui ai rendu visite à plusieurs reprises et il m’a présenté quelques intervenants sociaux et d’autres résidents. Je n’ai pas fait d’enquêtes systématiques dans ce centre voué à l’accueil des statutaires,mais, au travers des personnes rencontrées, il m’a été possible d’approcher son fonctionnement. Quant au foyer d’accueil d’urgence pour demandeurs d’asile (AUDA), je n’y ai fait que trois visites (en février et mars 2006) et j’y ai eu accès à partir d’une intervenante sociale qui est elle-même doctorante travaillant sur des questions d’immigration. Par ailleurs, j’ai fait quelques observations à la Commission des recours des réfugiés. Aussi, j’ai effectué quelques visites dans d’autres centres d’accueil de différentes régions. J’ai également mené un travail complémentaire avec d’autres demandeurs d’asile qui ne sont jamais passés par un CADA mais qui m’ont fourni des éléments de comparaison nécessaires à la construction de mon hypothèse de travail. Au total, l’enquête de terrain a été menée pendant 26 mois, entre décembre 2003 et novembre 2007. J’ai encore mené quelques entretiens en avril 2008.
De l’ethnographie
On le voit bien, le terrain de cette recherche n’est pas une immersion totale et sans échappatoire dans un lieu lointain. C’est plutôt la pratique intensive et systématique de visites répétées, notamment aux centres d’accueil, mais aussi à la Préfecture, à la Commission des recours, où j’accompagnais des demandeurs d’asile dans leurs démarches. J’ai également partagé des moments avec mes interlocuteurs dans des cafés, au centre commercial, au cinéma, chez moi. L’approche ethnographique choisie permet de développer une analyse centrée sur les multiples et changeantes perspectives des acteurs, non pas pour les appréhender en tant qu’élément explicatif mais pour en rendre compte en les mettant en relation avec certains contextes qui les rendent compréhensibles (Peirano, 1995). Cette démarche est fondée notamment sur l’observation participante. J’ai essayé de construire des relations de longue haleine, fondées sur la confiance. J’ai passé des journées entières avec les demandeurs d’asile dans leurs chambres à regarder la télévision, à boire du thé, à discuter de tout et de rien. Je les ai accompagnés au supermarché, chercher les enfants à l’école ou simplement se balader dans le quartier sans autre but que celui de passer le temps. Bien entendu, je n’ai pu faire cela avec tous les résidents mais seulement avec quelques-uns, qui ont bien voulu m’ouvrir les portes de leur quotidien et avec qui je me suis liée d’amitié. J’ai par ailleurs consacré une partie de mon attention à l’observation des interactions entre les demandeurs d’asile et les intervenants. J’ai suivi le quotidien de ces derniers en participant aux réunions d’équipe, en accompagnant les référents recevant des nouveaux arrivants, préparant la « sortie » des déboutés ou des réfugiés ou rédigeant un recours. Je me suis liée d’amitié avec quelques intervenantes que j’ai côtoyées dans leur vie privée.
Une bonne partie du matériau a été ainsi recueillie à partir des conversations informelles reconstruites a posteriori, portant sur des sujets en apparence anodins mais qui se sont révélés instructifs sur le quotidien des demandeurs d’asile en CADA. La méthode d’enquête a également été fondée sur des entretiens semi-structurés avec des demandeurs d’asile, réfugiés, déboutés, des intervenants et des responsables de CADA et des associations gestionnaires. J’ai conduit 39 entretiens enregistrés et 19 entretiens où je n’enregistrais pas mais où je prenais des notes de manière systématique. [1]
Veillant à ne pas créer des ennuis pour mes interlocuteurs, les noms des personnes rencontrées ont été remplacés par des pseudonymes. J’ai également anonymisé les CADA où j’ai mené l’enquête. En ce qui concerne les associations gestionnaires, j’ai changé le nom de l’ATI, mais j’ai dévoilé l’identité de FTDA parce que cette association a joué un rôle capital dans la naissance du dispositif d’accueil. Omettre cette partie de son histoire aurait conduit à proposer une vision fragmentaire et incomplète des enjeux qui ont traversé les situations observées dans le foyer géré par cette association.
Étrangère parmi les étrangers
S’il est bien courant qu’un anthropologue occidental, en provenance d’un pays du Nord s’invite dans une société non occidentale afin de mener son enquête, la situation inverse est moins fréquente. À part susciter la curiosité de quelques personnes qui me demandaient pourquoi je ne travaillais pas sur les effets de la crise économique en Argentine ou la mémoire des disparus de la dernière dictature militaire, mon origine ne s’est pas posée comme un aspect problématique de ma recherche. Au contraire, le fait que je sois étrangère s’est avéré un élément important à l’heure d’établir des liens avec certains enquêtés.
Aucun demandeur d’asile n’a jamais comparé ma situation en tant qu’étudiante de troisième cycle et la leur en tant que requérants d’asile. Or, bien que nos expériences soient très différentes, nous étions tous extérieurs à la société française. Cette condition d’extériorité créait parfois avec certains interlocuteurs, surtout au début de notre relation, une forme de camaraderie à partir de laquelle il était en quelque sorte permis de se moquer des Français, de rigoler de leurs habitudes, de les critiquer. Ce faisant, il était possible de tourner en dérision les nombreux problèmes liés à la condition d’étranger (i.e. les interactions à la préfecture ou les incompréhensions liées à la langue). Rire ensemble impliquait de partager des opinions, des points de vue, des codes, des expériences dans la société d’accueil. Sans trop se connaître, lors des premières rencontres, cette condition partagée ouvrait la place à l’humour et son usage invitait à la discussion. L’humour consistait ici à jouer des présupposés de l’autre, à les renégocier en situation (Feeley, 1979) et ainsi à faire connaissance et à créer un lien. Cela ne veut pourtant pas dire que j’entretenais des relations basées exclusivement sur cette position partagée. Je n’ai jamais cherché à établir ce type de complicité – ou en tout cas je ne l’ai pas fait de manière consciente – et je ne m’en suis pas rendu compte sur le coup mais seulement avec du recul. Il me semble simplement que cette camaraderie est apparue comme une première étape dans la relation avec certains interlocuteurs.
La délégitimation de l’asile
L’asile est devenu, à la fin des années 1980, une véritable question politique en Europe, en raison de l’augmentation considérable des demandes (Bloch et Schuster, 2002 ; Düvell, 2002). L’Union européenne mit alors en place un espace stratifié et complexe qui institue les requérants et, plus largement, les étrangers, dans un ensemble de pratiques et de normes fait de différences nationales – comme dans les cas des législations sur le regroupement familial – et d’homogénéisations communautaires, comme pour les accords de Schengen ou ceux de Dublin.
En France, la politique d’immigration a subi des changements profonds depuis le début de ma recherche. Que ce soit en raison de ce que l’on appelle communément l’harmonisation européenne – et avec elle la transposition des directives européennes au droit national – ou dans le but, plus ou moins clair, de fragiliser le (droit au) séjour des étrangers, la loi a été modifiée à quatre reprises dans les cinq dernières années et les décrets et circulaires ont connu une formidable prolifération. Au nom de la lutte contre ce qu’on appelle l’immigration irrégulière, les gouvernements successifs mettent en avant des objectifs chiffrés et se vantent d’atteindre un nombre record d’expulsions. Se met ainsi en marche une politique répressive de « chasse aux clandestins ». Dans ce climat de criminalisation des immigrés (Palidda, 1999), l’asile est conçu non seulement comme un vecteur d’immigration (Alaux, 2004) mais comme une « immigration subie ». Or, ce ne fut pas toujours le cas. Il y a une quarantaine d’années, réfugiés et immigrés étaient traités comme deux catégories différenciées. Les réfugiés constituèrent une exception à la suspension de l’immigration décidée en juillet 1974, ils étaient admis sur le territoire et recevaient un traitement préférentiel. Actuellement les frontières entre les demandeurs d’asile et les immigrés semblent s’évaporer dans les discours et les politiques menées à leur égard.
Si le nombre de demandes d’asile a augmenté, le taux d’accord du statut de réfugié a en revanche connu une diminution effarante. En 1973, les requêtes s’élevaient à 1 373 et le taux de reconnaissance du statut dépassait 85% ; vingt ans plus tard, ce dernier chutait à moins de 28 % pour 27 600 demandes [2]. Dix ans après, en 2003, les requêtes étaient au nombre de 54 429 alors que le taux d’accord en première instance n’était que de 9,8% et grimpait à 14,8% avec les annulations de la Commission des recours [3]. C’est ainsi que l’on entend de plus en plus parler des « vrais » et des « faux » réfugiés, c’est ainsi que la suspicion pèse sur tout étranger qui demande l’asile et que la recherche désespérée de preuves de persécution est devenue un impératif. On voit même apparaître des notions juridiques comme celle de « demande manifestement infondée » ou de « pays d’origine sûrs » qui permettent de rejeter bon nombre de dossiers sans permettre leur dépôt ou leur examen, ce qui met en évidence l’intentionnalité restrictive et dissuasive des régulations.
La trame de la procédure
L’image que l’on a souvent des réfugiés est celle d’une masse amorphe de gens entassée dans un camp de réfugiés du tiers monde. Ce n’est bien sûr pas un hasard, la plupart des personnes relevant de la compétence du Haut Commissariat des Nations unies aux Réfugiés (HCR) se trouvent dans ces conditions [4]. Or, à l’image d’un collectif anonyme s’oppose celle des candidats à l’asile dans les pays européens, où la procédure de qualification et la reconnaissance du statut sont individuelles. La nécessité d’un nom, d’une histoire singulière afin d’obtenir le statut contraint les requérants à sortir de l’anonymat.
Il existe quatre situations dans lesquelles les étrangers peuvent demander l’asile en France : 1) Si le requérant se trouve en danger dans son pays, il peut alors demander une protection auprès de l’ambassade ou du consulat français, qui évalue la demande et peut délivrer un visa lui permettant de venir en France déposer son dossier à l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA). Il faut néanmoins souligner que cette procédure protégée n’est pas très utilisée. 2) Si l’étranger est intercepté alors qu’il essaie de rentrer sur le territoire français et qu’il est placé en zone d’attente, il peut y faire sa demande. La division de l’asile aux frontières de l’OFPRA évalue le caractère « manifestement infondé » ou non de la requête [5]. Si celle-ci est admise, la police aux frontières remet au demandeur un sauf-conduit de huit jours pour entrer sur le territoire et déposer son dossier. 3) Si l’étranger déjà sur le territoire est arrêté sans titre de séjour et placé en centre de rétention administrative (CRA), il peut avoir accès à la procédure d’asile depuis le CRA. 4) Finalement, le requérant peut demander un dossier auprès de la préfecture. Mais pour cela, il doit d’abord se procurer une adresse postale, ce qui n’est pas toujours évident pour des nouveaux arrivants n’ayant pas de connaissances sur place (plusieurs associations offrent un service de domiciliation, c’est-àdire, qu’elles peuvent servir de boîte postale). À la préfecture, l’obtention de l’autorisation provisoire de séjour (APS) peut être refusée pour cinq motifs : a) l’examen relève d’un autre État (en application du règlement Dublin II) parce que la personne est passée par un autre pays signataire de la Convention ; b) le requérant vient d’un pays se trouvant sur la liste de « pays d’origine sûrs » ; c) sa présence constitue une menace pour l’ordre public ; d) la demande d’asile est manifestement infondée et repose sur une fraude délibérée ; e) le requérant a déjà fait l’objet d’une mesure de renvoi. Dans le premier cas, l’OFPRA refuse de statuer sur la demande. Dans les quatre autres, elle évalue les dossiers en « procédure prioritaire » [6], c’est-à-dire que l’Office doit examiner les demandes dans les 15 jours. Cette procédure est également appliquée aux demandeurs d’asile placés en CRA mais le délai d’examen ne peut dépasser les 96 heures. Il faut noter, par ailleurs, qu’en matière de refus d’admission au séjour, les pratiques préfectorales peuvent varier d’un département à l’autre, créant certaines inégalités selon le lieu de dépôt de la demande d’asile (CNCDH, 2006).
Seuls quelques demandeurs d’asile rencontrés en CADA ont entamé la procédure en zone d’attente. La plupart des résidents ont déposé leur demande d’asile auprès de la préfecture, peu de temps après leur arrivée en France, mais certains l’ont fait après quelques mois voire des années passées sur le territoire national. La Préfecture vérifie les empreintes digitales pour certifier qu’il n’y ait pas de disposition de refus d’admission dans un autre pays de l’Union Européenne [7]. Puis, elle convoque l’OFPRA qui ouvre un dossier et le demandeur reçoit une APS d’un mois. Il faut dire qu’avant la loi du 24 août 1993 (dite Pasqua), il était possible pour un demandeur d’asile de saisir l’OFPRA directement sans passer par le guichet préfectoral. Désormais, les préfectures jouent un rôle incontournable de filtrage et de contrôle des dossiers (cf. Spire, 2007).
Une fois le dossier ouvert, la personne a 21 jours pour déposer son dossier complet à l’OFPRA [8], qui lui envoie une « lettre d’enregistrement de la demande d’asile » sur présentation duquel la Préfecture délivre un récépissé de 3 mois renouvelable mais qui n’autorise pas à travailler.
Après un laps de temps variable (pour ce qui est des personnes rencontrées en CADA, c’était entre 4 mois et 2 ans), et même si désormais, suite aux récentes évolutions, la durée de l’instruction des demandes commence effectivement à devenir plus courte, le demandeur reçoit une convocation pour un entretien à l’OFPRA. Certains de mes enquêtés ont eu un rejet sans avoir été convoqués [9]. Dans de nombreux cas, le rejet de l’OFPRA était arrivé avant l’admission dans un CADA.
À l’OFPRA se dégagent deux possibilités : soit la personne est reconnue comme réfugié et acquiert le statut, qui ouvre droit au séjour, au regroupement familial, au travail, au logement, aux prestations sociales, à la formation professionnelle et aux droits fondamentaux des nationaux [10] ; soit l’évaluation est négative et la personne a la possibilité de présenter un recours dans le délai d’un mois avec une contestation écrite de la décision de l’OFPRA. Un décret de 2004 prévoit que le silence gardé pendant deux mois par l’OFPRA (au lieu de quatre mois précédemment) constitue une décision implicite de rejet, le demandeur pouvant alors déposer un recours [11]. Néanmoins, dans la pratique cette disposition est rarement appliquée (cf. CNCDH, 2006) et pour ce qui est de mes interlocuteurs, aucun n’a saisi la Commission sans avoir reçu la réponse de l’Office.
Pour élever les chances de réussite lors du recours, il est vivement conseillé d’engager un avocat. Inutile de souligner que les requérants ignorent en général la complexité de l’administration et du droit français. Or, un avocat coûte cher et la plupart des demandeurs d’asile que j’ai rencontrés ne pouvaient pas attester d’une entrée régulière sur le territoire leur permettant d’accéder à l’aide juridictionnelle. Cette condition est levée depuis le 1er décembre 2008 [12].
Le président de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) peut rejeter certaines affaires par ordonnance, lorsque celles-ci sont irrecevables (i.e. lorsque le recours est hors délai), ou, depuis la fin 2004, par ordonnance « nouvelle » après une première appréciation sur le bien-fondé de la demande (i.e. quand les demandes de réexamen n’ont pas de faits nouveaux). Si le dossier suit son cours, encore faut-il attendre jusqu’à la convocation à l’audience publique à la Cour, où s’offrent deux nouvelles possibilités : soit la CNDA annule la décision de l’OFPRA et délivre le statut ; soit elle confirme l’évaluation négative et la personne, déboutée [13], est invitée à quitter le territoire dans les 30 jours.
Si la CNDA a confirmé la décision de l’OFPRA, c’est-à-dire, si la personne est déboutée, il reste tout de même une possibilité, quoique que rarement pratiquée. Il s’agit d’une demande de réouverture du dossier, qui doit être faite auprès de la préfecture qui évalue l’existence d’éléments nouveaux. Dans ce cas, l’OFPRA délivre un certificat de réexamen et la préfecture doit prolonger le titre de séjour. Il faut dire que le dispositif national d’accueil dont les CADA font partie ne prend pas en charge les demandeurs qui se trouvent dans l’étape de réexamen du dossier. Ainsi, les demandeurs d’asile qui ont été hébergés en CADA tout au long de la procédure jusqu’au rejet de la CNDA et qui ont bénéficié de conseillers juridiques du dispositif se retrouvent démunis de cette aide au moment de demander le réexamen du dossier. Si la réouverture n’aboutit pas, ce qui est bien fréquent, le rejet est définitif et la personne dispose de 30 jours pour quitter le territoire avant que la Préfecture ne délivre une Obligation de quitter le territoire français, qui au-delà de ce temps vaut mesure d’éloignement contraignante et peut être exécutée d’office à l’expiration du délai, sans que l’administration ait à prendre une nouvelle décision.
Dans certains cas très précis, il est possible de présenter un recours en cassation auprès du Conseil d’État contre la décision de la Cour si celleci a commis une erreur de droit. Il s’agit d’un recours non suspensif qui doit être présenté par un avocat. Pendant le délai d’examen, aucun titre de séjour n’est délivré au demandeur d’asile, les décisions de renvoi pouvant être exécutées. En cas d’annulation, le recours est renvoyé à la CNDA pour un nouvel examen. Si le résultat n’est pas favorable, la personne est déboutée.
La trame de l’asile
La notion moderne de réfugié provient du champ juridique international et se trouve intimement liée aux périodes de post-guerre. D’après certains spécialistes en droit international (Feller, 2001 ; Krenz, 1983), elle naquit au sein de la Société des nations, peu après la Grande Guerre, quand cette dernière décida de nommer un Haut Commissaire pour les Réfugiés chargé d’assurer aux déplacés de guerre l’assistance de quelques pays et organisations humanitaires. En France, on peut pousser la genèse plus loin en l’associant à l’asile puisque la Constitution Montagnarde proclamait déjà en 1793, pour la première fois, que le peuple français donnait « asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté » (dans Noiriel, 1991 : 32).
La définition inscrite dans la Convention de Genève de 1951 est le résultat d’un processus de formation qui n’est guère uniforme ou linéaire (Marí, 1982). Entre ce processus de construction et la définition telle que nous la connaissons, il existe un écart, une brèche. Toutefois, il ne s’agit pas d’un problème cognitif mais plutôt d’une rupture d’ordre sémantique, car cette définition reflète le rapport de force entre les différents discours intra et intergouvernementaux qui la traversent. Comme pour tout produit juridique, la définition de réfugié est traversée par maintes luttes de pouvoir. Vingt-six États ont défini lors de la Conférence qui a eu lieu en 1951 sous l’égide des Nations unies, un réfugié comme une personne qui :
« craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut, ou en raison de ladite crainte, ne veut y retourner » (Convention relative au statut de réfugié, chapitre premier, article premier, A2) [14].
Deux discours s’opposaient lors de la Conférence tenue à Genève concernant notamment la portée de la définition de réfugié : un discours défendait une définition limitée dans l’espace et dans le temps aux événements qui ont eu lieu en Europe avant le 1er janvier 1951 ; l’autre proposait une définition plus large, sans restrictions. Du fait des négociations de la délégation française, deux rédactions furent possibles lors de la ratification et c’était à chaque État de choisir entre une définition limitée aux événements européens ou bien d’élargir la définition de réfugié à ceux « d’Europe ou d’ailleurs ».
Derrière l’opacité de la définition de réfugié, il faut voir la tension existante après la Seconde Guerre mondiale entre le discours sur la volonté de protection des droits de l’homme et le besoin de maîtriser le mouvement de populations errantes. Les États sont alors confrontés à entre vingt et trente millions de déplacés (Loescher, 1993 : 46) sur le territoire européen. S’il existait, comme le souligne Gérard Noiriel (1991), un besoin de main-d’oeuvre pour l’industrie française lié à la reconstruction et à la nécessité de repeuplement du pays, il n’était néanmoins pas question de « laisser entrer » plus d’étrangers que nécessaire. Une chose était les valeurs humanitaires que les États érigeaient en déclaration universelle, une autre était de placer des réfugiés sur leurs territoires respectifs. D’ailleurs, s’il faut attendre jusqu’en septembre 1954 pour que la conven- tion de Genève entre en vigueur en France, c’est à cause des réticences manifestées par les fonctionnaires du ministère du Travail qui craignaient de ne plus pouvoir assurer la protection de la main-d’oeuvre nationale.
La Convention de 1951 met en avant la souveraineté des États-nations en ce qui concerne l’accès des étrangers à leur territoire. Elle institue l’importance décisive que prend désormais la procédure de qualification individuelle des « éligibles », que les États signataires sont autorisés à organiser euxmêmes (Noiriel, 1991 : 151). En France, l’établissement public chargé d’assurer l’application des arrangements internationaux en matière d’asile est, comme on l’a vu, l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), créé en 1952, juste un an après la signature de la Convention de Genève [15]. L’OFPRA est sous la tutelle du ministère de l’Immigration depuis mai 2007 (l’Office était jusqu’alors sous l’égide du Ministère des Affaires étrangères). La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) – ancienne Commission des recours des réfugiés – est la juridiction administrative spécialisée dans l’examen des recours contre les rejets prononcés par l’OFPRA. À la différence de l’Office, les audiences à la CNDA sont publiques et ses formations de jugement sont composées de trois membres : un président membre du Conseil d’État ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, ou magistrat de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, ou de l’ordre judiciaire ; un assesseur représentant du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et un autre assesseur représentant du conseil de l’OFPRA [16].
L’interprétation française de la définition conventionnelle excluait jusqu’à la loi de décembre 2003 les dangers liés aux violences généralisées et aux guerres civiles et militaires, ne gardant que l’État comme agent de persécution. La réformemet fin à cette interprétation restrictive, la qualité de réfugié peut désormais être reconnue en cas de persécution ou de menaces graves commises non seulement par l’État mais aussi par des partis ou organisations à condition qu’ils contrôlent une partie du territoire de l’État et que les autorités ne soient pas en mesure d’offrir leur protection.
Au-delà de cette définition, et même si cela concerne un nombre très réduit de personnes, la France délivre aussi le statut aux personnes reconnues comme réfugiées par le HCR et « à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté », selon le préambule de la Constitution de 1946 (asile dit constitutionnel). D’autre part, il existait, depuis la loi de 1998 (loi dite Chevènement), l’asile dit territorial mais il s’agissait dans ce cas d’une protection qui ne relevait pas de l’OFPRA mais du ministère de l’Intérieur et qui était soumise à une réévaluation annuelle. L’asile territorial était une admission exceptionnelle au séjour, décidée par le ministère de l’Intérieur après avis du ministère des Affaires étrangères, en cas de menace à la vie, à la liberté, ou en raison de traitements inhumains ou dégradants lors d’un retour dans le pays d’origine. Il s’agissait d’un droit discrétionnaire du souverain. Ces deux dernières figures juridiques, l’asile constitutionnel et l’asile territorial, rendent compte d’une précarisation du droit d’asile que Luc Legoux (1995) a pu désigner comme la « crise de l’asile ». Il s’agit, tout compte fait, de trier, sélectionner et d’attribuer les différents statuts sur des bases discrétionnaires contournant, pour un certain nombre de cas, la convention de Genève.
La loi du 10 décembre 2003 (loi n° 2003-1176) – qui porte certainement quelques traces du poids de la droite et de l’extrême-droite peu de temps après l’élection présidentielle de 2002 – introduit des modifications importantes dans le domaine de l’asile. L’OFPRA devient désormais le « guichet unique » de l’instruction des demandes, reconnaissance de la qualité de réfugié – asile constitutionnel et asile conventionnel – et attribution du bénéfice de la « protection subsidiaire », régime de protection substitué à l’asile territorial et pouvant être accordé aux personnes non éligibles à l’asile constitutionnel et à l’asile conventionnel mais en mesure d’établir qu’elles sont soumises à des menaces graves dans leur pays. Le but de la réforme était, disait-on à l’époque, d’harmoniser les législations européennes. Pour ce faire, il fallait d’abord raccourcir les délais pour faire en sorte qu’il n’y ait plus d’engorgement du système. Mais aussi, il fallait rationaliser les coûts et lutter contre les « demandeurs d’asile abusifs », car, selon M. de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères :
« le fait est que beaucoup d’étrangers sollicitent notre système d’asile, non pas pour obtenir la protection de notre pays, mais pour s’y maintenir le plus longtemps possible, leur motivation étant de nature économique (...) près de 90% des demandeurs d’asile sont entrés irrégulièrement dans notre territoire. Ces candidats à un asile que l’on pourrait qualifier d’ ‘économique’ recourent en effet aux filières d’immigration clandestine et arrivent en France, le plus souvent par voie terrestre, mais aussi par voie aérienne » (cran, 6/6/2003, p. 4590).
Cette citation illustre bien le lien qui s’établit entre une entrée irrégulière dans le territoire et une demande d’asile abusive, un « faux » réfugié. Avec ce guichet unique et avec le recrutement de nouveaux officiers de protection à l’OFPRA, l’administration nationale semble chercher à rationaliser la gestion des dossiers en éliminant d’office une partie des demandes. La réforme s’appuie sur la notion de « pays d’origine sûrs » pour systématiser la pratique de procédures accélérées si le demandeur a la nationalité d’un pays considéré « d’origine sûr », dont il existe une liste, ou d’un pays dont le régime s’est démocratisé. Ces examens dits « prioritaires » permettent de se défaire rapidement d’un bon nombre de dossiers. Une autre notion qui a vu le jour à ce moment et va dans le même sens est celle d’« asile interne », à partir de laquelle une personne aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine et n’aurait donc pas besoin de protection dans un pays d’accueil. L’ancien ministre des Affaires étrangères offrait un exemple :
« ce n’est pas parce qu’une partie de la Côte d’Ivoire ou de la République démocratique du Congo est en proie à la rébellion ou aux massacres que tous les citoyens de ces deux pays, où qu’ils se trouvent, sont légitimes à demander l’asile en France » (cran du 6/6/2003, p. 4591).
Les réformes entamées en 2003 suivent leur cours et s’approfondissent avec la loi de juillet 2006, qui introduit notamment des modifications concernant l’accueil des demandeurs d’asile et la création d’un système de fichage de ces derniers, sur lequel je reviendrai plus longuement, et celle de novembre 2007, qui place l’OFPRA sous l’égide du nouveau ministère de l’Immigration et remplace la Commission des recours par la Cour nationale du droit d’asile.
La porte de la première chambre est fermée, il n’y a pas de bruit, les enfants sont sûrement à l’école, je les ai croisés ce matin. La porte donnant sur la chambre occupée depuis presque un an par un couple moldave est entrouverte, Ludmila fait le ménage et son mari discute avec un homme que je ne connais pas. Il est deux heures de l’après-midi, tout est calme dans cet appartement du troisième étage. Je frappe à la dernière porte, au bout du couloir. Aké est dans sa petite chambre étroite, la télévision allumée mais sans volume, il écoute la radio allongé sur son lit. Qu’est-ce que tu faisais ? « Rien, tu vois, comme d’hab. »(notes de terrain, 04/07/05).
Ce fragment de mes notes de terrain date du 4 juillet 2005 mais il n’est pas très différent de celui que j’écris le 21 avril, le 14 février ou le 31 mai, pour ne citer que quelques exemples. Il ne se passe pas grande chose, on dirait. Comme dans certains films dudit « nouveau cinéma argentin », tels que La libertad de Lisandro Alonso,Hamaca Paraguaya de Paz Encina69, où seul le spectateur pris au dépourvu attend qu’il se passe quelque chose d’extraordinaire car d’ « action », du moins en principe, il n’y en a pas. Précisément, dans ces pages il sera question d’explorer un aspect dont le matériau ethnographique rend compte de manière accablante : la perception d’un temps vide. Ou, ce qui semblerait une expérience voisine : l’ennui. (...)
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« Je rêve d’une vie paisible, une vie normale, tu vois, un travail correct, une maison, les enfants à l’école, en bonne santé, c’est tout » (entretien, demandeuse d’asile congolaise, 5/03/05).
L’attente au CADA constitue le moment et l’espace pour réfléchir à l’avenir. Dans l’attente se construit et se déploie un imaginaire en rapport à l’« après », c’est-à-dire la fin de la procédure, où l’on commencerait une « nouvelle vie ». À la différence de la grande attention portée au passé dans le présent, le futur dans le présent ne semble pas avoir énormément intéressé les anthropologues (Munn, 1992). Dans les pages qui suivent j’essaierai d’aborder la façon dont cette problématique temporelle se pose pour les résidents dans leur présent en CADA. Le matériau recueilli rend compte de la réponse à leur demande d’asile comme une charnière, un moment clé dans leur parcours à partir duquel, si la réponse est positive, ils pourront envisager une « vie normale ». Il s’agit ici d’explorer le sens que mes interlocuteurs attribuent à cette « vie normale » et ainsi aborder leurs projets futurs.
Les imaginaires de normalisation des personnes rencontrées n’offrent pas d’image spectaculaire, bien au contraire, ils s’enracinent dans la quotidienneté banale de celui qui a un emploi pour subvenir à ses besoins, est entouré de sa famille et se trouve enfin installé. Cette nouvelle vie rêvée apparaît ainsi comme l’image inversée du présent de l’attente en CADA. Il sera question dans ce sens d’appréhender l’attente en ce qu’elle a d’espérance. Attendre c’est donc ici espérer. Faire attendre et faire espérer apparaissent en effet dans les discours de mes interlocuteurs comme les deux dimensions d’unemême temporalité : la première en rapport à la durée, aux structures répétitives, et la deuxième portant sur les projections de l’avenir. (...)
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Notes infrapaginales de l’introduction :
1) La restitution de la recherche auprès des mes interlocuteurs, qu’elle ait été demandée par ces derniers ou provoquée par moi-même, a également fait partie de la démarche que j’ai entreprise dans mon travail doctoral. Je ne l’aborderai pas ici mais j’y ai consacré un article (Kobelinsky 2008a).
2) Les chiffres ont été repris de l’article de Alaux (2004), les données provenant des bilans de l’OFPRA.
3) Chiffres extraits du Rapport d’activité de l’OFPRA, 2003.
4) Selon les statistiques du HCR, à la fin de l’année 2007, 31 677 924 personnes relevaient de la compétence de cette agence des Nations unies (réfugiés, demandeurs d’asile, déplacés internes, apatrides) : Source : UNHCR Statistical Yearbook 2007.
5) L’article 35 quater de la loi du 6 juillet 1992 prévoit le maintien des demandeurs d’asile en zone d’attente le temps d’examiner si la demande n’est pas manifestement infondée. De fait, le refus d’entrer sur le territoire au motif que la demande d’asile est infondée était une pratique qui existait déjà avant cette date (Decourcelle et Julinet, 2000). Par ailleurs, suite à une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme, la loi du 20 novembre 2007 institue la possibilité d’introduire un recours suspensif à l’encontre des refus d’admission au titre de l’asile. Or, un rapport de l’Anafé publié en septembre 2008 rend compte des grandes difficultés rencontrées par les requérants à l’heure de faire effectif leur droit au recours.
6) A la différence des demandeurs d’asile en procédure normale, ceux qui sont en procédure prioritaire et qui n’ont donc pas d’APS ne bénéficient, en matière d’accès aux soins, que de l’aide médicale de l’Etat. De fait, ce type de procédure permet à l’administration de traiter plus rapidement, et de rejeter presque systématiquement, un bon nombre de demandes.
7) L’unité centrale européenne du système EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales des demandeurs d’asile est entrée en service le 15 janvier 2003.
8) Avant le décret du 14 août 2004, le délai de dépôt était de 28 jours pour une procédure normale.
9) La loi du 10 juillet 2003 pose le principe de l’audition systématique. Les taux de convocation connaissent désormais une augmentation constante sans pour autant atteindre la totalité des demandeurs.
10) Depuis 2004 l’OFPRA ne délivre plus de certificat de réfugié, le statut étant porté sur la carte de résident. Selon la CNCDH (2006 : 191), outre la perte de la portée symbolique de ce document qui matérialisait pour le réfugié la reconnaissance de ses craintes, la suppression du certificat pose des problèmes administratifs, notamment dans l’attente de la délivrance du premier titre de séjour. Pour pallier ces inconvénients, un Bureau du maintien de la protection au sein de l’Office délivre des attestations de « maintien au statut » pour les réfugiés.
11) Décret du 14 août 2004 (n° 2004- 814) relatif à l’OFPRA et la Commission des recours.
12) La directive européenne (2005/85/CE) relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, lève cette condition de recevabilité liée à l’entrée régulière. La loi du 24 juillet 2006 (n° 2006-911), par transposition de la norme européenne, supprime cette condition mais elle n’est devenue effective qu’en décembre 2008.
13) Il s’est opéré un glissement, du verbe débouter et donc du participe débouté (la demande d’asile qui est déboutée) au substantif qui désigne la personne dont la demande n’a pas abouti et qui devient un/une débouté(e).
14) Cette notion de crainte fondée de persécution se trouvait déjà dans la définition du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (Marrus, 1985).
15) Même si ce n’est qu’en 1954 que la France ratifie la Convention de Genève en adoptant les réserves de temps. Ces dernières seront levées en 1971 lors de la ratification du Protocole de New York de 1967.
16) Tel que le soulignent Decourcelle et Julinet (2000 : 78), la présence d’un assesseur de l’OFPRA à la CRR déroge un principe élémentaire de droit qui proclame que « nul ne peut être juge et partie à la fois ». Par ailleurs, la Cour était entièrement dépendante de l’OFPRA tant sur le plan budgétaire qu’administratif jusqu’en 2009, lorsqu’elle passe sous l’abri du Conseil d’Etat.
NOTES
[1] La restitution de la recherche auprès des mes interlocuteurs, qu’elle ait été demandée par ces derniers ou provoquée par moi-même, a également fait partie de la démarche que j’ai entreprise dans mon travail doctoral. Je ne l’aborderai pas ici mais j’y ai consacré un article (Kobelinsky 2008a).
[2] Les chiffres ont été repris de l’article de Alaux (2004), les données provenant des bilans de l’OFPRA
[3] Chiffres extraits du Rapport d’activité de l’OFPRA, 2003.
[4] Selon les statistiques du HCR, à la fin de l’année 2007, 31 677 924 personnes relevaient de la compétence de cette agence des Nations unies (réfugiés, demandeurs d’asile, déplacés internes, apatrides) : Source : UNHCR Statistical Yearbook 2007.
[5] L’article 35 quater de la loi du 6 juillet 1992 prévoit le maintien des demandeurs d’asile en zone d’attente le temps d’examiner si la demande n’est pas manifestement infondée. De fait, le refus d’entrer sur le territoire au motif que la demande d’asile est infondée était une pratique qui existait déjà avant cette date (Decourcelle et Julinet, 2000). Par ailleurs, suite à une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme, la loi du 20 novembre 2007 institue la possibilité d’introduire un recours suspensif à l’encontre des refus d’admission au titre de l’asile. Or, un rapport de l’Anafé publié en septembre 2008 rend compte des grandes difficultés rencontrées par les requérants à l’heure de faire effectif leur droit au recours.
[6] A la différence des demandeurs d’asile en procédure normale, ceux qui sont en procédure prioritaire et qui n’ont donc pas d’APS ne bénéficient, en matière d’accès aux soins, que de l’aide médicale de l’Etat. De fait, ce type de procédure permet à l’administration de traiter plus rapidement, et de rejeter presque systématiquement, un bon nombre de demandes.
[7] L’unité centrale européenne du système EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales des demandeurs d’asile est entrée en service le 15 janvier 2003.
[8] Avant le décret du 14 août 2004, le délai de dépôt était de 28 jours pour une procédure normale.
[9] La loi du 10 juillet 2003 pose le principe de l’audition systématique. Les taux de convocation connaissent désormais une augmentation constante sans pour autant atteindre la totalité des demandeurs.
[10] Décret du 14 août 2004 (n° 2004- 814) relatif à l’OFPRA et la Commission des recours.
[11] Depuis 2004 l’OFPRA ne délivre plus de certificat de réfugié, le statut étant porté sur la carte de résident. Selon la CNCDH (2006 : 191), outre la perte de la portée symbolique de ce document qui matérialisait pour le réfugié la reconnaissance de ses craintes, la suppression du certificat pose des problèmes administratifs, notamment dans l’attente de la délivrance du premier titre de séjour. Pour pallier ces inconvénients, un Bureau du maintien de la protection au sein de l’Office délivre des attestations de « maintien au statut » pour les réfugiés.
[12] La directive européenne (2005/85/CE) relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, lève cette condition de recevabilité liée à l’entrée régulière. La loi du 24 juillet 2006 (n° 2006-911), par transposition de la norme européenne, supprime cette condition mais elle n’est devenue effective qu’en décembre 2008.
[13] Il s’est opéré un glissement, du verbe débouter et donc du participe débouté (la demande d’asile qui est déboutée) au substantif qui désigne la personne dont la demande n’a pas abouti et qui devient un/une débouté(e).
[14] Même si ce n’est qu’en 1954 que la France ratifie la Convention de Genève en adoptant les réserves de temps. Ces dernières seront levées en 1971 lors de la ratification du Protocole de New York de 1967.
[15] Cette notion de crainte fondée de persécution se trouvait déjà dans la définition du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (Marrus, 1985).
[16] Tel que le soulignent Decourcelle et Julinet (2000 : 78), la présence d’un assesseur de l’OFPRA à la CRR déroge un principe élémentaire de droit qui proclame que « nul ne peut être juge et partie à la fois ». Par ailleurs, la Cour était entièrement dépendante de l’OFPRA tant sur le plan budgétaire qu’administratif jusqu’en 2009, lorsqu’elle passe sous l’abri du Conseil d’Etat.