Sommaire
I.Contrer une représentation dépolitisée du migrant
I.1/ Au sein des comités, lors de l’accompagnement des familles migrantes
I.2/ Au niveau du réseau dans son ensemble, lors de l’élaboration des tracts, des affiches appelant à la mobilisation
I.3/ Au niveau trans-organisationnel, lors de la constitution d’alliances avec d’autres organisations de contestation sociale
II. Faire entendre la voix de la critique sociale
II.1/ L’effet de la structure en réseau sur la mobilisation en faveur de la défense des droits des migrants II.1.a/ « L’authenticité de l’engagement ». II.1.b/ La souplesse de l’engagement. II.1.c/ Le consensus comme fondement des décisions et des actions.
II.2/ Le RESF, lieu d’expression d’une véritable critique sociale II.2.a/ II.2.a/ Une critique par l’action II.2.b/ La logique de réseau est aussi une logique de lutte. II.2.c/ Une voix plurielle
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Historiquement et sociologiquement, le Réseau Education Sans Frontières (RESF) fait partie des mouvements sociaux des années 90 ayant porté sur le devant de la scène publique et médiatique un regard critique sur notre société, en prenant appui sur un certain nombre d’injustices sociales criantes.
Certes, ce n’est que le 26 juin 2004 que « le Réseau Education Sans Frontières (RESF) se constitue publiquement lors d’une assemblée de représentants de collectifs d’établissements, de syndicats d’enseignants, d’association antiracistes, de défense des droits de l’homme et de parents » (Gintzburger [2006], p. 23). Mais, comme le rappelle Anne Gintzburger, cette constitution publique n’est elle-même que l’aboutissement de deux expériences antérieures, datant du milieu des années 90, à Créteil et à Châtenay-Malabry (idem., pp. 23 et sq).
Par ailleurs, le RESF se situe parfaitement dans la logique de ces mouvements sociaux [1]. Comme ceux-ci, le RESF défend une cause spécifique. Rassemblant des enseignants et des parents d’élèves, des lycéens, des habitants de quartiers, ainsi qu’un ensemble de quelques 221 organisations, le RESF milite depuis quatre ans pour défendre les parents en situation irrégulière d’enfants scolarisés et les jeunes majeurs scolarisés [2].
Comme les mouvements sociaux des années 90, le RESF a une approche avant tout humanitaire de cette cause à défendre. Indignés du traitement infligé aux enfants de familles sans-papiers et aux jeunes majeurs « copains » de leurs propres enfants, les parents d‘élèves et le personnel enseignant des écoles, collèges et lycées ont décidé de les soutenir, parfois collectivement (par exemple lors du dépôt collectif de demande d’examen de dossiers du 5 juillet 2006 (cf. De Blic [2006]), et toujours individuellement, dans leurs démarches administratives et souvent judiciaires. Ils espèrent ainsi soulager ces familles et ces jeunes majeurs des longs tracas souvent arbitraires qui leur sont imposés en vue d’obtenir leurs titres provisoires de séjour, avec succès parfois.
Enfin, toujours comme ces mouvements contestataires, le RESF dénonce des injustices sociales en s’appuyant sur le thème de l’exclusion (les sans-papiers). Il rappelle que les « sans » ont des droits : à l’éducation, à la vie familiale, au logement, à un avocat, à un traitement humain et non dégradant, etc.
Pour autant, il est également important de souligner ce qui différencie le RESF de ces mouvements. Face aux discours xénophobes cherchant à stigmatiser l’étranger, à le présenter comme un danger sinon un problème [3], le RESF construit à double titre une critique plus radicale qu’il n’y paraît au premier abord – qui n’a pas encore été soulignée. Tout d’abord par le dépassement de l’approche humanitaire des problèmes sociaux qu’il aborde. Ensuite par la dynamique de contestation sociale qu’il crée autour de ces problèmes.
Le dépassement de l’approche humanitaire. En appelant à la régularisation des parents sans-papiers d’enfants scolarisés, le RESF propose une approche tout à fait étroite du problème des migrants. Celle-ci lui permet sans doute de faire appel (plus que d’autres) aux « qualités de cœur » de chacun. Pour autant, les acteurs du RESF expriment le malheur des enfants (et de leurs parents) comme un problème social [4]. Or, en opérant ce déplacement, le RESF fait renaître la figure sociale du migrant, reléguant au second plan sa dimension ethnique. Il produit un discours non seulement humanitaire mais également socio-économique contre la xénophobie – au sens où nous avons précédemment défini ce terme, comme discours cherchant à stigmatiser l’étranger. Certes, il ne s’agit pas nécessairement de condamner ce qui serait une « xénophobie d’Etat » (Le Cour Grandmaison [2007], Tubiana [2007]). Avant tout parce que tout discours xénophobe ne vient pas toujours en premier lieu de (et/ou n’est pas nécessairement véhiculé par) l’Etat [5]. En revanche, en s’indignant de la situation vécue par le migrant et en luttant pour l’aider à s’en extraire administrativement (via la régularisation de la situation administrative des sans-papiers), le RESF cherche toujours à 1/ dénoncer l’inhumanité des effets des mesures prises pour mettre en oeuvre les lois relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, 2/ en souligner les dérives xénophobes [6] ainsi que la « politique de la peur » (Le Cour Grandmaison [2007]) menée aujourd’hui par l’Etat, 3/ rappeler les conséquences socio-économiques de ces lois et de cette politique. Or, et nous insistons ici sur ce point, cette critique socio-économique de la xénophobie est bien plus radicale que la critique humanitaire. Moins apparente que celle-ci, elle est néanmoins toujours et de plus en plus présente au sein de RESF. Et ce faisant, ce dernier réhabilite une critique sociale et mobilise sur ce thème là où les organisations syndicales et politiques traditionnelles ne le font plus.
La mobilisation créée par le RESF autour de ces problèmes est en effet tout à fait originale en France. Elle se caractérise par la construction d’une dynamique de contestation sociale autour de la figure du migrant. Or, cette seconde spécificité du RESF tient, à nos yeux, à la forme d’organisation - de l’action comme de la structure - en réseau.
Les actions menées par le RESF sont en effet menées en réseau (d’acteurs et d’informations) : ainsi en est-il des mobilisations pour obtenir la sortie d’une mise en garde à vue d’un parent, ou encore pour intervenir lors de contrôles d’identité dans un quartier durant un temps déterminé sur ordre du procureur, etc…
Mais cela ne suffirait pas pour spécifier le RESF vis-à-vis d’autres structures. Le RESF est véritablement un réseau original car, de plus, l’ensemble de ses acteurs, de leurs décisions, de leurs informations, de leurs échanges, se font sur le mode du réseau. Dit autrement, la structure organisationnelle du RESF est celle du réseau, c’est-à-dire une structure informelle, non hiérarchisée reliant les acteurs par des flux d’informations orientés vers la défense des parents sans-papiers dont les enfants sont scolarisés. On notera en particulier ici que, certes, il existe une structure en forme de poupées russes au sein du RESF. On passe ainsi du comité local au RESF en général (chacun pouvant d’ailleurs communiquer sur des listes de discussion internet spécifiques) en trouvant des niveaux intermédiaires tels que, dans Paris, ceux regroupant plusieurs arrondissements avant de considérer Paris dans son ensemble, etc. Mais ce découpage est uniquement géographique. Il n’implique pas des niveaux de décision hiérarchiquement marqués, ni donc des niveaux de pouvoir particulier. Il est vrai que cette situation fièrement revendiquée a dû être souvent réaffirmée. Pour diverses raisons, certains acteurs du RESF ont proposé un encadrement de la structure informelle par un conseil d’organisations ou encore, au quotidien, affirmé une présence dépassant largement le cadre géographique de leur comité (d’où toute une querelle interne sur le terme de « porte-parole » par exemple). Il n’en demeure pas moins que l’horizontalité du RESF est une de ses caractéristiques essentielles. Or, il est possible d’expliquer une part au moins de la mobilisation des acteurs à partir des caractéristiques de la structure en réseau. On pourra même expliquer la mobilisation en faveur des familles sans papiers et des jeunes majeurs créée par RESF sous la forme d’une véritable dynamique de contestation sociale à partir de certaines caractéristiques de la structure en réseau.
L’objet de notre travail consiste donc à expliciter ces deux aspects de la spécificité du RESF. Nous montrerons comment le RESF fait renaître la dimension sociale du migrant – comment, tout en la contenant dans une rhétorique des droits de l’homme très marquée, le RESF est amené à rendre visible une figure politisée du migrant (par opposition à une figure ethnique) qui déborde largement le cadre initial affiché (I. Contrer une représentation dépolitisée du migrant). Nous verrons ensuite comment la structure en réseau du RESF rend possible la construction d’une dynamique de contestation sociale autour de cette figure (II. Faire entendre la voix de la critique sociale).
I. Contrer une représentation dépolitisée du migrant
Nous l’avons rappelé, le RESF propose une entrée tout à fait spécifique sur le sujet de la lutte contre les représentations et les perceptions xénophobes de l’altérité. Pour autant, cette entrée ne lui permet pas simplement de sensibiliser, du point de vue humanitaire, à sa cause. Elle lui permet surtout de faire découvrir l’autre comme victime exploitée, dépendante, opprimée. Or, de ce point de vue, la critique est bien plus radicale qu’elle pourrait paraître au premier abord. De fait, le RESF permet de contrer la représentation ethnique, dépolitisée du migrant qui domine depuis les années 80 (Noiriel [2007], pp. 63-65). Il fait renaître une représentation dans laquelle le social retrouve toute sa place.
Cette représentation sociale se construit au sein de RESF à trois niveaux : au sein des comités, lors de l’accompagnement des familles migrantes ; au niveau du réseau dans son ensemble, lors de l’élaboration des tracts, des affiches appelant à la mobilisation ; au niveau trans-organisationnel, lors de constitution d’alliances avec d’autres organisations de contestation sociale. Développons ces trois volets.
I.1/ Au sein des comités, lors de l’accompagnement des familles migrantes
L’idée n’est pas nouvelle : il existe un décalage entre les discours xénophobes et le vécu, au jour le jour, des sans-papiers et il convient de le combler par des témoignages. Les contraintes administratives et les obstacles qui jalonnent le parcours conduisant à l’obtention ou au refus au séjour régulier en France ont déjà été mises en évidence (cf. Cimade [2006], Gintzburger [2006], ou, pour un recueil de travaux plus académiques, Freedman et Valluy [2007]). Et avec elle a été pointée l’idée que ces histoires ne revêtent pas seulement une dimension humaine mais aussi politique – au sens où elles sont les conséquences des politiques migratoires mises en place par les gouvernements successifs depuis les années soixante-dix en France (Cimade [2006], pp. 9-10) [7].
Le RESF, en proposant son soutien aux familles sans-papiers dont les enfants sont scolarisés ne dit pas autre chose (cf. RESF [2004]). Mais il fait voir à tous les « resfiens » une dimension supplémentaire. Les parcours des sans-papiers sont des parcours de travailleurs exploités. Ces personnes déclarent leurs revenus au fisc, payent des loyers, la cantine, la crèche pour leurs enfants lorsqu’ils y obtiennent une place - tout en étant dans la plus grande « insécurité sociale » (Castel [2003]) qui puisse exister en France : ne sont pour eux ni la durée légale de travail, ni le SMIC, ou encore les prestations sociales, etc. [8]. En revanche, ils vivent dans l’inquiétude supplémentaire et constante de l’imminence d’une arrestation suivie d’une expulsion.
Toutes les personnes qui accompagnent les migrants dans leurs démarches sont au courant de cette situation. Mais l’originalité du RESF est de la faire voir au quotidien à tous ceux qui constituent la société civile : les voisins, les parents d’élèves, les enseignants des quartiers, communes et départements dans lesquels les sans-papiers habitent, travaillent et scolarisent leurs enfants. En effet, dans chaque école, collège, lycée peut être créé un comité RESF. Dans chaque comité, des parents, des enseignants, des directeurs et proviseurs peuvent recevoir les familles, les aider à constituer leurs dossiers, les accompagner en préfecture ou au tribunal (De Blic [2006]) [9]. Or, l’ensemble des documents retraçant la vie en France de ces migrants est ainsi exposée aux yeux de tous ceux qui proposent leur soutien : les factures, les déclarations d’impôts sur le revenu, la taxe d’habitation, les fiches de paye car il y en a, les attestations AME etc. Mais aussi, la durée du séjour irrégulier en France, les conditions d’entrée sur le territoire, l’éclatement géographique de la famille. Enfin, les conditions de vie en France : la taille du logement, le nombre d’habitants dans ce logement, la durée du travail, l’absence de vacances, l’impossibilité d’inviter les amis des enfants, bref de mener une vie normale. Ces informations sont connues pour la constitution des dossiers administratifs mais aussi pour la rédaction des pétitions et des courriers de soutien aux familles en témoignage de leur intégration en France, de l’attention qu’ils portent à leurs enfants, à leur scolarité, à leur santé….
Dans certains cas, certains « resfiens » se sont regroupés autour de thèmes particuliers. On retiendra plus spécifiquement ici les thèmes de lutte spécifiques liées aux problématiques des familles migrantes non régularisées (le logement en particulier) [10]. Ici encore, c’est au-delà de la dimension humanitaire que les réponses sont apportées par le RESF. Car derrière la question du logement des sans-papiers, ce n’est pas seulement l’urgence de savoir où dormir qui est posée. C’est surtout l’exploitation par les marchands de sommeil qui est stigmatisée [11] ainsi que les dysfonctionnements administratifs des services sociaux. Car ils imposent une mobilité insoutenable aux familles - alors même qu’elles ont plus besoin que d’autres de stabilité, ne serait-ce que pour mener leurs démarches administratives ! [12] Ainsi, à Paris, Mantes-la-jolie, Lille, Orléans notamment, les acteurs du RESF sont intervenus dans le domaine du logement, se coordonnant quelquefois (dans le cas de Paris), échangeant des informations sur les listes, et surtout en accompagnant les familles sur le terrain : les acteurs institutionnels (le DDASS, le Samu social et ses « sous-traitants » dans ce domaine, les mairies) ont été surpris de voir le RESF les interpeller sur ces questions, faire pression sur eux, convoquer la presse, voire animer une manifestation locale sur le double thème du logement et des papiers (à Paris XX°, par exemple), en écho à la participation du RESF à l’affaire de Cachan à l’été 2006 sur le mot d’ordre « école-papiers-logement » (cf. annexe a).
Ainsi, au sein des comités de soutien, les « resfiens » ne peuvent plus rattacher le migrant à la figure de l’assisté (associée à l’idée énoncée par Michel Rocard [1990] que « la France ne peut accueillir toute la misère du monde, [même s’il ajoutait immédiatement] mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part ») ou du criminel (le délinquant, le terroriste, de toute façon dangereux). En renouant avec la dimension économique et sociale du migrant, le RESF replace celui-ci dans un rapport d’exploitation économique. Avec le RESF est donc réhabilité la figure du travailleur immigré clandestin et, de ce fait, davantage exploité que tout autre. Le migrant est celui qui travaille parfois nuit et jour (pour boucler une commande dans un atelier de couture), toujours plus de 35 heures par semaine, mais souvent une dizaine de jour par mois seulement, pour un salaire excédant rarement 800 euros par mois (cf. Van Eeckhout [2008], p. 13). Le migrant est celui dont la régularisation par le travail dépend de la décision discrétionnaire du préfet dès lors que, non européen et non qualifié, il ne remplit pas les conditions nécessaires pour obtenir de droit cette régularisation [13]. Le migrant est celui qui, en raison de ses horaires irréguliers de travail, ne peut pas venir ses chercher ses enfants à l’école, ne peut pas prendre des cours de français, n’a pas droit aux loisirs (cf., par exemple, Cimade [2006] ou Chemin [2007]). Le migrant est celui qui, à Paris, vit à plusieurs dans des logements exigus de 15 à 30m2, qui peuvent être insalubres et dont les loyers au m2 équivalent ceux des HLM de Neuilly [14].
Par ailleurs, cette représentation rompt avec une conception de l’humanitaire comme aide aux populations déshéritées. Les actions du RESF demandent en effet toujours la participation et l’implication croissante – jamais automatiquement ni même durablement acquise cependant – des familles concernées. Les actions de RESF soutiennent une démarche engagée par les familles. Elles l’alimentent, mais elles ne s’y substituent pas. En ce sens, les actions de RESF sont l’expression d’une solidarité active, dont le point de départ est toujours le quartier. En témoignent les manifestations devant les écoles ou à partir des écoles, de même que les dépôts collectifs de dossiers à Paris à la Préfecture de police, rassemblant soutiens et familles. Pour la plupart d’entre elles, c’est une première occasion d’affirmation publique. Souvent, elles sont d’ailleurs surprises du caractère multi-ethnique de ces rassemblements : « il n’y a pas que des Chinois ? », s’étonnait une jeune mère de famille se retrouvant dans un comité d’école avec un père congolais et une mère ukrainienne accompagnée de sa fille.
En témoigne également, au-delà de ces rassemblements, la reprise ou la naissance de mouvements de sans-papiers eux-mêmes, encouragée par l’existence du RESF : par exemple l’association Hui Ji, dans le quartier de Belleville, regroupant des sans-papiers de l’immigration chinoise mais pas uniquement, ou encore le Collectif sans-papiers du 19° arrondissement, qui ont d’ailleurs préparé ensemble des apparitions publiques (rassemblements ou manifestations, organisées, pour les derniers, dans le cadre de « Quartiers solidaires »).
En témoignent, enfin, ces manifestations parisiennes d’un genre particulier, dites pour les premières « farandoles », qui regroupent progressivement des petits cortèges venant de telle ou telle école, pour aboutir à une manifestation qui se veut différente des habituels rassemblements militants du samedi après-midi.
Ainsi connu au quotidien, reconnu dans cette nouvelle proximité militante, le migrant en tant que main d’oeuvre exploitée apparaît aussi à un second niveau : celui du réseau dans son ensemble, lors de l’élaboration des tracts, des communiqués et des affiches appelant à la mobilisation.
I.2/ Au niveau du réseau dans son ensemble, lors de l’élaboration des tracts, des affiches appelant à la mobilisation
La figure du travailleur immigré clandestin n’est pas toujours présente dans les argumentaires déployés par le RESF. Car, nous l’avons dit, la rhétorique du RESF est d’abord centrée sur la défense des droits de l’homme [15]. Cette figure sociale, politisée, du migrant est donc absente à l’origine du discours du RESF. Mais il faut noter qu’elle devient plus récurrente depuis la création du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, dirigé par Brice Hortefeux.
Nous l’avons rappelé en introduction, l’essentiel du propos du RESF, et tout particulièrement en ces temps de « xénophobie d’Etat » et de « politique de la peur » (Le Cour Grandmaison [2007], Tubiana [2007]), reste de dénoncer publiquement l’inhumanité des effets des mesures prises pour mettre en œuvre les lois relatives à l’entrée et au séjour des étrangers. Luttant pour voir pleinement respecté le droit à l’éducation de tous les enfants et jeunes majeurs, qu’ils soient nés de parents en situation régulière ou non sur le territoire français, le RESF s’indigne des pratiques mises en œuvre par l’Etat pour mener sa politique migratoire restrictive et proteste contre leurs conséquences inhumaines. C’est ainsi que l’on peut lire dans un tract appelant à manifester à Belleville le 12 février 2008 :
- « Nous dénonçons la politique du chiffre. Les sans-papiers ont un visage. Nous dénonçons l’éclatement des familles. Les sans-papiers ont des droits, droit au respect, à une vie familiale, à l’éducation. Nous dénonçons l’incarcération dans les centres de rétention. Les sans-papiers ne sont pas des délinquants. Nous dénonçons leur renvoi vers des pays que les uns ont fui, dont les autres ne sont plus familiers ni avec la langue ni avec les coutumes. Les sans-papiers ont le droit d’aimer la France et d’y rester » (RESF [2008]).
Mais des propos moins humanistes, plus socio-économiques font jour. Ainsi, dans le même tract, on peut également lire :
- « [n]ous ne voulons pas enfanter un projet de civilisation pour société décérébrée et à deux vitesses. […]. Nous dénonçons une politique stérile qui fabrique des sans-papiers, génère des drames humains, dévoie les énergies publiques qui, mieux utilisées, devraient combattre chômage, misère et inégalités » (RESF [2008]) [16].
Et ce, alors même qu’il avait déjà été souligné, à l’adresse des citoyens et des candidats que
- « [v]ivre, se loger, travailler normalement, échapper aux marchands de sommeil, aux patrons qui les [les familles sans-papiers] exploitent, payer leurs cotisations sociales et leurs impôts, bref vivre en concitoyens n’est pas exorbitant. Nous demandons la régularisation avec un titre de 10 ans, qui permette de vivre sans angoisse et d’accéder aux droits (bail, prêt, contrat de travail...) » (RESF [2007d]).
Ainsi est mis l’accent sur 1/ la société à deux vitesses mais aussi sur 2/ l’opposition entre les moyens mis en place stigmatisant le migrant, lui faisant supporter tous nos maux économiques, et les politiques de relance de la croissance et de l’emploi faisant défaut à notre économie, ainsi que sur 3/ l’exploitation par le patronat et enfin sur 4/ l’inégalité d’accès au logement conduisant à faire des migrants sans-papiers une des proies par excellence des marchands de sommeil.
On peut également noter la mention faite (pour la première fois à notre connaissance) au recours notable aux travailleurs sans-papiers dans les secteurs de la restauration et du bâtiment – auxquels il faudrait ajouter le textile – dans la plaidoirie "Comment écrire sans-papiers ?" de Lucie SIMON [2008] [17].
Or, on voit bien comment, du même coup, l’humanitaire est articulé au politique et au social. Le migrant sans-papiers et sa famille ne sont plus seulement des victimes malheureuses des politiques migratoires restrictives mais aussi, sinon d’abord, une population exploitée qui subit le chômage, la misère et les inégalités. Le discours du RESF dépasse ainsi le cadre de la défense des droits et de la dénonciation des effets des politiques migratoires mises en place par les gouvernements. Il ouvre la voie à une critique sociale de la xénophobie et, en ce sens, bien plus radicale que la critique humaniste. Car cette critique sociale ne porte plus uniquement sur des valeurs éthiques communes, au fondement, certes, de notre société. Elle porte sur le mode d’organisation des rapports sociaux [18]. De fait, elle renvoie directement à des pratiques qui structurent ces rapports : le fonctionnement économique de la société dans laquelle cette xénophobie se déploie, et plus particulièrement aux rapports d’exploitation qu’elle contient.
Et finalement nous allons voir comment, reconstruite au niveau de chaque comité de soutien, au niveau des communiqués réalisés par le RESF dans son ensemble, cette figure socio-économique du migrant apparaît également à un troisième et dernier niveau trans-organisationnel : celui dans lequel le RESF noue des alliances avec d’autres organisations de contestation sociale.
I.3/ Au niveau trans-organisationnel, lors de la constitution d’alliances avec d’autres organisations de contestation sociale
Cet aspect est très net au niveau de la question du logement. C’est ainsi qu’en novembre 2007, le RESF apporte son soutien aux mal-logés de la rue de la Banque, à Paris (RESF [2007a]). S’alliant avec le DAL, le RESF rappelle le caractère indissociable des deux thématiques que sont le logement et les papiers. Ainsi,
- « Les familles dont nous exigeons la régularisation sont aussi trop souvent les victimes du mal logement, des marchands de sommeil et des escrocs de tout poil. Elles aussi, vont de logements insalubres et surpeuplés en hôtels-ghettos, où s’entassent les plus pauvres, avec ou sans-papiers. Pour le droit de vivre dans la dignité, la lutte pour la régularisation est indissociable de celle pour le droit au logement » (RESF [2007a]).
Mais c’est aussi le cas à propos du travail illégal, comme en témoignent deux communiqués du MRAP et du RESF au sujet d’une intervention de police qui s’est déroulée dans un atelier clandestin à Aubervilliers le 16 avril 2007. Le premier « condamne ces opérations spectacles contre les victimes de réseaux mafieux, qui doivent leur existence par la situation même de clandestinité des sans-papiers » (MRAP [2007]). Quant au second, réalisé par le comité [RESF] de vigilance d’Aubervilliers, il rappelle que
- « [l]a lutte contre les négriers qui organisent le travail non déclaré et les entreprises ayant pignon sur rue qui en profitent parfois, ne justifie pas de telles méthodes contre les victimes de cette exploitation : les travailleurs clandestins ne sont pas des gangsters contre qui il faut un tel déploiement policier, l’arme au poing. La première mesure contre le travail non déclaré serait la régularisation des travailleurs sans-papiers que leur condition place sans défense entre les mains de leurs exploiteurs » (RESF [2007c]).
On retrouve donc ici l’affirmation de la pluri-dimentionnalité de la situation des migrants que nous évoquions précédemment. Parti d’une entrée étroite et spécifique sur le sujet de la lutte contre représentations et les perceptions xénophobes de l’altérité, le RESF aboutit finalement bien à une véritable critique sociale, bien plus radicale qu’il n’y paraît au premier abord, de la xénophobie. Et c’est en quoi, le RESF s’éloigne de l’humanitaire - dont on sait par ailleurs qu’il peut être non pas simplement « contre » l’Etat – pointant certaines de ses défaillances - mais « tout-contre » - soutenu par lui - (Fassin [2006]) [19].
Surtout, et c’est ce que nous souhaiterions à présent montrer dans une seconde partie, grâce à la structure en réseau, le RESF parvient à créer une mobilisation sur ce thème à laquelle les organisations politiques et syndicales traditionnelles ne parviennent plus. Nous montrerons que la critique de la xénophobie peut alors devenir véritable critique sociale parce qu’en mobilisant sur ce thème comme elle le fait grâce au réseau, elle fait entendre une voix plurielle, s’exprimant depuis la place publique, adaptée aux caractéristiques du monde contemporain.
II. Faire entendre la voix de la critique sociale
De par sa structure, le RESF est un mouvement de protestation sociale tout à fait atypique. Fonctionnant en réseau [20], il ne correspond à aucun des canons traditionnels des organisations associatives, syndicales ou politiques. De fait, le RESF n’a pas de structure hiérarchique, pas d’adhérents, pas de commandement, pas de représentants, pas de porte-parole. Comme tout réseau, il met en parallèle des flux d’information et des flux de relations (Pesqueu [2002]). De plus, il suppose entre les acteurs du réseau deux caractères essentiels à la réussite du fonctionnement de l’organisation : la « coopération » et la « confiance » (Boltanski et Chiapello [1999], pp. 154-238 ou encore Belalia [2007]) [21]. Car, contrairement à d’autres structures qui peuvent lors d’actions ponctuelles fonctionner sur le mode du réseau, avec le RESF tous les acteurs sont toujours en réseau. Ce qui d’ailleurs peut-être parfois compliqué pour certains d’entre eux mais, comme nous l’avons rappelé en introduction et dans la note précédente, qui est toujours défendu et protégé par d’autres et parvient, ainsi, sur le mode consensuel, à être finalement accepté par tous.
Or, cet atypisme – particulièrement net à Paris et en Île de France, secteur géographique sur lequel notre propos est donc plus particulièrement centré dans cette partie du texte [22] - est ce qui fait la force du RESF. Il lui donne une force de mobilisation que ne peuvent pas avoir les autres organisations traditionnelles. Il lui donne surtout prise là où les organisations traditionnelles perdaient pied : là où apparaissent des « injustices » que ces organisations traditionnelles ne parviennent plus à dénoncer. C’est en effet la possession d’une structure en réseau qui lui permet à la fois de 1/ mobiliser et 2/ créer une dynamique de contestation sociale. Et c’est grâce à cette double dimension de la force du RESF que celui-ci permet à cette dynamique de s’exprimer – et, avec elle, de spécifier en quoi la lutte contre la xénophobie élaborée par le RESF est plus radicale qu’il n’y paraît de prime abord. De fait, ce n’est pas seulement parce qu’elle fait réapparaître la figure socio-économique du migrant. C’est également parce qu’en s’appuyant sur une structure en réseau elle redonne de la voix à une critique sociale - centrée autour de cette figure du migrant - qui, dans les organisations politiques et syndicales traditionnelles, fait aujourd’hui globalement défaut [23].
II.1/ L’effet de la structure en réseau sur la mobilisation en faveur de la défense des droits des migrants
On retiendra essentiellement trois raisons expliquant que la forme réseau permet à RESF de mobiliser : tout d‘abord, « l’authenticité de l’engagement » (Boltanski et Chiapello [1999], pp. 434). Ensuite, la souplesse de l’engagement. Enfin, le consensus comme fondement des décisions et des actions.
II.1.a/ « L’authenticité de l’engagement ». On sait que le RESF, comme d’autres mouvements de contestation sociale ayant émergé dans les années 80 pour défendre le logement (le DAL...) ou encore les chômeurs (AC !...), propose une forme d’action directe, dans une relation de proximité avec les acteurs concernés (que nous explicitons en II.2.a). Or, cette forme d’action permet de rompre avec l’inefficacité (réelle ou supposée) des organisations politiques et syndicales traditionnelles. Elle est comprise par ceux qui la mettent en place comme l’expression d’une certaine « authenticité de l’engagement » car elle permet de redonner du sens aux sacrifices (notamment en temps) que font les militants (Agrikoliansky [2001]). Ces sacrifices ne servent aucune autre cause que celle de ceux à qui s’adresse leur soutien. Ces sacrifices ne produisent aucun autre effet que de réussir de manière plus ou moins assurée à soustraire de l’injustice ceux qui sont soutenus – hormis d’éventuels effets de prestige pour ceux qui les ont réalisés. Et c’est pourquoi cette forme d’action caractéristique des mouvements sociaux structurés en réseau permet de rassembler, en attirant en particulier les militants déçus par les organisations traditionnelles (Boltanski et Chiapello [1999] ou encore Aguiton et Bensaïd [1997], Ysmal [1994]).
Mais il faut alors immédiatement préciser l’originalité du RESF en le différenciant des autres mouvements de contestation sociale qui mènent également ce genre d’action directe. On notera ainsi en particulier que les autres mouvements de contestation sociale fonctionnent aussi en réseau. Mais c’est essentiellement lors de la réalisation de ces actions ponctuelles. Et, dans ce cas, la forme réseau peut se traduire par l’imbrication de plusieurs réseaux, dont le RESF, comme nous l’évoquions précédemment. En revanche, et contrairement au RESF, le mode de fonctionnement interne, au quotidien, de ces mouvements ne correspond pas à celui d’une structure en réseau (ils ont des représentants, des membres, etc.). De plus, au sein du RESF, ces actions directes ne sont pas ponctuelles comme dans ces mouvements, mais bien au contraire en permanence répétées, à tous les niveaux du réseau (au sein des comités, au sein de plusieurs comités, au niveau du RESF dans son ensemble) [24].
Sur ce dernier point, il convient d’apporter (au moins) la précision suivante. La répétition des actions directes de solidarité active menées par le RESF avec les familles tient sans doute à une spécificité de la situation parisienne, reproductible sans doute à Marseille et à Lyon mais moins dans d’autres lieux. Celle-ci consiste dans le caractère hétérogène du centre des métropoles (incluant à Paris la proche banlieue) lié à la coexistence d’un double mouvement de gentrification et d’immigration, rejetant au loin, sur des étendues vastes, les autres populations (Christophe Guilluy [2007]) - avec ces deux nuances : la gentrification est celles des intellectuels aux revenus variés autant que des catégories sociales aisées, l’immigration est celle de primo-arrivants pauvres ou de regroupement familial, ces familles comprenant l’avantage que présente Paris du point de vue de l’encadrement social, éducatif… et du soutien possible pour les papiers. L’Est parisien voit donc la cohabitation de deux milieux différents, cohabitation qui n’empêche pas un évitement scolaire par exemple, mais qui engendre aussi – élément qui a échappé au tableau universitaire et encore plus à sa traduction journalistique sur la « boboïsation » - des éléments de connaissance, d’écoute voire de solidarité active. Elle donne donc sa force au mouvement dans ces villes et lui autorise un caractère de masse (c’est l’apparition du « quartier » comme acteur visible) tout en posant dans des termes nouveaux la question dite de « la mixité sociale ».
II. 1.b/ La souplesse de l’engagement. La structure en réseau permet aux resfiens de s’investir très inégalement dans le soutien aux familles sans-papiers dont les enfants sont scolarisés et sous des rapports divers. Aucune adhésion totale sur tous les rapports n’est (ne peut être) en effet exigée. Participer au RESF peut consister à signer une pétition sur le site de RESF [25], à accompagner une famille au tribunal administratif, à faire suivre un message sur une liste d’un comité ou inversement à transmettre une information provenant d’un comité vers l’ensemble du réseau en France…Il suffit d’un accord individuel ponctuel sur la validité d’une action menée pour y participer (Boltanski et Chiapello [1999], pp. 434) [26].
Ainsi, cette souplesse permet la pluralité des modes et des motifs d’engagement. Or, cette pluralité ouvre la porte à une diversité d’acteurs, plus ou moins impliqués, plus ou moins critiques, plus ou moins militants, plus ou moins engagés. Elle est donc en mesure de rassembler bien plus largement qu’un syndicat, un parti ou une association militante qui exige, au contraire, un engagement partisan tant dans les raisons qui poussent à l’engagement que dans la manière de s’engager (Ion [1994], pp. 33-34). Et c’est pourquoi cette souplesse explique, en partie, en quoi en la structure en réseau qui caractérise le RESF permet de créer une mobilisation. Comme l’écrivent Boltanski et Chiapello [1999], y
- « circulent des personnes différentes sous un grand nombre de rapports, dont beaucoup d’opinions divergent (la « mosaïque ») mais qui sont susceptibles de converger et de s’entraider pour des actions contre l’exclusion prenant appui sur une définition minimale des droits souvent revendiqués par référence à une « citoyenneté » dont la définition demeure floue » (Boltanski et Chiapello [1999], pp. 433).
De ce point de vue, il est clair que la mobilisation n’est pas en permanence à son maximum (impossible à chiffrer d’ailleurs puisque, par définition, il n’y a pas d’adhérents dans ce réseau mais des flux permanents d’entrants et de sortants). La multiplication des actions à mener peut engendrer une fatigue, un essoufflement de certains participants au réseau. Les périodes de congés scolaires, malgré les systèmes de veille mis en place, sont également souvent source de démobilisation, etc. Mais face à des situations particulièrement dramatiques, grâce à la médiatisation de certains événements également, ou encore devant l’urgence (l’expulsion imminente d’un parent d’élève par exemple), la mobilisation peut être très importante. Plusieurs manifestations organisées par le RESF ou avec le RESF en témoignent [27]. Plusieurs actions plus ponctuelles, comme des accompagnements au Tribunal Administratif le montrent également. Cette mobilisation s’explique par la flexibilité qui caractérise les structures en réseau telles que le RESF et qui leur garantissent aussi la mobilité et la rapidité – souvent essentielles pour mener à bien les actions compte-tenu des délais légaux d’intervention (durée de maintien en garde à vue, délai de recours contre une décision de justice, délai de constitution de dossier pour passer devant le juge des libertés, etc).
II.1.c/ Le consensus comme fondement des décisions et des actions. Le troisième élément que nous pouvons avancer expliquant la mobilisation permise par la forme réseau tient effectivement à la nature des prises de décisions au sein du RESF : le consensus – rendu nécessaire en l’absence de hiérarchie, de représentant, de délégation, de porte-parole et du fait de la souplesse de l’engagement.
Le consensus est essentiel car il permet de rassembler autour d’actions communes, de projets communs. Une fois le consensus établi, l’adhésion est donc nécessairement pleine et entière. Surtout, il permet de rejeter toute idée qui ne serait pas consensuelle et d’éviter ainsi les divisions et les défections liées à des désaccords sur des pratiques, des actions, des sujets de mobilisation.
De ce point de vue, le RESF, de par sa structure en réseau et au mode de décision qu’il génère pérennise donc les relations entre les acteurs grâce auxquelles la mobilisation devient possible [28].
Ainsi, lorsque la structure en réseau devient le mode même d’organisation des mouvements sociaux comme c’est le cas avec le RESF, elle possède plusieurs caractéristiques qui permettent de mobiliser les acteurs autour d’une cause commune. Or, et c’est ce que nous allons enfin expliciter, parce quelle s’appuie sur la structure en réseau, cette mobilisation (contre la xénophobie) peut se faire l’expression d’une véritable critique sociale qui, dans les organisations politiques et syndicales traditionnelles, fait aujourd’hui défaut.
II.2/ Le RESF, lieu d’expression d’une véritable critique sociale
Trois arguments essentiels peuvent être avancés pour expliquer les effets de la structure en réseau du RESF sur la mobilisation contre la xénophobie. Tout d’abord le fait que le RESF, parce qu’il est organisé en réseau, constitue une critique basée sur des formes d’action de solidarité sociale directe : partant des situations vécues dans les quartiers, les actions du RESF donnent de la voix à des mouvements de contestation produits dans l’espace public, les inscrivant ainsi dans une véritable dynamique de contestation sociale. Ensuite, le fait que le RESF, parce qu’il est organisé en réseau, a une structure adaptée au monde social contemporain pour en exprimer la critique sociale. Enfin, le fait que le RESF, parce qu’il est organisé en réseau, permet l’énoncé d’une critique sociale dans le respect de la pluralité des positions des acteurs.
II.2.a/ Une critique par l’action. On sait que l’humanitaire se caractérise par la distance (géographique et/ou sociale) et la médiation (Boltanski [1993]). On a moins souligné que cet engagement à distance était, si l’on peut risquer l’oxymore, un « engagement passif », comparable si l’on veut à l’adhésion sans activité à de nombreuses associations ou organisations syndicales et politiques. Or le RESF, parce qu’il s’appuie dans ses actions sur une structure en réseau, en a développé des formes puissantes, originales souvent et visibles [29] :
- les rassemblements devant les écoles, montrant le caractère massif de la solidarité, mêlant parents sans-papiers et avec papiers, affirmant une identité de « parents du quartier » à forte tonalité sociale ;
- les grèves d’établissements, notamment à Paris, qui ont permis, aux écoles Olivier Métra, au collège Henri-Matisse et au collège Alain-Fournier, de gagner sur des dossiers individuels. Il est à noter que ces grèves ont été massives voire, dans deux cas, unanimes ;
- les actions anti-« rafles », à Belleville, à Ménilmontant, dans le 18° arrondissement de Paris autour de Barbès, qui ont marqué une solidarité concrète en protestant contre ce que le Réseau a stigmatisé comme « la chasse à l’étranger », en ralentissant ou en rendant difficile ces arrestations. Ces actions ont pris une résonance nationale avec l’affaire de la rue Rampal, où des parents se sont interposés physiquement pour empêcher la police d’interpeller un grand-père chinois ;
- l’intervention directe dans les aéroports, à Paris et à Marseille, qui a également eu un grand écho. L’interpellation puis l’inculpation de Forimond Guimard, instituteur marseillais accusé de « violences » à l’égard de la police, qui a déclenché un vaste mouvement de solidarité et qui s’est soldé par la relaxe du prévenu, a permis de faire connaître ce type d’action : travail de conviction individuelle auprès des passagers à l’embarquement, protestation parfois sonore dans les halls de l’aéroport, appel à la presse. Cette action rebondit parfois sur l’intervention de passagers, dont certains sont à la suite interpellés et inculpés. Leur relaxe (Marie-Françoise Durupt le 4 septembre 2007 et Khadidja Touré le 29 février 2008) (voir annexe c) a été vécue comme un soulagement mais aussi comme un encouragement à la désobéissance civile active ;
- les grèves et manifestations de lycéens sont également à noter : synonymes de désordre public, elles ont été efficaces (lycée Ravel, lycée professionnel Louis Armand pour ne citer que deux exemples parisiens ; mais elles se sont également déroulées à Lyon en décembre 2007, rassemblant plus de mille lycéens de lycées professionnels, les plus touchés par la question des papiers) ;
- le rassemblement de protestation initié à Belleville en 2006 et renouvelé tous les mois, à l’imitation du rassemblement des Mères de la Place de mai de Buenos-Aires, mérite une mention particulière : il a servi de pôle de regroupement à d’autres acteurs (collectifs de sans-papiers par exemple). Ce rassemblement, qui n’était pas déclaré en préfecture à l’origine, a été l’endroit où se sont spontanément retrouvés les Parisiens présents à Paris au mois d’août 2007 lors de la chute à Amiens du petit Ivan, dont les parents avaient été poursuivis par la police jusqu’à leur domicile ;
- la présence devant les commissariats parisiens en cas d’arrestation, durant la période précédant la conduite en Centre de rétention, qui a comme objectif la libération des personnes mises en garde à vue ou, à défaut, d’adresser un message aux autorités consistant à leur montrer que le Réseau commence à se mobiliser. Cette présence physique, qui dérange la police, rend visible et appuie les demandes de libération par téléphone et par fax ;
- la campagne du RESF contre les centres de rétention, véritables prisons pour étrangers, qui a coïncidé avec les révoltes au sein de ces centres en France, à l’hiver 2007-2008. L’intérêt de cette campagne, marquée par une présence devant les centres, est double : révélation du caractère inhumain de ces enfermements d’une part, et, d’autre part, du cadre européen dans lequel il s’inscrit, une « Europe des camps » (pour reprendre en partie le titre du numéro 57 dirigé par Valluy [2005] de la revue Cultures & Conflits,) étant déjà en place (cf. Bernadot [2008], ou encore le site www.migreurop.org ainsi que www.cimade.org).
Ces formes d’actions de solidarité directe, publiquement revendiquées et dont la logique de succès est mise en avant par le RESF (voir annexe d), s’inscrivent dans une dynamique de contestation sociale parce qu’elles s’appuient sur la structure en réseau du RESF et qu’elles prennent, de ce fait, place dans l’espace public (Béroud, Mourieux et Vakaloulis [1998], p. 159) : le lieu de travail ou d’études et l’espace de la rue. Lors de l’affaire de la rue Rampal (Paris XIXème), et plus encore le 20 juin rue de Belleville (Paris XXème), où cette fois-ci c’est la population qui a réagi face à la police, contraignant une dizaine de véhicules de police à partir, le Réseau se situait bien sur le terrain d’une action sociale directe (voir annexe e).
II.2.b/ La logique de réseau est aussi une logique de lutte. On sait que pour Boltanski et Chiappelo [1999], ce qui permet de comprendre le développement depuis les années 90 de la contestation autour de la notion d’exclusion est sa résonance avec le « monde connexionniste » caractérisant la société contemporaine (Boltanski et Chiapello [1999], pp. 216-238, p. 428). On sait également que, pour ces auteurs, la forme des mouvements de contestation sociale la mieux adaptée à ce monde est le réseau, pour la même raison (idem., pp. 433-435). En cela, il est clair que le RESF correspond parfaitement à cette forme. Comme nous l’avons développé précédemment, il constitue un mouvement protestataire, militant, qui s’inscrit de ces deux points de vue dans une logique connexionniste.
Concrètement, l’usage de l’outil Internet dépasse le constat banal ou l’anecdotique. Les listes de diffusion (pour un établissement scolaire, un arrondissement de métropole ou une ville, un département, au niveau national), le site national, les sites ou blogs locaux modifient le rapport à l’information militante : l’information d’urgence (rafles) est assurée, la multiplicité et le renouvellement constant des rendez-vous (convocation des familles en préfecture, audiences judicaires, dates de réunions) est ordonnée par des plannings progressivement mis à jour par les acteurs selon l’information dont ils disposent pour la transmettre au plus grand nombre de personnes possibles, l’écriture et la relecture collaborative des communiqués et des tracts est facilitée. Du coup, nul besoin de « permanents » (le site est tenu par deux bénévoles), ni de décideurs, par exemple en matière de texte public : chaque membre de la « liste burot » [30] peut ainsi intervenir sur un texte du RESF destiné à être publié, sur l’ordre du jour d’une réunion nationale. Il est clair qu’une limite importante de ce mode de fonctionnement en réseau est le nombre de messages qui rend l’exercice difficile. Toutefois, l’effet-réseau est efficace pour mettre en œuvre la contestation sociale même si une analyse plus fine (moins naïve) de ces diffusions et discussions serait à faire, sans compter le fait que les familles sans-papiers et une partie des « resfiens » ne disposent pas de cet instrument !
II.2.c/ Une voix plurielle. Un autre point nous paraît essentiel. C’est la capacité du RESF à faire renaître des catégories et ce, grâce à la structure en réseau. C’est, nous l’avons dit au début de ce texte, à trois niveaux du réseau que la figure socio-économique du migrant apparaît, à travers la lutte contre la xénophobie. Or, nous semble-t-il, c’est grâce à la structure en réseau que cette figure réapparaît.
De fait, une des spécificités de cette structure en réseau est qu’elle permet de connecter des phénomènes (immigration, famille, logement, travail, éducation, etc.) sur des projets spécifiques (des actions menées autour des familles par des comités particuliers). Or, elle rend possible cette connexion sans s’appuyer sur des catégories posées a priori. Certes, chacun agit à partir de ses catégories de pensée. Mais dans le RESF, le point de départ de la mobilisation est toujours l’action. Les mots n’émergent qu’après l’action effectuée, lorsqu’il s’agit de la verbaliser. Il pourra s’agir de la catégorie de l’exclusion pour désigner une situation qui crée de l’indignation. Ou encore de la notion d’exploitation [31], dans un contexte de lutte sociale. A ce niveau, on peut d’ailleurs remarquer que ces deux catégories apparaissent successivement dans le temps. Le premier, est toujours celui de l’indignation ; le second, celui de la lutte [32].
Pour illustrer ce point, on peut évoquer la pomme de discorde potentielle que pose la question des célibataires : le RESF s’est heurté à la méfiance de certains Collectifs de sans-papiers, qui craignaient que le fait de prendre la défense des jeunes scolarisés et des familles ne rejettent hors du combat (et de la régularisation) les sans-papiers célibataires. La question a été plusieurs fois débattue lors des réunions nationales du RESF, et dans bien des réunions locales : le fait de demander la régularisation des familles et des jeunes scolarisés est bien une étape, un moyen d’engager parents, enseignants et habitants du quartier dans une solidarité de proximité amenée à s’élargir, dès que l’on se rend compte que les autres personnes soumises à la ségrégation juridique sont dans la même situation ; il ne s’agit pas de partir de catégories, mais du connu-sensible pour aborder, en cercles concentriques, une vision plus générale et en dégager des catégories.
Ainsi, le RESF évite deux écueils : le premier, de subordonner les combats sociaux aux combats idéologiques. Le second, d’utiliser des catégories marquées idéologiquement voire « démodées », qui pourraient être interprétées comme étant synonymes de combats d’arrière-garde [33]. En s’appuyant toujours sur des événements particuliers et en construisant autour de ces derniers des soutiens, le RESF fait voir des injustices d’abord à chaque porteur du projet (le comité de soutien) puis, selon le niveau d’extension de la mobilisation, au RESF local, régional voire national. Alerter sur des cas, mobiliser autour d’un jeune et/ou de sa famille, c’est alors toujours faire savoir, et donc dire et faire entendre une voix critique : celle de l’indignation contre la souffrance infligée, bien sûr. Mais aussi celle de la lutte sociale et politique contre la xénophobie, devenue aujourd’hui, en France, une xénophobie d’Etat.
Certes, cette voix est plurielle. Mais, grâce à sa structure en réseau, le RESF rend possible l’énoncé d’une critique véritablement sociale précisément parce qu’elle en accepte la diversité, l’hétérogénéité. Et, grâce à la mobilisation, elle fait entendre cette voix.
En effet, nous l’avons précédemment souligné, il n’y a pas une position de principe sur les raisons de la défense des sans-papiers scolarisés au sein du RESF. La pluralité et l’hétérogénéité de l’engagement sont une des raisons que nous avons rappelée de la mobilisation au sein du RESF. Chacun y garde donc son identité. Si certains du RESF trouveront donc dans la notion d’exploitation une référence évidente, compte-tenu de leur appartenance politique et/ou idéologique, pour d’autres, cette notion ou plus exactement la possibilité d’y rattacher aujourd’hui la position sociale du migrant ne peut être, à leurs yeux, que l’expression de l’archaïsme de la situation dans laquelle celui-ci est placé, maintenu contre son gré – et qu’il convient donc d’éliminer car elle appartiendrait à un monde quasi-révolu, d’un passé dont personne ne voudrait plus.
Cette voix plurielle est également indépendante et tient à l’être : les élections présidentielles ont été l’objet d’un débat lors de la réunion nationale du RESF le 3 février 2007 : certains collectifs départementaux étaient pour intervenir dans le débat électoral afin de « demander des comptes », d’autres s’y opposaient par crainte d’être pris par une activité lourde, discutable au fond et risquant de diviser le RESF sur des lignes de fracture idéologiques ; c’est cette seconde option qui a prévalu, une simple « Adresse aux citoyens et aux candidats », rédigée à plusieurs mains, permettant de rappeler les exigences du Réseau. La préparation des élections municipales a donné lieu à Paris à une mise au point allant dans le même sens (voir annexe f).
En cela, on comprend donc bien comment le RESF permet de mobiliser largement sur un terrain d’expression de la critique sociale – au sens large -, là où, soit la mobilisation faisait jusqu’ici défaut (les sans-papiers), soit les grandes organisations politiques et syndicales se font particulièrement discrètes, voire ambigües ou même silencieuses.
Pour conclure, il nous parait important de souligner le rôle joué par le RESF dans la lutte contre la xénophobie. Avec le RESF en effet, le système administratif, judiciaire et politique se trouve confronté à une véritable résistance sociale. Avec le RESF, le système de lutte contre les sans-papiers est affecté (les quotas ne sont pas atteints, le silence sur les sans-papiers et leurs misères est rompu, les familles ne sont pas systématiquement expulsées de leurs logements, des débats publics ont lieu...) à défaut d’être enrayé.
Certes, d’autres organisations luttent à ses côtés, mais également avec le RESF, voire en son sein. Bien entendu, d’autres associations et mouvements que le RESF participent à ces combats. Et l’on sait aussi que la réussite sur ce terrain tient en partie aussi à ce que l’ensemble de ces groupes constitue une des réponses à une demande sociale de solidarité par projet et d’actions plus que d’idéologie.
Mais, et c’est ce que nous avons tenté de souligner ici, le RESF occupe sur ce terrain une place tout à fait originale et bien plus radicale qu’il n’y paraît de prime abord. Car, de par sa structure en réseau, il mobilise en réussissant à créer une dynamique de contestation sociale autour d’une figure du migrant qui contre sa représentation ethnique, dépolitisée, au profit de sa dimension socio-économique.
C’est pourquoi il suscite de l’intérêt au-delà… des frontières. En Belgique, au Maroc, des RESF sont nés, des liens existe avec NCADC (National Coalition of Anti-Deportation Campaigns) britannique, des activistes d’autres pays européens s’intéressent à cet « OVNI libertaire » qui dépasse les étiquettes et les militances traditionnelles. Toujours est-il que l’engagement social autour de « la question des étrangers » nous paraît être un élément important et prometteur.
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Annexe (a)
Une victoire de la détermination et de la solidarité !
Lundi 11 juin, Gloire, une jeune collégienne de 14 ans et sa maman, rentraient dans leur nouveau logement accompagnées des personnels du collège qui s’étaient mobilisés et d’élus/militants qui avaient contribué à cet heureux dénouement.
Deux semaines auparavant, après avoir été déboutées de leur demande d’asile politique et par conséquent renvoyées du foyer où elles habitaient, elles se retrouvaient dans une chambre d’hôtel avec la rue comme seule perspective à très court terme. Eloignée de tout, dans une zone industrielle des Mureaux non desservie par les transports en commun, Gloire, scolarisée à Mantes-la-Ville, ne pouvait plus se rendre
à l’école...
Face à cette situation insupportable l’ensemble de la communauté scolaire du collège de la Vaucouleurs (Mantes-la-Ville) s’est mobilisé, alertant les différentes administrations, informant de la situation, collectant le nécessaire à la survie de ces deux personnes, accompagnant la famille dans toutes ses démarches... Le retour en classe, hier matin, de Gloire est la plus belle récompense pour tous ceux et toutes celles qui ont lutté sans relâche depuis 15 jours.
Il reste beaucoup à faire : l’obtention de papiers et l’attribution d’un logement thérapeutique au regard des graves problèmes de santé de la maman.
Fort du réseau de solidarité qui s’est constitué, et qui continue à soutenir matériellement et moralement Gloire et sa maman, nous savons qu’une issue heureuse est possible. Tout sera fait en ce sens, mais nous tenions déjà à remercier les personnels, les militant(e)s, les réseaux et la maire de Mantes-la-Ville qui ont permis à Gloire et à sa maman de retrouver leur sourire.
Annexe (b)
La régularisation de cuisiniers sans-papiers ouvre une brèche pour des milliers de clandestins
PARIS, 19 fév 2008 (AFP) - La régularisation de sept cuisiniers sans-papiers d’un restaurant de luxe parisien risque d’ouvrir une brèche à des dizaines de milliers de clandestins employés dans des secteurs vitaux de l’économie, estiment les associations qui les ont soutenus.
"La porte était entrouverte, on a dit chiche et on s’est engouffré dans la brèche", a déclaré mardi à l’AFP Francine Blanche, secrétaire confédérale de la CGT qui a soutenu avec Droits Devant les travailleurs sans-papiers du restaurant La Grande Armée, appartenant au groupe Costes.
Au terme de plusieurs jours de grève et après la demande de leur régularisation par leur employeur, sept des neuf cuisiniers sans-papiers de l’établissement ont obtenu lundi soir de la préfecture de police de Paris des titres de séjour.
Selon Jean-Claude Amara, porte-parole de Droits Devant, sept salariés qui étaient employés depuis plusieurs années dans le restaurant, ont reçu des récépissés de trois mois avec autorisation de travail qui déboucheront sur un titre de séjour avec carte de travail.
Quant aux deux autres sans-papiers, ré-embauchés après le 1er juillet, a précisé Francine Blanche, "il n’a pas été mis fin à leur contrat de travail" et ils devraient également recevoir des titres de séjour dans la semaine.
Tous ont repris le travail mardi matin, après la signature, dans la nuit, d’un protocole d’accord entre la CGT et l’employeur, où celui-ci s’engage à poursuivre les contrats de travail en cours.
"C’est une grande victoire qui ouvre la voie à la régularisation de dizaines de milliers d’autres travailleurs sans-papiers", s’est félicité Jean-Claude Amara.
Les cuisiniers, tous africains, ont bénéficié de la circulaire du 7 janvier 2008 qui offre une possibilité de régularisation par le travail pour des salariés en situation irrégulière, à la double condition qu’ils travaillent dans un secteur "tendu" et qu’ils soient en contrat ferme d’au moins un an.
Dans cette circulaire, le ministère de l’Immigration demande en outre aux préfets de montrer une "diligence particulière" si le dossier est signalé par l’employeur lui-même.
Pour couper court à toute tentative de régularisation massive à laquelle le gouvernement est totalement opposé, le texte de la circulaire prend la précaution de préciser que le "dispositif ne couvre qu’un nombre très limité de bénéficiaires".
Forte de ce qu’elle estime "un premier succès", la CGT souhaite l’organisation d’une table ronde avec les ministères du Travail et de l’Immigration ainsi qu’avec les organisations patronales pour "pouvoir régler le cas de dizaines voire de centaines de milliers de travailleurs sans-papiers".
Pour Francine Blanche, "on ne peut plus tenir comme ça, dit-elle, avec des textes contradictoires et inapplicables. Le système est en train de craquer", explique-t-elle, faisant valoir qu’"il est trop inefficace économiquement et trop moche socialement puisqu’il ne garantit pas l’égalité de droits".
Interrogé pour savoir combien de travailleurs sans-papiers ont déjà bénéficié d’une régularisation au titre de la circulaire du 7 janvier, le ministère de l’Immigration a répondu qu’il s’agissait d’"une application au cas par cas. L’administration centrale n’en tient pas la comptabilité", a-t-on ajouté.
On estime officiellement qu’il y a entre 200 et 400.000 travailleurs en situation irrégulière en France, dont beaucoup sont employés dans des secteurs "en tension" comme la restauration ou le bâtiment.
Annexe (c)
Khadidja relaxée 29 fev 08
IMMIGRATION-RÉFUGIÉS-ASILE-SANSPAPIERS - 15/02/2008 13h02 - AFP Elle avait tenté d’empêcher une expulsion : 3 mois avec sursis requis.
BOBIGNY, 15 fév 2008 (AFP) - Trois mois de prison avec sursis ont été requis vendredi devant le tribunal de Bobigny contre Khadija Touré, une Française de 30 ans assumant s’être "humainement" élevée contre la reconduite à la frontière d’un Malien en novembre 2006 à Roissy. "J’ai agi complètement humainement, je ne vois pas ce qu’on peut me reprocher", a expliqué la jeune femme, accusée d’"entrave à la circulation d’un aéronef", un délit passible de cinq ans de prison et d’une amende de 18.000 euros (article 282-1 du code de l’aviation civile). Le jugement a été mis en délibéré au 29 février.
Dans ce dossier où l’enquête se résume à l’audition de la prévenue, le procureur Rémi Chaise a réclamé trois mois de prison avec sursis, déplorant le comportement de nature "à provoquer le scandale" de Mme Touré. "Elle a eu un comportement humain de compassion, de résistance citoyenne" qui est "à l’honneur de notre pays", a estimé son avocate Me Irène Terrel, tout en plaidant la relaxe au vu de la procédure, "squelettique" et entachée de nullité, selon elle.
Le 29 novembre 2006, alors qu’elle embarquait pour le Mali, Mme Touré avait été alertée à l’aéroport par des militants de Sud-étudiants de la présence à bord du vol d’un sans-papiers expulsé. A bord, elle avait demandé à parler au commandant de bord à plusieurs reprises, qui avait de la débarquer.
Le sans-papiers avait finalement renoncé à s’opposer à son expulsion et la passagère s’était rassise. Elle avait été interpellée à son retour en France fin décembre.
Chargée d’insertion à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et militante de l’Apeis, une association de soutien aux chômeurs, Mme Touré a été accompagnée au tribunal par une centaine de personnes, militants de l’Apeis et de RESF (réseau Education sans frontières).
En septembre 2007, deux passagers d’un autre vol Paris-Bamako d’Air France ont été relaxés par le même tribunal où ils comparaissaient pour "provocation à la rébellion". Leur révolte avait cette fois fait échouer la reconduite à la frontière.
FRANCE-MALI-IMMIGRATION-AVIATION-EXPULSION - 15/02/2008 15h41 – AFP
Annexe (d)
A chaque fois nous ripostons : les établissements scolaires font connaître leur indignation par des lettres, des fax, et font grève ; nous nous rassemblons devant les commissariats, nous manifestons, nous sommes massivement présents dans les salles de tribunaux.
Nous ripostons même dès l’annonce d’une rafle : la police n’aime pas que nous gênions son sale travail, raison de plus pour nous de lui mettre des bâtons dans les roues, en mettant en garde les passants, en n’hésitant pas à leur dire ouvertement ce que nous pensons.
Notre action a des résultats : des parents sont libérés d’un commissariat, les tribunaux peuvent casser un arrêté de reconduite à la frontière, des policiers partent avant l’horaire prévu de leur lieu de rafles. Rue Rampal, ils ont dû faire face à la colère de parents indignés qui s’opposaient à l’arrestation du grand-père venu, comme eux, chercher un enfant à l’école maternelle. Notre obstination peut même permettre des régularisations. (communiqué et tract pour le rassemblement du 10 avril 2007)
Annexe (e)
Le 20 juin, excédés par les contrôles au faciès et les violences policières, 200 habitants de Belleville se sont interposés pour empêcher une rafle. Les cinq cars de police venus en renfort ont dû repartir sous les sifflets et les huées des passants.
Grâce à notre combat de tous les jours, envoi de fax à la préfecture, présence nombreuse dans les tribunaux et devant les commissariats, les cinq pères de famille arrêtés vendredi 29 juin ainsi que M. Labozonov, dont l’expulsion était prévue la semaine dernière, ont été libérés.
(communiqué-tract pour le rassemblement du 10 juillet)
Annexe (f)
Communiqué RESF Paris 29.02.2008
Suite à la présentation d’une candidate aux élections municipales d’un arrondissement parisien avec l’indication "membre du Réseau Éducation Sans Frontières", le RESF Paris rappelle que, dans un souci d’indépendance fréquemment réaffirmé (et tout récemment lors d’une réunion parisienne), il refuse catégoriquement qu’il soit fait mention de son sigle dans une présentation de candidature ou à l’occasion d’une apparition électorale quelle qu’elle soit.
Marianne Fischman (économiste. Membre du comité de soutien RESF St Maur Parmentier Xème)
Jean-Pierre Fournier (enseignant, membre du collectif RESF Saint-Blaise-Réunion Paris XXème)