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REVUE Asylon(s)

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De la co-naissance

Sophie Gosselin
Sophie Gosselin est philosophe, auteure et éditrice. Elle est membre du Conseil scientifique de TERRA.

citation

Sophie Gosselin, "De la co-naissance ", REVUE Asylon(s), N°10, juillet 2012/juillet 2014

ISBN : 979-10-95908-14-2 9791095908142, Défaire le cadre national des savoirs, url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article1316.html

à propos

La connaissance devient aujourd’hui, dans le contexte de la globalisation économique, le lieu même de l’aliénation par sa transformation en valeur de la nouvelle production capitaliste (« capitalisme cognitif »). Il s’agit donc de repenser la connaissance comme une modalisation possible d’un certain rapport de l’homme à son milieu ambiant.

Mots clefs : Co-naissance, pathique, rapport sensible, mode d’être. greffes de cultures.

Keywords : Co-naissance, pathique, sense relation, mode of being, culture transplants.

résumé

Si la connaissance a pu être le vecteur d’une émancipation, elle devient aujourd’hui, dans le contexte de la globalisation économique, le lieu même de l’aliénation par sa transformation en valeur de la nouvelle production capitaliste (« capitalisme cognitif »). Le monde est transformé en un vaste marché de données exploitables, brevetables et manipulables : « ressources » humaines, informationnelles, biologiques, énergétiques, relationnelles. Dans ce contexte, il s’agit de retrouver la force libératrice de la connaissance pensée non plus seulement en termes de réflexivité et d’analyse critique mais en se défaisant du projet même d’objectivation du monde à l’origine du projet scientifique occidental. Il s’agit donc de repenser la connaissance comme une modalisation possible d’un certain rapport de l’homme à son milieu ambiant. La connaissance ne se pense plus ici à partir de la relation ontique sujet-objet, mais comme processus pathique de co-constitution du rapport du connaissant et du connu : co-naissance de l’un et de l’autre au sein d’un même mouvement d’appréhension sensible du monde. En ce sens, chaque mode du connaître met en jeu un mode d’être singulier, un sentir du monde qui ne peut être traduit par aucune loi universelle. A l’encontre de l’homogénéisation globalisante de la mondialisation, il s’agit de rouvrir la multiplicité des possibles devenirs-monde en accueillant et articulant des « greffes de cultures ».

Shared birth-and-knowledge

If knowledge could be a vector of emancipation, it has now become, in the context of economic globalisation, the very place of alienation due to its conversion into value of the new capitalist production ("cognitive capitalism"). The world is transformed into a huge market of usable, patentable and manipulable data : human, informational, biological, energy-providing, relational "resources". In this context, it is necessary to find the liberating power of knowledge understood not any more only in terms of reflexivity and of critical analysis, but to find it by doing away with the very idea of objectifying the world, which has been behind the Western scientific project.It is therefore necessary to rethink knowledge as a possible modalisation of a certain relation of man to his/her environment. Knowledge is no longer thought, here, starting from the ontic subject-object relation, but as a « pathic » process of co-constitution of the rapport of the knower and the known : co-naissance (shared birth-and-knowledge) of the one and the other within a same movement of sensitive apprehension of the world. In this sense, each mode of knowing involves a singular mode of being, a sense of the world that cannot be translated by any universal law. Contrary to the globalising homogenization of globalization, it is possible to reopen the multiplicity of world-becomings by welcoming and articulating "transplants of cultures".

Mots clefs

Depuis Galilée et Newton, le modèle de la science théorico expérimentale s’est progressivement imposé comme étant le seul légitime à garantir la validité de la connaissance, cela au détriment non seulement de modes de connaissance identifiés comme « obscurantistes », « alchimistes » ou « magiques », mais aussi de savoirs issus de pratiques et d’usages ancestraux. Si ce modèle a pu être critiqué par des penseurs tels que Bergson, Dilthey ou Strauss, comme ne permettant pas de rendre compte de la totalité de la réalité et en particulier de la réalité humaine, ces critiques ne le présupposent pas moins comme la référence primordiale à partir de laquelle il s’agit de penser l’élaboration du savoir. Or lorsque, au 20ème siècle, les scientifiques eux-mêmes, particulièrement ceux à l’origine de la physique quantique, découvrent que les résultats de la connaissance sont déterminés par les instruments mis en œuvre pour interroger le réel, un doute est jeté sur les fondements du projet de connaissance tel qu’il s’est formulé à la modernité, sur sa capacité à dire « la vérité ».

Cette « crise des sciences européennes », pour reprendre la formule d’E. Husserl, engage non seulement le sens du projet de connaissance moderne et des institutions qui étaient en charge de le produire et de le transmettre (universités, centres de recherche, laboratoires, etc.), mais aussi et surtout le sens de l’inscription de l’homme dans la nature. Cette crise n’est pas d’abord une question de scientifiques, une question interne au développement du projet scientifique, mais une question qui, en portant sur le sens même d’un modèle de savoir qui a largement contribué à organiser le champ des discours et des pratiques humaines depuis l’époque moderne, concerne le devenir de la condition humaine en général : la crise en jeu est moins de nature épistémologique qu’anthropologique. En effet, le projet scientifique moderne s’établissait sur une séparation infranchissable entre l’homme et la nature, séparation qui devait permettre à l’homme de se rendre « maître et possesseur » de celle-ci. Or la crise des sciences n’a pas remis en question ce projet de « domination » mais l’a au contraire radicalisé dans l’élément d’une anthropotechnie qui se déploie sous la forme de la techno-science. Face à ce processus, il s’agit d’envisager la possibilité d’ouvrir une autre expérience du monde, c’est-à-dire un rapport au savoir et à la technique qui rende possible une co-naissance de l’humain et du non-humain dans le mouvement de la nature. Cet autre rapport ne sera peut-être possible et pensable qu’en faisant appel à d’autres modes et pratiques de connaissance et de transmission issues d’autres cultures et traditions que celle de l’Europe moderne.

Dans La crise de la culture, Hannah Arendt revient sur le partage traditionnel entre sciences de la nature et sciences humaines, et rappelle que, depuis la physique quantique, « les sciences de la nature admettent que l’expérience, en mettant à l’épreuve des processus naturels dans des conditions prescrites d’avance, et l’observateur qui, en suivant l’expérience, devient l’une de ses conditions, introduisent un facteur ’’subjectif’’ à l’intérieur des processus ’’objectifs’’ de la nature » [1]. Le processus de connaissance n’est plus, dès lors, orienté par la mise à jour de vérités universelles, de ces vérités de la nature qui s’exprimeraient dans le langage des mathématiques (Galilée). Le savant admet que la réalité lui échappe et que les outils qui servent à la faire parler sont déterminés par ce que l’on cherche à tirer d’elle. De là le fait que la connaissance puisse dorénavant être identifiée à de l’information. Le savant n’a plus accès aux choses de la nature, mais aux informations qu’elle délivre. Or la valeur de l’information ainsi obtenue se mesure moins par son rapport d’adéquation avec une réalité devenue inaccessible, que par son effectivité : l’information n’a de validité qu’autant qu’elle est capable en retour de produire des effets, c’est-à-dire de modifier l’expérience du réel. C’est ce tournant opératoire de la science que Werner Heisenberg a explicité dans son texte de 1962 intitulé La nature dans la physique contemporaine : « L’ancienne division de l’univers en un déroulement objectif dans l’espace et le temps d’une part, en une âme qui reflète ce déroulement d’autre part, division correspondant à celle de Descartes en res cogitans et res extensa, n’est plus propre à servir de point de départ si l’on veut comprendre les sciences modernes de la nature. C’est avant tout le réseau des rapports entre l’homme et la nature qui est la visée centrale de cette science ; grâce à ces rapports, nous sommes, en tant que créatures vivantes physiques, des parties dépendantes de la nature, tandis qu’en tant qu’hommes, nous en faisons en même temps l’objet de notre pensée et de nos actions. La science, cessant d’être le spectateur de la nature, se reconnaît elle-même comme partie des actions réciproques entre la nature et l’homme » [2].

Ce qui se trouve ici mis en question c’est le partage constitutif de la science moderne entre sujet d’un côté et objet de l’autre. Kant déjà, en opérant la distinction entre phénomène et noumène, entre objet et chose en soi, avait situé l’objet du côté du sujet, c’est-à-dire l’avait pensé comme déterminé par les structures catégoriales de l’entendement du sujet connaissant. De là le statut paradoxal de l’objet, tiraillé entre la chose (en soi) et la conscience, se distinguant de la représentation tout en se confondant avec elle. A la différence de la chose qui existe indépendamment du regard humain, l’objet est d’abord objet perçu par un sujet, dépendant du sujet qui le perçoit. Chez Kant, l’objectivité de l’objet réside moins dans l’adéquation entre la représentation et la chose telle qu’elle existe réellement (en soi) qu’entre la représentation et les lois universelles qui régissent l’entendement humain. L’objectivité, au sens de ce qui a valeur universelle, est située du côté du sujet connaissant considéré en tant qu’être rationnel. Elle reste fondée en nature : dans la nature de la rationalité humaine. Or Heisenberg met en question l’idée même d’une telle objectivité, c’est-à-dire l’idée qu’il existerait des lois universelles inscrites dans la nature, que celles-ci soit du côté de la chose étudiée ou du côté du sujet. Heisenberg met l’accent sur la relation dynamique et productrice entre sujet et objet tout en conservant ce partage puisqu’il dissocie l’homme en tant qu’objet de la nature (« créature vivante physique ») de l’homme en tant que sujet capable de penser et d’agir sur la nature, partage qui recoupe celui entre corps et esprit. Or la relation entre le sujet et l’objet n’est pas seulement une relation entre deux substances déjà existantes en soi, mais une relation qui produit, qui engendre à la fois le sujet et l’objet. La relation produit la dualité sujet-objet tout en reconduisant le rapport dissymétrique qui installe l’homme en position de pouvoir par rapport à une nature encore considérée comme ensemble d’objets.

C’est alors que s’opère « la transformation d’une science qui vise la représentation en une science active, opératoire. La part de théorisation de cette science-technique concerne non plus le réel en soi, mais les interactions du scientifique avec le réel » [3] . Selon Gilbert Hottois, cette rupture marque l’avènement de la technoscience, c’est-à-dire d’une science qui vise moins à dévoiler la vérité qu’à transformer le réel. Aussi, comme l’avait vu Arendt, loin de remettre en question la domination de l’homme sur la nature, ce déplacement a pour conséquence de déployer une anthropologisation générale de la nature elle-même. « L’expérience ’’étant une question posée à la nature’’ (Galilée), les réponses de la science resteront toujours des répliques à des questions posées par les hommes ; la confusion dans le problème de l’ ’’objectivité’’ était de supposer qu’il pouvait y avoir des réponses sans questions et des résultats indépendants d’un être qui questionne. La physique, nous le savons aujourd’hui, comme investigation de ce qui est, n’a pas moins l’homme pour centre que la recherche historique » [4]. La grande rupture introduite par les recherches de la physique quantique, notamment dans la mise au point de la fission nucléaire, consiste à rendre possible pour l’homme d’agir sur les processus naturels de l’intérieur et non plus seulement de l’extérieur. Par le nucléaire, l’homme se rend capable de libérer des forces naturelles inimaginables auparavant.

Le renversement paradoxal auquel procèdent les physiciens consiste à penser que si le réel est inaccessible en tant que tel au savoir humain, alors le savoir humain n’a plus aucune limite extérieure à son savoir, savoir dont la validité réside dans sa capacité à informer le réel selon ses propres critères. Or les critères qui président à ce savoir n’ont, de leur côté, pas changé : ce sont encore et toujours les mathématiques qui servent d’instrument principal à l’interprétation et à la transformation du réel. L’information tirée de la nature se retourne en processus qui informe le réel au gré des opérations algorithmiques. L’information au double sens de donnée et de capacité de transformation prend le pas sur le sujet et l’objet : elle les produit comme les deux pôles d’une relation dynamique. La donnée est le résultat calculé d’un processus de transformation qui se déploie à travers un ensemble de dispositifs techniques mais aussi sociaux, car un dispositif technique n’est que l’expression d’un rapport social. C’est à l’aune d’un tel renversement que l’on peut comprendre l’émergence d’une « sociologie des sciences », telle qu’elle prend forme notamment sous la plume d’un Bruno Latour, c’est-à-dire de la production d’un savoir qui ne sépare plus les sciences et la société. Aussi, si la distinction kantienne entre phénomène et noumène procédait d’une anthropologisation de la vérité, la relativisation de la connaissance au profit de l’effectivité transformationnelle du savoir va ouvrir la voie à une tentative d’appropriation totale de la nature par l’homme dans l’élément d’une anthropotechnie.

Dans L’invention des sciences modernes, Isabelle Stengers retrace l’histoire de l’invention des sciences modernes et des théories qui, depuis, ont tenté d’assoir sa légitimité en traçant la frontière entre la science exacte et ses autres, mauvaises copies (les sciences humaines) ou simples croyances. Or le mérite de l’analyse de Stengers consiste à mettre en doute cette frontière, et à se demander si l’opposition entre objectivité scientifique et croyance n’est pas justement constitutive des sciences ? L’enjeu n’est pas de dissoudre la science dans le politique et le social, c’est-à-dire de n’en faire qu’une expression idéologique, un simple reflet de rapports sociaux. Au contraire, Stengers s’attache à prendre en compte ce qui fait la spécificité de la pratique scientifique en tant qu’elle constitue une pratique sociale à part entière. Or penser la pratique scientifique comme pratique sociale c’est prendre en compte l’ensemble des réseaux au sein desquels elle prend forme (discours, dispositifs, espaces, conflits épistémologiques, enjeux de pouvoir et d’influence, etc.). Stengers, en lectrice de Latour, ne fait d’une certaine manière que prendre acte du retournement mis en lumière par Heisenberg. En effet, l’opposition de la science et de la croyance repose notamment sur la distinction nette et tranchée entre sujet et objet, entre un pôle actif et un pôle passif. « Le sujet ’’libre’’ est celui qui s’est purifié de l’opinion, une fois pour toutes. Il sait n’avoir affaire qu’à des objets, dont le mode d’existence est absolument distinct du sien propre. Il sait comment se rapporter à ces objets, au sens en tout cas où ce rapport ne doit rien avoir de commun avec la manière dont il se rapporte à un autre sujet. D’une manière ou d’une autre, le pouvoir, l’initiative, la question, sont du côté du sujet, l’objet étant du côté de la ’’cause’’, de ce à propos de quoi les sujets discutent et passent jugement.

La distinction classique entre sujet et objet suppose bien sûr le pouvoir, celui du sujet capable de convoquer l’objet au tribunal où sa cause sera discutée. Le laboratoire, où les conditions du témoignage de l’objet sont définies et où celui-ci est mis à l’épreuve, est la figure par excellence de ce tribunal, lieu où le prévenu est entendu selon les catégories qui permettront de passer jugement » [5]. Or si le rapport entre sujet et objet est le résultat d’une création, d’une interaction dynamique, il n’est plus possible de séparer aussi clairement et distinctement la science de la croyance. Ces deux formes de relation au réel partagent en commun la capacité de fiction au double sens de création imaginaire et de façonnement matériel. Cette capacité de fiction, qui rend indécidable l’opposition traditionnelle entre science et croyance, Stengers la voit à l’œuvre dans le développement sans précédent des techniques de simulation. « L’univers-ordinateur établit un rapport direct entre phénomène et simulation, sans au-delà à la simulation, sans promesse de théorie au-delà des modèles. Il figure l’idéal d’une matrice idéalement versatile, capable d’engendrer toutes les évolutions possibles » [6]. Si le phénomène était encore, chez Kant, dépendant d’une chose en soi inaccessible au savoir humain mais qui se livrait partiellement dans la perception sensible, il se confond dorénavant avec le seul champ de la représentation, c’est-à-dire aussi avec le domaine d’exercice de la volonté de l’homme. « L’art du simulateur est celui du scénariste : mettre en scène une multiplicité disparate d’éléments, définir, sur un mode qui est celui du ’’si... alors...’’ temporel, narratif, la manière dont ces éléments jouent ensemble, puis suivre les histoires qu’est susceptible d’engendrer cette matrice narrative. Ce sont ces histoires qui mettent à l’épreuve la matrice, et font de la simulation une expérimentation sur nos énoncés. Elles les ’’mettent en acte’’ sans nous donner la possibilité d’intervenir, d’infléchir le récit dans le sens que nous désirons ou jugeons plausible [7] ». La création narrative se fait, comme c’était déjà le cas chez les sophistes décriés par Platon, ex nihilo. Dans le dialogue du Sophiste, Platon compare les sophistes à des thaumaturges, c’est-à-dire à des magiciens capables de provoquer des apparitions sous la forme d’automates, des « thaumata ». Or ces apparitions ne sont possibles que parce que le magicien a, par avance, passé le rideau noir derrière la scène de prestidigitation : il a fait le vide derrière lui. La simulation suppose comme sa condition la négation du monde, la négation des corps qui adviennent spontanément, en dehors de tout cadre et programme de production, en deçà de toute forme énonciative. C’est pourquoi, en mobilisant la capacité de fiction de la science, Stengers retrouve tout naturellement l’inspiration sophistique qui faisait dire à Protagoras que « l’homme est la mesure de toutes choses » : « il s’agit toujours d’inventer les pratiques grâce auxquelles cet énoncé perde son caractère statique, relativiste, et entre dans une dynamique où ni l’homme ni la chose n’ont la maîtrise de la mesure, où c’est l’invention de nouvelles mesures, c’est-à-dire de nouvelles relations et de nouvelles épreuves, qui distribuent les identités respectives de l’homme et de la chose » [8].

Il n’y aurait plus d’un côté l’homme et de l’autre la chose, mais des interactions dynamiques qui redistribuent leurs relations et identités en inventant de nouvelles « mesures ». Or les mesures ainsi « inventées » le sont depuis la référence anthropocentrée qui agit sous les traits d’une machine anonyme, celle du pouvoir technoscientifique. Car si ce n’est plus l’homme ni la chose qui « inventent de nouvelles mesures », c’est que l’invention se produit depuis le pouvoir d’une plasticité technologique, c’est-à-dire d’un langage produit par l’homme mais qui a trouvé en lui-même son principe d’auto développement jusqu’à englober son propre créateur qui ne peut même plus « intervenir » sur lui. C’est la machine qui invente et cela en opérant performativement sur les corps, mais des corps réduits à des informations, à du langage manipulable : l’expérimentation porte sur des « énoncés » comme le dit Stengers. Or ces corps-énoncés peuvent indifféremment être ceux des êtres humains et des êtres non humains, puisque la dissymétrie ne passe plus entre un sujet fondé en nature (nature humaine) et un objet déterminé par son opposition au sujet (humain), mais entre une capacité de transformation et un substrat matériel susceptible d’être modifié. Cette capacité de transformation, transposée par l’homme dans la machine, fait de lui un être parmi d’autres et, tout autant que ces « autres », susceptible de servir de substrat modifiable (matériau génétique, matériel d’expérimentation). La « chose » (humaine ou non humaine) n’est même plus appelée à comparaître devant le tribunal de la raison, comparution qui faisait d’elle un objet encore relativement tributaire de la perception. La comparution supposait encore, d’une certaine manière, une relative autonomie de l’objet par rapport au sujet. A partir du moment où l’objet est conditionné par la fiction productrice du savoir, à partir du moment où il est conçu comme le pur produit d’un façonnement, c’est-à-dire comme artefact, il perd toute la relative autonomie qui le rattachait d’une manière ou d’une autre à un monde de choses en soi, c’est-à-dire à une nature où les choses existaient par elles-mêmes en dehors de la seule détermination et action humaine. Le laboratoire constitue dans ce contexte bien plus qu’un tribunal qui soumet la chose au jugement. Il devient le terrain de jeu d’autant d’apprentis sorciers prêts à transformer une souris en éléphant, à créer des êtres hybrides, technologiquement implantés, génétiquement ou culturellement modifiés. Or Stengers reconnaît malgré tout une limite à ce pouvoir de façonnement de la fiction, limite qui tient dans la reconnaissance de l’existence même des êtres soumis à ce pouvoir. Le caractère dynamique du rapport sujet-objet suppose en effet que les conditions de production de la connaissance soient également les conditions de production de l’existence. Or n’est-ce pas proprement totalitaire que de vouloir absolument conditionner l’existence d’un être ?

« Les chimpanzés peuvent-ils apprendre à parler ? Les réponses apportées à cette question ont suscité et suscitent encore des controverses nombreuses, qui ont d’ailleurs enrichi d’autant la description que nous faisons du langage humain et de son apprentissage. De même pour le type de ’’conscience’’ que nous pouvons attribuer aux chimpanzés, aux gorilles et à nous-mêmes. Mais le prix de cette production de savoir est la production d’êtres nouveaux, ceux dont nous ’’révélons’’ les compétences potentielles en les plongeant dans un univers intensément humain, où les questions qui font sens pour nous prennent sens pour eux. Les ’’psycho primatologues’’ ont des problèmes que n’ont pas les autres psychologues des animaux : ils ne peuvent se débarrasser de leur matériel expérimental après usage, les renvoyer dans leur environnement naturel ou au zoo, car ce sont des êtres hybrides, littéralement ’’mis au monde humain’’, dont ils se sentent tout autant responsables que des parents face à leurs enfants. Les liens créés au nom du savoir à produire lient et engagent les humains aux êtres inédits qu’ils ont fait exister [9]. » Cette liaison entre production de savoir et production d’existence ne peut, cependant, être résolue sur le seul plan d’une éthique qui chercherait à limiter l’exercice du pouvoir des sujets expérimentateurs sur leurs objets d’expérimentation. En effet, l’éthique vient toujours après coup, pour limiter l’extension d’une pratique, sans jamais remettre en question les fondements mêmes de cette pratique.

Pour répondre au problème des rapports entre savoir et existence, Stengers en appelle alors à l’invention d’un « nouveau paradigme esthétique, où esthétique désigne d’abord une production d’existence qui relève de la puissance de sentir : puissance d’être affecté par le monde sur un mode qui n’est pas celui de l’interaction subie, mais d’une double création de sens, de soi et du monde » [10]. Or l’invention d’un tel « paradigme esthétique » n’implique-t-il pas nécessairement de rompre avec un modèle de savoir, celui des sciences modernes, tout entier construit sur le rejet du sensible [11] ?

Que serait un savoir qui ne se fonderait plus sur la négation du sensible, c’est-à-dire qui accueillerait la possibilité de se laisser affecter par l’autre ? Ce savoir serait irréductible à celui promu par la tradition de l’empirisme anglais (et à un de ses avatars contemporains, le cognitivisme) où, comme le rappelle Arendt, « la signification du donné sensible est dissoute dans les données de la perception sensible, qui ne relèvent leur signification que par l’habitude et la répétition des expériences, de telle sorte que l’homme, pris dans un extrême subjectivisme, est finalement emprisonné dans un non monde de sensations dépourvues de signification que ne peuvent pénétrer aucune réalité et vérité. L’empirisme n’est qu’en apparence une revanche des sens ; en fait il repose sur l’hypothèse que seul un raisonnement du sens commun peut leur donner signification, et son point de départ est toujours une déclaration de non confiance dans la capacité des sens à révéler la vérité » [12]. L’empirisme présuppose le partage sujet-objet au fondement de la science moderne, c’est-à-dire le partage entre principe actif et principe passif lui-même corrélatif du partage entre esprit et corps. Or c’est précisément en tentant de redonner au corps toute sa dimension, tout son volume, que Merleau-Ponty va aller chercher, en deçà de la distinction sujet-objet, l’espacement mouvant du sensible. « Ce qu’elle ne voit pas [la conscience], c’est pour des raisons de principe qu’elle ne le voit pas, c’est parce qu’elle est conscience qu’elle ne le voit pas. Ce qu’elle ne voit pas, c’est ce qui en elle prépare la vision du reste (comme la rétine est aveugle au point d’où se répandent en elle les fibres qui permettront la vision). Ce qu’elle ne voit pas, c’est ce qui fait qu’elle voit, c’est son attache à l’Etre, c’est sa corporéité, ce sont les existentiaux par lesquels le monde devient visible, c’est la chair où naît l’objet » [13]. Cet espacement sensible n’est pas un ensemble de données sensorielles disparates, de sensations reconstruites par l’entendement humain, mais l’articulation même d’un être au monde qui se déploie selon la modalité du touchant-touché. Merleau-Ponty lui donne alternativement le nom de « chair » ou d’ « Etre » (au sens heideggérien) et le caractérise par sa nature d’ « intouchable ». « Irréductible tant au corps senti qu’à l’esprit, conscient ou inconscient, il constitue le terrain indistinct où s’opère la ’’jonction’’ entre touchant et touché. Tel que Merleau-Ponty le définit dans sa note, cet ’’intouchable’’ est, très clairement, soustrait à l’ordre du tactile, et cela par essence et non par accident. ’’Ce n’est pas un touchable en fait inaccessible. Ce n’est pas un positif qui est ailleurs (un transcendant)’’, mais ’’un vrai négatif’’. Aucun doute n’est possible : l’intouchable, pour cette raison, se retire du champ du toucher en lui permettant d’exister. [...] chaque terme touchant et touché sollicite cet élément et le rencontre, en tant qu’il est, précisément, ce ’’en quoi’’ s’établit tout contact ; toute étreinte, puissante ou légère, s’exerce sur lui et en lui. Malgré son inaccessibilité structurelle, le milieu du toucher n’est donc pas impassible. […] Puisque aucun contact n’est immédiat et que ’’le touchant n’est jamais exactement le touché’’, on ne rencontre jamais vraiment autre chose que lui. Élément ultime de tout acte tactile, il n’en reste pas moins intouchable pour être sans répit toujours-déjà touché. [14] »

L’intouchable n’est pas néant, ni pleine présence (transcendance), mais « élément » qui rend possible la rencontre dans et par l’écart : écart-de-contact. Cet élément se déploie sous la modalité de la puissance, puissance d’affecter et d’être affecté, à la fois principe actif et passif : puissance que l’on qualifiera donc de pathique et que l’on distinguera de la condition ontique qui présuppose toujours la possibilité d’une saisie positive d’objets indépendants les uns des autres. Or ce que nous dit Merleau-Ponty, c’est que sentir, c’est toujours déjà sentir avec. Se sentir soi-même exister c’est toujours déjà et dans le même temps co-sentir le mouvement de la nature dans la multiplicité de ses advenues. Le sentir n’advient qu’en tant qu’il est pris dans le mouvement d’une puissance pathique.

C’est depuis la mise à jour de cette dimension pathique que le philosophe et médecin allemand Victor von Weizsäcker a tenté d’élaborer une autre pensée de la connaissance. Selon Weizsäcker, la formation de la connaissance prend sa source dans un événement, l’événement d’une rencontre. La relation entre un connaissant et un connu ne préexiste pas à cette rencontre. Elle prend forme comme une modalisation possible d’un certain rapport de l’homme à son milieu ambiant. « La réalité même de l’homme est vue ici comme une rencontre toujours renouvelée du moi avec le monde ambiant (Umwelt), un commerce fluctuant de moi et de monde ambiant » [15]. La science ne peut penser cette relation de commerce parce que le point même d’où elle parle et se formule suppose la production d’un point de vue surplombant sur ce milieu ambiant transformé en ensemble d’objets aux contours discernables (sur lesquels il est possible d’agir). Pour Weizsäcker, cette opération constitutive de la science est toujours seconde et a pour conséquence de figer le mouvement même qui a pu à un certain moment se modaliser en connaître, c’est-à-dire le processus même de co-constitution du rapport du connaissant et du connu [16]. Les deux termes de la relation prennent forme à partir d’une rencontre qui s’articule dans l’élément du pathique [17]. En grec, « pathos désigne, d’une façon générale, ’’ce qui est éprouvé’’, ou encore les qualités ou les propriétés des choses en tant qu’elles sont modifiables, contrairement à celles de leur essence ».

Le pathique s’oppose à l’ontique qui postule soit des définitions d’essence soit des objets coupés de leur milieu ambiant. La notion de « pathique » ouvre à une pensée du devenir qui pense chaque être comme pris dans le mouvement indissociable du pâtir et de l’agir. Le « pathos » c’est aussi « ce qui nous tombe dessus », l’événement d’une rencontre qui ouvre à un devenir : rencontre non intentionnelle par où le hasard se fait nécessité. Il y a co-naissance réciproque et solidaire du connaissant et du connu qui articulent, dans leur rencontre advenue, la trame d’un paysage habité. Chaque mode du connaître met en jeu un mode d’être singulier, un sentir du monde qui ne peut être traduit par aucune loi universelle. Ainsi, l’approche pathique du connaître accueille, selon les différents lieux du monde, les expressions singulières de modes d’être hétérogènes. Ces expressions prennent forme dans des usages, c’est-à-dire dans des manières de donner sens aux choses en fonction de leur inscription dans un tissu de relations et de traces. Ce sont de tels usages que revendiquent aujourd’hui les luttes paysannes ou indigènes en révolte contre l’emprise grandissante de la technoscience à l’échelle mondiale. Parmi ces luttes, on peut citer celle menée par Vandana Shiva [18], féministe écologiste indienne, contre les nouvelles logiques de colonisation via le pillage organisé des choses communes par les multinationales ou les Etats (appropriation des semences, des recettes indigènes, etc.). « Les pratiques que fait exister le mouvement indien sur les semences montrent que la relation aux vivants non humains, qui n’est ni d’utilité ni de protection, porte le refus d’une exploitation qui opère sur l’être relationnel du vivant. Qu’elle concerne les humains ou les non humains, cette exploitation se fait sur le mode d’une rupture des formes préexistantes de coopération. Vandana Shiva souligne ainsi le fait que ’’ la biodiversité provient de pays précis, où des communautés précises l’emploient’’, la reproduisent, en entretenant avec les autres vivants, végétaux ou animaux, des rapports sociaux. Elle explique que ’’pour les communautés indigènes, l’héritage est un faisceau de relations plutôt qu’un ensemble de droits économiques’’ [19] : c’est en fidélité à ce principe que les banques de semences vivantes que constituent les paysans ne sont pas des conservatoires fermés mais existent in situ dans les champs et les pratiques d’échanges, à travers tout le territoire de l’Inde. […] En aucun cas la diversité du vivant ne saurait constituer un ’’patrimoine génétique mondial’’ ou un ’’bien commun de l’humanité’’ : c’est là la langue des laboratoires de recherche occidentaux et des codificateurs des nouvelles règles de la propriété intellectuelle, la langue dans laquelle commun signifie essentiellement susceptible d’être privatisé » [20].

Muriel Combes nous rappelle ici que le mode de connaissance, l’usage qui en découle ou qui y est associé, est toujours pris dans un Ethos correspondant à un mode d’être pathique, à une inscription dans un paysage, dans un tissu de relations, de lignes sous-jacentes qui composent un commun. Le commun n’est pas le « patrimoine », forme objectivée, réifiée, et donc appropriable des choses du monde, mais ce sensible qui passe entre des êtres inscrits ensemble dans un paysage. Si ces usages donnent sens aux choses en rendant possible leur inscription, ils ne déterminent pas pour autant totalement leurs conditions d’existence. C’est au contraire parce que ces choses (animales, végétales, etc.) sont reconnues comme ayant une valeur en soi, une valeur intrinsèque (à la différence de l’objet qui n’existe que relative à un sujet), qu’une rencontre est possible. Penser le rapport au savoir depuis une approche pathique, c’est-à-dire comme co-naissance, c’est d’abord reconnaître l’existence des « choses en soi ». Celles-ci ne renvoient pas, comme c’était le cas chez Kant, à une réalité inaccessible au savoir, à un ordre des choses transcendant répondant à un plan divin inconnaissable (à une nature immuable des essences). Nous appelons « choses en soi » les êtres du monde en tant qu’ils existent sans devoir répondre d’aucune raison, d’aucun principe de raison, des êtres libres de toute subordination à un pouvoir qui chercherait à les faire parler. Car la liberté consiste moins dans le pouvoir de transformation de l’homme que dans la condition d’une existence qui n’a d’autre justification à fournir que celle de son être là. Reconnaître l’existence des choses en soi, c’est donc reconnaître que les êtres du monde peuvent se déployer indépendamment des lois et dispositifs créés par l’homme, et que l’homme lui-même, s’il se démet de la volonté de pouvoir qui le traverse, pourra redécouvrir en lui l’humain dont l’existence n’a de sens qu’à se déployer sans finalité ni raison. Ce n’est plus seulement avec le jugement de Dieu qu’il s’agit d’en finir (Artaud), mais aussi et peut-être surtout avec le jugement de l’Homme.

NOTES

[1] Hannah Arendt, « Le concept d’histoire », La crise de la culture, Gallimard, Paris 1972. p. 67.

[2] Werner Heisenberg, La nature dans la physique contemporaine, trad. U. Karvélis et A.E. Leroy, Gallimard, Paris 1962.

[3] Gilbert Hottois, Philosophies des sciences, philosophies des techniques, Odile Jacob, Paris 2004, p. 143.

[4] Arendt, ibid., p. 67-68.

[5] Isabelle Stengers, L’invention des sciences modernes, Champs Flammarion, Paris 1993, p. 150.

[6] Stengers, ibid., p. 154.

[7] Stengers, ibid., p. 154.

[8] Stengers, ibid., p. 151-152.

[9] Stengers, ibid., p. 166.

[10] Stengers, ibid., p. 167.

[11] L’invention de la méthode expérimentale repose en effet sur une condamnation des sens et sur une redéfinition de la matière comme substance étendue, ainsi que le rappelle Michel Tibon Cornillot : « L’aridité du monde selon Descartes, où ne subsiste aucune trace visible, encore moins symbolique, de Dieu, n’a plus rien à voir avec le monde coloré, chatoyant, plein de déterminations qualitatives des aristotéliciens, ou encore le monde du sens commun, celui de notre expérience quotidienne. Il n’est perçu que par l’effort des sujets franchissant la frontière étanche séparant en chacun l’homme sensible et l’homme intelligible » (Les corps transfigurés, éd. MF, coll. Dehors, 2009 [19951], p. 295). Pour parvenir, dans les Méditations Métaphysiques, à la définition de la matière comme « substance étendue », Descartes doit supprimer tout ce qui jusqu’alors faisait la spécificité du sensible : l’odeur, le goût, le toucher dont la réalité mouvante, ondoyante, imprécise, ne peut être expliquée à l’aide de raisonnements mathématiques. Tous ces attributs seront donc relégués au statut de « qualités secondaires », considérées comme n’ayant pas d’existence en soi dans le monde sensible.

[12] Arendt, ibid., p. 77.

[13] Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible, Gallimard, Paris 1964, p. 296.

[14] Daniel Heller-Roazen, Archéologie du toucher, Seuil, Paris 2011, p. 332.

[15] Jacques Schotte, Une pensée du clinique, L’œuvre de Victor von Weizsäcker, cours de 1984-1985. Texte disponible sur le site du Centre d’Etudes Pathoanalytique : https://docs.google.com/viewer?a=v&...]. Le mot « commerce » traduit ici le concept d’Umgang indiquant que la première relation d’un être singulier au monde consiste dans un rapport de discordance avec son milieu ambiant, avec ses entours, et c’est cette relation de discordance qui le met en mouvement. « L’Umgang est cette réalité primordiale dans laquelle se constitue le réel lui-même, en train de se faire, ainsi que le sujet qui le considère ». Ce « commerce primordial de l’homme et du monde » est toujours instable et inobjectivable. On n’a jamais fini de faire le tour de notre Umwelt parce qu’on advient toujours déjà dans le mouvement de son déploiement. « L’échec, envisagé péjorativement du point de vue de l’idéal de la logique et de la raison, est l’accompagnement constant et secrètement productif de ce que nous sommes »[[Schotte, ibid.

[16] En effet, le commerce qui s’engage entre l’être humain et l’Umwelt peut s’articuler selon diverses modalités : amoureuse, politique, connaissante, etc. C’est cette dernière modalité qui intéresse W. qui cherche à repenser la pratique médicale et le savoir de l’humain qui l’accompagne à partir d’une approche anthropologique qui prenne en compte l’humain dans ses multiples dimensions (somatiques, psychiques, politiques, sociales, culturelles, etc.).

[17] Victor Von Weizsäcker, Pathosophie, Million, Grenoble, 2011.

[18] Née en Inde en 1952, physicienne, écrivain, docteur en philosophie des sciences et écoféministe, Vandana Shiva est lauréate du prix Nobel alternatif 1993. Elle lutte contre le brevetage du vivant et la biopiraterie, c’est-à-dire l’appropriation par les firmes agrochimiques des ressources universelles, notamment les semences. Vandana Shiva a créé en 1987 l’ONG Navdanya qui lutte pour la biodiversité et l’autosuffisance des paysans par l’agriculture traditionnelle. Il était devenu urgent « de soustraire l’agriculture indienne à la domination des multinationales, à la contamination par les organismes génétiquement modifiés et aux monopoles imposés par l’ingénierie génétique. Ce sont les choix affichés par les lobbies des multinationales dans les réunions du GATT puis lors de la création de l’OMC, dans "l’Uruguay Round", qui lui ont ouvert les yeux ». Vandana Shiva, « The Enclosure of the Commons », http://www.twnside.org.sg/title/com...

[19] The Enclosure of the Commons » op. cit. : http://www.twnside.org.sg/title/com...

[20] Muriel Combes, La vie Inséparée, p. 313, Dittmar, Paris, 2011.