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Esquisses

Recueil Alexandries

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mars 2011

Jules Falquet

Lesbiennes migrantes, entre hétéro-circulation et recompositions néolibérales du nationalisme

auteur

Jules Falquet est Maîtresse de conférences en Sociologie à l’université de Jussieu-Paris Diderot (Paris 7). Elle est membre du Centre de sociologie des pratiques et des représentations politiques (CSPRP), co-responsable du Centre pour la documentation, la recherche et les études féministes (CEDREF) et responsable du Master-recherche "Genre et dévelopement". Ses premières recherches portaient sur la scolarisation des femmes indiennes du Chiapas, puis (...)

résumé

La migration des lesbiennes a été très peu étudiée jusqu’à présent en France : c’est fort regrettable car elle permet de mieux comprendre les mobilités féminines dans leur ensemble, en éclairant les logiques classiques protégées par l’Etat de l’hétéro-circulation des femmes, et les transformations du nationalisme qui les réorganisent dans le cadre de la mondialisation néolibérale. Un bref retour sur l’histoire récente permettra de mieux saisir certains enjeux, en particulier entre les lesbiennes migrantes et autochtones. Ainsi, dans cet article, après avoir précisé la catégorie un peu fuyante de lesbienne, j’essaierai de montrer que leur « hyper-mobilité » constitutive éclaire d’un jour nouveau « l’hétéro-circulation » de l’ensemble des femmes. Je proposerai ensuite une analyse des pratiques migratoires de l’Etat français actuel, qui restreignent drastiquement la mobilité des lesbiennes, qui leur est pourtant encore plus vitale peut-être qu’aux autres femmes, en tout cas à situation de classe et de « race » comparable. Enfin, j’examinerai les risques qui existent à revendiquer l’extension du mariage aux lesbiennes tout comme un statut automatique de réfugiées : on verra que le concept « d’homonationalisme » de Jasbir Puar pourrait bien s’appliquer à une France que le néolibéralisme n’en finit pas de droitiser.

à propos

Cet article a été rédigé dans le cadre de l’ouvrage collectif Le genre au cœur des migrations, codirigé par Claire Cossée, Adelina Miranda, Nouria Ouali et Djaouida Sehili, Paris, Editions Petra (collection « IntersectionS »), à paraître.

citation

Jules Falquet, "Lesbiennes migrantes, entre hétéro-circulation et recompositions néolibérales du nationalisme", Recueil Alexandries, Collections Esquisses, mars 2011, url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article1092.html

Sommaire

1. Les lesbiennes : des femmes et des migrantes comme les autres ?

2. Une mobilité fortement restreinte par l’Etat

3. Des luttes difficiles dans le cadre de l’homonationalisme néolibéral

Entre hétéro-circulation et homonationalisme : une voie étroite pour les lesbiennes

Bibliographie


Notre silence ne nous protègera pas.
(d’après Audre Lorde)

Les bonnes filles vont au ciel, les mauvaises filles vont partout.
(slogan féministe)

La migration des lesbiennes a été très peu étudiée jusqu’à présent en France [1] : c’est fort regrettable car elle permet de mieux comprendre les mobilités féminines dans leur ensemble, en éclairant les logiques classiques protégées par l’Etat de l’hétéro-circulation des femmes [2], et les transformations du nationalisme qui les réorganisent dans le cadre de la mondialisation néolibérale.

Un bref retour sur l’histoire récente permettra de mieux saisir certains enjeux, en particulier entre les lesbiennes migrantes et autochtones [3]. Il semble bien que le premier travail universitaire spécifique sur les lesbiennes migrantes en France, soit la communication « De la nécessité de faire bon accueil aux lesbiennes et aux femmes étrangères. Lesbiennes étrangères en mouvement, en France aujourd’hui », présentée par Sabreen Al’Rassace et moi-même en septembre 2006 lors du colloque « Persécution des femmes » réalisé à l’université Panthéon Sorbonne (Al’Rassace et Falquet, 2007). Partiellement dans la continuité de ce premier travail, le 12 décembre 2009, avait lieu à l’université de St Denis un colloque intitulé : « Lesbiennes, migrations, exils et racismes. Quand les ‘minoritaires’ s’en mêlent » [4]. Contestant d’avance le caractère qu’elle estimait devoir être raciste de ce colloque [5], se manifestait une organisation récemment formée, l’Espace d’expression LOCs (Lesbiennes of Color), le groupe se faisant connaître publiquement lors du colloque de la Coordination Lesbienne en France du 23 octobre 2010. Le groupe LOCs fait suite, sans nécessairement les prolonger, à au moins trois initiatives militantes importantes et bien distinctes [6] : le Groupe du 6 novembre (1999-2005), qui réunissait de manière non-mixte des lesbiennes issues de la colonisation, de l’esclavage et de la migration forcée et s’est attaché à analyser et combattre le racisme au sein du mouvement lesbien et féministe (Groupe du 6 novembre, 2001 ; Bacchetta, 2009). Crée en 2005 à l’initiative d’une lesbienne djiboutienne, LDR (Lesbiennes contre les discriminations et le racisme) rassemblait pour sa part des lesbiennes « Of Color » et « Blanches ». Lors de la manifestation de la Fierté gay et lesbienne de 2007, LDR revendiquait plus particulièrement : « [le] droit d’asile politique pour toutes les lesbiennes qui fuient leurs pays parce que l’hétérosexualité est le modèle social dominant dans le monde mettant les lesbiennes en insécurité au-delà de la notion de pays d’origine sûrs, parce que notre attirance, notre vie sentimentale et affective de tous les jours implique que les lesbiennes sont de fait des opposantes politiques dans leur pays. La régularisation de toutes les lesbiennes sans-papiers ! La solidarité avec toutes les lesbiennes du monde entier par nos actions ! » [7]. Enfin, rassemblant plusieurs organisations spécialisées [8], le Groupe Asile Femmes (GRAF), né en 2005 et co-fondé par Sabreen Al’Rassace, l’une des iniatrices de LOCs et de LDR, insitait sur la nécessité d’une approche genre dans le traitement des demandeuses d’asile en France. Le GRAF a créé notamment un guide de l’accueil aux femmes persécutées, dans lequel deux sections sont consacrées aux femmes harcelées à cause de leur orientation sexuelle (p. 20, p 35). D’autre part, des recherches doctorales sont en cours concernant certaines catégories de lesbiennes migrantes en France, comme les lesbiennes du Maghreb [9].

On le voit, concernant la question des lesbiennes migrantes, l’articulation de la lesbophobie avec le racisme (et le classisme) apparaît comme centrale. Or ce racisme n’est pas uniquement situé dans les politiques migratoires ou dans la société française abstraite, mais se manifeste chez les femmes, les féministes et les lesbiennes elles-mêmes, tout comme dans le milieu universitaire : le groupe LOCs en 2009 [10], comme le Groupe du 6 novembre avant lui (2001), a dénoncé avec force comme un élément clé de ce racisme, la propension des Blanches à parler à la place des lesbiennes migrantes et/ou racialisées. J’espère éviter cet écueil, souhaitant en tant que chercheuse, lesbienne et féministe blanche, de nationalité française, analyser la politique migratoire sexiste et raciste de l’actuel gouvernement français, et tenter de combattre la possible dérive raciste d’une partie du mouvement lesbien et féministe —l’une créant un climat favorable à l’autre et réciproquement. Ce travail a donc un double objectif : il s’agit d’exiger des politiques migratoires moins défavorables pour les lesbiennes et les femmes, sans pour autant accréditer l’idée (parfaitement fausse) que la France traite bien les femmes et les lesbiennes, en particulier étrangères.

Sur le plan méthodologique, je m’appuierai essentiellement sur des travaux étrangers et le peu de travaux existant en France, sur la littérature, la musique ou le cinéma [11] et sur l’expérience acquise en plus de vingt ans d’implication dans le mouvement lesbien et féministe, principalement en France, au Mexique et au Salvador. De plus, j’ai été, comme beaucoup, confrontée à la question de la solidarité politique entre lesbiennes, notamment entre les autochtones et celles rendues « illégales » par les politiques migratoires, mais aussi aux limites des solutions individuelles (mariage et PACs en France, Union civile au Mexique) (Falquet, 2006). Le présent travail tente de poser un regard réflexif sur ces actions, autrement dit : de construire de la théorie à partir de la pratique, et inversement.

Ainsi, dans cet article, après avoir précisé la catégorie un peu fuyante de lesbienne, j’essaierai de montrer que leur « hyper-mobilité » constitutive éclaire d’un jour nouveau « l’hétéro-circulation » de l’ensemble des femmes. Je proposerai ensuite une analyse des pratiques migratoires de l’Etat français actuel, qui restreignent drastiquement la mobilité des lesbiennes, qui leur est pourtant encore plus vitale peut-être qu’aux autres femmes, en tout cas à situation de classe et de « race » [12] comparable. Enfin, j’examinerai les risques qui existent à revendiquer l’extension du mariage aux lesbiennes tout comme un statut automatique de réfugiées : on verra que le concept « d’homonationalisme » de Jasbir Puar pourrait bien s’appliquer à une France que le néolibéralisme n’en finit pas de droitiser.

1. Les lesbiennes : des femmes et des migrantes comme les autres

A. Ineffables et effacées

Le concept de lesbienne, récent et « occidental » (Falquet, 2004), ne rend qu’imparfaitement compte du vécu (très ancien et répandu sur toute la surface du globe) et de l’image de soi des femmes ainsi qualifiées, fort diverses de par leurs pratiques sexuelles, mais aussi leur classe, leur « race » et leur âge notamment. Il désigne généralement des personnes socialement considérées comme de sexe féminin, qui ont des pratiques sexuelles et/ou amoureuses entre elles [13].

Se posent immédiatement plusieurs problèmes. D’abord, le caractère occasionnel ou durable de ces pratiques. Et quid des femmes qui n’ont guère ou pas de pratiques sexuelles et/ou amoureuses ? Où passe la frontière entre hétérosexualité, bisexualité et lesbianisme ? Ensuite, le fréquent rejet du terme par les intéressées, soit qu’elles dénient leurs pratiques ou leur centralité dans l’image qu’elles se font d’elles-mêmes, soit qu’elles rejettent les étiquettes, soit encore qu’elles préfèrent d’autres concepts, pour des raisons politiques et/ou culturelles, comme les Tomboys indonésiennes (Blackwood, 1999) ou celles qui se revendiquent comme Zami, dans la lignée d’Audre Lorde (1998 [1982]). De plus, le terme est souvent utilisé comme une insulte, indépendament de toute pratique sexuelle, comme le stigmate de la « pute » (Pheterson, 2001) : l’accusation de lesbianisme est une puissante arme du sexisme (Pharr, 1988).

Enfin, la définition et la mise en évidence sociologique des lesbiennes sont encore compliquées par leur invisibilité totale ou partielle, qui provient à la fois d’un déni et d’un interdit social (juridique, culturel ou religieux) extrêmement puissant dans la plupart des sociétés, et d’une attitude délibérée de nombreuses femmes qui, en cachant leur lesbianisme, tentent d’éviter la stigmatisation [14].

B. Contestations multi-dimensionnelles et « hyper-mobilité » des lesbiennes

Généralement, avoir des relations lesbiennes ou à plus forte raison affirmer une position politique lesbienne (Wittig, 2001), implique de transgresser un ensemble de règles sociales et à des degrés divers, de refuser de correspondre aux modèles féminins attendus par la société et/ou par la famille (apparence physique ou vestimentaire, langage, manières, (in)docilité, activités professionnelles ou sportives). Cette transgression est souvent liée à un refus du mariage et/ou de la maternité. C’est précisément ce qu’affirme Wittig quand elle définit les lesbiennes, bien au-delà et indépendamment de la sexualité, comme celles qui refusent de devenir ou rester des femmes, c’est-à-dire des personnes appropriées dans les rapports de sexage (Guillaumin, 1992). Ainsi, avant même de contester la sexualité hégémonique, beaucoup de lesbiennes s’échappent de leur classe de sexe, fuient, désertent, marronnent (autant de métaphores wittigiennes de la mobilité constitutive des lesbiennes), parce qu’elles contestent la définition hégémonique du genre et même du sexe.

De surcroît, pour toute une partie des lesbiennes, le refus de l’ordre social dominant en matière de sexualité et de rapports sociaux de sexe se double d’autres refus, ou ne trouve à s’exprimer que par l’engagement dans d’autres luttes (contre le système de classe, le racisme, le manque de démocratie…). On se trouve alors face à des « multi-contestataires » [15], qui dérangent à plusieurs titres l’entourage et l’ordre social dominant.

Le caractère transgressif de nombreuses lesbiennes semble à l’origine d’une mobilité importante. Quittant les villages ou les petites villes pour des capitales plus anonymes, leur pays pour d’autres, ou retournant à la campagne ou au pays après d’autres périples, les lesbiennes semblent caractérisées par une « bougeotte », une sorte d’hyper-mobilité, qui serait presque la condition de leur existence, au double sens de nécessité et d’état. Mais leur mobilité est-elle si différente de celle des autres femmes ?

C. Les lesbiennes et l’hétéro-circulation des femmes

Rappelons d’abord que le lot classique des femmes est de voir leur mobilité sur-déterminée par l’institution du mariage : soit qu’elles émigrent pour s’installer dans leur belle-famille, soit pour fuir une union non-désirée (Tabet, 2004), soit qu’elles s’échappent avec un fiancé, soit encore qu’elles attendent un époux à la maison, ou qu’elles le rejoignent au loin —c’est ce que nous nommerons l’hétéro-circulation des femmes. Soulignons aussi que pouvoir se déplacer librement sans perdre ses droits [16] est une importante condition pour accéder dans de « bonnes » conditions au marché du travail, que l’on se pose comme femme, comme prolétaire ou comme personne racisée (Delphy, 1998 ; Balibar & Wallerstein, 1988 ; Nakano Glenn, 2002).

Même si on sait que les motifs de mobilité sont multiples et mêlés et qu’une même femme peut être hétérosexuelle à certains moments de sa mobilité et lesbienne à d’autres, distinguons quatre situations :

- Migration pour échapper à de franches persécutions : violences physiques, séquestration, emprisonnement, viol punitif ou censément « thérapeutique », psychiatrisation forcée, menaces de mort, assassinat, etc [17]. dans le sens commun, cette migration est la plus associée au lesbianisme, même si toutes sortes de femmes peuvent y être poussées, notamment des célibataires, veuves ou divorcées (Morokvasic, 1986), des femmes réputées de mauvaises mœurs, accusées d’être lesbiennes et plus généralement « trop autonomes » (Pheterson, 2001), notamment des féministes, des opposantes politiques ou des lesbiennes visibles. Il s’agit du principal cas où la migration lesbienne jouit d’un semblant de légitimité « morale » et juridique. Pourtant, il ne constitue que la partie émergée de l’iceberg.

- Migration pour vivre mieux (ou moins mal) : envie de voir le vaste monde, de vivre autre chose, ou, comme l’ont bien montré Flora Tristan (1988 [1835]), Mirjana Morokvasic (1986) et Paola Tabet (2004), de fuir des rapports sociaux de sexe, classe et « race » qui ne leur conviennent pas, d’échapper à la honte ou à la difficulté d’être mère célibataire, au mariage et/ou à la maternité comme seuls horizons, mais aussi à la dureté de la vie quotidienne des femmes dans le monde rural notamment. Pour les lesbiennes, c’est aussi à la médisance, au rejet, au harcèlement subtil, à la pression permanente, voire à l’interdiction pure et simple des pratiques lesbiennes, ou encore à l’impossibilité de rencontrer d’autres lesbiennes ou de vivre au grand jour, qu’elles tentent de se soustraire. Ici aussi, apparaît une convergence entre hétérosexuelles et lesbiennes, cependant, l’inconfort physique ou moral auquel toutes tentent d’échapper est généralement bien plus radical pour les lesbiennes.

- Migration « économique » (pour le travail et/ou la formation) : globalement, la nécessité économique est la même pour les lesbiennes et les autres femmes (les lesbiennes pouvant avoir elles aussi des personnes à charge). De plus, l’accusation de lesbianisme si facilement appliquée aux étudiantes et aux travailleuses atypiques pour protéger les filières de formation et les emplois « masculins » les mieux rémunérés (et dans le monde rural, le quasi monopole des hommes sur la terre [18]), dessine une continuité entre lesbiennes et hétérosexuelles. Cependant, les lesbiennes sont nettement plus en risque d’être exclues des écoles et du marché du travail, tandis qu’une grande partie d’entre elles ne peuvent ni bénéficier d’ascension professionnelle, ni être « dispensées » de travail salarié grâce à leur association sentimentale et/ou sexuelle avec un homme.

- Migration de « regroupement familial » : c’est ici que les différences entre hétérosexuelles et lesbiennes sont peut-être les plus significatives. En général, ces dernières ne peuvent guère compter sur un mari ni sur une belle-famille pour voyager ou pour tenter de prendre racine dans une nouvelle société. Ce manque relatif d’appui est d’autant plus gênant qu’elles risquent davantage l’expulsion hors de leur famille pour lesbianisme, que ce soit dans une région de départ ou dans une région d’arrivée. Pour les hétérosexuelles au contraire, l’institution familiale constitue souvent le principal cadre migratoire : soit qu’elle « accompagnent » leur famille ou soient « envoyées » à l’étranger avec son aide, soit qu’elles s’insèrent par le mariage [19] dans une autre famille dans la région d’arrivée.

Ainsi, les lesbiennes sont souvent plus mobiles que les autres femmes. Une partie des causes de leurs migrations paraissent ressembler à celles des autres femmes, cependant ces causes sont souvent plus pressantes pour elles, alors qu’elles comptent moins d’appui que les femmes hétérosexuelles pour pouvoir se déplacer.

2. Une mobilité fortement restreinte par l’Etat

Pour les lesbiennes étrangères non-privilégiées par la classe, la « race » ou la nationalité, c’est-à-dire pour celles qui se retrouvent à plus ou moins brève échéance menacées de devenir « sans papières », quelles sont les manières d’essayer d’obtenir un statut légal en France ?

A. « Pas assez politiques » pour obtenir le statut de réfugiées

Grâce à l’action de nombreux groupes féministes, lesbiens, LGBTTQI [20] et de défense des Droits de la personne, la législation migratoire et l’application des textes ont connu quelques transformations positives. Au plan international, le Haut commissariat aux réfugié-e-s (HCR) interprète aujourd’hui la notion de « groupe social » persécuté (qui définit le statut de réfugié-e selon la Convention de Genève), de manière plus large, pour prendre en compte la situation des femmes persécutées – et en particulier des lesbiennes (Al’Rassace et Falquet, 2007 ; Al’Rassace, 2009). Le Canada, un des pays qui accorde le plus l’asile pour raison de lesbianisme, fait figure d’exemple. En France, l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et en deuxième instance, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA, remplaçant depuis 2007 la Commission des recours des réfugiés (CRR)) commencent à reconnaître des persécutions spécifiques contre les femmes, la CRR ayant parfois élargi le motif de persécution à un mode de vie jugé transgressif par rapport à la norme sociale : non-excision, refus d’un mariage forcé, lesbianisme. Cependant, les avancées sont encore minimes.

En effet, les activités des femmes étant rarement reconnues comme « politiques », elles sont encore moins souvent que les hommes accueillies comme réfugiées politiques [21] —avec le statut correspondant (Femmes en Noir, 2001, Freedman, 2003). Les lesbiennes ayant dû quitter leur pays du fait de persécutions liées à un travail au grand jour dans des associations lesbiennes ou LGBTTQI, elles non plus, ne sont pas forcément reconnues comme réfugiées « politiques », tant le sens commun a tendance à considérer le lesbianisme comme une simple « préférence sexuelle », qui fait pâle figure face à des luttes plus légitimées, contre les guerres ou les dictatures par exemple. Quant à obtenir le statut de réfugiée en tant que « simple lesbienne », il faut établir que l’on fait partie « d’un ensemble de personnes circonscrit et suffisamment identifiable » et prouver des persécutions en tant que lesbienne [22]. Or, cela s’oppose aux stratégies d’invisibilité évoquées plus haut. En effet, pour que les lois s’appliquent, on demande aux lesbiennes d’avoir été visibles en tant que telles, ce qui est rarement possible, et que des persécutions contre des lesbiennes soient observables dans le pays —or, si les lesbiennes sont invisibles, comment pourrait-on les persécuter « visiblement » [23] ?

En tout état de cause, la procédure est longue et difficile : on comprend le manque d’enthousiasme des lesbiennes à s’y lancer, d’autant que beaucoup méconnaissent leurs droits en tant que lesbiennes ou n’ont pas les moyens d’y accéder. C’est pourquoi, même persécutées ou sérieusement empêchées de vivre en tant que lesbiennes, les lesbiennes sont pour la plupart obligées de se rabattre sur les « solutions » de l’hétéro-circulation féminine [24].

B. Défaut d’autonomie juridique et pression à la conjugalité

Les lesbiennes révèlent crûment que les politiques migratoires de l’Etat français ne laissent aux femmes non-privilégiées (ne possédant ni diplôme reconnu, ni travail valorisé), que l’étroit chemin de l’hétéro-circulation, si elles veulent accéder à un titre de séjour stable et ne pas être dépouillées des droits correspondants [25]. En effet, c’est l’Etat français, et personne d’autre, qui fait dépendre leur statut légal d’un père, d’un mari ou d’un enfant. C’est ce qu’ont très bien montré les travaux de Françoise Guillemaut (2007) sur la migration de femmes lesbiennes et de femmes prostituées (ces deux catégories pouvant bien entendu se superposer), de Nasima Moujoud (2008) sur des femmes non-privilégiées venues « seules » du Maroc, ou encore de Sabine Lamour (2010) sur les stratégies matrimoniales et procréatives de migrantes haïtiennes. Ce sont les lois migratoires sexistes et racistes qui incitent fortement les femmes à entrer ou rester dans la conjugalité [26] et dans la procréation (Lesselier, 2003).

Mais les lesbiennes, plus que les autres femmes pour qui il s’agit d’un destin somme toute classique, permettent de mesurer pleinement la violence de ces lois migratoires qui poussent beaucoup de femmes non-privilégiées dans ce qu’on ne peut appeler autrement qu’un véritable mariage forcé —dont l’Etat français prétend pourtant les protéger quand il est imposé par la famille. De nombreuses configurations sont possibles. Le mariage de façade avec un homme, le plus « efficace », expose les lesbiennes à des arrangements parfois très onéreux et complexes, parfois « drôles » et créatifs, mais fondamentalement problématiques car impliquant de vivre plusieurs années dans la duplicité et le mensonge —sans compter la crainte d’être découverte et les sanctions dont la loi les menace. Le mariage « réel » implique un retour à l’hétérosexualité : que penser d’un Etat qui pousse les femmes à (re)devenir hétérosexuelles (et épouses) pour avoir le droit de vivre légalement sur son territoire ? Enfin, certaines lesbiennes préfèrent se PACSer, même s’il s’agit d’un sous-statut qui n’est en rien une garantie d’obtenir un titre de séjour. Pour ce qui pourrait être perçu comme le cas idéal, consistant à se PACSer avec une partenaire aimée, plusieurs éléments restent problématiques. D’abord, l’institutionnalisation non nécessairement désirée des relations amoureuses, dans le cadre du modèle particulièrement normatif du couple cohabitant. Ensuite, ce statut peut leur attirer des ennuis auprès des autorités du pays d’origine ou de proches : réunir les documents requis pour se PACSer peut éveiller l’attention [27], avoir un titre de séjour qui stipule : « vie privée et familiale » alors qu’on n’a aucun époux à produire, peut être gênant. Enfin, l’inégalité de statut légal entre les partenaires, qui s’ajoute aux autres rapports sociaux imbriqués, peut être une source de malaises, voire de violences particulièrement difficiles à combattre dans le cadre raciste et lesbophobe dominant.

3. Des luttes difficiles dans le cadre de l’homonationalisme néolibéral

Dans ce cadre, quelles stratégies individuelles et collectives peuvent être envisagées ? Qu’elles revendiquent une extension des droits liés à la conjugalité ou la mise en place d’un statut de réfugiée automatique, la voie est extrêmement étroite pour les lesbiennes, tant migrantes qu’autochtones, si elles ne veulent pas renforcer la nouvelle et redoutable formation idéologique qui accompagne le néolibéralisme guerrier post-11 septembre 2001, ce que l’analyste queer of color Jasbir Puar a nommé « l’homonationalisme » (2007).

A. L’ « homonationalisme » aux Etats-Unis … et en France ?

Puar montre qu’on observe aux Etats-Unis trois phénomènes concomitants, exacerbés depuis le 11-Septembre mais tous issus de l’histoire longue du colonialisme et de l’impérialisme du pays, qui conforment ce qu’elle qualifie « d’homonationalisme » : l’exceptionnalisme sexuel nord-américain, la normalisation du queer [queer as regulatory] et le renforcement de la blancheur [ascendency of whiteness] (2007). Pour le dire très rapidement, l’exceptionnalisme sexuel nord-américain serait lié à une certaine acceptation paradoxale de l’homosexualité, incluant la dépénalisation de la sodomie et une ouverture croissante de l’armée. La normalisation du queer correspondrait à la poussée d’une facette libérale, petite bourgeoise et blanche, du queer, pourtant réputé bastion de la rébellion contre les normes (et bien que les persécutions anti-queer demeurent). Enfin, elle constate qu’au banquet néolibéral, ne sont admis que les citoyen-ne-s-consommateur-e-s blanc-he-s, riches et en bonne santé, et les plus blanchies d’entre les minorités d’un multiculturalisme faussement incluant. Partant de l’analyse des « discours de sauvetage » des gays musulmans par des associations comme OutRage !, d’autres travaux sur l’Allemagne et la Grande Bretagne montrent comment une partie du mouvement gay et lesbien contribue à diaboliser l’Islam et à légitimer la guerre en Afghanistan et en Irak (Haritaworn, Tauqir & Erdem, 2008). [28]

Un autre article serait nécessaire pour démontrer l’éventuelle existence d’un tel homonationalisme en France et en analyser les caractéristiques. En revanche, on peut remarquer qu’au moins depuis la Conférence de Pékin [29] (1995) et plus encore après le 11 septembre 2001, la consolidation du néolibéralisme en France prend un tour étonnement « pro-femmes » tout à la fois que militariste (les droits des « autres » femmes étant invoqués pour justifier l’engagement en Afghanistan par exemple) (Delphy, 2002 ; Falquet, 2008) [30]. Depuis l’élection de M. Sarkozy, le nationalisme de gouvernement qui exalte « l’identité nationale » s’organise notamment autour de la fermeture agressive des frontières et d’un discours qui prétend contre toute évidence [31] que l’égalité des sexes est quasiment atteinte dans le pays mais qu’il faut se mobiliser pour « sauver » les femmes du Sud (et des « banlieues », mais ce sujet mérite des développements bien plus longs). On observe simultanément une attaque en règle contre l’Islam, dont les racines plongent notamment dans la colonisation de l’Algérie et qui resurgit avec force avec la loi concernant l’interdiction des signes religieux à l’école (NQF, 2006 a et b). Parallèlement, la mise en place du PACS, tout comme la loi sur la parité et de timides avancées sur l’asile en faveur des femmes persécutées (notamment au titre de l’excision (Lacaze, 2006), des violences, de la lesbophobie et de la lutte contre les mariages forcés) peuvent être analysés comme des dispositifs qui concourent à donner l’idée qu’en France, les droits des lesbiennes et des femmes ont connu une amélioration spectaculaire. Couronnant cette construction idéologique, par le « Contrat d’accueil et d’intégration » devenu obligatoire depuis le 1er janvier 2007, le gouvernement prétend exiger que les personnes migrantes s’engagent à respecter une soi-disant « culture d’égalité des sexes » typiquement française.

B. Des revendications lesbiennes qui « arrangent » les forces conservatrices ?

Dans ce contexte, revendiquer une meilleure reconnaissance des unions lesbiennes pour faciliter la régularisation des lesbiennes migrantes risquerait de renforcer les trois dimensions de l’homonationalisme décrites par Puar.

D’abord, parce que donner un meilleur statut au PACS pour en faire l’égal du mariage hétérosexuel pourrait alimenter une rhétorique d’exceptionnalisme français. L’exemple du Canada est à cet égard particulièrement instructif (Lenon, 2008). Suzan Lenon montre comment, pour faire passer la loi sur le mariage de même sexe, des élus conservateurs se sont appuyés sur le raisonnement suivant : la blancheur est associée à la civilisation, la civilisation à la modernité, et la modernité à la tolérance pour des sexualités « autres ». Cette tolérance se justifierait aussi par la solidarité de la part d’autres types de minorités (les vagues successives de migrant-e-s), dans une nation constituée d’un assemblage de minoritaires (ce qui permet de minimiser le racisme d’extermination sur lequel s’est construit le Canada). Parmi les opposants (forcément réactionnaires) au mariage gay, on trouverait tout particulièrement des membres des minorités ethniques —ce qui prouverait leur arriération. Ainsi, le mariage gay s’inscrit dans une pédagogie raciste qui grâce à l’exceptionnalisme sexuel du Canada, permet d’effacer le racisme passé et présent, et de renforcer la supériorité blanche face aux minorités ethniques intérieures et au plan international. On peut ajouter que les politiques migratoires du Canada, mentionnées plus haut comme parmi les plus favorables du monde sur les questions des femmes et des lesbiennes, pourraient renforcer les logiques analysées par Lenon [32].

Ensuite, lorsque dans n’importe quel pays, le mouvement lesbien ou gay revendique l’accès au mariage, au lieu d’exiger pour tout le monde l’abolition de cette institution oppressive qui organise l’appropriation privée des femmes (Guillaumin, 1992), et d’autant plus si le mouvement exige de surcroît le droit à la maternité et à une vie de famille sur le modèle blanc, de classe moyenne ou supérieure, il est manifeste qu’intégration rime avec la normalisation. Enfin, plusieurs liens avec la valorisation de la blancheur se profilent. D’une part, comme dans l’exemple canadien, la soi-disant tolérance française (blanche) pour le lesbianisme pourrait être présentée comme un gage de civilisation et de supériorité morale par rapport aux minorités nationales et au reste du monde. D’autre part, comment ne pas être mal à l’aise quand on remarque que l’union avec une lesbienne française, en particulier blanche, pourrait être appréciée par les agent-e-s des préfectures comme le comble de l’intégration « réussie » pour une femme du Sud, et donc être un « plus » pour l’obtention des papiers et des droits ?

Si en revanche, on oriente les luttes vers la revendication d’un statut de réfugiée automatique, les écueils ne sont pas moins nombreux. On se trouve alors davantage dans la rhétorique du « sauvetage des femmes brunes » (Spivak, 2010 [1988]). Du côté de l’Etat français, l’occasion serait trop belle de se placer plusieurs coudées au-dessus des pays « intolérants », en donnant l’impression (fausse) d’être particulièrement ouvert envers les lesbiennes autochtones. Du côté du mouvement lesbien et féministe, force est de constater des tendances à un sentiment de supériorité et à différentes formes de racisme (et d’occultation du classisme), que l’exemple suivant illustre. Le « sens commun » soutient que beaucoup de lesbiennes migrantes seraient obligées de fuir leur pays et même de continuer à se cacher en France pour éviter la violence de « leur communauté », qui serait forcément lesbophobe, voire plus lesbophobe que la moyenne autochtone. Cela expliquerait à la fois la nécessité de les aider et leur faible présence dans de nombreux espaces lesbiens ou féministes. Or, cette idée pose plusieurs problèmes. D’abord, la lesbophobie des « communautés » auxquelles ces migrantes se rattachent reste à prouver, comme le montre magistralement Nasima Moujoud en critiquant les visions binaires ou franchement évolutionnistes qui marquent l’étude des migrations féminines en France (2008). Ensuite, on peut penser que des questions de classe (du manque de temps jusqu’à la violence de classe parfois ressentie) contribuent à éloigner les migrantes racisées de certains espaces féministes ou lesbiens. Enfin, un autre facteur pourrait être un certain racisme des groupes féministes ou lesbiens, qui se manifesterait par une « solidarité » insuffisante, inadaptée ou indésirée —maternaliste, condescendante ou objectivante (Bacchetta, 2010 ; Moujoud, à paraître). Face à cela, certaines choisiraient le séparatisme ou le boycott (Groupe du 6 novembre, 2006), d’autres l’évitement (Moujoud, à paraître), d’autres encore, une « visibilité offensive » (LOCs, 2010). On voit en tout cas que demander un élargissement de l’asile, si cela se fait sur la base d’une victimisation systématique informée par, ou confortant, des présupposés racistes (et classistes), pose problème, et en premier lieu à un certain nombre de lesbiennes migrantes elles-mêmes.

Entre hétéro-circulation et homonationalisme : une voie étroite pour les lesbiennes

On le sait, il existe un lien fort entre la liberté de mouvement et la recherche de libre détermination –sur le plan de la sexualité certes, mais aussi et avant tout de l’accès au travail et aux ressources. Les femmes et les lesbiennes, surtout si elles ne sont pas privilégiées sur le plan de la classe et de la « race », sont particulièrement intéressées à cette libre circulation. Elles sont cependant confrontées à une forte restriction de leur mobilité, l’immense majorité des Etats de départ comme d’arrivée limitant soigneusement leurs déplacements et leurs droits en les restreignant à l’hétéro-circulation.

Si dans les dernières années, la mobilité d’un petit nombre de lesbiennes est devenue plus visible, et si certaines lois et jurisprudences ont évolué positivement, ces transformations restent extrêmement modestes et sont corrélées à un renforcement international du racisme et de la xénophobie, sur fond d’un climat de manipulation des droits des femmes et des lesbiennes, dans le cadre de la guerre anti/terroriste qui caractérise désormais le néolibéralisme.

J’ai essayé de montrer ici qu’il était nécessaire de lutter pour libérer la mobilité des femmes dans leur ensemble, et des lesbiennes à plus forte raison, de l’hétéro-circulation si restrictive. Cependant, les stratégies à adopter soulèvent d’épineux problèmes. Il importe d’être particulièrement attentives à ne pas renforcer la rhétorique nationaliste du gouvernement français, ni le racisme et le conservatisme d’une partie du mouvement lesbien et féministe et de la société française, et d’être capables d’analyser de manière critique un ensemble de discours prétendument « pro-femmes », utilisés contre les femmes et les lesbiennes —trois phénomènes qui accompagnent le resserrement de l’emprise néolibérale.

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NOTES

[1] Je remercie Salima Amari, Sabreen Al’Rassace et Nasima Moujoud pour leurs précieux commentaires sur différentes versions de ce texte. Les anlayses ici présentées et leurs éventuelles insuffisances sont cependant entièrement de mon fait.

[2] L’hétéro-circulation des femmes est une circulation dans le cadre familial et/ou en fonction de la famille.

[3] C’est-à-dire nées en France, quelle que soit leur origine. Chez les unes comme chez les autres et entre ces deux groupes, il existe des proximités et des distances de classe et de « race ».

[4] http://www2.univ-paris8.fr/ef/actua...

[5] http://www.espace-locs.fr/ (consulté le 16-11-2010)

[6] Pour mémoire, on peut mentioner aussi, notamment, les groupes Madivine à Lyon et les Négresses Saphiques à Paris, apparus et disparus en 1999, ainsi que le groupe franco-algérien N’déesses. http://www.espace-locs.fr/ (consulté le 16-11-2010)

[7] http://www.espace-locs.fr/ (consulté le 16-11-2010)

[8] En 2006, le GRAF comprenait : Amnesty International section française, la Cimade, Femmes de la terre, le RAJFIRE (Réseau pour l’autonomie juridique de femmes immigrées, exilées et réfugiées), la LDH le COMEDE et la FASTI. Le RAJFIRE en particulier a mené un très important travail sur la question des lesbiennes. (http://cfda.rezo.net/asile%20et%20f..., consulté le 16 -11-2010)

[9] Salima Amari réalise actuellement à l’Université de Paris 8 une thèse intitulée : « La question lesbienne chez des femmes maghrébines migrantes et descendantes de parents maghrébins en France ».

[10] http://www.espace-locs.fr/Textes/Re... (consulté le 16-11-2010)

[11] Je pense tout particulièrement au travail de Dalila Kadri, notamment au documentaire Lucioles (2004), réalisé explicitement sur le sujet.

[12] J’utilise le terme « race » pour visibiliser l’existence du racisme. Il s’agit pour moi d’un rapport social, organisé principalement autour de la division du travail et qui se base aussi bien sur l’apparence que sur la nationalité et le statut légal par rapport au séjour.

[13] Mathieu (1991) a bien montré la relativité de ce que chaque société et époque considérait comme mâle et femelle d’une part, comme femme et homme d’autre part, et enfin comme homo- et hétérosexualité.

[14] L’injonction à la visibilité à tout prix a souvent été critiquée comme un scénario blanc, de classe moyenne ou supérieure, qui n’est pas nécessairement adapté à toutes et tous.

[15] Cette image est à mettre au crédit de Sabreen Al Rassace.

[16] La traite esclavagiste ou l’illégalisation par l’imposition du statut de « sans-papier-e » constituant des exemples de mobilité impliquant une perte de droits.

[17] En 2008, 86 Etats membres des nations-unies criminalisent les actes exuels entre adultes consenant-e-s du même sexe, 7 d’entre eux prévoyant la peine de mort. Al’Rassace, 2009 : http://www.espace-locs.fr/Textes/Dr... (consulté le 5 décembre 2010)

[18] Au Salvador, après la guerre, des paysannes réclamant des terres au titre d’ex-combattantes révolutionnaires se virent répondre par le parti : « les vraies femmes ne savent pas utiliser une machette, seriez-vous ‘passées de l’autre côté’ ? ».

[19] On sait que toutes les femmes hétérosexuelles ne souhaitent pas nécessairement se marier, mais que, poussées par la législation migratoire française, certaines le font pour obtenir des papiers et donc des droits.

[20] LESBIENNES, GAYS, BISEXUEL-LE-S, TRANSSEXUEL-LE-S, TRAVESTI-E-S, QUEER, INTERSEXES.

[21] En France, deux statuts sont possibles : l’asile politique au titre de la Convention de Genève, ou la « protection subsidiaire » au titre de l’article L 712-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), qui donne droit à une carte de séjour mention « vie privée et familiale » : http://www.espace-locs.fr/Textes/Dr... (Consulté le 5 décembre 2010)

[22] Al’Rassace signale que l’on dispose d’informations concernant 30 décisions de la Commission de recours des réfugié-e-s/Cour nationale du droit d’asile (dont une majorité de gays, par ailleurs, les gays et lesbiennes sont traité-e-s selon les mêmes critères), ainsi que d’informations communiquées par les personnes et les associations concernant les décisions de l’OFPRA. Pour les dernières années, comme « réfugiées » au titre de la Convention de Genève, elle mentionne une mauritanienne et une sierra-léonaise ; au titre de la protection subsidiaire, une moldave et une mongole. D’autres recoupements font état d’un couple de lesbiennes moldaves, de deux camerounaises (séparément) et d’une russe, reconnues comme réfugiées.

[23] Cet argument a été utilisé dans le cas de lesbiennes algériennes.

[24] Voire contraintes à l’hétérosexualité.

[25] Les politiques migratoires affectent l’ensemble des lesbiennes et même des femmes, qui subissent presque toutes, au minimum, un sévère déclassement lors de leur déplacement, du simple fait de ces lois.

[26] La législation la plus récente confirme cette tendance : la durée minimum de mariage pour pouvoir demander une carte de résidente est passée de deux à trois ans.

[27] Ainsi, demander au consulat un « certificat de coutume », souvent réclamé en mairie bien que non-obligatoire, est interprété comme une démarche en vue d’un mariage et peut entraîner des questions problématiques sur le futur conjoint supposé. De la même manière, demander à un-e proche de requérir des papiers « au village » peut mettre en branle tout un processus dont l’intéressée, faisant parfois l’objet de pressions familiales pour se marier, se passerait bien.

[28] On trouve des réflexions plus larges mais allant dans le même sens chez le groupe LOCs.

[29] Conférence internationale sur les femmes organisée par l’ONU.

[30] On constate bien évidemment que les améliorations de la situation des femmes ne sont pas au rendez-vous, les bombardements et la guerre contribuant plutôt à sa très nette détérioration.

[31] Qu’on observe les salaires et l’accès à l’emploi, la violence ou encore la représentation politique, et les inégalités entre femmes et hommes sautent aux yeux

[32] Depuis 2010, le gouvernement canadien réfléchit à restreindre la migration sous prétexte d’agir contre les organisations criminelles qui ciblent le Canada en essayant « d’abuser » de ses lois sur l’immigration. Je remercie Sabreen Al’Rassace pour cette remarque.