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Le rôle des acteurs locaux dans le processus d’incorporation des Palestiniens au Liban

Manal Kortam

citation

Manal Kortam, "Le rôle des acteurs locaux dans le processus d’incorporation des Palestiniens au Liban ", REVUE Asylon(s), N°5, septembre 2008

ISBN : 979-10-95908-09-8 9791095908098, Palestiniens en / hors camps., url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article807.html

résumé

Il s’agit d’aborder les différents modes de gouvernance dans les camps palestiniens exercés par les différents acteurs palestiniens qui sont des représentants officiels et/ou officieux de la population palestinienne, lesquels jouent le rôle de médiateur entre les réfugiés et la société hôte. On se demandera quelle est leur influence sur les réfugiés dans la voie de l’intégration et/ou de la ségrégation. En tenant compte que, les différents camps partagent des caractéristiques urbaines et démographiques comparables, des modes de gouvernance et des médiateurs plus ou moins similaires. Donc cet article répond aux questions suivantes : comment se fait l’organisation politique à l’intérieur et à l’extérieur des camps ? Comment les différents acteurs de la gouvernance gèrent-ils la relation avec la société d’accueil ? Comment les médiateurs palestiniens gèrent-ils la relation avec la société d’accueil et comment se sont-ils comportés face à la ségrégation des Palestiniens au Liban ?

Introduction

L’exode de 1948 déplace les Palestiniens vers la Syrie, l’Egypte, la Jordanie et le Liban. À peu près 800 000 Palestiniens ont été forcés à quitter leur territoire dont 100 000 trouvent refuge au Liban (Khalidi, 2001 : 1).

Aujourd’hui, l’UNRWA [1] officiellement estime les Palestiniens au Liban à 400 582 personnes, représentant 10% de l’ensemble des réfugiés palestiniens. Mais en général les Palestiniens résidant au Liban ne dépassent pas les 250 000 si l’on élimine du nombre donné par l’UNRWA les Palestiniens naturalisés au Liban et les Palestiniens ayant acquis une nationalité étrangère [2]. Ces Palestiniens sont répartis dans les camps qui sont au nombre de douze actuellement, et dans une seconde étape dans les villes libanaises ou dans les groupements qui sont actuellement au nombre de seize. Les groupements ont un statut juridique différent de celui des camps. Contrairement aux camps, la gestion des groupements ne relève pas du mandat de l’UNRWA, ils sont des zones d’habitations informelles construites par les réfugiés eux-mêmes et souvent sont des zones mixtes (Libano-Palestiniennes).

Force est de remarquer en étudiant les statistiques de l’UNRWA, que la proportion des réfugiés qui habitent dans les camps au Liban est la plus élevée comparée à celle des autres pays d’accueil estimée à 53% des Palestiniens du Liban, suivi par Gaza ou le pourcentage de ceux qui vivent dans des camps atteint 49% des réfugiés, les autres pays étant bien derrière (Syrie 27% Cisjordanie 26% et Jordanie 16% seulement). Cela peut être un indicateur de la difficulté de la situation économique et juridique de ceux qui sont contraints à rester dans les camps, et par suite un indicateur de la faiblesse de l’intégration dans la société d’accueil et des restrictions issues du gouvernement de ce pays [3]. Selon le directeur général de l’UNRWA « Les réfugiés palestiniens du Liban sont parmi les réfugiés les plus défavorisés dans la région. Ils ont un accès limité aux services gouvernementaux et au marché d’emploi. Ils dépendent presque entièrement de l’Agence pour les services fondamentaux. Le taux de chômage parmi les réfugiés palestiniens est élevé et les conditions de vie sont misérables » [4].

Je propose d’analyser les camps de réfugiés comme des « sociétés politiques », traversées par des enjeux, des conflits, d’où émergent des "demandes" que tentent de "traiter" les différents pouvoirs en exercice dans les camps. Bien qu’ayant juridiquement un statut séparé dans l’État libanais, ces "sociétés palestiniennes" sont en interactions constantes avec la société libanaise.

En attendant le retour, le statut de réfugiés palestiniens les démarque et rend leur situation très fragile particulièrement au Liban. Ils représentent le cas le plus problématique et le plus complexe par rapport aux autres pays d’accueil. Ils sont dépourvus des droits civiques, économiques et sociaux du fait des restrictions émises par ce pays d’accueil pour empêcher leur implantation et officiellement pour préserver leur droit au retour et leur identité nationale palestinienne, ce qui les rend objet de discrimination. Selon R. Sayigh « les Palestiniens ont une toute petite place dans le "nouveau" Liban d’après guerre. Marginalisés politiquement, économiquement et socialement, ils constituent une ‘communauté’ sans reconnaissaance dans un système communautaire » (Sayigh, 1995 : 7).

Le rejet de la naturalisation et de l’implantation des Palestiniens du Liban est le seul sujet qui constitue un consensus entre tous les Libanais depuis la fin des confrontations militaires au début des années 1990. Julie Peteet remarque que, « dans la période d’après guerre au Liban, la présence palestinienne dans le pays a rendu l’identité nationale libanaise plus cohérente. […] La présence palestinienne, vue comme un problème, peut servir de dénominateur commun pour l’unification de toutes les tendances politiques libanaises. La ségrégation des Palestiniens peut faciliter la ‘normalisation’ du Liban dans la période d’après-guerre avec une santé nationale rétablie par l’isolement de l’infection présente » (1996 : 27-28).

Tout ce système ségrégationnel voire discriminatoire est dû à une confusion entre l’octroi des droits aux réfugiés et la question de la présence permanente ou l’implantation des Palestiniens au Liban. Donc, pour garantir la non-implantation des réfugiés palestiniens au Liban, l’État s’est réfugié derrière la politique de marginalisation de la communauté palestinienne, en maintenant le status quo.

Dans mon analyse je me base sur l’enquête que j’ai faite dans le cadre d’un mémoire de master dans lequel trente entretiens ont été conduits auprès de différents acteurs jouant un rôle dans les modes de gouvernance de la communauté palestinienne et surtout dans les camps de réfugiés. Ces acteurs sont issus principalement des ONG palestiniennes, comités populaires, leaders des différentes factions palestiniennes. L’observation à l’intérieur des camps a aussi joué un rôle important dans mon enquête.

1. Les acteurs sur la scène des camps

En matière de théorie des relations internationales, l’approche des questions de sécurité n’est pas limitée aux approches classiques idéalistes ou rationaliste-idéalistes. C’est le constructivisme qui introduit une voie nouvelle de compréhension, en ne postulant plus nécessairement le rôle unique de l’État dans le système des acteurs, mais en lui retenant simplement un rôle central, à côté de celui joué par les institutions internationales, les ONG et les individus, qui ont aussi un rôle. Le constructivisme introduit par ailleurs la dimension sociale ou sociologique, c’est-à-dire, le rôle de la dynamique interne des entités intervenantes dans la définition des identités, des intérêts, des objets de référence, et donc dans l’évolution des relations de sécurité dans le monde (Hacking, 2001).

Donc plusieurs acteurs politiques et sociaux peuvent se présenter comme acteurs principaux dans la vie des populations surtout les populations des réfugiés. Dans le cas des palestiniens, qui sont ces acteurs ? Et quel est leur effet dans l’intégration des Palestiniens au Liban ?

Ces institutions principales sont les différents partis politiques existant dans les camps, le comité populaire et enfin les ONG.

1. 1. Les partis politiques

Ces organisations palestiniennes (tanzimat) agissent comme des partis dans le système politique palestinien. Chaque parti conserve sa propre autonomie. Les dynamiques de compétition et de coordination entre eux reflètent les opinions croisées de leur fondateur palestinien et du monde arabe qui a joué un rôle fondamental dans la formation et le développement du processus et du contenu de la politique de l’OLP (Brynen, 1990 : 42).

Ces partis politiques peuvent être classés en trois catégories : les partisans de l’OLP, l’alliance (coalition) nationale palestinienne qui est une alliance prosyrienne et les Islamistes.

Après la sortie de l’OLP du Liban, les partis pro-syriens se sont rassemblés sous le nom du Front de salvation qui regroupait la Foudre (sâ’iqqa) [5], le FPLP-commandement général [6], et le Fatah al intifadah. Cette coalition pro-syrienne s’est élargie après l’accord d’Oslo pour inclure les opposants à cet accord. En 1993, l’opposition a constitué une alliance nommée la Coalition qui est formellement nommée l’Alliance nationale palestinienne. Cette alliance est formée du : Fatah al Intifada, FPLP- commandement général, la Foudre (Sâ’iqqa), Hamas, le Jihad, le Front de libération et le Front de Lutte qui se sont divisés après Oslo en deux parties.

Ces configurations politiques sur un plan plus général reflètent les alignements organisationnels au sein des camps. Les tensions accrues entre les groupes loyalistes de l’OLP et la coalition ont rendu une réelle coopération impossible, tout en augmentant la compétition pour les ressources et la duplication des services. Cette dépolarisation sur la scène palestinienne influence négativement la situation des Palestiniens au Liban et les affaiblissent. Selon mes entretiens, la population palestinienne n’exprime aucune satisfaction et aucune confiance envers ses leaders politiques, du fait que les partis sont occupés par la compétition, chacun voulant affirmer sa légitimité pour être l’autorité référentielle des Palestiniens.

Dans cette atmosphère de compétition, souvent très conflictuelle, durant les années précédant l’ouverture du bureau de l’OLP de nouveau en 2006 à Beyrouth, les différents partis ne sont pas parvenus à constituer une délégation responsable dans les négociations auprès de l’autorité libanaise. Cette situation affaiblit les Palestiniens dans leur position auprès de l’État libanais, même si la future de la situation des Palestiniens au Liban est reliée à des conjonctures nationales, régionales et internationales.

La désillusion politique sentie par les Palestiniens qui est partiellement reliée à la conception que les factions politiques ont du camp pousse les factions politiques à gagner leur popularité à travers la fourniture des services, et non pas par l’influence politique qu‘ils ont d’ores et déjà perdu. Elles ont échoué à élaborer des politiques pour améliorer la situation des Palestiniens au Liban ou au moins dans les camps. Pendant la crise de Nahr el Bared (2007) la position des différents factions étaient faibles en ce qui concerner la gestion politique de la crise, alors qu’elles étaient en compétition pour fournir l’aide humanitaire.

En effet, la fragmentation palestinienne a contribué à un processus d’auto-ségrégation des Palestiniens au Liban. Les responsables des factions politiques sont souvent tellement occupés par leurs rivalités et intéressées à réaliser l’intérêt de leurs groupes et parfois le leur, personnel, que l’intérêt national palestinien passe au second plan.. Un avocat (43 ans) du camp de Bared situé au Nord du Liban résume la détérioration de la situation : « à l’époque, les camps étaient le symbole de l’activité politique, de la solidarité. Aujourd’hui, la population est prise en otage par des factions politiques qui règlent leurs comptes ».

La diversité du panorama organisationnel a créé une atmosphère partisane de compétition résultante de l’absence d’une seule et unique autorité politique légitime (Marja’iyya mouwahadeh) qui s’adresse à la population des camps. Un des défis les plus importants auxquels font face les Palestiniens dans les camps du Liban est l’absence d’une autorité politique et sociale considérée par les Palestiniens eux-mêmes comme leur représentant légitime.

1.2. Comité populaire

C’est l’accord du Caire qui a donné à l’OLP le pouvoir de diriger les camps tout en coopérant avec les autorités libanaises et en respectant les lois du pays. Mais l’OLP n’a pas tardé à donner une sorte d’extraterritorialité aux camps en les gérant comme des espaces particuliers non soumis aux autorités de l’État hôte. L’objectif étant de libérer les camps de la répression des autorités libanaises de l’époque, spécialement le Deuxième bureau dont les méthodes étaient très répressives.

En 1972 l’OLP a organisé le système de gouvernance des camps. Ce système de gouvernance a donné naissance au comité populaire et au commandement de l’armée palestinienne (kiffah moussalah). Ce dernier est la force exécutoire du comité populaire, il est considéré comme la police locale, sa tâche est de garantir l’ordre public. Après l’évacuation de l’OLP du Liban, le commandement de l’armée palestinienne a laissé sa place à un comité de sécurité.

Quant au comité populaire, il est la seule autorité administrative officielle qui dirige les camps et qui est reconnue par les autorités libanaises. Il est responsable des questions se rapportant à l’état social et civil des Palestiniens. Il intervient dans la médiation et la réconciliation entre les habitants du camp. De même, en cas d’achat d’une maison dans le camp, le contrat sera enregistré par le comité populaire. Les résidents du camp doivent, en théorie, être enregistrés auprès du comité populaire. De plus, son rôle est d’assurer les besoins de service de la population du camp comme l’eau, l’électricité et l’infrastructure avec la coopération de l’UNRWA dans certains cas.

Avant le départ de l’OLP du Liban, beaucoup des projets d’infrastructure ont été exécutés avec des financements de l’OLP. Ainsi, le comité populaire a parachevé plusieurs projets d’infrastructure dans les camps au Liban. A titre indicatif, il a amené le réseau d’eau potable aux maisons et des égouts ce qui a encouragé les gens à installer des toilettes dans leur maison. Ceux qui n’avaient pas les moyens recevaient une compensation grâce aux aides de l’UNRWA. Aujourd’hui la construction ou la réparation de l’infrastructure se fait par l’intermédiaire du financement européen et sous la tutelle de l’UNRWA.

Comme toutes les institutions de l’OLP, les comités populaires se sont affaiblis après le départ de l’OLP du Liban. Hussein Chaaban (2002 : 211-215) divise le parcours du comité populaire en trois phases :

La première phase (1972-1982) : durant laquelle le rôle joué par le comité populaire était important.

Deuxième phase (1982-1990) : période de détérioration du comité et de la régression de son rôle.

Troisième phase (1990 à nos jours) : en 1988, le règlement de comptes entre les Palestiniens pro-OLP et les opposants pro-syriens ont transféré le comité populaire dans tous les camps dans les mains des factions pro-syriennes, à l’exception des camps de Tyr là où la présence de Fatah est forte. Cette situation n’a pas été acceptée par le Fatah, ce qui l’a poussé à constituer dans les camps du sud un comité parallèle au comité populaire pris par les opposants.

A nos jours, les habitants des différents camps affirment que le rôle du comité populaire est purement formel, il n’arrive pas à résoudre les problèmes dans les camps ni à assurer les services de base de la population, à cause des contradictions résultant des tiraillements politiques. Ce qui donne naissance à une paralysie administrative, en plus de la corruption financière due à l’absence du contrôle des acteurs et de la comptabilité "publique". La friabilité de ce comité réside dans son régime juridique. Le fait que ce comité soit nommé et non pas élu lui fait perdre sa crédibilité et sa légitimité devant la population qu’il représente. En outre, le conflit entre les factions se reflète dans le mode de fonctionnement du comité populaire qui n’arrive pas à jouer son rôle car il est bloqué par les factions écartées ladé la présidence du comité, qui constitue la seule direction administrative dans le camp reconnu par l’État hôte.

En parlant de ce type d’institutions, on ne peut pas ne pas évoquer de l’expérience nouvelle et révolutionnaire des Palestiniens du camp de Chatila, qui ont eu le courage de surpasser les traditions politiques de nomination pour élire un comité civile du camp.

1.2.1. Comité de la population du camp  : l’exemple unique de Chatila

Les habitants de Chatila avaient perdu confiance dans les différentes factions ainsi que dans le comité populaire. Pourtant la régression des conditions de vie dans les camps était croissante, l’absence d’une autorité centrale ne permettrait pas de réguler la situation lors des confrontations violentes qui ont eu lieu dans le camp, l’électricité a été coupée pendant neuf mois consécutifs. C’est au moment de la mort du secrétaire général du comité populaire que la population du camp a réagi. Un comité de « Poursuite et de réforme » était créé, formé de trois cheikh de mosquée, un médecin du camp, un directeur d’un club sportif, un ingénieur électrique, un entrepreneur, deux travailleurs, un employé dans un centre de formation professionnel, un enseignant retraité et un assistant social. Le comité émergent a été appelé Comité de la population du camp (Lijnat Ahali el Moukhayam). Le rôle de ce comité était de demander les droits et la compensation des victimes des confrontations. Par la suite son rôle a évolué, il s’est mis pour objectif d’améliorer les conditions de vie dans le camp et de lutter contre la dégradation de la situation du camp en coopérant avec les responsables. Ce comité jouait le rôle de médiateur entre les habitants et les responsables qui normalement sont chargés de veiller sur la sécurité du camp, d ‘autant plus que durant cette période, les problèmes sécuritaires se sont aggravés entrainant des difficultés sociales et vice versa.

Cette incapacité à résoudre les problèmes a élargi le fossé entre une autorité fractionnée et un comité populaire gelé d’une part et la population du camp de l’autre. De plus, le nombre croissant des habitants étrangers non Palestiniens (kurdes, syriens, irakiens, soudanais) joue un rôle important dans l’accroissement des problèmes sociaux dans le camp. La moitié des habitants de Chatila qui sont au nombre de quinze milles ne sont pas Palestiniens.

Face à ces problèmes, le comité de poursuite et de réforme, avec 300 personnes du camp décident d’élire un comité qui représentera la population et aura la responsabilité de suivre les affaires sociales. Le comité de poursuite est prudent en déclarant qu’il ne se présente pas comme une alternative aux différentes structures existantes et qu’il se situe à mi distance de toutes les factions politiques.

Les élections ont eu lieu le 22 Mai 2005. Ces élections se sont déroulées sous la surveillance du comité de poursuite et de réforme. L’élection s’est déroulée dans les mosquées et les places publiques. Cette expérience d’élections était tout à fait nouvelle pour les Palestiniens. Les gens ont pris cette initiative au sérieux et le taux de participation a été important selon nos informateurs dans le camp de Chatila [7]. Quelques 783 personnes ont participé à ces élections, alors que les organisateurs avaient imaginé une participation maximum de 400 électeurs.

Les conditions de candidature et des électeurs étaient bien définies. Les électeurs sont les habitants palestiniens du camp, homme ou femme ayant 18 ans et plus et possédant une carte d’identité. Les candidats devaient remplir les conditions suivantes : être palestinien (les femmes n’avaient pas le droit de présenter une candidature), avoir 21 ans, habitant du camp ou avoir des relations fortes avec lui (une personne qui vient d’une façon régulière au camp). Les autres conditions étaient : avoir terminé son éducation complémentaire, être connu pour sa bonne réputation, être indépendant et ne pas être membre d’une faction politique, être prêt à donner de son temps pour le travail public. Trente-deux candidats se sont présentés pour les élections dont trois ont été refusés à cause de leur mauvaise réputation ou de leur affiliation politique.

Selon le statut de ce Comité, son rôle est l’amélioration des services du camp : infrastructure, services sociales comme : santé, éducation, sport ... Il travaille pour la résolution des problèmes de services, ce qui lui permet d’en débattre avec les personnes concernées pour trouver des solutions. Il prépare les études et les statistiques nécessaires en coopérant avec les spécialistes dans le camp. Il collecte des financements afin de pouvoir réaliser les services nécessaires.

Le comité a pu résoudre le problème de l’électricité en négociant directement avec les services d’électricité du Liban. Il a acheté un deuxième transmetteur pour l’électricité. Il a recueilli les demandes de plusieurs foyers qui désiraient bénéficier de l’électricité du Liban : ces maisons bénéficiaient auparavant de l’électricité d’une façon non réglementaire. Le comité utilisant de sa crédibilité les a convaincu de se mettre en règle. De plus, le comité s’est occupé de l’accumulation des ordures pendant les jours de congé alors que le service sanitaire de l’UNRWA normalement responsable de les ramasser ne travaillait pas. Enfin le comité a réussi à résoudre de nombreux problèmes sociaux et familiaux.

Dans le comité populaire, c’est le secrétaire qui assure la direction. A la différence du comité du camp et pour éviter que l’autorité ne soit incarnée dans une personne, le pouvoir est partagé entre plusieurs comités spécialisés. Pour leur travail, ces différents comités peuvent avoir recours à des spécialistes. Les décisions sont prises par consensus, et le cas échéant, un vote aura lieu. Chaque décision pour être mise en pratique a besoin de sept voix sur onze.

Ce comité s’était formé malgré les autorités du camp qui ont essayé de faire échouer cette expérience avant qu’elle ne voit le jour en distribuant des affiches menaçant la population du camp. L’élection a eu lieu, mais ces autorités n’ont pas cessé d’attaquer ce comité en faisant circuler de fausses rumeurs sur les membres et entre les membres jusqu’au moment où ils ont poussé six membres à démissionner. Aujourd’hui, il ne reste que cinq membres ce qui montre que le comité est affaibli, mais il conserve ses prérégoatives en matière d’l’électricité.

Ce Comité du camp est dans ce sens une tentative importante de créer un groupe représentatif, légitimé par le suffrage universel, interlocuteur des autorités libanaises gouvernementales et municipales. Dans ce sens, il joue un rôle dans l’intégration des Palestiniens des camps dans la société libanaise en leur fourbnissant une représentant légitime..

1.3. Le secteur associatif

Le départ de l’OLP en 1982 et le dysfonctionnement de ses institutions sociales et para-étatiques qui fournissaient de nombreux services aux Palestiniens, ainsi que la limitation du budget de l’UNRWA, ont contribué à la régression de la situation des Palestiniens au Liban. Ce sont les ONG qui sont venues combler ce vide créé par la faiblesse de ces institutions.

1.3.1. Domaine d’intervention : concentration dans la provision de service

Le rôle de ces ONG se manifeste dans plusieurs secteurs qui étaient auparavant les domaines exclusifs de l’OLP. Les domaines d’intervention sont divers mais peuvent être classés sous deux rubriques d’ensemble :

La première concerne une série d’interventions dans les domaines qui relèvent normalement de la compétence des services de l’État (éducation, santé, service sociaux). La seconde comporte les organisations de plaidoyer.

Les ONG de services

Les activités de service se résument à l’aide médicale, l’éducation et la formation professionnelle. Ces activités constituent « la part du lion » par rapport à d’autres types d’activités, elle absorbe la majeure partie des moyens financiers de l’ensemble de la vie associative. Notre enquête conduite à l’échelle de l’ensemble des camps au Liban permet de quantifier approximativement l’importance relative des différents services offerts par ce troisième secteur dans la vie des Palestiniens. De plus, selon l’étude faite par le centre Ajial et confirmé par le Fafo, 45% de ces projets concernent les activités dans le domaine de la santé et des jardins d’enfants, ce qui constitue 260 projets accomplis par 46 organisations. On trouve dans une moindre mesure les projets concernant le développement économique et quelques projets générateurs d’emploi (trois projets) (voir annexe 1). Un effort très timide est donc développé pour lutter contre le chômage des jeunes (Ajial, 2001 : 3-4).

Les ONG de plaidoyer

Le plaidoyer se fait à deux niveaux l’un national et l’autre international. Malgré l’importance des activités de ce type d’ONG, leur impact dans l’intégration sociale et économique des Palestiniens dans la société libanaise est très limité. Quelques campagnes ici et là ont été conduites visant l’élimination de la discrimination des Palestiniens au Liban de façon parcellaire. Alors que faire du plaidoyer est un processus organisé et planifié qui réunit les efforts de toutes les organisations. En l’absence d’une mobilisation de base et un plan sérieux de plaidoyer, le rôle des ONG reste minime dans l’intégration des Palestiniens au Liban.

En revanche, la coopération apparaît plus importante dans l’organisation des campagnes ayant pour thème le droit au retour. Ainsi, en octobre une campagne retentissante [8] était lancée par une coalition composée des ONG libanaises et palestiniennes en faveur du droit au retour, des panneaux ont été affichés partout affirmant le droit des Palestiniens au retour, alors que toutes les campagnes visant l’annulation de la discrimination des Palestiniens au Liban sont initiées uniquement par des ONGP.

Un problème majeur qui caractérise le travail des ONG au Liban consiste en la présence d’un système clentéliste forgé en leur sein. En plus au manque de spécialisation et de compétence, s’ajoute un manque de coordination et de coopération. La majorité des ressources et des financements sont de l’extérieur, en provenance d’Occident, ce qui les oriente parfois vers les projets qui apportent plus de financement et non pas en direction de ceux les plus nécessaires. Malgré ce mode de financement leurs moyens restent cependant limités et insuffisants pour répondre aux besoins réels de la population des camps.

Conclusion

J’ai essayé dans cet article de montrer que la communauté palestinienne dans les camps au Liban existe sans que soit développé un système de gouvernance. Ce manque d’une référence politique a des effets négatifs sur tous les aspects de la vie : social, économique et politique. Les Palestiniens du Liban sont dépourvus d’une autorité centralisée. Sans des formes de régulation et d’organisation, la communauté des camps est dans l’incapacité de mettre en place des mesures pour améliorer tous les aspects de leur vie. Les camps sont des espaces complexes où agissent différentes factions politiques, idéologiquement différentes qui rivalisent pour le pouvoir. Bien que les factions politiques aient limité leur autorité à des domaines particuliers de la vie dans les camps, elles ont créé un climat de crainte et n’ont que très peu de légitimité auprès de la population .

Des facteurs internes et externes ont empêché l’établissement d’un système de gouvernance dans les camps. La position des Palestiniens au Liban et leur exclusion de toutes les activités formelles politiques, sociales et économiques ont contribué à nier la nécessité de créer des structures formelles de représentation du peuple palestinien dans la vie publique. De plus, leur exclusion du processus de la paix les a isolé et affaibli.

Aux termes de mes analyses, il convient de souligner la part de responsabilité des organisations qui sont impliquées dans l’aide et l’assistance (ONG, UNRWA) dans cette défaillance de gouvernance. Sari Hanafi a montré comment la conception du camp comme un lieu de résidence a été une invention disciplinaire de l’UNRWA et des autorités hôtes. Mais vite certains leaders politiques palestiniens ont insisté pour le maintenir. Selon lui, le discours nationaliste palestinien du passé fondait sa légitimité sur la base de deux revendications, la Nakba (catastrophe) et le droit au retour des réfugiés (Hanafi, 2006). Pour renforcer autant que possible le nationalisme, le camp se présentait comme l’unité de base de « l’identité réfugiée » dans les pays hôtes arabes et donc comme le soutien de l’identité palestinienne.

L’absence d’un mode de gouvernance mine l’efficacité d’assistance parce qu’il n’y a pas de moyens de coordination, de planification et d’identification des bénéficiaires, que ce soit au niveau local ou personnel. L’accès à l’assistance est souvent gouverné par les relations et les connections. Les capacités sociales et organisationnelles de la population sont largement affaiblies alors qu’elle a été stratifiée et fragmentée par les systèmes d’allégeance aux partis politiques, aux ONG, aux groupes religieux ou encore à l’UNRWA.

Une bonne gouvernance se réfère à l’existence d’institutions reconnues et acceptées qui exercent l’autorité et le contrôle dans leurs sphères. Selon des organismes internationaux comme le PNUD (2002) et la banque mondiale (1994), le développement et la stabilité ne peuvent être atteintes sans une bonne gouvernance laquelle contribue à une amélioration de la vie d’une société en fournissant la responsabilité, la transparence et la règle de la loi. La conséquence du défaut de gouvernance sur les camps des réfugiés a des conséquences graves, parfois dramatiques comme dans le cas du camp de Nahr Al-Bared dans lequel, profitant des lacunes des autorités locales, s’étaient infiltrés des combattants jihadistes dont les affrontements avec l’armée libanaise ont causé la destruction complète du camps.

Bibliographie

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BRYNEN Rex (1990) Sanctuary and Survival : The PLO in Lebanon, Boulder, London Westview Press.

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HANAFI Sari (2006) « Vivre dans le camp, vivre ailleurs : Les Palestiniens réfugiés en Egypte et dans les Territoires palestiniens », Paris, GEOGRAPHIES, Bulletin de l’Association des Géographes Français. Association de Géographes Français.

KHALIDI Muhammad Ali (2001) Palestinian Refugees in Lebanon, Institute for Palestine Studies.

PETEET Julie (1996) « From Refugees to Minority : Palestinians in Post-War Lebanon », Middle East Report, Jul-Sep, p. 27-30.

SAYIGH Rosemary (1995) « Palestinians in Lebanon : Harsh Present, Uncertain Future », Journal of Palestine Studies, autumn, vol. 25, n°1, p. 37-53.

NOTES

[1] United Nations Relief and Works Agency for Palestinian Refugees in the Near East

[2] Propos tenu par le responsable de la recherche au sein de l’UNRWA dans le colloque « employabilité palestinienne au Liban », Beyrouth, 5-6 mai 2006.

[3] www.unrwa.org

[4] Rapport annuel (couvrant la période du 1er juillet 2004 au 30 juin 2005) adressé à l’Assemblée générale des Nations unies le 26 septembre 2005.

[5] Parti Créé en 1966 par une décision prise par le Commandement national du parti syrien Baath de créer une branche palestinienne

[6] Parti formé en 1969 par Ahmad Jebril après sa séparation du PFLP. Ce parti est connu sous son nom actuel en 1976, avant il était connu sous le nom du Front palestinien de libération.

[7] Pour plus d’information sur ces élections, voir le quotidien libanais Assafir du 24 Mai 2005.

[8] Voir le quotidien libanais Annahar et Assafir du 1er octobre 2005.