présentation de l'éditeur
Xénophobie de gouvernement, nationalisme d’Etat , Cultures & Conflits - Sociologie politique de l’international, n°69, printemps 2008. Parution : printemps 2008 - Éditeur : Centre d’études sur les conflits(CEC) et L’Harmattan , Paris - Reliure : Broché - Description : 202 p. - ISBN : 978-2-296-05252-9 - ISSN : 1157-966 X - Prix : 19 € A lire sur TERRA : le sommaire, l’introduction, un article en texte intégral |
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Renseignements/abonnements : pauline.vermeren@conflits.org
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PRESENTATION :
La création d’un ministère de l’identité nationale et de l’immigration, en 2007, a fait franchir à la France un seuil symbolique dans la transformation de sa culture politique. L’événement puise cependant ses racines dans une histoire déjà longue : celle du fait colonial et de la relation à l’indigène, des effets politique de la décolonisation sur la métropole, de la genèse des politiques anti-migratoires, du retournement des politiques du droit d’asile contre les exilés, des recompositions du champ politique et des consensus construits au sein des élites... Au cours de cette histoire, se forme une xénophobie de gouvernement exprimée par les actes et discours d’autorités publiques qui désignent l’étranger comme un problème, un risque ou une menace et activent ainsi d’autres formes de xénophobie. Le nationalisme d’Etat incarné par le nouveau ministère apparaît comme un résultat de cette histoire au long cours.
SOMMAIRE :
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Introduction. Quelles sont les origines du ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration ?
Jérôme VALLUY
Colonisés-immigrés et “périls migratoires” : origines et permanence du racisme et d’une xénophobie d’Etat (1924-2007)
Olivier LE COUR GRANDMAISON
L’immigration : une affaire d’Etats. Conversion des regards sur les migrations algériennes (1961-1973)
Sylvain LAURENS
Camps d’étrangers, foyers de travailleurs, centres d’expulsion : les lieux communs de l’immigré décolonisé
Marc BERNARDOT
Du retournement de l’asile (1948-2008) à la xénophobie de gouvernement : construction d’un objet d’étude
Jérôme VALLUY
La Nouvelle Politique d’intégration (NPI) aux Pays-Bas depuis 2002
Kees GROENENDIJK
HORS-THEME
Structures, environnement et basculement dans le jihadisme
Luis MARTINEZ
REGARDS SUR L’ENTRE DEUX
Fragmenta
Ilias POULOS - Laurence CORBEL
CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE
Appadurai et Bauman : deux regards sur la modernité, sa globalisation et ses violences
Amandine SCHERRER
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Introduction. Quelles sont les origines du ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration ?
Texte publié avec l’aimable autorisation de la revue et de l’auteur, extrait de Cultures & Conflits , n°69, avril 2008, pp. 07-18 © Cultures & Conflits, L’Harmattan, avril 2008
Jérôme Valluy est Maître de conférences en science politique à l’université Panthéon-Sorbonne (Paris-1), chercheur au Centre de recherches politiques de la Sorbonne (CRPS, Paris-1 - CNRS), chercheur associé au Centre d’études africaines (CEAF, EHESS), membre du Groupe de pilotage du réseau scientifique TERRA et de l’Observatoire de l’institutionnalisation de la xénophobie (Observ.i.x). Ses recherches portent sur les politiques du droit d’asile et sur les enjeux migratoires en Europe et en Afrique. Email : jerome.valluy@univ-paris1.fr
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Annoncée à la télévision le 8 mars 2007 par le candidat Nicolas Sarkozy, la création du ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement a d’abord été en France une promesse électorale, un sujet de campagne et aurait pu connaître le sort d’autres idées de ce genre : être oubliée ou reformulée une fois le candidat arrivé au pouvoir. On pouvait alors se demander s’il ne s’agissait que d’un simple gadget de campagne, destiné à ratisser les voix de l’extrême droite, ou d’un axe idéologique et stratégique de recomposition de la droite autour de son nouveau leader. Le 18 mai 2007, l’annonce de la composition du gouvernement apporte des éléments de réponse : non seulement le nouveau ministère est bien là, mais en bonne position dans l’organigramme, confié de surcroît au plus fidèle collaborateur du nouveau président, avec un intitulé « à rallonge » qui laisse augurer d’un champ de compétence extensible, logé rue de Grenelle à proximité des Affaires sociales et du ministère de l’Education. On pouvait alors se demander encore si ce nouveau ministère serait éphémère, comme d’autres dans le passé (« temps libre », « économie solidaire », etc.), ou durable comme certains ministères récents (« culture », « environnement », etc.).
Le 1er juin 2007, paraît au Journal officiel le décret d’attribution du nouveau ministre. L’article 1er (page suivante) explicite les finalités répressives / antimigratoires données à ce ministère : lutte contre l’immigration illégale, contre la fraude documentaire des étrangers, contre le travail illégal des étrangers et sur la politique des visas qui leur sont délivrés (trois premiers tirets). Le décret montre aussi que ce nouveau ministère, comme d’autres avant lui – la culture en 1958, l’environnement en 1971 – regroupe, par co-tutelles et coordination interministérielle, des missions et administrations jusque-là rattachées à d’autres ministères plus anciens (signalés entre crochets) :
Décret n°2007-999 du 31 mai 2007 relatif aux attributions du
ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale
et du Codéveloppement : Article 1 : « Le ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement prépare et met en oeuvre la politique du gouvernement en matière d’immigration, d’asile, d’intégration des populations immigrées, de promotion de l’identité nationale et de codéveloppement. Il prépare et met en oeuvre les règles relatives aux conditions d’entrée, de séjour et d’exercice d’une activité professionnelle en France des ressortissants étrangers. Il est chargé : en liaison avec le ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer et des Collectivités territoriales, de la lutte contre l’immigration illégale et la fraude documentaire intéressant des ressortissants étrangers ; [Intérieur] en liaison avec le ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer et des Collectivités territoriales et le ministre du Travail, des relations sociales et de la solidarité, de la lutte contre le travail illégal des étrangers ; [Intérieur] conjointement avec le ministre des Affaires étrangères et européennes, de la politique d’attribution des visas. [Affaires étrangères] Il est compétent, dans le respect des attributions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Commission des recours des réfugiés, en matière d’exercice du droit d’asile et de protection subsidiaire et de prise en charge sociale des personnes intéressées. [Affaires étrangères] [Affaires sociales] Il est responsable de l’accueil en France des ressortissants étrangers qui souhaitent s’y établir et est chargé de l’ensemble des questions concernant l’intégration des populations immigrées en France. [Affaire sociales] Pour l’exercice de cette mission, il est associé à la définition et à la mise en oeuvre des politiques d’éducation, [Education nationale] de culture [Culture] et de communication [Communication], de formation professionnelle [Travail], d’action sociale, de la ville [Ville / Logement], d’accès aux soins [Santé], à l’emploi et au logement et de lutte contre les discriminations. Il a la charge des naturalisations et de l’enregistrement des déclarations de nationalité à raison du mariage. [Intérieur] Il est associé à l’exercice par le Garde des sceaux, ministre de la Justice, de ses attributions en matière de déclaration de nationalité et de délivrance des certificats de nationalité française. [Justice] Avec les ministres intéressés, il participe, auprès des ressortissants étrangers, à la politique d’apprentissage, de maîtrise et de diffusion de la langue française, [Education nationale]. Il est associé à la politique menée en faveur du rayonnement de la francophonie. [Affaires étrangères] Il participe, en liaison avec les ministres intéressés, à la politique de la mémoire [Culture] et à la promotion de la citoyenneté et des principes et valeurs de la République. [Education nationale] Il est chargé de la politique de codéveloppement et, en liaison avec le ministre des Affaires étrangères et européennes et le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Emploi, participe à la définition et à la mise en oeuvre des autres politiques de coopération et d’aide au développement qui concourent au contrôle des migrations. [Affaires étrangères] |
Dans le respect des attributions du ministre de l’Economie, des Finances et de l’Emploi en matière de statistique, il coordonne la collecte, l’analyse et la diffusion des données relatives à l’immigration et à l’intégration des populations immigrées. Il est associé à la collecte et à l’analyse des données relatives à la population. [Recherche] » Durant les six semaines suivant sa création, de mi-mai à fin juin 2007, de nombreuses voix associatives et universitaires s’expriment contre le principe de cette création ministérielle et sont relayées par les médias. Une controverse se développe, notamment à travers les rubriques « Opinions » des quotidiens nationaux auxquelles répondent les initiatives du nouveau ministre pour construire sa propre identité ministérielle. Les associations de solidarité, mais aussi les universitaires jouent un rôle important dans cette phase, notamment les huit historiens démissionnaires (18 mai 2007) de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration qui considèrent que la création de ce ministère invalide le projet de la Cité de reconnaître l’apport et de changer le regard sur l’immigration. Avec eux, les associations d’anthropologie (l’Association française d’anthropologie, l’Association pour la recherche en anthropologie sociale), d’ethnologie (la Société d’ethnologie française), ainsi que des réseaux de chercheurs (réseau thématique sur l’immigration de l’Association française de sociologie, réseau scientifique TERRA) organisent une rencontre de près deux cents chercheurs (27 juin 2007 à l’EHESS) qui expriment leurs inquiétudes « sur les amalgames opposant l’immigration à l’identité nationale et sur l’institutionnalisation du racisme et de la xénophobie ».
En revanche, les partis politiques sont peu présents : les petits partis de gauche s’expriment mais n’ont guère d’audience, et les deux partis du centre de l’espace politique n’en font pas un axe central de leur communication. Les deux challengers de Nicolas Sarkozy, au centre-droit (François Bayrou) et au centregauche (Ségolène Royal), n’avaient pas écarté le projet de créer, en cas de victoire, un ministère de l’Immigration, leur divergence politique s’exprimant seulement sur l’intitulé « identité nationale ». Début juillet 2007, la lettre de cadrage du président de la République au nouveau ministre précise ses missions :
Durant l’été 2007, la controverse se poursuit, mais au rythme lent du débat politique estival. Le journal Libération maintient l’attention de ses lecteurs sur le sujet en publiant régulièrement des reportages et des témoignages.
Au sortir de l’été, le nouveau ministère semble déjà faire partie du paysage politique de la France. On entre dans une phase de mobilisations moins bruyantes, et déjà moins visibles dans les médias, de diverses professions, notamment de fonctionnaires (policiers, inspecteurs du travail, instituteurs, agents de l’ANPE, etc.) qui ressentent chaque jour davantage la pression politique qu’exerce ce ministère sur les cadrages idéologiques et les tâches quotidiennes de leurs métiers respectifs, dans le sens d’une chasse généralisée aux exilés. L’adoption d’une nouvelle loi contre l’immigration suscite quelques oppositions focalisées sur un dispositif symbolique – « le test ADN » – mais non contre tous les éléments de la loi, et moins encore contre le ministère de l’Identité nationale dans son principe. De leur côté, les chercheurs en sciences humaines préparent, avec des temps de production relativement longs par rapport à une actualité qui avance de manière fulgurante, des ouvrages et numéros de revues destinés à paraître au début de l’année 2008. Les conférences en vue d’alerter et d’éclairer l’opinion publique se multiplient, mais leur audience demeure limitée. Les résistances animées par les associations de solidarité réunies dans le collectif « Unies contre l’immigration jetable » (UCIJ) ainsi que par les instituteurs et parents d’élèves reliés au Réseau éducation sans frontières (RESF) se prolongent, mais sans obtenir de soutiens nouveaux ou supplémentaires de la part des médias ou des états-majors nationaux des « grands » partis politiques.
Parallèlement, les politiques tendant à multiplier les contrôles, repérages, transmissions d’informations, arrestations, rafles et expulsions s’intensifient avec des objectifs chiffrés, fixés notamment par le nouveau ministre de l’Identité nationale et de l’Immigration.
Ainsi, l’effet de surprise qui était perceptible en mai-juin 2007 dans la conjoncture post-électorale et émotionnelle de création de ce nouveau ministère semble s’estomper en quelques mois. Le nouveau ministère se fond, avec une relative facilitée, dans le paysage politique ordinaire des citoyens français. Ce constat d’acclimatation rapide suffirait à soulever une question qui se justifie, on le verra, par d’autres observations, plus fondamentales, sur la période antérieure : cette banalisation rapide du nouveau ministère n’est-elle pas le signe d’une acceptabilité déjà ancienne et large, dans la société française, de chacune de ses tâches ? Malgré le caractère inédit d’une telle structure ministérielle dans l’histoire des institutions françaises depuis deux siècles, celle-ci estelle aussi novatrice qu’il y parut de prime abord, au moment de sa « création » ? D’une certaine manière, ce ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration n’existait-il pas longtemps avant de se trouver institutionnalisé dans l’organigramme gouvernemental ?
Le projet de ce numéro de la revue Cultures & Conflits s’est formé dans le sillage du forum des sciences humaines réuni le 27 juin à l’EHESS face à la création de ce ministère. Il réunit les résultats de recherches toutes très avancées, réalisées par des spécialistes travaillant sur le domaine depuis de nombreuses années et qui ont en commun d’inscrire cette création ministérielle dans une histoire de longue durée. Il ne s’agit pas de minimiser la portée politique de cette création ministérielle, ni de négliger le seuil symbolique qu’elle fait franchir à l’appareil d’Etat dans sa fonction de production idéologique mais, au contraire, d’en montrer la profondeur historique, et donc l’ampleur sociologique, en revenant sur des observations qui ne sont pas inédites, mais dont le regroupement fait apparaître cette histoire séculaire et peu connue dont le nouveau ministère est l’un des résultats.
En procédant à ce regroupement de compétences déjà acquises et de travaux aboutis, il est possible d’apporter des éclairages de recherches en sciences sociales qui relativisent non pas l’événement, mais la présentation qui en a été faite par les médias et, en particulier, sa réduction à une trouvaille de candidat entreprenant ou à une simple tactique de campagne. Sans écarter cette finalité électorale, il s’agit de comprendre pourquoi une telle stratégie devient aujourd’hui particulièrement rentable.
Les travaux réunis dans ce numéro font découvrir une autre dimension de cette création ministérielle en montrant qu’elle est issue d’une tendance séculaire de la vie politique et de la culture politique européenne, et d’une accentuation de certains de ses traits au tournant des XXe et XXIe siècles, notamment l’inclination au racisme, à la xénophobie et au nationalisme. Au regard de ces travaux, la création d’un ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration n’est pas la nouveauté radicale à laquelle l’ébullition électorale et les émois du printemps 2007 pouvaient laisser croire, mais le reflet d’un phénomène plus profond, la cristallisation institutionnelle d’une culture politique façonnée par des décennies de xénophobie élitaire, notamment technocratique, mais aussi politicienne voire intellectuelle, qui construit comme une évidence le caractère problématique de la présence étrangère.
Par « xénophobie », nous entendons l’ensemble des discours et des actes tendant à désigner l’étranger comme un problème, un risque ou une menace pour la société d’accueil et à le tenir à l’écart de cette société, que l’étranger soit au loin et susceptible de venir, ou déjà arrivé dans cette société, ou encore installé depuis longtemps. A partir de cette définition préalable, on peut distinguer une xénophobie de gouvernement ayant une histoire, des caractéristiques et des formes d’expression spécifiques et qui est distincte de la xénophobie contestataire d’extrême droite que l’Europe redécouvre depuis un peu plus de deux décennies.
Cette distinction n’exclut pas les phénomènes de transferts, d’entrecroisements et de mimétismes entre les deux catégories : en Autriche, en Italie, en Suisse, aux Pays-Bas, etc. des partis ou des leaders d’extrême droite sont entrés au gouvernement ou dans la coalition gouvernementale. Mais elle permet d’éviter certains travers de nombreux travaux sur le « populisme » : ne pas réserver l’exclusivité du fait xénophobe aux groupuscules ou partis d’extrême droite et, à travers leur qualification de populiste, aux classes populaires ; ne pas en exonérer a priori les élites dirigeantes, administratives et politiques. Elle permet ainsi de reconsidérer les phénomènes de racisme, les problèmes d’intégration, de discrimination en ce qui concerne l’origine sociale, élitaire ou populaire, de ce qui les exacerbe ainsi que l’origine des politiques anti-migratoires et, partant, certaines interprétations de sens commun sur les articulations et relations de causalités entre les dynamiques historiques de l’une et de l’autre forme de xénophobie : est-ce la xénophobie contestataire qui entraîne la radicalisation des politiques anti-migratoires ou la xénophobie de gouvernement diffusée par les politiques publiques qui propulse la remontée électorale des nationalismes xénophobes ?
Si l’on parvenait à ne conceptualiser qu’une seule forme de xénophobie, à ne voir que ses manifestations populaires, dans les propos racistes (jurons, insultes, stéréotypes racistes, etc.) ou discriminations ordinaires (à l’embauche, dans le commerce, dans la force publique, etc.), on dénierait implicitement aux gouvernants (hauts fonctionnaires, leaders politiques, responsables économiques, intellectuels, journalistes, etc.) tout rôle moteur dans cette histoire politique faute de trouver dans leurs doctrines des théories racistes comparables à celles que l’Europe a connues au XIXe siècle et au début du XXe siècle. Or, à la fin du XXe siècle, la stigmatisation du racisme a été intériorisée dans la culture des élites dirigeantes : la xénophobie s’exprime moins sous la forme de slogans extrémistes ou de propos ouvertement racistes que dans des discours le plus souvent euphémisés conformément aux règles langagières et aux pratiques discursives qui sont celles des responsables politiques et administratifs (déclarations ministérielles, rapports administratifs, travaux d’experts, etc.) et des actes (législatifs, administratifs, juridictionnels, symboliques, etc.) à travers lesquels l’étranger est pensé comme un problème, un risque ou une menace.
Cette représentation de l’étranger comme problème, risque ou menace est souvent implicite, voire énoncée sur le mode de l’évidence qui sert de fondement à des considérations techniques et relativement dépassionnées se rapportant aux modalités de résolution du problème, à la réduction du risque ou à la prévention de la menace. La xénophobie de gouvernement a son style : elle s’exprime sans l’affichage d’une émotion de haine, mais à travers le froid détachement qui sied aux élites dirigeantes dans la désignation d’une menace et la réflexion sur les moyens d’y faire face. De ce point de vue, la xénophobie de gouvernement passe par les politiques publiques ou, plus précisément, par un ensemble de politiques convergentes et cumulatives qui, depuis plus d’un siècle et particulièrement ces cinquante dernières années, façonnent les représentations sociales de l’altérité : la dévalorisation symbolique et la persécution des indigènes dans les colonies ; la construction technocratique du problème des inassimilables ; la mise sous surveillance policière en métropole de populations issues de colonies en voie de libération ; l’encadrement administratif, policier et social des décolonisés immigrés durant les années 1960 ; la politique dite de « fermeture » administrative des frontières ; celle d’augmentation exponentielle des taux de rejet des demandes d’asile (hors nationalités privilégiées) dès les années 1970 ; les politiques de restriction des regroupements familiaux et de délivrance des visas et de tous les accès à la régularisation durant la même décennie ; l’inflation législative des réformes tendant aux restrictions du droit d’asile durant les années 1980 et 1990 ; la politique symbolique des charters d’expulsion des étrangers ; la prolifération de camps d’étrangers de formes diverses et variées ; l’enrôlement de corps de fonctionnaires multiples (police, travailleurs sociaux, instituteurs, conseillers pour l’emplois, inspecteurs du travail, etc.) dans le repérage d’étrangers sans papiers ; les politiques policières de rafles des sanspapiers et la criminalisation des actes de solidarité envers les exilés...
Le message que ces politiques diffusent à grande audience suffit, sans expressions racistes, à désigner l’étranger comme un problème, un risque ou une menace et ils le font avec probablement plus d’efficience que des groupuscules d’extrême droite longtemps demeurés marginaux avant de prospérer électoralement sur le chemin idéologique tracé par les politiques publiques. Une fois ces partis nationalistes et xénophobes implantés et banalisés dans la vie politique, le système politique dans son ensemble se recompose autour de leur présence, accentuant encore le phénomène de xénophobie gouvernante qui a créé les conditions idéologiques de leurs succès initial et entretien durablement leur croissance électorale : le phénomène devient cumulatif et entraîne ce tournant national sécuritaire de la vie politique européenne observé notamment par la revue Cultures & Conflits.
Cultures & Conflits est en effet celle des revues de sciences humaines en langue française qui a le mieux analysé cette transformation des cultures européennes à l’encontre des étrangers. En raison de centres d’intérêts portant sur les questions de sécurité et les dérives nationales sécuritaires, dont les étrangers sont toujours les premières victimes, Cultures & Conflits a, mieux que les revues spécialisées sur l’immigration, produit l’essentiel des savoirs sur ce domaine. Sur les soixante-huit numéros publiés depuis 1990, au moins quinze d’entre eux analysent la construction des menaces militaires et policières, qui a placé l’étranger au cour des préoccupations voire des phobies gouvernantes, et la répression des mobilités internationales par les politiques de lutte anti-migratoire et de mise à l’écart des étrangers. Loin de tout étalage apologétique, le rappel de dossiers antérieurs montre que la publication en 2008 d’un numéro intitulé « Xénophobie de gouvernement, nationalisme d’Etat » n’est ni une facilité conjoncturelle, après la création d’un nouveau ministère, ni l’improvisation hâtive d’une simple dénonciation, mais prolonge des années de production de savoirs conceptualisés sur ce domaine. Ce rappel est aussi une manière de faire apparaître le bien-fondé scientifique de la thèse d’une genèse au long cours de ce nouveau ministère de l’identité nationale et de l’immigration.
Dès son n°2, « L’idéologie de la menace du Sud », publié en 1991, Cultures & Conflits met en relation les processus sociaux de désignation des menaces et la focalisation sur les étrangers en étudiant la montée en puissance des discours sur cette « menace du Sud », discours qui « alimentent des peurs, des fantasmes qui fabriquent des deux côtés un sentiment d’angoisse et de méfiance pouvant se transformer en franche hostilité et en discours de haine (anti-occidentalisme, racisme…) ». Le n°8, datant de 1993, « Les conflits après la bipolarité » fait écho au précédent en analysant les nouvelles conflictualités internationales dans le monde post-bipolaire qui émerge des décombres du Mur de Berlin. En 1995, le n°19/20, « Troubler et inquiéter : les discours du désordre international », prolonge l’étude des redéfinitions en cours de ce qui fait peur dans le monde post-bipolaire, notamment les fragmentations des systèmes étatiques et internationaux à l’Est et au Sud. En 1999, le n°33/34, « Les anonymes de la mondialisation », parle de ceux qui sont au cour des recompositions de l’inquiétude internationale en partant de leurs vies, stratégies et perceptions. Le n°35, « Quelle place pour le pauvre ? », datant de 1999 également, complète ce point de vue « du bas », en parlant des pauvres, de leurs vagabondages et de leurs encadrements politiques et sociaux. Les uns et les autres entrent partiellement au moins dans le sujet du n°43, paru en 2001, « Construire l’ennemi intérieur » qui, pour ce qui concerne les étrangers tout du moins, relie les peurs des uns et les mouvements des autres. L’ennemi est aussi extérieur, comme l’analyse le n°44 en 2001, « Défense et identités : un contexte sécuritaire global ? », en évoquant les amalgames entre terrorisme, islamisme et migration, qui s’opèrent notamment dans le champ de la politique européenne. Le n°53, « Surveillance politique : regards croisés », publié en 2004, aborde les technologies sociales de surveillance de ces ennemis de l’intérieur ou de l’extérieur, parmi lesquels les exilés. Le n°58, « Suspicion et exception », revient en 2005 sur la construction des menaces en montrant comme le soupçon pesant sur les étrangers notamment s’associe aisément à l’exceptionnalité du traitement qui leur est réservé. Le n°64, publié en 2006, « Identifier et surveiller : les technologies de sécurité », prolonge le précédent en présentant les technologies sociales de surveillances les plus récentes.
L’autre dimension de cette production de savoir concerne la répression des mobilités et la mise à l’écart des étrangers : elle s’amorce dans la revue dès 1996 avec un n°23 intitulé « Circuler, enfermer, éloigner » et consacré aux zones d’attente et aux centres de rétention. Le n°26/27, publié en 1997, « Contrôles : frontières- identités », met aussi l’accent sur les enjeux politiques et administratifs relatifs à l’immigration et à l’asile. En 1998, le n°31/32 consacré à « Sécurité et immigration » apporte l’éclairage d’une connaissance des logiques sécuritaires qui traversent les deux numéros précédents. En 2002, les n°45 et 46 « De Tampere à Séville : bilan de la sécurité européenne » (1) et (2) montrent que la nasse des peurs et des inquiétudes se resserre autour des « extra-communautaires » qui tendent à focaliser les énergies et à rendre possible l’émergence d’une politique européenne de l’extérieur et de l’altérité. En 2003, le n°49 « La mise à l’écart des étrangers. Les logiques du visa Schengen » et n°50 « La mise à l’écart des étrangers. Les effets du visa Schengen » font apparaître une logique concertée et assumée tendant, à travers une politique commune de visa européen, à scinder le monde en deux : d’un côté ceux qui peuvent circuler librement et, de l’autre, ceux que ne le peuvent pas. Le n°57 « L’Europe des camps : la mise à l’écart des étrangers », publié en 2005, préparé en relation avec le réseau scientifique TERRA et la revue Politix éditant simultanément son n°63 (« Etrangers. La mise à l’écart ») a étudié cette prolifération des camps d’exilés qui donne à la carte du continent européen et de ses périphéries une figure singulière, marquée par l’histoire actuelle de la phobie des exilés et la subordination des voisins dans la fonction répressive de gardien des frontières.
A la lecture de ces quinze années de recherches, on le comprend, la création d’un ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration en France en 2007 est moins une innovation qu’une confirmation et une accélération de tendances antérieures, moins le résultat conjoncturel d’une stratégie électorale à succès que le produit d’une histoire déjà longue et d’un phénomène culturel beaucoup plus fondamental, et pour cela plus inquiétants, qui rendent aujourd’hui cette sorte de stratégie politique payante dans une dynamique historique dont rien ne permet d’anticiper un infléchissement à moyen ou long terme. De même, l’inscription juridique et institutionnelle d’une volonté politique de définition de l’identité nationale, notamment par opposition aux étrangers et aux stigmates qui leur sont imputés (différences irréductibles, incapacité à s’intégrer, surcharge économique, délinquance, etc.), ce que l’on peut alors appeler un « nationalisme d’Etat » apparaît comme le produit de cette transformation au long cours d’une culture politique élitaire travaillée depuis des décennies par la xénophobie de gouvernement.
Au-delà du parcours et travail de Cultures & Conflits, ce numéro paraît dans un contexte de prise de conscience élargie de ces réalités, parmi les chercheurs en sciences humaines et sociales. Le 14 janvier 2008 a été inauguré un Observatoire de l’institutionnalisation de la xénophobie (Observ.i.x : http://observix.lautre.net/) concrétisant une partie des voeux exprimés par les chercheurs réunis le 27 juin à l’EHESS face à la création du nouveau ministère. En mars 2008, ce sont déjà 105 chercheurs issus de multiples disciplines scientifiques et, pour la plupart, déjà spécialisés sur leur domaine de contribution, qui participent à l’activité de cet observatoire, préparant par leurs travaux de multiples publications (numéros de revues, colloques, ouvrages collectifs, conférences publiques…). Plusieurs revues en sciences humaines et sociales préparent ou ont déjà publié des numéros sur ce domaine : la revue Consommation & Société a lancé en septembre 2007 un appel à contributions pour un numéro sur le thème « Immigration et identité nationale : une alliance controversée » ; le Journal des anthropologues a publié un numéro hors-série en 2007 sur « Identités nationales d’Etat » ; la revue Savoir/Agir, a publié son n°2 en janvier 2008 sous le titre « Identité(s) nationale(s) : le retour des politiques de l’identité ? » ; la revue Lignes prépare un numéro pour mars 2008 intitulé « Indésirables étrangers ». D’autres revues prévoient de suivre ce mouvement pour améliorer les capacités de la société française à prendre conscience de ses transformations, à les analyser et à mieux les maîtriser.
Dans ce contexte, le présent dossier met l’accent sur les phénomènes qui parcourent le siècle et travaillent notre culture politique, s’enracinent dans l’histoire coloniale et participent à l’émergence des premières politiques antimigratoires formant le socle d’une xénophobie de gouvernement qui s’intensifient ensuite, en France comme dans d’autres pays européens :
Olivier Le Cour Grandmaison (« Colonisés-immigrés et “périls migratoires” : origines et permanence du racisme et d’une xénophobie d’Etat (1924- 2007) »), étudie les représentations sociales et surtout élitaires, forgées sous la IIIe et la IVe République, au sujet des colonisés immigrés réputés inassimilables et nuisibles pour la santé et la sécurité publiques. Il présente également les dispositions juridiques qui sont alors mis en ouvre pour contrôler et limiter les entrées d’indigènes sur le territoire métropolitain. Dangerosité supposée des populations concernées qui font peser sur l’identité « raciale » et nationale du pays des menaces importantes, crainte de l’islam et de l’envahissement de la France : tels sont, déjà à l’époque, les principaux arguments justifiant l’adoption de mesures toujours plus restrictives et dispositifs d’action publique qui stigmatisent l’autre comme un risque.
Sylvain Laurens (« L’immigration : une affaire d’Etats. Conversion des regards sur les migrations algériennes (1961-1973) ») aborde la vaste problématique des effets propres du processus de décolonisation sur le système politique de la métropole notamment en ce qui concerne les rapports nouveaux aux anciens indigènes devenus décolonisés immigrés. Il montre que la décolonisation est allée de pair avec une transformation des régimes juridiques de circulation, de séjour et d’accès à la nationalité pour les anciens indigènes. Il souligne aussi le rôle de hauts fonctionnaires, diplomates notamment, dans la reconfiguration des perceptions étatiques des populations migrantes en provenance des anciennes colonies et la construction sociale de l’immigré comme enjeu de régulation politique.
Marc Bernardot (« Camps d’étrangers, foyers de travailleurs, centres d’expulsion : les lieux communs de l’immigré décolonisé ») montre comment les politiques d’immigration en général, et tout particulièrement celles visant des ressortissants des (anciennes) colonies articulent étroitement le contrôle, la sélection et la protection des personnes dans des dispositifs d’action publique (les camps, les foyers…) hybrides et ambigus du point de vue de leurs finalités politiques. Une tradition de mise à l’écart et de contrôle, en métropole, des populations originaires des colonies, dans des formes de logement contraint, comme le camp d’étrangers et le foyer de travailleurs, forme un socle historique sur lequel prospère la xénophobie de gouvernement.
Jérôme Valluy (« Du retournement de l’asile (1948-2008) à la xénophobie de gouvernement : construction d’un objet d’étude ») examine la politique du droit d’asile, qui en un demi-siècle, se retourne en son contraire : le rejet de la quasitotalité des exilés et leur discrédit. Trois explications de sens commun sont souvent données de ce retournement : une augmentation massive des migrations économiques à la fin du XXe siècle ; le déclenchement d’une crise économique qui, à partir de 1973-1974, rendrait ces migrations insupportables sur le marché du travail ; l’émergence, du fait des tensions sur ce marché d’une xénophobie populaire. L’examen de ces interprétations et le constat de leurs faiblesses conduit à en envisager une autre : celle d’une évolution des élites françaises et autorités publiques construisant la venue d’exilés comme un problème, un risque ou une menace… dans un mouvement idéologique séculaire, celui de la « xénophobie de gouvernement » qui aboutit en 2008 à placer la politique de l’asile sous la tutelle du nouveau ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration.
Kees Groenendijk (« La Nouvelle Politique d’intégration (NPI) aux Pays- Bas depuis 2002 ») décrit l’évolution des politiques et des débats publics relatifs à l’intégration entendue, aux Pays-Bas, comme la dissolution de l’identité sociale des immigrés dans celle de la nation culturelle et notamment linguistique du pays. De ce point de vue, le diagnostic d’échec des politiques d’intégration est devenu plus qu’un lieu commun, un leitmotiv de la vie politique néerlandaise quels que soient les conclusions des travaux d’experts à ce sujet. Et les nouvelles politiques d’intégration, de manière récurrente, remettent sur l’agenda politique les projets de « tests » d’intégration portant sur des connaissances de la langue et de la société non seulement comme condition préalable à l’entrée sur le territoire mais également après plusieurs années de vie aux Pays- Bas. A travers ces politiques, et les dispositifs juridiques et administratifs qui en découlent, s’instaure une racialisation de l’identité civile des personnes.
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Kees GROENENDIJK La nouvelle politique d’intégration (NPI) aux Pays-Bas depuis 2002 [1]
Texte publié avec l’aimable autorisation de la revue et de l’auteur, extrait de Cultures & Conflits , n°69, avril 2008, pp. 113-128 © Cultures & Conflits, L’Harmattan, avril 2008
Kees Groenendijk est professeur de sociologie du droit à l’université Radboud de Nimègue (Pays-Bas) et directeur de son Centre for Migration Law. Il a écrit sur la régulation des migrations, le statut légal des immigrations et le développement d’une législation européenne sur les migrations. Son ouvrage le plus récent s’appuie sur les biographies extensives de jeunes avocats néerlandais d’origine marocaine et turque.
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Dans son livre intitulé LTI, Notizbuch eines Philologues (LTI, la langue du IIIe Reich : carnets d’un philologue), écrit en 1947 mais malheureusement toujours d’actualité, Victor Klemperer décrit la façon dont un nouveau régime politique tente d’introduire de nouveaux termes dans le langage juridique officiel et dans le discours public. Il dépeint les réactions conscientes ou inconsciente des citoyens face à ces tentatives et explique le mécanisme par lequel une partie de ces termes tombe à nouveau dans l’oubli après quelques années [2]. Il ne sera certes pas ici question de philologie comme dans l’ouvrage de Klemperer, il ne sera pas non plus question de comparer les évolutions politiques des dernières années aux Pays-Bas avec celles du national-socialisme des années 1930 en Allemagne.
Néanmoins, avant 2002, nous n’aurions jamais pensé qu’un changement si rapide et profond, tel que nous l’avons connu aux Pays-Bas depuis, en particulier dans le domaine de la politique d’immigration et d’intégration, était possible. Au cours des dernières années, nous avons également compris à quel point l’adhésion des Pays-Bas à l’Union européenne (UE) revêtait une importance majeure. Aujourd’hui, nous constatons combien il est utile que le droit communautaire impose également des limites à la Nouvelle Politique d’intégration (NPI) aux Pays-Bas. Ceci dit, il faut bien constater que dans le même temps, le gouvernement néerlandais essaie d’instrumentaliser l’UE afin de légitimer sa politique et qu’il y parvient en partie, grâce au soutien de l’Allemagne et de l’Autriche.
La portée du changement paradigmatique de la politique néerlandaise sera plus claire, une fois présentés les quatre principaux éléments de la Nouvelle Politique d’intégration et, surtout, après avoir comparé l’actuelle politique d’intégration avec celle mise en œuvre en 1979 par le gouvernement néerlandais en réaction aux actes de violence de jeunes immigrants des Moluques au milieu des années 1970.
Voici tout d’abord quelques termes et expressions fréquemment employés aujourd’hui dans l’arène politique et qui caractérisent la Nouvelle Politique d’intégration aux Pays-Bas : « devoir », « obligation », « obligatoire », « personne ayant le devoir de s’intégrer », « personne devant être intégrée », « contrôle d’intégration », « garantie d’intégration », « responsabilité individuelle et forces du marché », « naturalisation comme “premier prix” », « dénaturalisation », « Néerlandais naturalisé » et « Néerlandais de naissance » [3]. Récemment, le terme « hôte » a également ressurgi dans le débat politique sur les migrants [4].
Trois conceptions de l’intégration et du statut juridique des immigrants dans le droit communautaire et le droit néerlandais
Première conception : un statut juridique stable encourage l’intégration. Ce principe s’inscrit dans une longue tradition du droit communautaire : depuis 1968, il fait partie de la liberté de circulation des travailleurs. Depuis le début des années 1990, il caractérise également la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) concernant le statut privilégié des travailleurs turcs, basé sur l’Accord d’association CEE-Turquie du 12 septembre 1963. L’égalité de traitement, la consolidation du droit de séjour et le regroupement familial favorisent l’intégration. Cette approche était également à la base de la politique néerlandaise relative aux minorités depuis 1980.
Deuxième conception : la naturalisation ou le droit de séjour permanent sont la récompense d’une intégration réussie. Cette approche a été défendue à plusieurs reprises aux Pays-Bas dans les années 1990 par des politiciens conservateurs et chrétiens-démocrates, mais n’a pas pour autant, avant 2002, emporté l’adhésion de la majorité. Il y a encore peu de temps, le droit communautaire ignorait cette conception de l’intégration [5].
Troisième conception : un manque d’intégration ou une incapacité supposée d’intégration sont des motifs valables pour le refus ou le retrait du droit de séjour. Jusqu’à récemment, une telle « maturité d’assimilation » jouait seulement un rôle secondaire dans la politique d’immigration néerlandaise. Elle concernait en effet uniquement l’immigration en provenance des anciennes colonies [6].
Sous la pression de l’Allemagne, des Pays-Bas et de l’Autriche, quelques dispositions ont été incorporées en 2003 dans la directive communautaire sur le regroupement familial et dans la directive sur le droit de séjour permanent, qui reflètent la deuxième et la troisième conception [7]. Les principes fondamentaux et la plupart des dispositions des deux directives restent tout de même marqués par la première conception [8]
La transformation de la politique d’intégration aux Pays-Bas (1980-2005)
La Politique des minorités (1980-1990) constituait une réaction aux actes de violence perpétrés par des descendants d’immigrants des Moluques pendant les années 1970 (prises d’otages et occupation de trains, d’ambassades et d’une école) [9]. Suite à ces actes de violence, les principales mesures légales ont porté sur la consolidation du droit de séjour, l’égalité de traitement et la lutte contre la discrimination [10]. D’un point de vue culturel, un principe central mais vague s’appliquait : l’intégration et le maintien de l’identité culturelle. Les mosquées et les écoles islamiques ont été soutenues financièrement par l’Etat sur la base de la même législation que les églises et les écoles catholiques ou évangéliques. Le principal texte gouvernemental relatif à cette politique, la Note sur les minorités de 1983, prévoit des cours dans les langues maternelles, mais pas des cours d’apprentissage du néerlandais [11].
La Politique des allochtones (1991-2001) était déjà moins explicite [12]. La naturalisation a été facilitée, depuis 1992, par l’acceptation de la double nationalité. Ainsi, deux tiers des immigrants turcs et marocains possèdent désormais la nationalité néerlandaise en plus de celle de leur pays d’origine. Par ailleurs, avec la première guerre du Golfe, la problématique de l’islam a émergé. Au même moment, le manque de connaissance de la langue néerlandaise est apparu comme un problème.
Sur le plan national, les politiciens ont souvent exigé une participation obligatoire à des cours de langue. Cependant, le manque de connaissances linguistiques était surtout dû à une offre insuffisante et aux longues listes d’attente, et moins à une absence de volonté d’assister à ces cours. Au début des années 1990, les autorités ont commencé à organiser des cours de langue et à conclure des contrats d’intégration au niveau des villes. En 1998, la première législation sur l’enseignement de la langue est entrée en vigueur (Wet inburgering nieuwkomers) [13]. Cette politique comportait déjà plusieurs éléments axés sur l’assimilation, les aspects pluralistes se voyaient déjà en recul [14].
Depuis 2002, la Nouvelle Politique d’intégration a fortement été influencée par les attaques terroristes à New York et à Washington et par la campagne électorale et l’assassinat du politicien populiste Pim Fortuyn en mai 2002. Après le 11 septembre 2001, une certaine hostilité envers l’islam s’est développée dans la société, les entreprises et les relations de voisinage. Il y a eu aux Pays-Bas plus d’actes de violence à l’encontre de musulmans et de mosquées que dans les autres pays de l’UE [15]… Lors des élections parlementaires de mai 2002, une semaine après l’assassinat de Pim Fortuyn, le parti de ce dernier a remporté 15 % des voix pour devenir ainsi le troisième parti du Parlement. Il a tout de suite été intégré dans une coalition politique de centre-droit. C’est la première fois que ce gouvernement compte un ministre des Affaires relatives aux étrangers et à l’intégration appartenant au parti de Pim Fortuyn. Depuis, la politique d’intégration est mise au service de la politique d’immigration et des étrangers. En septembre 2002, une commission parlementaire a été mise en place à l’initiative du parti socialiste (« Socialistische Partij », extrême gauche) afin d’examiner la question de savoir pourquoi l’ancienne politique d’intégration des Pays-Bas s’était révélée aussi peu efficace, et non pas celle de savoir si cette politique a été efficace ou non [16] Au début de l’année 2004, la Commission a conclu dans un rapport très détaillé que l’intégration d’une grande partie des immigrants avait plutôt été couronnée de succès. Mais celui-ci n’établit pas clairement dans quelle mesure la politique d’intégration a contribué à ce résultat [17]. Les principaux dirigeants politiques des Pays-Bas ont cependant refusé de tenir compte de ce rapport et ont remis en question ses conclusions en exigeant une nouvelle politique d’intégration. Le gouvernement avait déjà présenté les grands principes de cette nouvelle politique en septembre 2003 [18] En avril 2004, les quatre piliers de cette nouvelle politique ont été détaillés dans un rapport, énonçant la nécessité de créer une série de tests de langue et d’intégration, d’abord dans le pays d’origine en cas de regroupement familial, et pour l’ensemble des immigrants, dès l’arrivée. Les immigrants séjournant pendant une longue période aux Pays-Bas, aussi bien les étrangers que les nationaux, devraient également passer un test. Un test de langue supplémentaire était prévu en cas de naturalisation.
Les principales modifications par rapport à la politique précédente sont les suivantes :
La culture des immigrants n’est plus perçue comme une richesse, mais comme un risque.
L’Etat ne fournit qu’un soutien limité pour l’intégration. L’acquisition de connaissances linguistiques relève de la responsabilité des immigrants, ils doivent en assumer entièrement, ou en grande partie, les coûts. Les lois du marché déterminent s’il existe une offre suffisante de cours de langue.
Intégration n’est plus synonyme de pluralisme, mais d’assimilation (« Les immigrants doivent devenir comme nous »). Certains politiciens ont régulièrement critiqué le fait que les immigrants ne parlent pas le néerlandais chez eux.
Le changement paradigmatique se traduit de la façon la plus flagrante par le fait que la politique n’est plus influencée par la première conception de l’intégration et du droit, mais majoritairement par la deuxième et la troisième conception.
L’inclusion de tests de langue et d’intégration dans le droit des étrangers devient un nouvel instrument de sélection et d’exclusion [19].
Divers exemples montrent que, de fait, la NPI mise plus sur l’assimilation que sur l’intégration. Tout soutien public à l’apprentissage de la langue et de la culture des immigrants a été interrompu. La législation concernant l’enseignement de la langue maternelle à l’école primaire pour les groupes d’immigrants les plus importants a été abolie en 2004 [20]. La disposition de la Charte sociale européenne révisée, selon laquelle il faut, dans la mesure du possible, proposer aux enfants d’immigrants un enseignement dans leur langue maternelle (article 19 paragraphe 12), n’a pas été ratifiée par les Pays-Bas [21]. Le fait que la Convention n°143 de l’Organisation internationale du travail sur les travailleurs migrants (Convention sur les travailleurs migrants – dispositions complémentaires de 1975) comprenne une disposition similaire sur les relations culturelles des immigrants par rapport à leur pays d’origine est désormais un argument supplémentaire pour ne pas ratifier ce traité [22] On a recommandé aux autorités étatiques, aux villes et aux organisations privées de ne plus fournir d’informations pratiques écrites ou orales aux grands groupes d’immigrants dans les langues de leur pays d’origine, car cela pourrait constituer « un mauvais signal [23] ». Lors de la ratification de la Convention européenne pour la protection des minorités nationales en 2004, les Pays-Bas ont limité l’effet de ce traité aux Frisons [24]. Le gouvernement précédent avait proposé de protéger également les grands groupes d’immigrants, par exemple les Turcs et les Marocains en tant que minorités nationales. Le gouvernement de centre-droit en 2004 s’est cependant résolu à ne reconnaître et à ne protéger officiellement que la culture frisonne. En juin 2005, un projet de loi pour la modification de la loi sur la nationalité a été proposé au Parlement. Il vise entre autres à ce que les conjoints étrangers de Néerlandais renoncent à leur nationalité d’origine lors de la naturalisation [25]. Ce projet de loi a été justifié par l’argument selon lequel cette mesure devait encourager l’intégration de conjoints étrangers dans la société néerlandaise [26].
Les principales caractéristiques de la nouvelle politique d’intégration
Depuis 2003, le gouvernement prépare un système de trois tests d’intégration. L’idée est de contrôler l’intégration des immigrants à trois moments différents. Les règles vont s’appliquer à différents groupes et un immigrant va parfois devoir passer avec succès plusieurs contrôles successifs. A chaque test, les exigences concernant les connaissances linguistiques et les notions sur la société néerlandaise vont se renforcer. Si le test d’intégration a lieu dans le pays d’origine, les immigrants devront connaître et comprendre environ 500 mots (niveau A1 moins). Ensuite, après leur arrivée, des connaissances de niveau A1 vont être exigées et, au moment de la demande d’obtention de l’autorisation de séjour permanente ou la naturalisation, leurs connaissances linguistiques devront atteindre le niveau A2 [27].
Test d’intégration dans le pays d’origine en cas de regroupement familial
Depuis juillet 2004, le Parlement a reçu une proposition de loi pour la modification de la loi sur les étrangers. Pour obtenir un visa pour le regroupement familial, un nouveau test linguistique d’intégration est requis [28]. A la fin de l’année 2002, tous les grands partis avaient exigé l’introduction de tels tests afin d’éviter que les jeunes Turcs et Marocains cherchent un conjoint dans le pays d’origine ou dans un autre pays étranger [29]. Le test doit être effectué dans les ambassades néerlandaises par appel téléphonique avec un système informatique situé aux Etats-Unis [30]. L’immigrant doit connaître environ cinq cents mots, sans que personne ne sache exactement de quels mots il s’agit. Il n’existe pas de véritable offre de cours organisée à l’étranger. Les membres des familles doivent donc se préparer aux tests à leurs propres frais.
L’examen à l’ambassade est divisé en deux parties, un test linguistique et un contrôle des connaissances sur la société néerlandaise. Les candidats doivent répondre à vingt questions d’un ouvrage comprenant deux cents questions, il est donc possible d’apprendre toutes les réponses par cœur. La seconde partie de ce test correspond essentiellement aux épreuves que le Royaume-Uni organise depuis le 1er novembre 2005. Cependant, le test néerlandais doit être effectué avant l’arrivée dans le pays et non, comme en Grande-Bretagne, pendant le processus de naturalisation après un séjour dans le pays d’arrivée d’au moins cinq années.
Les ressortissants de l’UE ne doivent pas se présenter à ce test et il en va de même pour le moment pour leurs conjoints de pays tiers, mais le conjoint étranger d’un ressortissant néerlandais doit, lui, réussir le test.
Le gouvernement s’attend à ce que cette mesure entraîne une diminution conséquente du regroupement familial. Au cours des délibérations de la Deuxième Chambre du Parlement néerlandais, un député conservateur a soulevé à plusieurs reprises le problème suivant : la loi d’amendement est-elle un succès, si 80 % des candidats échouent au test [31] ? Pendant les délibérations, la ministre a expliqué : « Avec cette loi, nous frôlons les limites du droit au respect de la vie familiale inscrit à l’article 8 CEDH [32] ». En avril 2005, la Deuxième Chambre a accepté la proposition de loi à la majorité. Le test devait être introduit le 1er juillet 2005. En effet, un grand nombre d’ambassades néerlandaises disposaient déjà de cabines téléphoniques. Un léger problème subsistait tout de même : outre toute une série de questions juridiques, morales et d’intégration politique, un groupe d’experts est arrivé à la conclusion unanime, en novembre 2005, que le logiciel informatique américain acheté par le ministère de la Justice néerlandais ne se prêtait pas au contrôle linguistique prévu. Personne ne connaît le fonctionnement exact du logiciel informatique. Quoi qu’il en soit, six experts ont expliqué que les tests linguistiques en question ne pourraient être effectués à l’aide dudit programme [33] Malgré cela, la Première Chambre a également voté à une grande majorité le projet de loi en décembre 2005 [34] Les membres de familles venant du Canada, des Etats-Unis, d’Australie, de Nouvelle-Zélande, du Suriname, du Japon et de Corée du Sud sont dispensés de ce test.
Durand la première année, 4 700 candidats au regroupement familial ont passé le test, alors que les prévisions du gouvernement s’élevaient à près de 17 000 tests par an. Seuls 10 % des personnes ayant passé le test ont échoué. Ce résultat a immédiatement provoqué un nouveau débat politique sur sa trop grande facilité. Tout d’abord, la nouvelle ministre de l’Intégration et de l’Urbanisation, Ella Vogelaar, membre du parti social-démocrate dans le gouvernement centre-gauche entré en fonction printemps 2007, a proposée d’élever le niveau du test afin qu’in fine, au moins 25 % des candidats échouent. Fin 2007, il a été décidé d’élever le niveau du test à partir de mars 2008, dans le but que 15 % des candidats échouent [35]. Le test est donc évidemment utilisé comme un instrument à part entière de la politique d’immigration.
Test d’intégration pour les immigrants étrangers après leur arrivée
Le projet d’une nouvelle loi d’intégration (Wet inburgering) a été présenté en septembre 2005 [36] en remplacement de la loi de 1998. Elle prévoit que les immigrants originaires de pays hors UE doivent passer avec succès un test de langue et d’intégration trois ans – pour les immigrants qui ont déjà passé le test plus simple dans leur pays d’origine – ou cinq ans – pour les autres immigrants – après leur arrivée. Les ressortissants de l’UE et (provisoirement) les membres de leur famille ne sont pas tenus à cette obligation. Les conséquences en cas d’échec relèvent en majeure partie du droit des étrangers : il est prévu que les autorités puissent refuser la modification du motif de séjour. Elles peuvent également refuser l’introduction d’une autorisation de séjour permanente ou, pour les conjoints, une autorisation de séjour indépendante.
Il existe trois différences majeures par rapport à la loi allemande relative au séjour des étrangers. Premièrement, le niveau des connaissances linguistiques requis est nettement supérieur. Deuxièmement, il n’existe aucun soutien public pour les cours de langue. L’offre est laissée aux mains du marché. Troisièmement, d’après les dispositions réglementaires, les conséquences juridiques du droit de séjour (pas d’autorisation de séjour indépendante ou de durée illimitée) doivent en règle générale être imposées si le test n’a pas été réussi.
Test d’intégration pour les immigrants effectuant un séjour de longue durée (étrangers et citoyens néerlandais)
Le projet de loi de septembre 2005 prévoyait également un test d’intégration pour les immigrants qui vivent déjà depuis longtemps aux Pays-Bas, qu’ils soient naturalisés ou non. Cette partie du projet était la plus contestée. En avril 2004, la ministre des Affaires relatives aux étrangers et à l’intégration a proposé une mesure incitant toutes les personnes vivant aux Pays-Bas et nées en dehors de l’UE à prendre contact avec leur commune pour attester d’une connaissance suffisante de la langue et de la société néerlandaises. Il s’est avéré que pas moins de quatorze des cent cinquante membres de la Deuxième chambre du Parlement néerlandais pouvaient être concernés par cette obligation [37]. En outre, la ministre s’est rendue compte que le critère sélectif du « lieu de naissance à l’intérieur ou à l’extérieur de l’UE » entraînerait, de manière indirecte, une discrimination fondée sur l’origine d’ordre ethnique [38]. Comme ce fut longtemps le cas en Allemagne, le terme de « discrimination raciale » est fermement évité dans le discours actuel sur la nouvelle politique d’intégration aux Pays-Bas.
Le projet de loi de septembre 2005 distingue trois types de citoyens néerlandais :
Premièrement, les Néerlandais de naissance : on présume chez eux des connaissances suffisantes de la langue et de la société [39], même s’ils sont nés en dehors des Pays-Bas.
Deuxièmement, les Néerlandais antillais : les immigrants nés dans l’une des six îles caribéennes appartenant toujours au royaume néerlandais doivent effectuer un test d’intégration mais l’apprentissage de la langue est aux frais de l’Etat [40]
Troisièmement, les Néerlandais naturalisés [41] : pour le moment, ils doivent assumer eux-mêmes les coûts de leurs cours d’intégration. S’ils réussissent le test d’intégration dans le délai prévu par la loi, l’Etat leur rembourse au maximum la moitié des frais. Les personnes qui n’effectuent ou ne réussissent pas le test doivent s’attendre à des sanctions : les habitants étrangers risquent des sanctions relevant du droit des étrangers tandis que les ressortissants néerlandais risquent des amendes pouvant aller jusqu’à 500 euros par année de retard. Certes, les nouvelles obligations ne s’appliquent pas à tous les Néerlandais naturalisés, mais aux Néerlandais de « troisième catégorie ». Le projet de loi a prévu une obligation pour les trois groupes de Néerlandais naturalisés : les bénéficiaires d’aides sociales ou les bénéficiaires d’indemnités d’assurances sociales, les parents d’enfants mineurs et les religieux (les imams) [42] Ensemble, ces trois groupes englobent la majeure partie des Néerlandais naturalisés. Le projet prévoit également d’introduire un test d’intégration pour les Néerlandais majeurs naturalisés. Il part du principe que les exigences posées lors de la naturalisation d’immigrants, il y a 5, 10 ou 20 ans, n’étaient pas suffisamment strictes. Ces personnes naturalisées doivent pour ainsi dire être rebaptisées avant de pouvoir à nouveau être traitées comme des citoyens égaux en droit.
Le projet de loi propose de créer un registre central pour tous les habitants ayant cette obligation d’intégration [43] Etant donné que les Néerlandais de naissance et les citoyens de l’UE ne tomberont pas dans le domaine d’application de la loi, le fichier électronique comprendra uniquement des habitants qui ne sont pas Néerlandais « de souche ». Les personnes répertoriées seront majoritairement originaires de Turquie, du Maroc ou de pays africains, asiatiques et américains. Ainsi, le dossier comportera probablement la grande majorité des musulmans adultes vivant aux Pays-Bas. En lisant le projet de loi, on en vient donc à estimer les côtés positifs du modèle républicain français qui postule au moins l’égalité formelle des citoyens.
Les conséquences du projet de loi sur les relations entre les immigrants et la majorité de la population n’ont, de toute évidence, aucune importance aux yeux du gouvernement. Selon nous, la sinistre intention du gouvernement est vouée à l’échec car ces nouvelles obligations et ces projets de constituer une base de données sont incompatibles avec le traité de l’ONU sur la discrimination raciale [44], avec la directive de l’UE contre la discrimination raciale [45] ainsi qu’avec les clauses d’égalité de traitement et de statut quo de l’Accord d’association CEE-Turquie [46]. La protection du droit d’association ne se perd pas avec la naturalisation [47]
Le projet de loi introduit toute une série de nouveaux termes. Dans la plus récente édition de la liste officielle du vocabulaire néerlandais, il n’existe que trois entrées qui commencent par « intégration », à savoir : « cours d’intégration », « politique d’intégration » et « projet d’intégration » [48] Dans le projet de loi et sur les cent vingt-deux pages de l’exposé des motifs, un grand nombre de nouveaux termes et expressions sont, en revanche, apparus dans le lexique gouvernemental : « personne ayant le devoir de s’intégrer », « personne devant être intégrée », « garantie d’intégration », « exigence d’intégration » et « contrôle d’intégration ». Contrairement aux combinaisons de mots traditionnelles, les néologismes ont, la plupart du temps, une connotation négative. Dans les explications du projet de loi, les expressions « devoir d’intégration » et « personne ayant le devoir de s’intégrer » sont utilisées plus de sept cents fois et l’expression « contrôle d’intégration » à plus de deux cents reprises. Le terme « cours d’intégration », pour sa part, n’est utilisé que soixante fois car le gouvernement considère que l’offre de cours n’est plus de son ressort et souhaite la céder aux lois du marché.
La contestation des communes et des ONG allant grandissante, la Deuxième Chambre a obligé la ministre Rita Verdonk à demander l’avis du Conseil d’Etat néerlandais qui, en août 2006, a confirmé que l’introduction d’une obligation pour Néerlandais naturalisés ou antillais serait effectivement incompatibles avec avec les obligations internationales et européennes. Puis le gouvernement a limité la portée de la loi aux étrangers : elle ne s’applique plus aux citoyens néerlandais. Pour les Néerlandais issus de l’immigration, des cours de langue et d’introduction à la société néerlandaise sont offerts, comme sous l’égide de l’ancienne loi d’intégration de 1998. La nouvelle loi sur l’intégration est entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Le premier effet visible a été une réduction importante du nombre des nouveaux participants aux cours d’intégration. Très peu d’immigrants se sont inscrits à des cours de langue en 2007. Les immigrants qui sont obligés d’emprunter 5 000 ou 7 000 euros pour les frais d’apprentissage ont apparemment estimé que le risque que ce montant soit perdu était trop grand. L’immigrant est remboursé d’une partie de ses frais, mais seulement s’il passe le test dans le délai prévu par la loi. En janvier 2008, le nouveau gouvernement de centre-gauche a décidé de modifier l’essentiel de la nouvelle loi sur l’intégration un an seulement après son entré en vigueur. Les communes seront désormais libres d’offrir des cours de langue et d’intégration, financés par les moyens publics à tous les étrangers qui en ont besoin [49].
Test d’intégration lors de la naturalisation
Le test d’intégration lors de la naturalisation constitue la seule des quatre mesures centrales de la nouvelle politique d’intégration qui avait déjà été introduite avant que la NPI n’ait été formulée en 2004. La base légale, déjà adopté en 2000, est entrée en vigueur en avril 2003 [50].
Ce test d’intégration comporte deux parties. Tout d’abord, les candidats doivent répondre sur ordinateur à des questions à choix multiples concernant la société néerlandaise. Les questions et les sujets ne sont pas connus d’avance. Il n’existe pas, comme au Royaume-Uni, de livre ou de brochure comportant toutes les questions possibles. L’immigrant ne peut donc pas se préparer spécifiquement pour ce contrôle. Le juriste du ministère de la Justice, responsable du développement de ce test, a justifié cette situation en déclarant : « Le candidat doit ressentir et non pas acquérir les connaissances nécessaires pour l’obtention de la nationalité néerlandaise ». Les personnes qui ne réussissent pas le test peuvent se représenter après un délai de six mois. Une fois cette partie du test réussie, un test linguistique de trois heures doit être effectué. Au cours de ce contrôle, l’examinateur vérifie que les candidats à la naturalisation savent lire, écrire et parler le néerlandais. Après l’introduction du nouveau test, le nombre de personnes naturalisées a diminué de 50 %. Parmi les étrangers nationalisés en 2003 et 2004, 85 % ont été exemptés de ce nouveau test d’intégration car ils disposaient d’un baccalauréat néerlandais ou d’un autre diplôme équivalent [51]. L’introduction du test d’intégration lors de la naturalisation a donc majoritairement entraîné une sélection en fonction du niveau de formation des immigrants [52].
La ministre Rita Verdonk a qualifié à plusieurs reprises la naturalisation de « premier prix » de sa politique d’intégration [53]. Tout d’abord, cette qualification nous a profondément choqué. Désormais, il nous semble qu’elle décrit parfaitement le résultat de la Nouvelle Politique d’intégration : dans tout concours, peu de personnes sont susceptibles d’obtenir un « premier prix ». Il est plus qu’incertain qu’un immigrant puisse remporter le « premier prix » dans la loterie de cette nouvelle politique d’intégration. La seule chose qui est certaine, c’est que les immigrants avec un niveau de formation peu élevé ne peuvent s’attendre à un traitement égalitaire qu’à partir du moment où ils ont le droit d’opter pour la nationalité néerlandaise selon une procédure de naturalisation simplifiée et sans test d’intégration. Cette naturalisation facilitée suppose un séjour légal ininterrompu de 15 ans, mais elle n’est possible que pour les immigrants mariés à un Néerlandais, qui sont âgés de 65 ans ou plus, ou qui avaient moins de quatre ans lors de leur arrivée [54].
En 2005, le gouvernement de centre-droit a introduit pour chaque commune l’obligation d’organiser, au moins une fois par an, une cérémonie de naturalisation avec la présence obligatoire des nouveaux citoyens [55]. Ces cérémonies ne sont pas, pour nous, représentatives de la tradition civique des Pays-Bas. Elles illustrent bien l’américanisation de notre culture. Dans la Deuxième Chambre, il y a eu un sérieux débat sur le fait de savoir si les nouveaux citoyens devaient chanter l’hymne national lors de cette cérémonie [56]. Heureusement, cette proposition a été refusée à la majorité. Est-il raisonnable de faire chanter aux récents Néerlandais qu’ils sont « de sang allemand » et qu’ils ont toujours « honoré le roi d’Espagne » ? Les deux passages figurent bel et bien dans la première strophe de l’hymne national néerlandais.
Il nous semble que cette politique d’intégration est malhonnête à plusieurs égards. Tout d’abord, elle parle d’« intégration » lorsque, de toute évidence, elle veut dire « sélection » et « marginalisation ». Les tests sont, ensuite, plutôt injustes. Plusieurs experts employés par le ministère de la Justice ont avancé de solides arguments pour mettre en doute la fiabilité des tests effectués par ordinateur à l’étranger. La ministre Rita Verdonk a déclaré en 2005 que les nouveaux tests de langue et d’intégration lors de la naturalisation étaient au moins aussi difficiles que les tests de naturalisation (contestés) en Lettonie [57]. Enfin, les immigrants disposant d’un niveau de formation et d’un salaire peu élevés doivent fournir davantage d’efforts et débourser plus d’argent pour réussir les tests que les immigrants bien formés et aisés.
Hôtes
De toutes autres mesures sont également justifiées au nom de la nouvelle politique d’intégration. En octobre 2005, la ministre Rita Verdonk a proposé d’élargir les motifs d’expulsion à la suite de délits. Jusqu’alors, un étranger ayant séjourné légalement sur le territoire depuis plus de 15 ans n’était expulsé qu’en cas de grave criminalité liée à la drogue, et il n’était expulsé après 20 ans de séjour légal que s’il était impliqué dans des activités criminelles graves liées à la drogue, et il ne pouvait l’être après 20 ans de séjour légal. Cette règle était une conséquence de la politique des minorités de l’époque. La ministre a expliqué que sa proposition pour la suppression de la protection contre l’expulsion était en accord avec la nouvelle politique d’intégration. Elle a ajouté : « Les étrangers sont nos hôtes et doivent respecter notre législation et nos normes. À défaut de le faire, ils doivent s’attendre à être expulsés ». Au cours des délibérations parlementaires pour le projet d’élimination de la protection contre l’expulsion, les députés et la ministre des Affaires relatives aux étrangers et à l’intégration, Rita Verdonk, ont désigné douze fois les immigrants comme des « hôtes » [58]. Après plusieurs décennies, les travailleurs étrangers arrivés dans les années 1960 sont devenus des immigrants. Désormais, ces travailleurs et leurs enfants sont de nouveau considérés comme des « hôtes ». Qualifier l’élimination de la protection contre les expulsions comme élément encourageant l’intégration relève à selon nous du cynisme, de la bêtise ou des deux.
Réaction étatique face aux actes de violence commis par les enfants d’immigrants
Au cours des années 1970 à 1977, des jeunes Moluquois ont perpétré de nombreux actes de violence (prises d’otages et autres menaces). Au total, quinze personnes sont mortes lors de ces actes de violence et pendant la libération des otages. A l’époque, la réaction du gouvernement et des autorités étatiques fut la suivante : poursuite en justice des coupables, dialogue officiel et déclarations conciliantes des politiciens. Le Premier ministre avait qualifié la prise d’otages de « défaite » pour la politique de coexistence pacifique de différents groupes de la population. L’égalité en droit, l’accès des immigrants au travail dans les entreprises privées et dans les services publics ainsi que l’introduction de la politique des minorités ont été encouragés. Lorsqu’à l’époque un député conservateur a appelé à l’expulsion collective des auteurs des délits moluquois, il a été condamné pour incitation des masses [59]
Le 2 novembre 2004, Theo van Gogh, cinéaste néerlandais controversé, était brutalement assassiné par un jeune islamiste, un Néerlandais d’origine marocaine. Cet acte a été suivi d’une vague d’incendies criminels dans des mosquées et des églises. Une école primaire musulmane a été brûlée. Depuis 2003, plusieurs procédures pénales ont été déclenchées à l’encontre d’un petit groupe d’islamistes extrémistes accusés d’avoir planifié des actes terroristes et d’avoir proféré des menaces contre des dirigeants politiques. Certaines procédures ont débouché sur un acquittement et certains islamistes ont été condamnés. Cette fois, les politiciens et les autorités ont réagi de la manière suivante : poursuite des coupables (présumés), déclarations officielles inquiétantes (le vice-premier ministre a parlé de « guerre »), désignation des coupables comme « Marocains » et non pas comme Néerlandais, projet de loi prévoyant la déchéance de la nationalité des auteurs de délits ayant double nationalité, expulsion de trois imams d’une mosquée fondamentaliste et création de centaines de nouveaux postes pour les services secrets, notamment pour implanter des antennes extérieures au Maroc, au Pakistan et en Arabie saoudite. La nouvelle politique d’intégration que nous avons présentée ci-dessus est en grande partie le fruit de cette réaction [60].
Comment expliquer la différence très nette entre la réaction actuelle et la réaction du gouvernement néerlandais aux actes de violence commis par des jeunes immigrants moluquois dans les années 1970 ? Il nous semble que cette question n’a pas encore été posée dans la presse et dans le débat politique.
Nous pouvons y voir trois explications possibles :
Premièrement, les élections parlementaires, organisées peu après l’assassinat de Pim Fortuyn, ont montré qu’aux Pays-Bas, environ 15 % des électeurs étaient prêts à donner leur voix à un parti qui tient des propos xénophobes. Cette réaction a beaucoup inquiété les politiciens des partis traditionnels et les a encouragés à adopter des positions qui semblent bien éloignées de leurs principes [61].
Deuxièmement, la politique actuelle est beaucoup plus influencée par l’image libérale que les Néerlandais ont d’eux-mêmes que pendant les années 1970. Après avoir décrit la nouvelle politique d’intégration, on s’aperçoit que celle-ci est singulièrement restrictive au regard des politiques adoptées dans les autres pays d’Europe. En réponse aux questions sur les exigences en matière de connaissances linguistiques requises pour obtenir la naturalisation dans d’autres pays européens, la ministre Verdonk a pris pour exemple la Lettonie, le seul Etat membre du Conseil de l’Europe ayant explicitement défini le niveau linguistique lors de la naturalisation sur A1 du Common European Reference Framework [62]. La ministre s’est donc référée à un Etat qui, lors des quinze dernières années, a été critiqué de manière répétitive par le Conseil de l’Europe et l’UE à cause de sa politique de naturalisation extrêmement restrictive. Aux Pays-Bas, un niveau encore plus élevé (A2) est exigé depuis 2003. La fausse image libérale apparaît comme une justification permanente pour de nouvelles mesures restrictives.
Une troisième explication est la mobilisation de préjugés contre l’islam vieux de plusieurs siècles, comparables à ceux dirigés contre les juifs et les roms. Depuis 2001, ces anciens préjugés se sont répandus dans toutes les couches de la société néerlandaise. On les a retrouvés chez des syndicalistes, des dirigeants politiques, un évêque catholique, en passant par des lettres de lecteurs sur la défense de la chrétienté et le siège de Vienne par les Turcs.
Notre quatrième explication est que, pendant les années 1970, les actes de violence des descendants d’immigrants ont été considérés comme un problème isolé, un problème de la majorité de la population néerlandaise, des immigrants des Moluques et de l’Indonésie. Le fait que certains jeunes moluquois avaient des contacts avec des organisations palestiniennes et qu’ils ont été prétendument formés au Yémen n’a pas été médiatisé par les politiciens. Après les attaques terroristes à New-York et Washington (2001), Madrid (2004) et Londres (2005), la problématique néerlandaise a été considérée comme partie intégrante de la « lutte mondiale contre le terrorisme islamiste ».
Or, notre dernière explication n’a évidemment pas une grande portée. Cet argument ne prend pas en compte le fait que les réactions de la population et du gouvernement face aux immigrants en Espagne étaient beaucoup plus modérées et réfléchies après les attaques terroristes de Madrid en 2004. L’exemple espagnol nous montre que même dans l’état actuel de la politique internationale, il est possible de réagir autrement que par l’approche de la nouvelle politique d’intégration néerlandaise.
Nouveau changement de paradigme après 2006 ?
En 2006, le débat véhément sur la perte rétroactive de la nationalité néerlandaise porté par le député Hirsi Ali (du parti liberal-conservateur VVD) a provoqué la chute du gouvernement centre-droit et celle de la ministre Rita Verdonk, du même parti. En outre, les deux élections de 2006 – les municipales au printemps et les élections parlementaire en automne – ont vu une grande participation d’électeurs issue de l’immigration, des Néerlandais comme des étrangers attestant de plus de cinq ans de résidence, ce qui a visiblement été décisif pour la victoire des partis de gauche aux les élections municipales à Amsterdam, mais aussi pour la perte de vitesse du parti de Pim Fortuyn à Rotterdam. Ce résultat a entraîné un nouveau dilemme pour les politiciens des grands partis : si pour la première fois, 10 à 15 % des électeurs ont voté pour des listes des partis anti-immigrés, il est devenu clair que, de l’autre coté du spectre, il y aussi 10 % des électeurs issus de l’immigration qui peuvent faire entendre leur voix. Les politiciens des grands partis sont désormais pris entre deux feus.
Dans le gouvernement de centre-gauche formé début 2007, le ministère de l’Immigration et de l’Intégration a été rebaptisé pour prendre le nom de ministère de l’Intégration et de l’Urbanisme, avec, à sa tête, Ella Vogelaar. Deux politiciens sociaux-démocrates issus de l’immigration ont été nommés Secrétaires d’Etat. L’un est responsable de l’Immigration, l’autre de la sécurité sociale. La régularisation de plus de 25 000 demandeurs d’asile déboutés a constitué un troisième signe de changement. La terminologie des membres du nouveau gouvernement est également moins hostile et plutôt modérée. La ministre Vogelaar a ainsi dit, lors d’une interview, que dans quelques générations, l’islam fera partie de la culture néerlandaise. A la suite de ces propos, elle a essuyé des critiques sévères de la part de politiciens des partis de droite. Le projet de loi prévoyant la déchéance de la nationalité des auteurs de délits ayant double nationalité introduit par l’ancien gouvernement [63] a été retiré en 2007 par le nouveau gouvernement.
Il ne faut pas oublier que tous les grands partis politiques ont encouragé la NPI des trois gouvernements de centre-droit de 2002 à 2006. Enfin, ils ont tous voté pour les projets de loi de la ministre Rita Verdonk. Une seule députée, Fatma Koşer Kaya (membre du parti gauche libéral) a voté contre la loi sur l’intégration en 2006. La récente proposition de modification de la loi sur l’intégration est probablement un premier signe d’un retour à l’ancienne politique d’intégration néerlandaise, qui était moins symbolique et plus efficace.
NOTES
[1] Traduit de l’allemand par Nadia Taouil. Cet article est la version actualisée d’une présentation à un colloque qui s’est tenu à l’université de Bielefeld, du 17 au 19 novembre 2005. Nous remercions sincèrement Nadia Taouil pour la traduction de cet article. La version allemande est parue dans Davy U., Weber A. (Hrsg.), Paradigmenwechsel in Einwanderungsfragen ?, Baden Baden, Nomos Verlag, 2006, pp. 125-141.
[2] Klemperer V., LTI, la langue du troisième Reich : Carnets d’un philologue, Paris, Albin Michel, 1996.
[3] Termes utilisés en février 2005 dans la Deuxième Chambre (Tweede Kamer : TK), Handelingen (Hand.), TK 9 février 2005, p. 3123. Voir également la proposition de loi du gouvernement visant la modification de la loi sur la nationalité néerlandaise de juin 2005, TK 30166, n°1-2.
[4] Voir notre partie sur « Réaction étatique face aux actes de violence commis par les enfants d’immigrants ».
[5] Voir infra.
[6] Voir Ringeling A.B., Beleidsvrijheid van ambtenaren, Het spijtoptantenprobleem als illustratie van de activiteiten van ambtenaren bij de uitvoering van beleid, Alphen aan den Rijn, 1978 ; Samsom, Schuster J., Poortwachters over immigratie. Het debat over immigranten in het naoorlogse Groot-Brittannië en Nederland, Amsterdam, Spinhuis, 1999.
[7] Voir l’article 7(2) de la Directive 2003/86/CE relative au droit au regroupement familial, JO, 2003, L 251/12, et les articles 5(2) et 15(3) de la Directive 2003/109/CE relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, JO, 2004, L 16/44.
[8] Groenendijk C.A., « Rechtliche Konzepte der Integration im EG-Migrationsrecht, Zeitschrift für Ausländerrecht und Ausländerpolitik », ZAR, 2004, pp. 123-130 (version anglaise : “Legal concepts of integration in EU migration law”, European Journal of Migration and Law, 2004, pp. 111-126).
[9] Steijlen F., “Nationalism in exile, Nationalism among Moluccans in the Netherlands”, History of Ideas, 1951-1990, 1992, pp. 779-784.
[10] A propos de cette politique, voir Groenendijk C.A., « Die rechtliche Emanzipation der Einwanderer in Westeuropa », ZAR, 1985, pp. 74-79.
[11] Note sur les minorités, septembre 1983, TK 1982-1983, 16102, n°21, partiellement reproduite dans ZAR, 1984, p. 169 et suivantes.
[12] Groenendijk K., Penninx R., « Auf dem Wege zu einer neuen Einwandererpolitik in den Niederlanden ? », ZAR, 1989, pp. 69-174.
[13] Loi du 9 avril 1998, Staatsblad 261.
[14] Penninx M.J.A., « Après les assassinats de Fortuyn et de Van Gogh : le modèle d’intégration Hollandais en déroute ? », Critique internationale, vol.33, 2006, pp. 9-26 ; Penninx M.J.A., Garcés Mascareñas B., Scholten P., Policymaking Related to Immigration and Integration. A Review of the Literature of the Dutch Case, Amsterdam, IMISCOE report, 2005, www.imiscoe.org ; Leiprecht R., Lutz H., « Verschlungene Wege mit Höhen und Tiefen : Minderheiten- und Antidiskriminierungspolitik in den Niederlanden », in Vogel D. (Hrsg.), Einwanderungsland Niederlande – Politik und Kultur, Frankfurt am Main, IKO, 2003, pp. 83-118 ; Böcker A., Tränhardt D., Erfolge und Misserfolge der Integration – Deutschland und die Niederlande im Vergleich, Aus Politik und Zeitgeschichte, B26/2003, pp. 3-11 ; Böcker A., Groenendijk K., « Einwanderungs- und Integrationsland Niederlande, Tolerant, liberal und offen ? », in Taute I., Wielenga F. (Hrsg.), Länderbericht Niederlande, Bonn, Bundeszentrale für politische Bildung, 2004, pp. 303-361.
[15] Van Donselaar J., Rodrigues P.R., Monitor racisme en extreem-rechts, vijfde rapportage, Amsterdam/Leiden, Anne Frankstichting/Universiteit Leiden, 2002, p. 24 et suivantes ; European monitoring Centre on Racism and Xenophobia, Anti-Islamic Reactions in the EU after the Terrorist Acts against the USA, First report, octobre 2001, p. 2 et p. 18 ; Second report, novembre 2001, p. 2. Par la suite, la majeure partie des actes de violence a été perpétré au Danemark et aux Pays-Bas.
[16] TK 28689, n°1.
[17] Tijdelijke Commissie Onderzoek Integratiebeleid, Bruggen bouwen, Eindrapport, TK 28689, n°8-9, 19 janvier 2004.
[18] TK 29203, n°1.
[19] Pour une description et une évaluation détaillées de cette politique, voir : Groenendijk C.A., « Integratie en uitsluiting in het Nederlandse vreemdelingenrecht », in Boeles P., Lodder G.G., Integratie en uitsluiting, La Haye, 2005, pp. 9-31.
[20] Loi du 24 mai 2004, Staatsblad 253.
[21] TK 29941, n°3, p. 28.
[22] Lettre du 15 juin 2004, TK 29427, n°3.
[23] TK 29203 n°1, p. 11.
[24] Le frison est une langue officiellement reconnue par la législation néerlandaise. Cette langue est parlée par une partie des habitants de la province Friesland, au Nord des Pays-Bas.
[25] TK 30166, n°1-2.
[26] TK 30166, n 3, p. 3.
[27] TK 29543, n°7, p. 5.
[28] TK 29700, n°1-2.
[29] TK 27083, n°25.
[30] Le 24 août 2004, le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung a déclaré à ce sujet : « Les personnes qui réussissent ce test par hotline sont bien préparées à l’Europe des centres d’appel ».
[31] Il s’agissait du député Visser (VVD), Hand. TK 16 mars 2005, p. 3887, 3889, 3904-3906.
[32] Hand. TK 22 mars 2005, p. 4021.
[33] TK 29700, n°30.
[34] A l’instar de la Deuxième Chambre, seuls les députés écologistes et le parti socialiste d’extrême gauche de la Première chambre ont voté contre le projet. Le VVD conservateur, le CDA chrétien-démocrate et la LPF populiste, mais aussi le PVDA social-démocrate et le D66 libéral de gauche ont voté en faveur du projet de loi.
[35] TK 29700, n°40-53.
[36] TK 30308, n°1-2.
[37] En 2004-2005, la Deuxième Chambre comptait 14 députés nés en Turquie, au Maroc, au Surinam ou au Cap Vert. Seuls les citoyens néerlandais peuvent être élus députés.
[38] Adviescommissie voor Vreemdelingenzaken, Van Contourennota naar Inburgeringswet, Juridische mogelijkheden tot een meer verplichtend inburgeringsstelsel, La Haye, décembre 2004, pp. 27-34.
[39] TK 30308, n°3, p. 14 et p.68.
[40] Article 58 du projet de loi.
[41] Article 3(1) du projet de loi.
[42] Article 3(1) (a)-(c) du projet de loi.
[43] Articles 45-49 du projet de loi.
[44] Convention internationale sur l’élimination de la discrimination raciale, articles 1(1) et 2(1) (a) de la Convention, qui était adoptée en 1965.
[45] Article 3(1) (f) et (g) de la directive 2000/43/CE relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de leur race ou origine ethnique, JO, 2000 L 180/22.
[46] Article 9 de l’accord d’association CEE-Turquie et article 13 de la décision du Conseil d’association 1/80.
[47] Comparer avec la situation des salariés ressortissants de l’UE, voir l’arrêt de la CJCE du 23 février 1994, C-419/92 (Scholz/Opera), 1994, 1-505.
[48] Woordenlijst Nederlandse Taal, Het groene boekje, Tielt/La Haye 2005 (Lannoo/Sdu), p. 465.
[49] TK 31318.
[50] Modification de l’article 8(1) (d) de la loi sur la nationalité néerlandaise par la loi du 21 décembre 2000, Staatsblad n°618 et Staatsblad 2003, n°113 et 118 ; arrêté royal du 25 avril 2002, Staatsblad n°197 (Besluit naturalisatietoets).
[51] INDIAC, Evaluatie naturalisatietoets, Onderzoek naar uitvoering en effect van de invoering van de naturalisatietoets, La Haye, septembre 2004, p. 33.
[52] Van Oers R., De naturalisatietoets geslaagd ?, Een onderzoek naar de totstandkoming en effecten van de naturalisatietoets, Nijmegen, Wolf Legal Publishers, 2006 ; Van Oers R., “From liberal to restrictive citizenship policies : the case of the Netherlands”, à paraître dans The International Journal on Multicultural Societies.
[53] TK 29200 VI, n°7, novembre 2003, p. 3 ; Hand. TK décembre 2003, p. 2486 ; TK 27083, n°63, juin 2004, p. 15 ; Hand. TK septembre 2004, p. 6075 et p. 6096.
[54] Article 6(1) (e), (g) et (h) de la loi sur la nationalité néerlandaise.
[55] Décision de la ministre des Affaires relatives aux étrangers et à l’intégration du 29 septembre 2005, Staatscourant, 12 octobre 2005, n°198, p. 10.
[56] TK 28689, n°34-36 et pour le débat, voir le n°37 du 28 juin 2005.
[57] TK 29543, n°7, p. 7.
[58] Hand. TK 2005-2006, pp. 582-607.
[59] Rechtbank Rotterdam, 19 février 1980, Nederlandse Jurisprudentie, 1980, 372.
[60] La proposition de modification de la loi sur la nationalité néerlandaise qui étend la possibilité de la déchéance de la nationalité et qui entend rendre plus difficile l’acquisition de la nationalité pour la deuxième génération et les partenaires étrangers de Néerlandais (voir les notes 2, 21 et 22) a été présentée en août 2004 en tant que mesure pour encourager l’intégration (TK 28689, n°19). Trois mois plus tard, quelques semaines après l’assassinat de Theo van Gogh, le même projet a été présenté en tant que mesure pour la lutte contre le terrorisme, TK 29854, n°3, pp. 7-8 et de Hart B., « Het probleem van dubbele nationaliteit, Politieke en mediadebatten an de moord op Theo van Gogh », Migrantenstudies, 2005, pp. 224-238.
[61] Leiprecht R., « Populismus und Popularisierung in den Niederlanden », Migration und Soziale Arbeit, 2005, pp. 141-152.
[62] TK 29543, n°7, p. 7.
[63] Voir note 56.