"Réfugiés" environnementaux ?
Dégradations environnementales et déplacements humains : constructions politiques de catégories sociales et dispositifs nationaux et internationaux de solidarité.
Appel du réseau scientifique TERRA à manifestation d’intérêt et à contributions sur un nouvel axe de recherche intitulé « "Réfugiés" environnementaux ? » sous la responsabilité de Chloé Anne Vlassopoulou (Université de Picardie, CURAPP-CNRS, Email : chloe.vlassopoulou@u-picardie.fr - Site : rubrique125.html) pour constitution d’une équipe de recherche, préparation d’un numéro de la revue en ligne Asylon(s) en 2008, d’un colloque international début 2009 et d’un projet d’ouvrage dans la Collection TERRA des Editions Du Croquant fin 2009.
Sommaire1. Contexte, domaine et modalités de réponse à l’appel 2. Eléments intéressant particulièrement le réseau TERRA |
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1. CONTEXTE, DOMAINE ET MODALITES
DE REPONSE A L’APPEL
Depuis quelques années dans les réseaux de spécialistes et depuis quelques mois dans les mass médias nationaux et internationaux la notion de réfugié environnemental est de plus en plus utilisée pour désigner des personnes victimes d’un sinistre environnemental qui sont contraintes, afin d’assurer leur survie, de quitter leur région de résidence habituelle. Le sinistre environnemental peut prendre la forme d’une dégradation progressive (montée des eaux liées au réchauffement climatique, désertification, déforestation, appauvrissement de la biodiversité, etc.) ou brutale (tsunami, tremblement de terre, inondation, irruption volcanique, etc.). L’emploi du terme « réfugié » renvoie aujourd’hui, pour les spécialistes du domaine de l’asile, à un référentiel idéologique et juridique de protection internationale construit à partir des articles 13 et 14 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (ONU 1948) et de l’article 1A2 de la Convention de Genève sur les Réfugiés (1951) qui, afin de protéger des persécutés victimes de leur Etat ou de son inaction, placent au cœur du concept de réfugié la notion de persécution ainsi que le franchissement d’une frontière internationale.
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Poussée par des acteurs aux intérêts et aux finalités parfois très différents (fonctionnaires internationaux, confédérations patronales, mouvements écologistes, mass médias, défenseurs des réfugiés…) la notion de réfugié environnemental connaît un succès qui semble tiré par des dynamiques aux significations ambivalentes :
La mise sur agenda politique de la problématique des réfugiés environnementaux avance rapidement : de nombreuses organisations publiques et non gouvernementales, tant au niveau national qu’international, initient depuis peu ou élaborent actuellement des programmes d’étude sur ce thème qui semble ainsi voué à occuper une place croissante au sein même de ces organisations et plus généralement dans l’espace public. La convergence de financements étatiques importants et de soutiens diversifiés dans la société civile, aussi bien d’acteurs proches des institutions publiques que d’acteurs plus souvent opposés à ces institutions, renforce ce processus d’émergence d’un nouveau problème public voire d’imposition de problématique et le succès de la notion de réfugié environnemental.
Depuis plusieurs année le réseau scientifique TERRA développe ses activités de recherche et de valorisation de la recherche dans une perspective de maîtrise de l’agenda scientifique par les chercheurs eux-mêmes au nom de l’autonomie du travail en sciences humaines. Ses activités ont contribué à mettre en avant des problématiques délaissées (camps d’étrangers, externalisation de l’asile, persécutions des femmes, asile sociétal, xénophobie de gouvernement…) en produisant et en valorisant des recherches sur ces domaines. Avec ce nouvel axe de travail « "réfugiés" environnementaux ? » la démarche est différente mais les finalités sont les mêmes : il ne s’agit pas de favoriser une problématique délaissée mais de raisonner sur un thème imposé par l’évolution du débat public en recherchant des angles d’études qui préservent l’autonomie du travail en sciences humaines ; et il s’agit d’éclairer les conditions d’émergence de cette problématique ainsi que ses effets politiques sur le monde de l’exil et des exilés tout en continuant de se préoccuper de la dégradation des soutiens au droit d’asile et aux exilés.
Dans cette double perspective, le domaine d’observation comprend notamment : • la mise en perspective historique des études monographiques de géographies locales, régionales et internationales de déplacements de populations liés à des dégradations environnementales ; • l’analyse secondaire et critique des données démographiques et des études prospectives concluant à l’augmentation massive des migrations environnementales dans un avenir proche ou lointain ; • l’étude des processus sociaux de mise sur agenda politique de la catégorie de réfugié environnemental et des catégories juridiques antérieures ou adjacentes ; • l’examen des implications de cette émergence conceptuelle et politique sur les représentations sociales relatives aux exilés et aux figures sociales qui s’y rattachent (migrants, réfugiés, victimes, miséreux, etc.) ; • l’identification des enjeux juridiques et politiques soulevés par la notion de réfugié environnemental dans le cadre de la Convention de Genève (1951) et des politiques publiques de l’asile ; • l’observation des organisations et des dispositifs de solidarité internationale tendant à relier les ressources des auteurs des dégradations environnementales et les besoins de ceux qui les subissent ; • la mise en relation des finalités et des dispositifs des systèmes de protection sociale caractéristiques de l’Etat-providence d’une part et de la prise en charge des réfugiés environnementaux au plan national ou international d’autre part…
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1.2 MODALITES POUR REPONDRE A L’APPEL
S’agissant d’une domaine d’étude relativement récent où les compétences et les spécialisations vont se former de manière progressive nous lançons un appel à manifestation d’intérêt très ouvert qui s’adresse à toutes les chercheurs en sciences humaines et sociales, de toutes disciplines, quels que soient leurs statuts professionnels et leurs organisations de rattachement et quels que soit l’état d’avancement de leurs recherches autour de ces sujets. Les étudiants de Master recherche et les Doctorants sont les bienvenus ainsi que les chercheurs travaillant dans des organisations administratives ou des associations.
Il y a trois manières de répondre qui peuvent se combiner :
1. Vous avez déjà écrit et/ou publié sur ces sujets. Le réseau scientifique TERRA peut valoriser ces écrits par des éditions ou rééditions en ligne mais également des rééditions d’articles importants dans des publications futures dans la Collection TERRA (Editions Du Croquant). Merci de nous envoyer vos articles publiés en document attaché par Email ou, s’ils sont déjà en ligne, leur adresse Internet.
2. Vous souhaitez contribuer dans nos publications futures notamment dans un numéro en préparation sur ce thème de la revue en ligne Asylon(s) pour 2008, dans le colloque international qui devrait avoir lieu en 2009 et déboucher sur un livre collectif. Merci de nous envoyer une proposition de contribution (en une page environ) accompagnée de l’adresse Internet vers votre site personnel ou de votre curriculum vitae.
3. Vous travaillez sur ces sujets depuis quelques temps ou vous souhaitez vous investir sur ce type problématique. Nous comptons organiser une équipe de recherche thématique sur cet axe en vue de séminaires, colloque et programmes de recherche. Merci de nous envoyer un projet de recherche en une page accompagnée de l’adresse Internet vers votre site personnel ou de votre curriculum vitae
Merci d’envoyer vos réponses par Email si possible immédiatement et au plus tard avant le 15 décembre 2007 à :
chloe.vlassopoulou@u-picardie.fr |
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2. ELEMENTS INTERESSANT PARTICULIEREMENT
LE RESEAU TERRA
L’étude des conditions d’émergence de ce nouveau problème public dit des « réfugiés environnementaux, climatiques ou écologiques », qu’il s’agisse de personnes déplacées dans leur pays ou exilées à l’étranger, nécessite une mise en perspective historique pour identifier comparativement ce qui est en lui nouveau et ce qui peu s’inscrire dans la continuité de l’histoire humaine depuis toujours marquée par des déplacement liées aux contextes et aux environnements.
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En effet, l’histoire ne manque pas d’événements qui sembleraient aujourd’hui relever de la migration environnementale mais qui sont restées dans la mémoire collective comme des accidents naturels et des catastrophes socio-économiques. Telles la grande phylloxéra en France ou en Péloponnèse et la crise des cultures irlandaises au XIXe siècle ou encore la grande tempête de poussière aux Etats-Unis dans les années 1930 qui ont généré des millions de migrants européens vers les Etats-Unis, et d’américains vers le Canada. Comment évoluent les représentations sociales et les conceptualisations politiques de ce type de problèmes dans le temps ? Quelle place leurs accordent les concepteurs des systèmes d’assurances sociales au tournant du 19ème et du 20ème siècle ? Pourquoi cette notion de réfugié environnemental n’émerge que ces dernières années et non dans les années 1960 de stabilisation du Welfare State et de gestation des premières politiques environnementales ? Quels acteurs soutiennent aujourd’hui la définition d’un problème public international des réfugiés environnementaux et avec quel discours justificateur ?
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2.2 – « RESPONSABILITE » LIEE AUX CAUSES
Qui dit définition d’un problème public dit identification de causes et par suite désignation explicite ou implicite de phénomènes ou d’acteurs considérés comme « fauteurs de problème ». Cette dimension du processus définitionnel est toujours complexe : les spécialistes de l’environnement, notamment, en commençant par G.P. Marsh et son œuvre majeur Man and Nature en 1869, ont mis l’accent depuis longtemps sur l’inextricable interdépendance entre actions humaines et des processus écologiques. Les crises environnementales, à de rares exceptions près, sont certes liées à des causes humaines : le changement climatique est rattaché au développement technologique (industrie, transports) source d’émissions de CO2 ; la déforestation est avant tout liée à l’exploitation démesurée des ressources forestières ; la dégradation des ressources naturelles peut être rattachée à l’agriculture intensive ou même à une stratégie politique ad hoc. Cependant, la difficile identification des rapports de causalité entre actes humains et faits naturels rend le partage des responsabilités souvent difficile voire même, dans certains cas, impossible. Bien loin du fameux principe pollueur-payeur, l’histoire des politiques de protection de l’environnement a surtout vu émerger des régimes d’inaction ou de responsabilité sans auteurs (faute de pouvoir / vouloir les repérer) répartissant les charges financières de préservation de l’environnement sur des collectivités de contribuables, locales ou nationales et plus rarement internationales. Non seulement il est souvent difficile d’identifier celui qui doit payer pour la gestion et/ou la résolution du problème d’environnement, mais les rapports de forces politiques sont fréquemment des obstacles aussi hauts que peu visibles dans ce type de démarche. Dans les configurations où s’exprime une demande de reconnaissance de la catégorie de réfugié environnemental, quelles régimes de responsabilités existent ou semblent envisageables tant pour l’identification des « auteurs » d’atteintes à l’environnement que pour l’imputation des charges financières produites par ces atteintes ? Quelle place occupent les sinistrés dans ce processus de définition des causes et des responsabilités ; sont-ils des victimes, des co-auteurs et de quels moyens disposent-ils pour faire valoir leurs vues face aux acteurs, locaux, nationaux et internationaux, intervenant dans le processus définitionnel ?
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2.3 – « RESPONSABILITE » RELATIVE AUX CONSEQUENCES
Qui dit définition d’un problème public dit aussi identification de ses conséquences et par suite désignation explicite ou implicite des acteurs qui doivent prendre en charge la « résolution du problème ». Cette dimension du processus définitionnel est également loin d’être simple. Potentiellement un problème public génère plusieurs conséquences. L’orientation des débats publics, les rapports de forces en présence, les climats d’opinion mais aussi le contexte politique du moment conduisent les acteurs à mettre en avant telle ou telle valeur sociale légitimant la visibilité d’une conséquence plutôt que d’une autre. En ce qui concerne les réfugiés environnementaux, les conséquences envisageables théoriquement sont aussi nombreuses et diverses que pour tout autre problème public : conséquence environnementale en référence à l’interaction homme-nature ; conséquence sécuritaire en référence à une identité nationale ‘menacée’ ; conséquence diplomatique en référence à la notion de souveraineté, etc. Cette dimension du processus définitionnel a (toujours) pour effet de légitimer différentes « compétences » et/ou « autorités à agir » notamment administratives, ministérielles ou intergouvernementales. Qui du Ministère de l’environnement, de l’Immigration, de la Diplomatie ou encore de l’UNEP, de l’UNHCR, etc. doit se définir comme l’opérateur principal de l’action publique et qu’est ce que cela implique en terme de choix politiques ? Le repérage des autorités publiques revendiquant la responsabilité du problème et l’étude du débat public que ce processus définitionnel génère sont d’une importance majeure si l’on veut comprendre le sens que prend la notion de réfugié environnemental dans les divers espaces infra ou supranationaux concernés par cet enjeu.
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2.4 – REFUGIES ET PERSECUTIONS
Un enjeu important concerne la notion de « persécution », clef de voûte du système idéologique et juridique issu de la Convention de Genève sur les Réfugiés (1951). A la fois indéfinie et centrale dans l’examen des demandes d’asile, l’idée de persécution semble loin de la figure sociale du réfugié humanitaire fuyant la guerre et disparaît de la figure, aujourd’hui hégémonique en occident, du réfugié économique. Elle paraît également éloignée de la figure du réfugié environnemental bien que pouvant dans certains cas y être rattachée. • D’un côté les « réfugiés sans persécutions » sont déclassés aujourd’hui dans des « protection subsidiaires », de courtes durées qui peuvent s’analyse comme des rejets différés dans le temps et participent à la fragilisation de la Convention de Genève et de sa définition du réfugié. Ces catégories de réfugiés contribuent à stabiliser les croyances en un monde sans persécutions où l’on ne connaît et reconnaît que la misère du monde, économique, humanitaire ou environnementale. Un monde sans responsable éthique ou politique des causes et conséquences de l’exil et sans justification de l’exil lointain. Sans persécution, sans menace intentionnelle et stratégique, il devient également impossible de justifier la reconnaissance de « l’exil lointain » étant donné que les « réfugiés » pourraient sembler n’avoir guère de raison de vouloir refaire leur vie loin de chez eux. • D’un autre côté, les atteintes à l’environnement sont dans certaines configurations rattachables à l’idée de persécution : lorsque des intérêts économiques et politiques, par exemple, poussent certaines populations autochtones à l’exil pour exploiter les ressources naturelles de leur contrée, la persécution mobilise divers registres dont la dégradation de l’environnement vital (déforestations, pollutions, etc.) ; il en va ainsi également pour l’ensemble des dégradation stratégique de l’environnement dans le cadre de conflits armés, de grands travaux d’aménagement ou d’exploitation des ressources naturelles, de tensions sociales, religieuses ou ethniques… Quelles articulations sont pensables et observables entre dégradation environnementale et persécution ? Est-ce que la problématique classique de la responsabilité dans le domaine de la protection de l’environnement suffit à rendre compte des tenants et aboutissants de la question précédente ? Quels effets latéraux sont susceptibles d’être produits par l’émergence de la notion de réfugié environnemental sur la définition même du réfugié ? A qui bénéficie une transformation éventuelle de cette définition ?
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2.5 – PROSPECTIVES OU PREDICTIONS ?
Les chiffres annoncées de migrations environnementales semblent peser aujourd’hui fortement sur l’importance accordée au « problème » dans l’espace public. Certains journaux parlent de millions de réfugiés environnementaux dans les prochaines décennies. Dans le climat idéologique de crainte d’un envahissement migratoire, caractéristique des cultures politiques contemporaines dans les pays riches, la tentation d’une utilisation stratégique de cette peur conduit parfois à des rapprochements sémantiques plus ou moins bien contrôlés entre les submersions des côtes par les mers et les submersions d’autres régions par les migrants environnementaux. On retrouve aussi dans ce débat une tradition d’alarmisme qui n’est pas nouvelle dans l’histoire des projections démographiques au 20ème siècle mais que l’alarmisme antimigratoire particulièrement exacerbé aujourd’hui tend à renforcer. On retrouve en outre un phénomène de construction numérique du problème voire de rumeurs statistiques qui, en passant de discours aux articles et des articles aux discours, s’impose comme un fait sans que l’on ne parvienne d’identifier les sources qui le fondent et la méthode employée. D’où viennent ces chiffres ? Comment peut on mesurer le problème alors qu’il n’y a pas encore eu consensus sur la définition du terme « réfugié environnemental » ? Est-ce celui qui quitte son pays dont l’environnement ruiné ne lui permet plus de subvenir à ses besoins ? Et qu’en est il de ceux, en l’occurrence plus nombreux, qui migrent au sein même des frontières nationales (migration interne) ? Est-ce le nombre de réfugiés qui définit la gravité du « problème » ? Et de quel problème parle-t-on : d’un problème d’environnement ou d’un problème de réfugiés ?
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2.6 – PROTECTION ASILAIRE ET / OU PROTECTION SOCIALE ?
L’un des enjeux susceptibles de devenir saillants dans certains espaces publics de débat est celui des relations complexes entre la « protection internationale » prévue par la Convention de Genève sur les Réfugiés et la « protection sociale » organisée nationalement, dans certains pays, au fur et à mesure du développement historique de l’Etat-providence. L’enjeu n’est pas construit sur une hypothèse d’école puisqu’il a déjà émergé aux Etats-Unis à propos des citoyens américains victimes par centaines de milliers des inondations et contraints à un déplacement interne. Lorsque certains journalistes américains ont commencé à en parler en termes de « réfugiés », ces citoyens ont massivement désapprouvé le qualificatif en refusant d’être considérés comme tels. Or il ne s’agit pas seulement d’un enjeu symbolique de classement social mais également d’un enjeu politique d’organisation des systèmes de redistributions des ressources. Couplée à la dynamique très récente de reconnaissance internationale des « réfugiés internes » dans le mandat du Haut Commissaire aux Réfugiés de l’ONU (UNHCR) la reconnaissance de réfugiés environnementaux peut déboucher sur de nouvelles manières de penser les solidarités internationales mais aussi sur de nouvelles manières de démanteler les référentiels et les systèmes de protection relevant du Welfare State. Les victimes de la montée des eaux induites par le réchauffement climatique sont-elles à prendre en charge par les principaux pays responsables du changement climatique (par exemple via un financement du HCR) ou nécessitent-elles l’invention d’une nouvelle branche de la « sécurité sociale » ? Vers qui seront envoyés, explicitement ou implicitement à travers le processus complexe de définition du problème, ces réfugiés environnementaux pour réclamer de l’aide : vers leur Etat sommé de trouver les ressources et de créer des système de redistribution ? Vers des Etats d’accueil sommés de rouvrir des systèmes de droit d’asile aujourd’hui fermés ? Ou vers la charité internationale d’une aide humanitaire au cas par cas ?
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2.7 – REFUGIES ET ENVIRONNEMENT ?
Enfin il faut prêter attention aux confusions entre le type de problématique qui vient d’être exposé et une toute autre problématique, beaucoup plus ancienne, qui relie d’une autre manière les termes « réfugiés » et « environnement » : la dégradation de l’environnement par la présence massive des réfugiés sur un territoire donné. Les besoins de survie des réfugiés, en l’absence de prise en charge internationale suffisante, les amènent à chercher à proximité les ressources naturelles dont ils ont un besoin vital notamment l’eau, le bois et la nourriture. Il en découle une surexploitation des ressources locales et une crise écologique. Les gestionnaires de camps, notamment le HCR et les ONG sous-traitantes du HCR, connaissent bien ce problème qu’ils ont intégré dans leurs protocoles de gestion des camps tant sur le plan matériel que sur le plan politique et diplomatique. Des réseaux d’experts se sont constitués pour étudier l’impact environnemental des réfugiés considérés ici comme une « cause » des dégradations environnementales. Cependant, les deux problématiques « réfugiés environnementaux » et « environnement des réfugiés » n’ont pas ou peu de liens entre elles malgré le fait que plusieurs facteurs concourent à les rapprocher : d’une part, les modalités de constitution automatisée du corpus bibliographique (base de données, moteurs de recherche, etc.) à partir des mots clefs « réfugiés » et « environnement » favorisent l’amalgame ; d’autre part, les experts et les organismes ayant acquis une « compétence » sur l’environnement des réfugiés se repositionnent sur le domaine émergent des réfugiés environnementaux, ce qui accentue certaines confusions conceptuelles. Quel impact ont les spécialistes du premier domaine sur les manières de penser le second ? En l’absence de points communs ces deux problématiques peuvent elles être abordées simultanément et au sein des mêmes cadres institutionnels ?
Le réseau scientifique TERRA – Le 15.11.2007