Nous allons dans cet article analyser le discours de sept
ONG [1] sur une population particulière : les
migrants clandestins en transit au Maroc, et dont l’aspiration est de venir en
Europe. Nous avons pu observer des différences entre ces discours qui
s’expliquent par les vocations spécifiques de chacune des ONG. Cependant des
similitudes importantes au sein de ces discours préexisteraient à ces
différences de fonds.
1 - A VOCATIONS DIFFERENTES,
DISCOURS DIFFERENTS…
Les ONG de défense des droits de l’Homme [2] :
Ces ONG ne tiennent pas de discours sur les migrants. On retrouve
très peu d’informations sur leur profil (sexe, age, nationalité, profession).
Le peu de données que nous avons recueilli sont très éparpillées et peu
détaillées. Les raisons de départ sont, elles, plus ou moins sous entendues.
Leurs explications sont vues comme évidentes et acceptées comme tel. On n’a
aucune information précise sur la vie de ces personnes dans leur pays d’origine.
Amnesty International (AI) nomme cette population, simplement « migrants »,
« personnes », « les réfugiés » (c’est le
seul qualificatif qui donne éventuellement une information sur leur présence au
Maroc). Dans d’autres articles nous avons pu glaner quelques rares informations
supplémentaires :
Sur
leur origine territoriale : « …quelques dizaines de migrants
d’Afrique sub-saharienne » [3]
Sur
leur statut et indirectement sur les raisons de départ : « …des
centaines de migrants, parmi lesquels des demandeurs d’asile… » [4]
Sur
leur profil physiologique : « …cinq hommes originaires d’Afrique
subsaharienne ont perdu la vie […] après la mort de deux hommes, dont un était
mineur. » [5]
AI donne aussi un autre type d’information, qui fait appel à l’expérience du
terrain par l’utilisation de témoignages. Les données sont censées être plus
précises mais la représentativité est délicate. Ainsi, AI retranscrit dans un
article du 26 oct 2005 le témoignage de jeunes migrants mais l’ONG insiste
davantage sur les difficiles conditions de vie au Maroc, et leur parcours
depuis le départ de leur pays d’origine.
Selon les témoignages, il apparaît qu’il s’agit d’hommes, environ de 20 à 30
ans, qui sont désignés par des initiales (pour la protection des témoins
d’éventuelles représailles).
« C.M,
originaire du Mali… » ; « A.L, originaire du Mali… »
« J.P
n’a pas trente ans. Originaire du Cameroun, il a quitté son pays il y a plus
d’un an, pour tenter d’échapper à la misère. »
« X
et Y font partie de quelque 500 migrants originaires de l’ouest de l’Afrique… »
« T.S,
23 ans, a quitté son pays natal,
A propos des motifs de départ, AI ne questionne pas sa réponse, les raisons des
migrants sont évidentes :
« Le
délit ? Avoir voulu fuir la misère, les persécutions ou la guerre. La
sentence ? La mort sans procès » [7]
« …des
délégués d’AI […] ont recueillis les témoignages de personnes cherchant à
échapper à la misère et à la répression, originaires pour la plupart, du centre
et de l’ouest de l’Afrique… » [8]
Les informations sont limitées aussi dans le rapport de l’APDHA [9]. Le profil des migrants est soit ignoré,
l’APDHA parle uniquement de « migrants irréguliers », soit
donné pèle mêle :
« …des milliers de migrants, demandeurs d’asile, étudiants, blessés,
femmes enceintes et enfants. » ; ou bien encore assez
vague : « Campus Universitaire d’Oujda : Il y avait près de
400 subsahariens toutes nationalités confondues avec une majorité nigériane… ».
En ce qui concerne les motivations du départ, on retrouve la même réponse
qu’AI, mais plus organisée et catégorisée :
« La plupart des migrants “économiques” (Mali, Sénégal, Cameroun,
Guinée, Gambie, Nigeria) ont déjà été rapatriés […] De fait, ne
restaient plus que les ressortissants des pays en guerre (Sierra Léone, Congo,
Côte d’Ivoire, Libéria), c’est-à-dire demandeurs d’asile… ».
On peut expliquer le peu d’information relative aux migrants et le flou
identitaire qui les entoure dans le discours de APDHA et AI car il s’agit d’ONG
de défense des droits de l’Homme. Leur principale préoccupation est de
constater et dénoncer toutes les atteintes aux droits humains fondamentaux.
Ainsi, leurs rapports et articles se basent tous sur la description des
violations de ces droits et leurs dénonciations. « A travers tous nos
communiqués, nationaux et internationaux, l’APDHA a exigé le respect des droits
humains et l’instauration de critères de solidarités dans les politiques
migratoires » [10].
Ce qui permet aussi de comprendre le peu d’information sur le profil des
migrants, c’est que peu importe qui sont les migrants pour ces ONG, ce qui
compte pour elles, c’est le respect des droits de cette population.
AI se définie comme « un mouvements mondial composé de bénévoles qui
oeuvrent pour le respect des droits de l’être humain » [11], et « sa seule et unique préoccupation
est de contribuer impartialement à la protection des droits humains » [12]. Il en va de même pour l’APDHA, leurs
actions ne nécessitent pas de faire ce genre d’étude car ils ne font pas de
distinction entre les différentes populations, ils agissent au nom d’une seule
caractéristique : l’être humain.
Les ONG de « soutien physique et
matériel » [13] :
Nous avons choisi de regrouper ces ONG ensemble et sous cette
appellation car elles sont sur le terrain et apportent directement un soutien
aux migrants.
Nous avons observé qu’il n’existe qu’un seul rapport émanant de
Les informations de ce rapport sont cependant à prendre avec précaution étant
donné que les enquêteurs de
Selon ce rapport, la population est majoritairement d’origine nigérienne.
Viennent ensuite les Maliens, les Camerounais et les Sénégalais. Les enquêteurs
ont aussi entendu parlé de la présence de quelques indiens et pakistanais, mais
ils n’ont pas pu vérifier leurs sources d’informations. Ils indiquent aussi que
la majorité des migrants dans les forêts sont des hommes jeunes : la
moyenne d’age est de 28 ans. La raison de ce jeune age serait dû, selon
Les femmes sont très minoritaires dans ces camps informels et les enquêteurs
n’ont pas pu avoir accès à elles, du fait du silence des autres migrants à ce
sujet et de l’impossibilité physique de rencontrer ces femmes
(« protégées » par des hommes du camp). Ils ne s’expliquent pas leur
présence, ce qui leur fait craindre leur exploitation par certains hommes. Ils
précisent la présence de bébés nés durant le voyage et de femmes enceintes,
mais indiquent qu’il n’y a pas d’enfants dans les camps. Ils soupçonnent
cependant la présence de mineurs de plus de 15 ans. De plus 46 % des migrants
sont des pères de famille et la grande majorité exerçait une activité
professionnelle. Ce qui amène aux raisons qui ont motivé le départ : 55%
ont fui à cause de persécutions politique et des guerres ; et 40% pour des
raisons économiques. Il nous faut préciser à nouveau que ces chiffres ne
peuvent être interprétés comme représentatifs de la réalité étant donné que les
enquêteurs ont privilégié la recherche de migrants susceptibles de demander
l’asile politique. Ils ajoutent, dans l’explication des migrations économiques
que « au-delà d’un travail qui permettra la survie de la famille, l’Europe
offre des perspectives de réalisation, d’accomplissement et de reconnaissance
qu’il est impossible de trouver dans leur pays d’origine. » [16]
MSF a aussi écrit un rapport en septembre 2005 sur la violence infligée aux
migrants, qui donne quelques informations supplémentaires [17]. Ce rapport est principalement tourné sur la
description des violences physiques et morales subies par les migrants ;
cependant les informations données sont complémentaires de celles de
MSF indique que les migrants sont formés aussi de femmes, de femmes enceintes
et d’enfants. Dans la région de Tanger par exemple, MSF a porté secours à 1500
– 2000 personnes qui se répartissaient en quatre catégories : 81 à 88%
d’hommes, 9 à 15 % de femmes, 1,2 à 2 % de femmes enceintes et 3 à 4 %
d’enfants. Selon MSF, la majorité était d’origine subsaharienne, mais l’ONG ne
donne pas d’informations plus précises sur les nationalités.
Contrairement à
Cette caractéristique, d’être sur le terrain, d’avoir des missions permanente,
permet à ces ONG d’être au contact avec les migrants, et donc d’avoir une idée
plus précise de qui ils sont. On comprend mieux alors pourquoi ce sont ces ONG
qui ont écrits les rapports et les articles les plus riches en informations.
Par exemple
Les ONG de « discours » [20] :
Nous avons choisi de regrouper ces ONG sous cette appellation car
elles n’ont pas de discours sur les migrants eux-mêmes, mais plutôt un
« discours » sur le discours et les actions des autorités marocaines,
espagnoles, européennes et onusiennes à ce sujet.
Il y a très peu d’informations sur le profil des migrants ; et une analyse
teinté de militantisme sur les causes et conséquences de cette situation est
largement produite.
Le réseau Migreurop [21] (qui centralise les informations sur le
sujet, venant d’une dizaine d’ONG membres) parle des « migrants, pour
la plupart subsahariens » [22], ou « africains de diverses
nationalités » [23]. Ce sont les seules informations que nous
avons pu recueillir.
Par contre, on trouve davantage de données dans la critique envers les
autorités citées ci-dessus. Il n’y a pas seulement une dénonciation et une
simple critique de faits, le réseau met en place une analyse plus approfondie
de la situation et va plus loin justement qu’une simple dénonciation de faits.
Au travers de cette analyse critique, on peut trouver un certains discours sur
les migrants :
« Pratiquant
une ouverture sélective, réservée à l’immigration “choisie” dont leur économie
a besoin, les Etats membres de l’UE, pour éviter d’avoir à accueillir ceux qu’ils
nomment “immigration subie” (les réfugiés, et plus généralement tous ceux qui
fuient la misère, les catastrophes environnementales et les conflits), sont
prêts à tous les reniements. » [24] Cette phrase entre parenthèse permet au
réseau de mettre en relief le manque de précision de l’UE dans sa définition
des migrants, de montrer que les représentations subjectives prennent le dessus
sur la réalité objective et surtout de nous montrer à nous qui sont les
migrants pour le réseau.
« Pour
tenter d’endiguer “l’invasion” de ceux qui sont désignés que comme des
“clandestins”, des murs de plus en plus haut sont érigés, des dispositifs de
plus en plus sophistiqués sont mis en place pour protéger de l’ennemi
subsahariens ces îlots d’Europe en terre africaine. » [25]
« C’est
désormais ouvertement que les migrants sont associés à la menace “terroriste”. » [26]
Cette critique des discours officiels remettent en cause un certain type de
modèle de pensée et d’action, et nous informe indirectement de la position (en
opposition) du réseau.
Il en va de même pour l’ATMF. Il y a peu d’informations objectives relatives au
profil des migrants, la plupart sont teintées de militantisme et d’orientation
idéologique.
On apprend uniquement par le fait d’une grève de la faim initié par des
migrants détenus sur la base marocaine de Berden que « participent à
cette grève des congolais (RDC), ivoiriens, libériens, ghanéens, sierra
léonais, camerounais, soudanais, pakistanais et indiens. » [27] On apprend furtivement aussi qu’il y aurait
« une dizaine de femmes ainsi que trois enfants (deux bébés et une
fillette de 8 ans) seraient détenus sur la base » [28].
Aussi, l’ONG a recueilli une série de témoignages de survivants maliens, mais à
titre de dénonciations de violations subies [29]
Le discours militant s’exprime principalement dans l’évocation des causes du
départ des migrants de leur pays :
« Les
victimes de la répression de Ceuta et Melilla ont d’abord souffert de la
violation de leurs droits économiques et politiques dans leurs propres pays et
pas seulement du fait de la corruption de leurs dirigeants. Les causes de leur
exil qui sont internes et externes ne sauraient être réduites à la pauvreté et
à l’extrême pauvreté dont l’issue serait la “bonne gouvernance”. Le fait
est que l’Europe, qui ne veut pas subir l’émigration, fait subir aux peuples
d’Afrique les conséquences de ses chois économiques, exacerbe les inégalités et
les injustices internes, criminalise et humilie les composantes les plus
vulnérables du néolibéralisme sur le continent. » [30].
« Les
victimes africaines du capital prédateur voulaient tout simplement se libérer
de la prison dans laquelle le FMI, le G8 et l’Europe les enferment » [31].
« Comme
l’attestent leurs témoignages, la majorité des refoulés maliens sont des jeunes
ruraux, qui savent à peine lire et écrire » [32].
Cette description des candidats maliens à l’immigration clandestine est faite
en comparaison aux maliens diplômés à qui l’Europe ouvre ses frontières. Il
s’agit là d’une critique envers l’Europe qui prendrait à l’Afrique ses
« cerveaux » : « Aussi l’immigration “choisie”
consiste-t-elle à entrebâiller les portes de l’Europe afin qu’y entrent les
médecins, les infirmiers, les informaticiens …dont elle a besoin en laissant
aux Etats africains le soin de gérer la grogne sociale » [33].
Un autre texte, à l’initiative de l’APDHA, qui reprend ces problématiques a été
signé par plusieurs ONG et est en ligne sur le site du réseau Migreurop, c’est
la « Déclaration Larache » [34] : « L’Europe ne peut pas
oublier ses responsabilités dans le désespoir des Africains qui tentent
d’arriver jusqu’à elle. […] L’Europe doit assumer sa responsabilité historique
et actuelle dans la situation de tout un continent qui compte aujourd’hui plus
de 100 millions de personnes d’une extrême pauvreté. L’Afrique et les Africains
ont été spoliés, dépouillés et condamnés à la dislocation et à la misère,
notamment par les entreprises multinationales. Et quand, fruit de leur
situation désespérée, ils tentent d’émigrer, l’Europe les empêche de le faire
légalement et ne leur laisse pas d’autre alternative que de tenter la terrible
traversée de l’émigration irrégulière. » [35]
La vision du discours de ces ONG montre que les raisons du départ seraient la
politique économique européenne et des grandes puissances, qui pille l’Afrique
de ses biens et ressources matériels et immatériels, pour leurs propres
profits. L’impérialisme des grandes puissances (notamment les pays européens)
et la colonisation seraient toujours en pratique derrière
On peut comprendre pourquoi ces ONG axent leurs actions sur la dénonciation et
les appels à changements de comportements, par le fait qu’elles ne sont pas sur
le terrain et offrent plutôt une vision plus globale et élargie de la
situation. Elles reprennent les informations de celles qui sont sur place et
analysent les composantes générales du contexte avec ces données.
Par exemple l’ATMF inscrit son identité dans la dénonciation des puissances
capitalistes dominantes, par ses luttes syndicales et ses luttes contre la
répression : l’ATMF se définit comme « un réseau d’ingénierie
associative basé sur le militantisme […] Elle plonge ses racines dans les
grandes luttes qui ont marqué l’histoire de l’immigration : Soutien aux
mouvements de libération des pays du Maghreb, luttes syndicales pour la dignité
des travailleurs immigrés, mobilisation contre le racisme et la xénophobie,
luttes contre la double peine. L’ATMF n’a cessé de lutter pour l’égalité des
droits et la citoyenneté de résidence. » [36]
Il en va de même pour Migreurop, la différence venant du fait qu’il s’agit d’un
réseau d’ONG. Le réseau prend finalement la « couleur » du discours
et de l’identité de ces membres.
2 - UNE FONDATION DU DISCOURS SUR DES BASES SIMILAIRES
L’analyse du discours des ONG a révélé qu’il n’y avait finalement
pas ou peu de discours sur les migrants. Cependant leur discours n’en est pas
moins vide comme nous venons de le voir. Les différences que nous avons
constatées sont de l’ordre de la structure de fond, maintenant nous allons voir
les similitudes qui préexistent à ces différences, et qui sont relatives à la
forme du discours.
Les sources :
Tout d’abord un discours se construit sur des sources
d’informations. Ici, il y a deux types de sources :
Les missions permanentes (MSF, CIMADE etc.) ou ponctuelles (ONG de défense de
droits de l’Homme), qui font apparaître dans le discours des informations plus
détaillées et approfondies sur les migrants et leur situation.
La reprise d’informations émanent de rapports et d’articles produits par
d’autres organismes (presse, gouvernements, ONG, OI, etc.). Il s’agit ici
principalement des ONG dites de « discours ». Les informations
reprisent sont utilisés pour alimenter un certain type d’analyse critique.
On remarque aisément que le discours n’est pas le même en fonction des sources,
car celles-ci l’orientent, alors même qu’il est, lui-même, à la base, orienté
par la vocation initiale de l’ONG.
Finalement il y a une circulation générale des informations entre les ONG,
qu’elles aient des missions ponctuelles, permanentes ou bien qu’elles ne soient
pas sur le terrain. Il y a une certaine complémentarité entre les unes qui apportent
les informations « techniques », et les autres qui apportent leur
analyse générale. Elles se citent les unes les autres, mettent en ligne les
rapports et articles des autres dans le but d’apporter aux lecteurs une
information la plus complète possible. Ainsi, Migreurop met en ligne sur son
site le rapport de MSF, de
Tout le monde utilise les mêmes sources parce qu’en fin de compte il y a peu
d’informations qui soient accessibles. Il y a un problème d’obtention des
informations qui amène au final, par la pauvreté des données, à avoir une image
floue sur les migrants.
Il y a une grande difficulté d’accès à la connaissance du terrain et de la
situation principalement par le fait d’interdictions et de blocages émanant des
forces de l’ordre marocaines. De plus, il s’agit d’une population fluctuante et
pas définition impossible à recenser. Les informations obtenues sur le terrain
ont été le fruit d’investigations faites de témoignages. Mais la fiabilité de
la représentativité qui en découle nous parait alors douteuse. Ce fut la
méthode employé par
Finalement, le discours des ONG est construit sur des sources d’informations
limitées et à prendre avec précaution, ce qui ne facilite pas une vision claire
générale des migrants.
La dénonciation de la situation :
Tous les articles et rapports que nous avons visité sont des
dénonciations de la situation et des conditions de vie des migrants subsahariens
au Maroc. Soit il s’agit d’un texte d’appel à rassemblement pour manifester
contre cette situation, soit d’un texte à signer pour soutenir cette
dénonciation, soit d’un rapport descriptif utilisé en vue de dénoncer. La
dénonciation est le thème fondateur commun à toutes ces ONG dans les textes
qu’elles mettent en ligne. Nous parlons des dénonciations de la violence en
générale, de la violation des droits de l’Homme, de l’externalisation de
l’asile par l’Europe, de l’impérialisme européen et de la complicité du Maroc.
Mais aussi de la dénonciation des conditions des rapatriements et refoulements.
Ces dénonciations exposées longuement, précèdent généralement en conclusion
finale des « appels » au changement envers les autorités espagnoles,
marocaines et européennes, et des appels à la mobilisation de la société
civile.
« En
vertu de tout ce qui précède, et après notre mission sur le terrain, nous avons
pu vérifier que tout le territoire marocain est une zone de non droit […]
en conséquence l’APDHA a exigé le respect des droits humains et l’instauration
de critères de solidarité dans les politiques migratoires. En ce sens, unis à
d’autres organismes, nous exigeons : 1- Au gouvernement espagnol, et par
extension à
« L’ATMF
appelle l’ensemble des forces démocratiques au Maghreb et en Europe à s’opposer
à cette politique de type colonial qui remet en cause les liens fraternels et
séculaires entre le Nord et le Sud de l’Afrique. L’ATMF, tout en dénonçant les
expulsions, exige du HCR la protection des 79 demandeurs d’asile. » [38]
« L’ensemble
des faits en présence relevés dans ce rapport préliminaire ainsi que dans celui
du 12 octobre, montre, outre la responsabilité du Maroc dans les évènements de
ces deux dernières semaines : celle de l’Europe […] en particulier
celle de l’Espagne […] tout comme celle de l’Algérie […]. » [39]
Cet aspect fondamentalement militant est à la base de la construction
identitaire des ONG. Il est donc évident de le retrouver comme base similaire à
la construction du discours sur les migrants subsahariens au Maroc.
Conclusion :
Finalement, il n’y a pas d’informations réellement valables et
représentatives concernant le profil socio-économico-géographique des migrants
subsahariens, et il en est de même dans l’explication de leur présence au
Maroc, de leurs motivations à la migration. L’explication économique est
souvent sous-entendue ou même explicite, et parfois nuancée par la
violence-répression subit dans le pays d’origine. En fait, il faut bien
comprendre que les ONG ne s’attachent pas à la résolution de problèmes
géopolitiques internationaux, c’est le rôle des Etats. Le rôle des ONG est de
« soigner » les conséquences d’une crise.
L’action de dénonciation est une des principales possibilités d’agir et
influencer sur une crise pour les ONG. Ce domaine leur permet d’agir en amont
et en aval du problème : l’action en amont concerne la recherche des
causes et l’analyse globale socio-économico-politique de la situation
(Migreurop, ATMF etc.). L’action en aval concerne là, la dénonciation d’une
situation donnée par la constatation et la description des problèmes. Un
minimum d’objectivité est requis pour ce genre d’action sous peine de perdre
toute légitimité (ONG de défense des droits de l’Homme, MSF, CIMADE etc.).
Mais en réalité, il n’y pas ou peu d’informations réellement objectives sur les
migrants subsahariens (sur qui ils sont), mais plutôt un discours
« idéologisé ».
Les ONG sont militantes par nature, c’est pour cette raison que le principal de
leur discours analysé plus haut, se situe dans la description des atteintes à
la citoyenneté et à l’intégrité humaine, et donc à la dénonciation de ces faits
observés. Ce qui explique qu’une vision du monde très manichéenne ressort de ce
discours.
La nature originaire des ONG se situe pour beaucoup dans le militantisme, et
pour la plupart dans la volonté d’agir là où l’Etat ne le pouvait pas ou ne le
voulait pas. Car une des caractéristiques fondamentales des ONG se situe dans
la dénonciation des défaillances de l’Etat, des Etats, de la société etc.
Rappelons quelques éléments caractérisants les ONG [40] :
regroupement
de personnes privées pour défendre un idéal ou une conviction, et assurer la
réalisation d’un dessein commun
volonté
de s’inscrire dans un espace autonome, séparé de la puissance publique,
étatique et internationale (permet de garder liberté d’opinion)
référence
à des valeurs où démocratie, droits de l’homme, participation et société civile
s’y articule.
Aspiration
à une Humanité unique, transcendant les frontières nationales et les
distinctions entre les hommes, vivant sur une même planète.
En fait, il n’y a pas de discours sur les migrants car le discours des ONG se
construit à travers eux ; ce qu’ils représentent, cristallisent autour d’eux
et à travers la problématique qu’ils soulèvent. Ainsi, en analysant le discours
des ONG sur les migrants subsahariens, on en apprend davantage sur la
construction identitaire des ONG, que sur les migrants eux-mêmes.
NOTES :
[1] . Notre choix des ONG ne s’est pas effectué
selon l’origine nationale des ONG, mais plutôt par la présence sur leurs sites
Internet d’articles et de rapports relatifs à notre sujet d’étude. Notre base de
matériaux d’analyse s’est ainsi limitée aux sites Internet des ONG citées
ci-après.
ATMF
(Association des Travailleurs Maghrébins de France) : www.atmf.org
CIMADE
(Service Oecuménique d’Entraide) : http://www.cimade.org
AFVIC
(Association des amis et Familles des Victimes de l’Immigration
Clandestine) : http://www.afvic.fr.st (site Internet inaccessible)
MSF
(Médecins Sans Frontières) : http://www.msf.org
Amnesty
International : www.amnesty.asso.fr
Le
réseau d’associations MIGREUROP : http://www.migreurop.org
APDHA
(Asociaciòn Pro Derechos Humanos de Andalucìa) : www.apdha.org
[2] Nous prendrons pour exemple ici l’APDHA et
Amnesty International.
[3] Article A l’oued, rien de nouveau, mis en
ligne le 01 nov 2005 :
http://www.amnestyinternational.be/...
[4] Article ESPAGNE/MAROC - Les pressions
exercées au sein de l’Union européenne pour « ne laisser entrer
personne » engendrent de graves violations des droits des migrants, mis en
ligne le 26 oct 2005 : http://www.amnestyinternational.be/...
[5] Article ESPAGNE/MAROC - Les droits des
migrants pris entre deux feux, mis en ligne le 03 oct 2005 :
http://www.amnestyinternational.be/...
[6] Ces citations sont tirées de l’article
Espagne - Maroc : Les autorités doivent être tenues responsables des
violations des droits fondamentaux des migrants, mis en ligne le 26 oct
2005 : http://www.amnestyinternational.be/...
[7] Article L’Europe n’a pas de leçons à donner,
mis en ligne le 02 dec 2005 : http://www.amnestyinternational.be/...
[8] Article n° 6094, mis en ligne le 26 oct
2005, op. cit.
[9] L’analyse du discours de l’APDHA est basée
sur l’étude d’un rapport en français datant d’octobre 2005, mis en ligne par le
réseau Migreurop, Rapport sur les violations des droits de l’Homme des
personnes migrantes d’origine subsaharienne en transit au Maroc. Etant donné
que je ne parle pas l’espagnol, il m’a été impossible d’approfondir cet examen
par l’étude de leur site internet. Toutes les citations qui vont suivre sont
tirée de ce rapport : http://www.migreurop.org/IMG/pdf/AP...
[10] Rapport de l’APDHA, mis en ligne sur le site
de Migreurop, op. cit
[11] Site AI : http://www.amnestyinternational.be
rubrique A propos d’AI.
[12] Site AI :
http://www.amnestyinternational.be rubrique A propos d’AI.
[13] Nous prendrons pour exemple ici MSF, l’AFVIC
et
[14] Rapport réalisé par Anne-Sophie Wender de
[15] Voir Les récits et observations : du 25
au 30 octobre 2005, du 8 au 12 octobre 2005 et du 13 au 19 octobre 2005 :
http://www.cimade.org/actus/comm99.html
[16] Rapport de
[17] Rapport MSF – Espagne, septembre 2005,
Violence et immigration : Rapport sur l’immigration d’origine
subsaharienne en situation irrégulière au Maroc :
http://www.msf.fr/documents/base/20...
[18] http://www.cimade.org/que/migrants.html
[19] http://www.cimade.org/que/que.html
[20] Nous prendrons pour exemple ici le réseau
Migreurop et l’ATMF.
[21] ONG membres du réseau Migreurop :
Anafé, AMDH, ARCI, APDHA, ATMF, CIMADE, GISTI, IPAM, LDH Belge.
[22] Article publié le 25 oct 2005,
Espagne-Maroc : Guerre aux migrants :
http://www.migreurop.org/article857
[23] Article n°857 de Migreurop, op. cit.
[24] Article publié le 12 octobre 2005,
Ceuta-Melilla : L’UE déclare la guerre aux migrants et aux réfugiés :
http://www.migreurop.org/article887.html
[25] Article n° 887 de Migreurop, op.cit.
Les mots soulignés le sont par notre initiative.
[26] Article publié le 15 octobre 2005, Dérive
humanitaire de l’UE : http://www.migreurop.org/article660.html
[27] Article du 31 octobre 2005, Migrants et
demandeurs d’asile en grève de la faim :
http://www.atmf.ras.eu.org/article....
[28] Article du 31 octobre 2005, op. cit.
[29] La force des vaincus : des refoulés
maliens de Ceuta et de Melilla témoignent :
http://www.atmf.ras.eu.org/IMG/pdf/...
[30] Article d’ATMF mis en ligne le 23 oct 2005,
Des refoulés maliens de Ceuta et de Melilla témoignent :
http://www.atmf.ras.eu.org/article....
[31] Article du 23 oct 2005, op.cit.
[32] Article du 23 oct 2005, op. cit.
[33] Article du 23 oct 2005, op. cit.
[34] Parmi les premiers signataires de cette
déclaration se trouve l’APDHA, Andalucia Acoge, Pateras de
[35] Article de l’APDHA du 06 oct 2005, mis en
ligne sur le réseau Migreurop : http://www.migreurop.org/article863.html
[36] Site de l’ATMF, rubrique : L’ATMF en
quelques points, mis en ligne le 3 janvier 2004 :
http://www.atmf.ras.eu.org/article....
[37] Rapport de l’APDHA d’octobre 2005, en ligne
sur Migreurop, op. cit.
[38] Communiqué de presse de l’ATMF, mis en ligne
le 07 décembre 2005, sur le site de TERRA, Maghreb : Banlieue de l’Europe,
Etat d’urgence pour les subsahariens : adresse.
[39] Article de
[40] Philippe RYFMAN, La question humanitaire :
Histoire, problématique, acteurs et enjeux de l’aide humanitaire
internationale, Ellipses, Paris, 1999, pp. 25.