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Sédentaires et Ambulants

Bruno Lefebvre
Anthropologue et sociologue, Bruno Lefebvre est professeur à l’Université de Nantes et membre du Laboratoire Interdisciplinaire pour une Sociologie Économique (LISE-CNRS, Paris). Après avoir travaillé sur le transport, les transferts de technologies et les déplacements de main d’œuvre en Europe, ses recherches s’orientent actuellement sur la gestion (...)

citation

Bruno Lefebvre, "Sédentaires et Ambulants ", REVUE Asylon(s), N°14, Février 2015

ISBN : 979-10-95908-18-0 9791095908180, Réseaux subalternes : itinérances, frontières et émancipations, url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article1331.html

résumé

Cet article compare les travailleurs itinérants, les travailleurs détachés et les populations nomades et les travailleurs sédentaires. Si les façons de vivre sont différentes, les comportements économiques et les représentations sociales sont basées sur les mythologies que nous pouvons comparer. Beaucoup de contes de fées viennent de ces mythologies, des formes de présentation de soi et des relations professionnelles.

Des parties de ce texte se trouvent dans Bruno Lefebvre, 2012, Ethnographie des travailleurs en déplacement. Voyages en Europe sociale, Paris, L’Harmattan.

1 – Une approche empirique, relativiste et européenne

Cet article est une synthèse d’observations à caractère ethnographique menées au cours de terrains contractuels successifs. Bien sûr, l’anthropologie (économique, juridique, technique) et les sciences sociales dans leur ensemble nous permettent de soupçonner, sinon d’établir, quelques liens à priori « logiques » dans l’aptitude ou l’habitude aux déplacements, les emplois ou travaux effectués et les ressources matrimoniales. Les observations requises ici portent sur les professions du transport de marchandise et de la mobilité des hommes par la route, les fleuves, les ports (1983/1990), puis sur les transferts de charges de production dans les firmes transnationales et la flexibilité des emplois, et les transferts de risque de la santé dans les CNPE (Centre Nucléaire de Production d’Energie) (1992/97) où les plus précaires des salariés reçoivent le maximum de doses radioactives. Après une synthèse sur la sous-traitance (MSH Nantes 1998/2000), nous menons des recherches sur la main d’œuvre étrangère sous-traitée en Loire Atlantique jusqu’aux lieux de résidence de ces hommes et femmes en Europe (2005/12).

Les observations de terrain se trouvent toujours en contradiction avec des modèles communément ou administrativement utilisés, et il convient de préciser notre vocabulaire :
- les nomades se déplacent avec femmes et enfants.
- les sédentaires vivent dans des lieux fixes.
- les immigrés se déplacent la plupart du temps sans femme et enfants, un mariage les sédentarisent.
- les travailleurs ambulants sont assimilés dans le sens commun français à des commerçants mobiles (des forains, des vendeurs en camionnette de toute sortes de mets, ou à des entrepreneurs ou des auto-entrepreneurs qui vont de chantier en chantier, dans le secteur du Bâtiment par exemple). Leurs femmes sont présentes sur le territoire de ressource.
- les travailleurs ambulants, salariés ou indépendants du transport routier ou maritime, les ouvriers qui vont en camionnette, de CDD en CDD ; les femmes sont absentes.
- les salariés ambulants qui vont de régions en régions ou d’Etats en Etats au grès de contrats commerciaux de location de main d’œuvre par réseau d’entreprises en Europe ou ailleurs ; les épouses et les enfants restent au pays d’origine (cf. constitution Européenne, 2005). Seulement 10 % des travailleurs rencontrés auraient des volontés de migration en Scandinavie, Grande Bretagne, Allemagne, France.

Cette typologie doit être relativisée, premièrement parce qu’au cours de leur trajectoire d’activité, ces travailleurs peuvent passer d’une catégorie à l’autre, comme ces Manouches qui deviennent salariés sur le transport fluvial du Rhône, deuxièmement parce que dans de nombreux pays Européens (ex-pays de l’Est, Grande Bretagne), la distinction juridique entre salariat et travail indépendant est extrêmement ténue, l’indépendant pouvant cotiser aux assurances sociales et retraite si, et seulement si, il le désire. Ce modèle d’organisation est conforme au projet libéral des USA et de l’Europe depuis les années 1990 où les entreprises n’auraient plus de salariés, seulement des « collaborateurs », travailleurs indépendants souvent captifs par contrats commerciaux de sous-traitance.

Enfin, nous sommes bien obligé de constater qu’en Europe, les différences entre travail déclaré aux administrations nationales et travail non déclaré, revenus déclarés et non déclarés, activités licites et illicites sont devenues illusoires, même si cela heurte la pensée académique, nationale ou politiquement correcte. Ce n’est un secret pour personne que dans l’Est, les fonctionnaires des bureaux du travail (l’équivalent de nos pôles-emploi) se font rémunérer par les demandeurs d’emploi pour attribuer des missions (comme aux USA il y a un siècle), ou que l’on puisse acheter des diplômes. J’ai moi-même acheté, (pour 50 euros en 2007) sous l’insistance de mes interlocuteurs et enquêtés, un diplôme de soudeur international, authentifié par le Ministère du travail polonais et un Office international de certification et de contrôle, « comme ça, tu as la preuve de ce que l’on fait chez nous ». L’approche européenne nous oblige à prendre en compte un relativisme des statuts professionnels et des activités : une prostituée peut avoir un statut de profession libérale en Scandinavie et faire partie d’une société civile (comme les avocats ou les médecins en France), être salariée avec des primes dans un centre de relaxation ou d’une usine « éros center » en Allemagne ; dans les deux cas elle peut cotiser aux assurances sociales, se syndiquer et être protégée par la police ; en France cette activité est illégale et on peut penser qu’elle a comme fonction de réguler la corruption [1]. Dans tous les cas, cette activité est confrontée à la concurrence de la main d’œuvre internationale extra-européenne.

Bien sûr, la variabilité des marchés matrimoniaux transnationaux, les crises bancaires qui interfèrent sur le réseau international d’emploi ainsi que les modifications des législations nationales modifient les trajectoires sociales de ces populations. Sans doute dans les zones slaves, méditerranéennes, le commerce, ainsi que les transferts historiques, traditionnels, d’emplois entre la mer Baltique et la mer Noire, devraient être examinés statistiquement de manière sérieuse, mais il n’existe pas d’étude en ce domaine au sein de l’Union Européenne.

2 - Des gitans sédentaires : le cas du Portugal

Les institutions nationales produisent donc des mémoires collectives et des représentations, des images d’Epinal nationales : par exemple, pour les Français, les Gitans et les Roms sont des nomades. En Bulgarie et Roumanie, les Roms sont sédentaires, commerçants sur les marchés, entrepreneurs de confection, pêcheurs, « salariés agricoles » disent les racistes. Autour des villes, ils sont relégués dans des zones d’immeubles et dans des quartiers en zone rurale, ce qui n’empêche pas les mariages mixtes avec les non-Roms. Un ex-ingénieur métallurgiste de « l’ancien régime » Ceausescu devenu ouvrier-boulanger en Suisse explique : « autrefois, le travail était obligatoire, donc il n’y avait pas de différence, maintenant, avec le libéralisme on assiste à des ségrégations à l’embauche, donc les plus précaires, ceux qui n’ont plus de maison vont chercher du travail ailleurs ». Voici un exemple typique de pseudo-nomadisation de populations Roms sédentaires, où pour certains, l’objectif une fois arrivé en France est de toucher une prime de retour au pays, équivalente à un SMIC mensuel roumain, et de faire l’aller-retour si possible plusieurs fois par mois. Les dispositions nationales d’un pays peuvent devenir un territoire de ressources pour d’autres groupes.

« Seuls les riches voyagent » ; c’est ainsi que cet homme de 50 ans environ, cacique d’une communauté de gitans de 70 000 personnes au Portugal, chargé de régler les litiges commerciaux et matrimoniaux (la « Kriss » chez certains groupes manouches de l’Est), m’explique les répartitions sociales de son ethnie. Nous sommes dans une banlieue nord de Lisbonne, en 2006. Pendant une journée, nous nous apprivoisons l’un et l’autre ; je lui explique comment de mes amis Manouches ont eu leurs parents cachés dans les caves des immeubles lyonnais dans les années 1940 pour ne pas être déportés ; ce que je sais des regroupements Gitans aux Saintes Maries de la Mer en Camargue, puisque lorsque j’étais enfant, mes parents n’habitaient pas loin. Il m’explique sa position et les activités des différents groupes portugais. C’est un homme très respecté par la communauté nationale des Gitans, originaire du Sud. Il s’est marié à 14 ans et il a entamé sa carrière de commerçant très jeune en vendant des permis de conduire français aux Portugais résidant en France, puis est revenu dans le sud du Portugal. Actuellement, il vend des chevaux déclassés pour les corridas aux industries touristiques espagnoles. « Quand j’étais jeune, j’aimais bien la bagarre ». Il est donc arrière grand-père et il me répète son « non conformisme ». Son épouse vient de décéder et il interdit à ses filles, petites filles et arrières petites filles de porter le deuil (s’habiller en noir et se voiler) ; lui-même ne porte pas le deuil (se laisser pousser la barbe et les cheveux pendant trois ans). Je suis très fier qu’il « m’adopte » après une journée de discussion.

Il est président de l’Associaçao oficinas romani, une association portugaise pour le développement de l’ethnie gitane. Leurs centres de rassemblement sont situés à Braga, au Nord, à Coimbra, au Centre, et à Alentejo, au Sud. Ils ne sont considérés par la pensée dominante ni comme migrants, ni comme étrangers, ni comme nationaux et s’ils entretiennent des réseaux de parenté ou d’interconnaissance dans de nombreux pays jusqu’en Amérique, ils se déplacent peu. Comme en Espagne, la plupart sont sédentaires et vivent du commerce. Etre salarié est considéré comme un manquement à l’honneur, mais l’on trouve des enfants gitans de 11 ans, fabricants de chaussures et cordonniers rémunérés à 0,20 euros par chaussure fabriquée et livrée.

Mon interlocuteur estime que les Gitans sont des gens « très intelligents » et aimerait créer un journal d’information rédigé par des Gitans de manière à lutter contre l’illettrisme. Il arrive à réunir l’ensemble de la communauté, estime que les Gitans pauvres ne voyagent plus et restent prisonniers des banlieues ou des bidonvilles. Il entretient quelque distance avec les évangélistes qui ont acquis un grand pouvoir au sein des communautés et il est régulièrement consulté pour des litiges commerciaux ou matrimoniaux. Les différences religieuses dans le groupe ont pu contribuer à la disparition d’associations par le passé.

Nous allons voir « la famille » et prenons sa belle Mercedes au tableau de bord en acajou ; il roule lentement, sans aucun soucis des stops et des feux rouges. Dans ce quartiers gitan des banlieues Nord, hommes et femmes forment des groupes séparés dans la rue, et seuls les enfants des deux sexes de moins de 12 ans jouent aux cartes ensemble. L’essentiel de l’espace public de ce qui peut ressembler à des cités de transit a été aménagé, par les familles, de tables bétonnées, de barbecues et de bancs. Des estaminets rassemblent les hommes, la bière auto-fournie est gratuite. On compte 9 000 Gitans dans les banlieues de Lisbonne. L’intérieur des appartements est soigné dans ce quartier « ni pauvre, ni riche ». Chaque chambre collective est munie de lits superposés, de télévision à grand écran plasma et de chaînes hifi, la pièce collective est richement décorée à la manière espagnole, avec des fanfreluches et des ex-votos. Les entrepôts de vêtements et autres marchandises sont tout proches, les camions fournissent les clients de toutes ethnies et ils travaillent beaucoup avec les Chinois qui annoncent dans leur publicité « 20 succursales de prêt à porter à Paris ». Les gens aisés roulent en Mercedes ou en BMW.

Dans une villa prêtée par la municipalité à la périphérie de Lisbonne se trouve l’atelier de formation scolaire et de lutherie de guitare flamenca mise en place il y a 4 ans. L’école et l’atelier sont en ce moment fermés par manque de subventions. Des étudiants ou des militants catholiques font les intermédiaires entre les pouvoirs publics et les quartiers gitans dans les banlieues : pour ces jeunes gens, cette position est également un moyen de se former comme assistant social. L’association récupère du matériel informatique afin de remettre en place des scolarités. Comme ailleurs dans d’autres banlieues, quel que soit son âge, on apprend l’informatique en même temps qu’on apprend à lire et à écrire.

Les associations ethniques ont fréquemment recours à des assistants sociaux ou des élèves assistants sociaux pour concevoir et rédiger des projets et faire des demandes de subventions aux municipalités ou à l’Europe, ce qui sont les deux seules sources de financement. En général, lorsque le projet est accepté, il sert à payer les salaires de l’assistant social, qui ainsi se spécialise dans les relations avec une ethnie particulière. Celui-ci est dépendant professionnellement de son type d’intégration dans l’ethnie et de la somme d’argent rapportée, s’il ne donne pas satisfaction, il est facilement révoqué. Ces assistants sociaux qui opèrent au sein des associations supervisent les contrats de travail, prennent en charge les demandes de photocopies certifiées conformes, organisent les accouchements et les avortements (illégaux au Portugal), les regroupements familiaux et les séjours de formation à l’étranger.

Au sud du Portugal, le respect des lois traditionnelles est plus marqué, les Gitans sont victimes de discriminations et travaillent dans tous les domaines du commerce, ou comme éleveurs saisonniers de chevaux, de taureaux ou encore comme récupérateurs. Les différentes associations nationales qui se sont succédées ont toutes essayé d’inciter à la scolarisation des enfants et de lutter contre les trafics de drogues. La cocaïne d’Amérique latine et l’héroïne d’Afrique orientale sont fréquemment véhiculées par les Gitans du Portugal jusqu’à Barcelone, les drogues sont ensuite prises en charge par des passeurs français ou serbes pour l’Italie ou le nord de l’Europe. Ces trafics sont connus des chercheurs en sciences sociales et des polices nationales, évidemment. L’association incite à la création de groupes musicaux et augmente ses adhésions en proposant aux adolescents de passer des permis de conduire. Elle défend toutes les activités des Gitans « sauf le trafic de drogues ».

Ces gitans sont de toute évidence des sédentaires. Ils contrôlent à distance des territoires commerciaux élargis, se réfèrent selon les circonstances, selon les stratégies, aux codes de comportement matrimoniaux traditionnels ou modernistes. Chacun détaille son histoire de vie avec un imaginaire assez poétique où il est question de prise de risque, de statut social et de Fatum, de destin.

3 - Les différents rapports aux territoires des ambulants et des migrants

On parle abusivement de « nomades » pour désigner la main d’œuvre en déplacement, les routiers, les jeunes ouvriers qui vivent dans un camion et qui vont de chantier en chantier, les équipes que les entreprises promènent de pays en pays en Europe, citons encore les « nomades du nucléaire », qui vont de centrale en centrale pour les entretenir ou les construire. Mais ces ouvriers ne se déplacent pas avec leur famille, femme et enfants, ce ne sont donc pas des nomades, mais des ambulants, salariés à la mission ou petits entrepreneurs dont le milieu professionnel se caractérise par l’absence de femme. Ces grands chantiers sont une constante historique, on a pu rencontrer des maçons âgés ayant participé à la construction du Mur de l’Atlantique dans les années 1940, puis à celle du Mur de Berlin, ou encore à la canalisation du Rhône qui a regroupé 10 000 hommes dans les années 1950 ; les descriptions évoquent les grands travaux de l’Antiquité ou ceux des colonies du XIX eme et XX eme siècles. Ces travaux construisent des sociétés momentanées d’hommes. Les rares femmes présentes ont un statut respecté, comme on a pu l’observer lors de la construction de la centrale nucléaire de Civeau (86) à coté de Poitiers, elles s’occupent du ravitaillement et d’une cuisine collective dans des abris, de type soupe ou pot-au-feu. Les lieux de repos, repas, sommeil sont situés sur des zones non constructibles, parkings, prairies inondables. C’était le cas pour ces maçons qui ont construit les tours de refroidissement de la centrale : il n’y avait que des caravanes et des tentes pour manger, un seul local syndical dans un mobil-homme ; les ouvriers du BTP étaient tellement indignés des conditions d’hygiène et de l’accueil des salariés EDF (perçus comme arrogants, dont le statut est dit « protégé ») que les tours de refroidissement se sont retrouvées avec des fentes de dix centimètres !

En ce qui concerne les intérimaires ambulant qui entretiennent les centrales, qui effectuent des travaux de plomberie en zone irradiée, le nombre de morts, blessés, malades est difficile à évaluer car on ne peut les comptabiliser sur plusieurs régions de France ou en international, mais il semble élevé. En intérim, en CDD ou en sous-traitance lorsqu’on est auto-entrepreneur, il vaut mieux cacher ses ennuis de santé car on risque de ne pas obtenir une nouvelle mission. C’est ainsi que les ambulants du nucléaire ont deux cahiers des doses d’irradiation qu’ils reçoivent : une pour l’administration et une pour soi-même. Les dosimètres présents dans les scaphandres lorsqu’on effectue une « plongée » en zone irradiée peuvent se prêter ou se louer lorsque les doses reçues sont un peu « chargés », qu’elles justifieraient d’un arrêt de travail pour un salarié EDF.

Parfois, les entrepreneurs ont intérêt à fixer la main d’œuvre le plus longtemps possible lorsque le travail est pérenne et que les conventions collectives du salariat coûtent moins cher que dans les districts voisins. Le cas d’Alméria en Andalousie est connu en Europe : la « mer de plastique », comme on l’appelle, produit 40 000 tonnes de légumes par jour et vend jusqu’à Oslo et Moscou, elle s’étend sur une bande de 100 km de long sur 30 de large ; 30 000 propriétaires emploient environ 120 000 ouvriers, dont la moitié de Marocains, un quart d’Africains noirs dit « Maliens », un quart de gens des pays de l’Est. Les ouvriers vivent dans des containers disséminés entre les serres et « cohabitent » avec 177 000 Espagnols regroupés dans les villages qui travaillent dans les infrastructures de transport ; en fait cette cohabitation est relative puisque dans de nombreux cafées, on refuse de les servir. En 2006, les « Maliens » gagnaient 34 euros par jour, les Marocains, 30, quand les Roumains et Ukrainiens se proposaient à 20, en portant des écriteaux autour du cou le long des routes pour trouver un employeur, quand la convention collective est de 40,8 euros, tout en étant plus basse encore que dans les régions voisines, 45 euros par jour pour le même travail à Murcia, toute proche. Même les analphabètes se rendent compte qu’un certain nombre d’heures quotidiennes ne sont pas comptées par les employeurs. Donc, pour stabiliser une main d’œuvre bon marché, la « sédentariser » le plus longtemps possible, il faut avoir recours aux juridictions : on n’embauche que des sans-papiers et en droit espagnol, comme en droit portugais, l’employeur fait la demande de régularisation de ses salariés. Les employeurs demandent en conséquence 2 à 3 mois de travail gratuit pour faire la demande. Pour maintenir cette main d’œuvre, il faut des femmes par centaines, donc certains regroupements d’entrepreneurs recrutent, via leurs prospecteurs-placiers, dans les pays de l’Est des soit disant « Roumaines » à cette époque, dont beaucoup d’Ukrainiennes. « Il en a dans son camion, des jolies filles ! (…) Le patron et ses deux fils les font venir chez eux pour les essayer, celles qui ne veulent pas vont trier les légumes dans la coopérative. Il faut accepter tout, ici, c’est obligé. Ici, on peut acheter tout. La police préviens les propriétaires des contrôles pour qu’ils cachent les sans-papiers ». Mais comme la passe est à 20 ou 30 euros, les femmes peuvent beaucoup plus rapidement que les hommes acheter un titre de séjour auprès de l’administration, via les coopératives agricoles, pour quitter la région. Des entreprises de prostitution, parfois suscitées par le ou les maîtres d’œuvre, peuvent donc être présentes aux alentours lorsque les hommes nombreux restent longtemps au même endroit, comme dans ces sites agro-alimentaires [2]. On remarque lorsque on lit les encyclopédies de l’antiquité que le phénomène n’a guère changé : dans l’ancienne civilisation de l’Indus sont établies les rémunérations des conducteurs de troupeaux de vaches, d’éléphants et... de femmes qui vont de sites en sites de production (Daniélou 1983).

Mais cette population de migrants rencontrée à Almería n’a pas du tout envie de revenir un jour au pays d’origine : les Africains se rendent compte qu’ils ont été poussé par les parents à s’expatrier lorsque le marché du travail et le marché matrimonial était chez eux saturé ou que les dotes étaient trop élevées et, contrairement à ce qu’on pense communément, ils n’envoient pas d’argent au pays. Les projets seraient de s’établir plutôt en Grande Bretagne via des connaissances indiennes ; les Ukrainiens veulent s’établir « quelque part en Europe ».

Les groupes ambulants constituent au contraire des espaces sociaux ou des groupes professionnels qui se caractérisent par le fait que chacun souhaite revenir au point d’origine, comme en principe les marins, les routiers ou les ouvriers agricoles saisonniers, sinon ils deviennent migrants lorsqu’ils veulent se sédentariser plus ou moins durablement.

Nous avions fait l’hypothèse, lors des travaux avec, sur et chez les routiers nationaux ou internationaux (1983/1989) que les ambulants avaient des représentations spécifiques des espaces géographiques, sociaux, économiques et juridiques par rapport aux sédentaires, les locaux, les indigènes, les « gens qui s’estiment du coin ». Les ambulants sont différents des touristes qui résident quelques années dans des mobil-homes ou des camping-cars, et nous les appellerons « sédentaires mobiles ». Nous connaissons tous les grands rassemblements de milliers de retraités et de camping-cars à côté d’Agadir où depuis les années 2000, les aires en bord d’océan se construisent en dur, offrant jusqu’à des emplacements cinq étoiles. En Vendée, Loire Atlantique, Morbihan, les retraités de l’intérieur des terres, relativement aisés, louent ou vendent leur pavillon pour venir résider quelques années dans des mobil-homes dans les campings en bord d’océan avant que leur santé ne se dégrade ; cela pose parfois problème aux habitants « citoyens-contribuables », car les premiers ne paient pas de taxe locale ou foncière et profitent parfois de manière exigeante des services des petites communes.

Les ambulants sont également différents des couples et familles qui s’installent pendant quelques années dans des cabanes, yourtes, tipis, établissements plus ou moins tolérés selon les départements, les préfectures et selon les enjeux financiers locaux autour de la propriété de la terre. Les officiers de justice que sont les maires s’opposent parfois aux directives préfectorales lorsqu’il y a des jeunes enfants susceptibles d’être scolarisés et que le groupe entretient des relations d’échange amicales ou commerciales avec la population locale. Nous sommes ici, tout comme avec les nouveaux éleveurs et agriculteurs, dans des histoires de territoires, des sédentarités, même si les modes d’habitat apparaissent précaires au regard normatif des administrations.

4- Les travailleurs ambulants européens

L’informatique ou les télécommunications embarquée dans des camions, voitures, bateaux, c’est à dire radars, GPS, radio-téléphone, CB, est plus ancienne historiquement que les même outils dans les maisons ou les automobiles des sédentaires, mais ces techniques qui balisent le cheminement ne sont pas utilisées lors de la signature du contrat de travail. D’après nos observations en Moldavie, Bulgarie, Pologne, Allemagne, Espagne, Portugal (2006/08), les ouvriers qui circulent en Europe, allant de chantier en chantier se méfient beaucoup des offres d’emploi sur Internet ; on ne sait jamais qui se cache derrière une annonce d’emploi et l’on se méfie également des agence de l’emploi, agences du travail et autre pôles-emplois largement corruptibles. Le bouche à oreille local et les communications téléphoniques permettent de se faire une idée des conditions de travail, de logement, mais pas vraiment sur les rémunérations, puisque chaque salarié est mis en concurrence avec ses collègues. Les contrats de travail sont fréquemment signés au dernier moment dans le bus qui mène au chantier ou sur le bateau pour les marins. Il arrive par exemple que des employeurs lituaniens, employant des Bulgares via le port d’Hambourg, les envoie en France à Saint Nazaire et que ces employeurs disparaissent une fois le contrat commercial de sous-traitance encaissé. Nous avons constaté que ces entreprises employeuses, maillons intermédiaires, étaient souvent programmées pour disparaître dans une chaîne (ou un réseau) de sous-traitance, les salariés ne seront donc pas payés, les capitaux seront transférés. « Nous travaillons à la limite de la légalité » dira sans mystère un de ces employeurs allemand.

Les chantiers de Saint Nazaire, qui faisaient travailler vers l’an 2000 environ 18 000 salariés de tous les pays d’Europe, ainsi que des Africains et des Indiens, n’embauchaient que 4 000 salariés statutaires, moins encore aujourd’hui. Les salariés non-statutaires sont employés par 600 à 800 entreprises dont certaines sont simplement représentées par une camionnette bourrée d’informatique qui peut se déplacer lorsqu’on signale la présence d’une inspection du travail. Il existe fréquemment cinq ou six entreprises intermédiaires liées par des contrats de sous-traitance entre le donneur d’ordre sur le chantier et celle qui a embauché au pays d’origine. Ainsi, toute « reprise économique » ou relance d’un grand chantier en France ne fait aucunement baisser le taux de chômage de la population locale qui ne peut que louer caves et greniers à la main d’œuvre étrangère. Le versement des salaires a lieu dans un autre pays et les fiches de paie sont émises parfois encore dans un autre pays. La mise en concurrence du coût des conventions collectives, des systèmes d’assurances sociales, des retraites, du montant des salaires minimum est clairement établie par la constitution européenne de 2005 (directive Bolkenstein). Par exemple, en 2007, le salaire minimum était de 350 euros par mois en Pologne mais de 240 euros en Bulgarie. En cas d’accident, les frais de médecine, de pharmacie, d’hôpitaux sont systématiquement réglés en liquide par celui qui fait office de chef d’équipe disciplinaire, différent du chef d’équipe opérationnel qui peut être d’une autre firme et d’une autre nationalité. En cas de litige, comme le non-versement des salaires, la CGT interprofessionnelle offre son soutien, il faut trouver des traducteurs, converser avec l’inspection du travail qui n’a pas compétence pour intervenir à l’étranger, organiser des manifestations dont le rythme rompt avec celui des défilés français et le plus souvent, les salariés campent autour de la sous-préfecture et entament des grèves de la faim pour convoquer la presse.

Dans les villes et villages d’origine, on est frappé par l’absence d’hommes. La Pologne a perdu trois millions d’hommes, partis en Scandinavie, Grande Bretagne, Allemagne, France, remplacés par des Ukrainiens. Dans les rues des grands chantiers navals de la mer Baltique, on ne voit que des enfants ou des vieillards ou des clochards. Les femmes se trouvent dans les cafées-restaurants et elles font la queue chaque fin de mois devant l’agence employeuse pour toucher la paye de l’époux. L’Eglise, un peu intégriste, voit d’un bon œil le rétablissement de ces rôles familiaux prétendus traditionnels, « l’homme à l’extérieur, la femme au foyer ». Pour trouver une mission à l’étranger, il faut avoir des enfants afin de rassurer le mandataire sur le retour du salarié car beaucoup souhaitent migrer. Dans les villages de Roumanie et de Moldavie, la religion n’est pas présente et on assiste fréquemment à la constitution de conseils municipaux parallèles pour assurer les fonctionnements des écoles, la gestion des espaces publics, des réseaux électriques et des eaux usées, car les élus officiels (ceux qui sont identifiés par l’UE et qui empochent les subventions) ont déserté les lieux.

5 - La représentation de l’espace des ambulants

Il semble que les hommes ambulants, routiers, marins, ouvriers européens en déplacement, construisent des représentations de l’espace et des représentations de leur activité spécifique par rapport aux sociétés sédentaires que fréquentent les femmes.

Tout d’abord, ils ont en commun de vouloir revenir au point de départ, ce qui les distingue des errants ; ils désirent retrouver leurs familles (comme Ulysse après un long périple), ou s’établir autre part et dans ce cas, ils deviennent migrants. Pour les routiers, chaque lieu d’arrêt, restaurants, chambre, entreprise de l’employeur, entreprise du client de l’employeur, chargeur, parking, constitue une balise qui organise le déplacement. Les systèmes d’interaction qui structurent les relations sociales de ces balises leurs sont parfaitement connus. Nous faisons l’hypothèse que chez les marins et ouvriers ambulants, l’espace est conçu de manière identique ; hormis les accidents en cours de route, les moments importants sont les arrêts. Les anciens anthropologues fréquentant les navigateurs du Pacifique ont même expliqué que les marins considéraient que les îles s’avançaient vers la barque ou le bateau, ce dernier étant considéré comme restant immobile. Les balises sont donc un moment stratégique au sens de B. Malinowski (1989) un maillon de chaîne opératoire, dont la fonction n’est pas forcément utile à la production selon les canons occidentaux, mais qui doit réassurer l’ambulant de son appartenance au monde et de son appartenance professionnelle. Chaque arrêt est ainsi strictement ritualisé : au partir de séquences d’actes et de façons de dire convenus à l’avance avec les pairs, il s’agit entre soi de rétablir une représentation positive d’un métier ou d’une activité qui est fortement dépréciée par les représentations dominantes des sédentaires. Les ambulants routiers, les marins, les ouvriers roumains sont perçus, comme les nomades manouches, selon les cas, grossiers, pollueurs, dangereux, magouilleurs.

Chaque balise, moment stratégique ritualisé, est donc une occasion de mettre en scène les valeurs professionnelles qui, on s’en doute, vont célébrer la virilité, le courage, la ténacité, l’honneur, les savoir-faire techniques et discursifs, la constance vis à vis des adversités et le recours à des astuces pour s’en sortir. Ces moments ont :
- une fonction cognitive d’information technique à propos de l’état des routes et des trajets, des intempéries et des accidents, des contrôles des fonctionnaires nationaux et internationaux, des administrateurs, des attitudes et des organisations de tel ou tel entrepreneur, chargeur, affréteur.
- une fonction structurale au sens où, lors de ces assemblées, se négocient et se hiérarchisent par les histoires racontées, les ordres symboliques et professionnels. Bien sûr, ces histoires ne sont pas exemptes de bluff, jusqu’à la limite de la vraisemblance.
- une fonction politique, car, quelque soient les assemblées et les argumentations souvent très ludiques, les hiérarchies restent stables, basées sur les classes d’âge, les sommes d’expériences, les parcours effectués, les pays ou les océans fréquentés.
- une fonction culturelle exprimant directement la conjuration des risques physiques et financiers, des risques du métier dus aux aléas techniques, mécaniques, climatiques, aux contrôles des administrations, aux exigences des policiers.

Ces joutes oratoires laissent entrevoir un imaginaire de l’espace géographique, économique et social nettement structuré qui s’oppose à l’imaginaire territorial des sédentaires. D’un point de vue des méthodes ethnographiques, on peut l’approcher en observant les rassemblements et en laissant parler sans intervenir, ou encore en discutant avec les ambulants, ou encore lors d’enregistrements individuels ou collectifs. Cet imaginaire donne naissance à des fables ou des légendes qui reviennent de manière invariable en des lieux et des temps différents. Comme dans les contes de fée, les descriptions orales des situations d’ambulance, peuvent se décomposer en unités élémentaires et l’on retrouve dans ces récits des invariants sous forme de ritournelles. La représentation de l’espace est structurée tout comme en musique, et un nombre limité d’harmonies est le support d’une infinité d’improvisations. Pour reprendre la terminologie de V. Propp (1970), les « fonctions » dans le conte, c’est à dire les actions dont on peut dresser des couples d’opposition, sont en nombre fini.

Un premier couple d’opposition concerne les qualités ou les compétences professionnelles ordinaires : savoir conduire, piloter, réparer ou régler un moteur, connaître la topographie, savoir parler ou négocier avec les concurrents, les polices et gendarmeries, les fonctionnaires territoriaux et administrations, les employés des donneurs d’ordre. Ce registre des situations de travail fait appel aux savoir-faire techniques et relationnels des ambulants qui surmontent ainsi les aléas du parcours. On remarque que ce répertoire est également utilisé par les nomades ou les Manouches, même s’ils sont sédentaires ; ils évoluent dans un environnement ressenti comme hostile. Un second couple d’opposition fait intervenir des situations moins banales et fait référence aux conditions de circulation contrariées, tempêtes, neige, verglas, accidents, naufrages, barrages de police, douanes volantes. L’ambulant fait face à ces épreuves et obstacles en mobilisant son énergie personnelle ; il devient ainsi un héros ou un sur-homme qui rattrape le temps perdu en se privant de manger ou de dormir. Un troisième couple d’opposition fait intervenir des protagonistes qui s’opposent personnellement au bon déroulement du trajet, douaniers, dockers, qui prélèvent des « échantillons » de marchandise (de préférence vendable facilement : alcools, alimentations, matériel électronique) ou qui demandent des bakchichs, ou des pirates ou des milices attaquent les convois.

Pouvoir attendre ou pouvoir payer pour ne pas attendre, savoir négocier permet de catégoriser les ambulants. Mais comme dans les contes de fée ou les mythes anciens, ceux qui s’opposent au bon déroulement du trajet peuvent parfois devenir des aides ou des alliés pour soulager le héros. Patrons, employés des relations du patron, « flic sympa », douanières (ici, ce sont toujours des femmes), solidarité entre pairs, tout ceci permet de glorifier une solidarité virtuelle. « Tu nous verrais assis par terre en train de manger des graines avec les militaires turcs, c’est vraiment la guerre du feu ! »

Cette mise en scène qui naturalise le commerce international fait apparaître les fonctionnaires -symboles de sédentarité- comme des demi-singes, ce qui permet tous les jeux de l’imaginaire professionnel. Que le héros en déplacement bénéficie d’aides miraculeuse ou non, sont toujours valorisés les attributs virils, surmonter sa fatigue, ne pas se décourager, payer les bakchichs, ce qui s’oppose aux attributs féminins, se fatiguer, ne pas tenir, se plaindre, « faire la chochotte comme une institutrice ». Le héros est un personnage en rupture d’un système social qui agit seul face aux adversités multiples des forces collectives ou des sociétés locales. Les récits qui mettent en scène ces valeurs ne sont jamais de pure invention, leur mise en forme suit une logique structurale de possibles narratifs selon lesquels il est interdit de tout dire pour rappeler les conditions objectives de travail trop rude : ils ont une fonction d’enchantement. C. Lévi-Strauss (1973, T II.) considère que « Les contes sont des mythes en miniature (…) » (156). Ces récits, comme les contes, ne seraient pas une survivance de mythes, des mythes dégradés, mais des transpositions altérées de thèmes mythiques sous l’influence des contextes locaux, sociaux, économiques, institutionnels. Le conte, surtout lorsqu’il est accompagné de mimes, gestuelles et grimaces lors des rassemblements éphémères et situationnels des ambulants, offre davantage de possibilités de jeux et d’improvisations que le récit d’un mythe. D’autre part, une prise en compte trop formelle du récit anéantit son objet, c’est à dire le rappel des valeurs professionnelles que l’on négocie avec l’auditoire. Ces « mythes en miniature », ces récits d’ambulants, rappellent par analogie de construction, le périple de Perceval le Gallois. Alors que les mythes œdipiens posent le problème d’une communication efficace, des énigmes, des sexualités, des incestes dans une société sédentaires où les femmes ont un rôle important, les mythes « percevaliens » (C. Lévi-Strauss, 1983) se situent, avec une problématique inverse, dans un contexte où un enchantement a rompu la communication, où des réponses sont offertes à des questions qui ne se posent pas. Il n’y a pas d’énigme, comme la connaissance concrète des échanges économiques, où les héros, en perpétuel déplacement, sont chastes sur une terre caractérisée par l’arrêt des cycles naturels et de la fécondité.

Pour ouvrir quelques pistes de réflexion, cette structure de l’imaginaire est largement partagée dès lors qu’il s’agit de mettre en place ou de célébrer un culte du héros ; cowboy solitaire, champion sportif, politicien méritant, capitaine d’industrie, djihadiste. Le héros peut devenir parfois collectif sans que le scénario change ; équipe de football ou industrielle, commando, « la France qui gagne », etc... Cet imaginaire ambulant s’accorde tout à fait avec le narcissisme et l’exaltation individualiste généré par les sociétés capitalistes (Weber), il établit un lien entre les différents lieux d’arrêt et expériences sociales, entretien des utopies, comme celle de la Jet-Set qui va de port en port et de palace en palace. Ces espaces « hétérotopiques » rêveurs (Foucault 2009) reproduisent les enchantements, supports à pas mal de représentations comme celle de la représentation de l’Europe où, selon le personnel politique, ici et ailleurs, c’est la même chose, ou ça devrait être la même chose ; notons que pour certains anthropologues, le proche et le lointain sont des espaces qui se chevauchent. Les idéologies actuelles qui opèrent un déni de réalité comme le refus des frontières territoriales, économiques, juridiques, historiques ou comme le refus des connaissances ou des informations, procèdent de manière identique. Les utopies sont des emplacements, comme les balises des travailleurs ambulants, mais sans lieu réel.

Bibliographie

Danielou A., 1983, Histoire de l’Inde, Paris, Fayard.

Foucault M., 2009, Le corps utopique. Les hétérotopies, Fécamp, Lignes.

Hamelin P., Lefebvre B, 1992, Les routiers : des hommes sans importance, Paris, Syros.

Halbwachs M., 1997, La mémoire collective, Paris, Albin Michel.

Lefebvre B., 1996, « La ritualisation des comportements routiers » in « La ritualisation du quotidien », Ethnologie française, 317-328.

Lefebvre B., 2012, Ethnographie des travailleurs en déplacement. Voyages en Europe sociale, Paris, L’Harmattan.

Leroi-Gourhan A., 1945/49, Milieux techniques, Paris, Albin Michel.

Lévi-Strauss Cl., 1973, Anthropologie structurale, T II, Paris, Plon.

Lévi-Strauss Cl., 1983, « De Chrétien de Troyes à Wagner » in Le regard éloigné, Paris, Plon.

Malinowski B., 1989, Les argonautes du pacifique occidental, Paris, Gallimard.

Maudet-Bendahan M., 2012, La mobilité géographique du travailleur salarié au sein de l’Union Européenne, Paris, LGDJ.

Propp V., 1970, Morphologie du conte, Paris, Seuil.

Tarrius A., 2002, La mondialisation par le bas, les nouveaux nomades de l’économie souterraine, Paris, Balland.


Titre : Sédentaires et Ambulants

Résumé : Cet article compare les travailleurs itinérants, les travailleurs détachés et les populations nomades et les travailleurs sédentaires. Si les façons de vivre sont différentes, les comportements économiques et les représentations sociales sont basées sur les mythologies que nous pouvons comparer. Beaucoup de contes de fées viennent de ces mythologies, des formes de présentation de soi et des relations professionnelles.

Mots-clés (auteur) : Ambulants - nomades - sédentaires - représentations - espaces sociaux et économiques - mythologies - contes - présentation de soi-même.

Title : Sedentary and Itinerants

Abstract : This paper compare travelling workers and posted workers with nomadic people and sedentary workers. Ways of live are different, economical and social representations are based on mythologies we can compare. Many fairy tales come from these mythologies and structure self presentation and professional relationships.

Keywords (author) : Itinerant - nomadic - sedentary - representations - social and economic areas - mythologies - stories - presenting oneself.

NOTES

[1] Une politique de prohibition a pour fonction de concentrer la richesse fournie par une activité pour un petit groupe, alors qu’elle pourrait se répartir. Voir par exemple : Enrique Cirules, 2004, « The mafia in Havana, A caribbean mob story », Minneapolis, Ocean Press.

[2] Pour une description plus détaillée, voir le ch. VI « Andalousie » (Lefebvre, 2012) ; Tabla salarial del campo provencia de Almeria, document gouvernemental, 2006 ; « Les fruits de l’hypocrisie. Histoire de ceux qui font l’agriculture…dans l’ombre. Enquête sur les conditions de vie et de santé des travailleurs étrangers employés dans l’agriculture italienne », rapport Médecins sans frontières, mars 2005.