citation
Roxana Eleta De Filippis,
"Le droit en action et en contexte : L’opposabilité du droit au logement. ",
REVUE Asylon(s),
N°8, juillet 2010-septembre 2013
ISBN : 979-10-95908-12-8 9791095908128, Radicalisation des frontières et promotion de la diversité. ,
url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article1311.html
résumé
Cet article aborde, à partir d’un travail empirique qualitatif, financé dans le cadre d’un contrat PE/PS- CNRS, la mise en œuvre de la loi DALO. Au croisement de la sociologie et du droit, il s’agit d’analyser les pratiques de saisine et d’instruction du droit au logement opposable dans un département du nord-est de l’agglomération parisienne, en les confrontant à trois adages qui sous-entendent le système juridique français : nul n’est censé ignorer la loi, au su et au vu de tous, au nom de peuple français. On soutiendra ici l’idée que le requérant Dalo le plus vulnérable est confronté à une « juridicisation » du droit qui rend très difficile l’accès au logement révélant ainsi que l’opposabilité n’est pas synonyme d’une protection plus efficace des droits affirmés.
Mots clefs
Introduction
Si le droit au logement était consacré dans plusieurs textes du droit positif français, la nouveauté de la loi DALO du 5 mars 2007, réside dans la juridicisation de la politique de logement qui consiste à désigner l’Etat comme le garant de ce droit, en ouvrant aux personnes sans logement ou mal-logées un droit de recours amiable ou, le cas échéant, un recours contentieux devant le juge administratif. Différentes évaluations estimaient à environ six cent mille ménages, soit un million sept cent mille personnes, le nombre d’individus susceptibles de faire valoir le droit à un logement opposable. [1]Or, selon le comité de suivi DALO, sur 182 000 recours déposés sur l’ensemble du territoire national (dont 67% émanant des départements d’Île-de-France), 55 000 demandes (pour la plupart de logement) ont reçu un avis favorable, mais moins de la moitié de ménages ont été effectivement relogés ou hébergés. [2]
Le décalage entre l’offre d’un dispositif et les recours à celui-ci d’une part et entre les recours au droit et l’offre d’un logement d’autre part, illustre le fait que l’existence juridique du dispositif n’implique pas sa réalisation concrète : la juridicisation de l’action publique n’implique pas de façon mécanique la judiciarisation du social. [3] L’attention portée à ce décalage permet d’esquisser une hypothèse wébérienne : le fait de remettre aux individus la charge de la mise en œuvre concrète de préceptes de portée générale comme le droit au logement se traduit, dans le cas des plus démunis, par une inégalité juridique. Dès lors, ce n’est pas tant la validité idéelle de la norme qui importe mais les représentations de celui qui cherche à faire « valoir son droit » face à des acteurs qui peuvent opposer un point de vue contraire.
L’un des objectifs des pages qui suivent est d’aborder l’opposabilité du droit au logement par la pratique du DALO. Si l’opposabilité est au centre de notre analyse c’est qu’elle résulte non seulement des règles de droit mais des doctrines et des jugements de valeur repérables dans les interactions entre les acteurs institutionnels ou associatifs et les requérants qui ne sont pas des sujets passifs [4] dans l’obtention d’un statut de « prioritaire ». C’est d’ailleurs dans l’opposabilité du droit au logement que les normes sont « déstabilisées » par des acteurs [5] : l’opposabilité est un artefact social. Pour valider nos hypothèses nous avons opté pour une démarche socio-ethnographique permettant d’observer l’opposabilité du droit au logement en action. Nous avons procédé à un ensemble d’observations des séances de permanences d’associations vouées à l’accompagnement des personnes sans logement, ainsi qu’à l’observation d’une séance de travail d’une commission de médiation et des audiences auprès du tribunal administratif. Des entretiens semi-directifs avec les acteurs rencontrés pendant l’enquête (requérants, membres de la commission de médiation, juges et responsables associatifs) complètent ce corpus. [6] Nous mettrons d’abord en avant les règles (I) qui structurent les cadres d’interaction au moment de la constitution du dossier par les requérants potentiels en vue d’une saisine de la commission de médiation (II). Pour nous focaliser ensuite sur l’analyse de l’instruction des dossiers (III) et de l’éligibilité au sein de la commission de médiation (IV) : nous verrons comment les membres de la commission opèrent leurs choix et sur quels éléments ils s’appuient pour justifier les décisions qu’ils prennent. Le recours à la justice administrative ne modifie pas cet état de fait : d’une part parce que les recours se limitent géographiquement aux lieux où l’accompagnement juridique existe et est important et d’autre part parce que nous ne sommes pas en présence d’un gouvernement de juges (V). En conclusion, nous avançons l’idée selon laquelle les représentations du droit développées par les acteurs du DALO tiennent moins de l’obligation de résultats, que de l’exercice de la distribution d’une ressource rare : le logement. [7] L’érosion de l’obligation de résultats de la part de l’Etat plonge alors les requérants dans un espace incertain constitué par ces lieux de pouvoirs qui sont non pas les commissions de médiation Dalo mais leur secrétariat.
I- La loi …
Issu des travaux du Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées et inspiré du droit écossais, le projet de loi instituant un droit opposable au logement a été déposé au Parlement le 17 janvier 2007. Le projet comportait à l’origine neuf articles alors que la loi définitive – loi n° 2007-290 du 5 mars 2007- en compte 75 [8].Qualifiée d’historique, la loi consacre un nouveau droit opposable à l’Etat et ouvre aux personnes mal-logées un droit de recours, amiable auprès des commissions de médiation (art. 7), puis la possibilité d’un contentieux devant le juge administratif (art .9). Ainsi, l’article 1er de la loi Dalo dispose que le droit à un logement décent et indépendant est garanti par l’Etat. Même si l’opposabilité est subordonnée à des conditions. Le recours amiable auprès des commissions de médiation est ouvert sans délai aux demandeurs d’un hébergement et aux demandeurs prioritaires de logement et à l’expiration d’un délai d’attente anormalement long (défini par arrêtés préfectoraux) pour les autres demandeurs. Le décret 28/11/07 : art. 10/ R.441-14-1 apporte des précisions à la définition des catégories de personnes prioritaires. Il s’agit des personnes dépourvues de logement, logées dans des locaux impropres à l’habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux, menacées d’expulsion sans relogement, hébergées ou logées temporairement dans un établissement ou un logement de transition, les personnes handicapées ou ayant à charge une personne présentant un handicap, ou au moins un enfant mineur et occupant des locaux manifestement suroccupés ou un logement non décent. Le rôle des commissions de médiation (placées depuis 1988 auprès du Préfet) est donc renforcé (art.7) : elles désignent les personnes prioritaires (PU). Dès lors les préfets sont contraints de loger ou héberger sur leur contingent (trente pour cent de logements sociaux) les personnes jugées prioritaires par les commissions de médiation. S’ils manquent à cette obligation, les personnes prioritaires peuvent saisir le juge administratif. Ce recours contentieux est ouvert à compter du 1er décembre 2008 aux demandeurs prioritaires et à compter du 1er janvier 2012, à l’expiration du délai anormalement long, pour les autres demandeurs de logement social. En parallèle, les demandeurs pourront exercer un recours pour excès de pouvoir contre les décisions de la commission de médiation si la demande n’a pas été jugée prioritaire.
Dans ce contentieux administratif, qualifié de plein contentieux d’urgence, le juge administratif se voit conférer des pouvoirs importants : il ordonne le logement ou le relogement par l’Etat des demandeurs ayant été jugés prioritaires ; il peut aussi ordonner l’accueil du demandeur dans une structure adaptée. Mais il n’a pas à trouver un logement à la place de l’Etat. Le juge peut assortir son injonction d’une astreinte qui sera reversée au fonds d’aménagement urbain (institué dans chaque région depuis l’entrée en vigueur de l’article 55 de la loi SRU), l’objectif étant de financer des actions foncières et immobilières en faveur du logement social.
II- Nul n’est censé l’ignorer.
La loi prévoit une obligation pour le préfet d’assurer l’accès aux informations sur les voies de recours (art 5). Il s’agit d’un préalable à l’action des personnes susceptibles de l’exercer. [9]Car c’est par ce biais que le droit vient aux gens. [10] À la rubrique « où vous adresser ? », de la brochure d’information DALO rédigée par le ministère du logement et de la ville, l’on peut lire : « allez à votre préfecture » puis des liens internet sont cités, alors que ce ne sont pas les populations les plus démunis qui ont forcément accès. C’est pourquoi des associations de défense de mal-logés sont citées dans cette brochure comme étant des relais d’information. Contrairement à d’autres recherches sur les recours au droit administratif [11], nous constatons sur le terrain que ce sont les plus démunis qui se tiennent davantage à distance du droit au logement opposable, soit par des non-recours, [12] soit par des recours instruits comme irrecevables. [13] Cette population a par ailleurs davantage recours aux informations in situ (préfecture, caf, associations) pour effectuer les démarches. [14] Cela s’expliquerait par une incompétence administrative statutaire réelle. [15] Mais aussi, notre recherche montre que l’information (et la compréhension du dispositif) la plus fiable sur DALO s’obtient « sur place » et de préférence auprès des associations. Tout se passe comme si DALO était du ressort du monde associatif. Sur le terrain, rares sont les fonctionnaires ou employés administratifs qui informent les citoyens sur le contenu et la procédure de la loi. Les tests téléphoniques que nous avons effectués montrent qu’au-delà du formulaire, il est difficile de trouver des informations auprès de l’administration. Et il n’est pas exagéré de qualifier cette recherche comme « un parcours du combattant ». [16] En réalité, ce sont les associations de lutte contre l’exclusion qui informent et accompagnent les requérants et paradoxalement certains fonctionnaires. Ainsi et à titre d’exemple, l’espace Solidarité Habitat de la Fondation Abbé Pierre a pris en charge des pans entiers du dispositif et ceci dès la mise en place de la loi : « Nous avons joué le jeu car l’enjeu était important. Il y a ce manque d’information donc c’est le milieu associatif qui a pris en charge la promotion de la loi. Les travailleurs sociaux informent les familles qu’ils accompagnent mais pas les autres, puis les assistantes sociales ne connaissent pas toujours la loi. Nous les formons, ainsi que les bénévoles et aussi des organismes comme la CAF ! Bref, si le gouvernement voulait faire capoter DALO, il n’aurait pas fait mieux. Ils disent sans le dire : vous vouliez cette loi, vous l’avez, voilà, à vous de la faire vivre ! Remarquez c’est un juste retour des choses : du monde associatif au monde associatif ». [17] Les conclusions du groupe de travail présidé par Paul Bouchet le 30 janvier 2009 insistent sur la nécessité de responsabiliser davantage les pouvoirs publics les rendant responsable du fort taux de rejet, conséquence d’une mauvaise orientation, soupçonnant les pouvoirs publics de rétention d’information qui « pourrait résulter d’une envie de limiter le nombre de recours DALO et de décisions ordonnant un relogement ou un hébergement à l’Etat ». [18]
III- Au su de tous : la saisine
L’arrêté du 19 décembre 2007 fixe les modèles des formulaires (l’un pour le logement, l’autre pour l’hébergement) de saisine de la commission de médiation. Le « formulaire- logement » qui a été modifié en 2009 afin de le rendre « aussi simple que possible à constituer » est composé de plusieurs questions et d’un argumentaire libre. C’est un questionnaire dense sur cinq pages recto verso concernant l’identité du requérant, les coordonnées, les démarches préalables au recours amiable devant la commission de médiation, la nationalité, la composition du foyer, les ressources, les contraintes liées au lieu de travail ou d’activité. Ainsi que les motifs du recours, les soutiens éventuels (assistante sociale ou association), les autres démarches de recours et l’argumentaire libre. Le questionnaire hébergement quant à lui est plus court : cinq questions (identité, adresse, demandes d’hébergement effectuées, nombre de personnes composant le ménage et si la personne le souhaite sa situation personnelle). Il distingue l’hébergement stricto sensu (pour lesquels l’identité du demandeur n’a pas à être justifié) et le logement temporaire ou le logement–foyer. Les deux versions se terminent par la signature du requérant et de pièces justificatives. Actuellement, certains dossiers comportent jusqu’à 13 pièces justificatives différentes. Nous pourrions construire avec les exemples étudiés en commission de médiation une liste « à la Prévert » ; CR , CNI, CNE, passeport, livret de famille, actes de naissance, avis d’imposition, bulletin de paye, certificats de scolarité des enfants, certificat médical, rapport social, courrier de la mairie, courrier COTOREP, attestation DLS, congés pour reprise, courrier SCHS, attestation d’hébergement, congé pour non renouvellement de bail, attestation d’assurance habitation, contrat de travail, attestation de présence en formation, factures de toutes sortes, photos et une lettre de motivation. Lettre qui laisse perplexe un requérant interrogé :
« Que veux-tu que je leur donne comme motivation ? Mettons : marre de faire le 115 ! » . [19] Les responsables de l’instruction de la commission de médiation étudiée reconnaissent que les écarts se creusent entre, d’un côté les dossiers « vides » et de l’autre les dossiers « pleins » sans pour autant préciser s’ils sont davantage éligibles. Mais les requérants interrogés signalent qu’un « bon dossier » est « plein de preuves » [20]. Même si certaines preuves sont plus importantes que d’autres. En effet trois documents « comptent » vraiment : le procès-verbal d’expulsion, l’attestation DLS et l’élément probant de la surface. Faute de quoi le dossier se voit rejeté avec comme tout justificatif la mention : « Pas d’élément probant ». Comme l’explique une bénévole : « À Paris, sur trois dossier reçus un est incomplet. Cela s’explique par la complexité du dossier, il faut tout prouver. Comment faire par exemple, pour prouver que l’on habite dans sa voiture ?… ». [21] Certaines associations vont ainsi jouer un rôle majeur dans la construction de l’opposabilité, notamment en « pré-qualifiant » les recours ; ainsi, en aidant les requérants à remplir le formulaire, les acteurs associatifs mettent en cohérence une vie caractérisée par des ruptures, d’où la nécessité de cadrer pour mieux qualifier. [22] Constituer le dossier revient à faire ce que Pierre Bourdieu appelle l’illusion biographique [23], mettre en cohérence ce qui ne l’est pas : comme témoigne l’extrait de l’entretien fait avec un bénévole :
« En arrivant, un type me dit j’ai besoin d’un logement. Je lui dis : tu habites où ? il me dit, j’habite chez personne, je suis sans domicile. Alors je lui dis attends : si tu dis que tu n’as pas de domicile, que tu n’es pas en centre d’hébergement, ni chez quelqu’un, ça me paraît incohérent. La situation est noire, mais noir à ce point-là ce n’est pas possible !!! Puis je le laisse parler avec Joseph (…) Alors d’un côté le type disait qu’il était hébergé chez des amis et de l’autre côté, il disait qu’il n’avait pas de logement, des tas d’incohérences qui font que le dossier n’aboutit pas. » [24]
Pour autant, les associations de défense de mal-logés ne s’investissent pas dans la promotion et l’usage du droit de façon homogène. Pour reprendre les deux catégories d’usage du droit développés par R. Abel et reprises par L. Israel [25] : certaines associations font un usage défensif du droit. Tandis que d’autres, plus rares en font un usage offensif . Arme ou bouclier ?
Cette idée est illustrée par les propos de Jean-Baptiste Legrand. Selon lui, il faudrait intégrer DALO dans un processus de normalisation dans lequel le travail d’information et d’accompagnement des associations serait à l’avenir pris en charge par les professionnels du droit ; « Maintenant c’est aux avocats de se saisir de la problématique, il faut qu’ils trouvent un intérêt à défendre cette loi et l’intérêt est économique, il faut qu’ils se fassent de l’argent en défendant des cas, que le droit au logement opposable soit perçu comme un droit comme les autres et par ailleurs que les requérants de la loi Dalo soient perçus comme des justiciables comme les autres et non pas stigmatisés comme des pauvres ». [26]
IV- Au vu de tous : L instruction et l’examen des dossiers
L e formulaire doit être adressé au Secrétariat de la commission de médiation du département. Si le dossier est reconnu complet, un accusé de réception sera délivré par le secrétariat, dont la date, fait débuter les délais accordés à la commission pour rendre sa décision (CCH R.441-15 et R.441-18). L’accusé de réception comporte un numéro d’enregistrement identifiant chaque requête. Ce numéro est complété, le cas échéant, par un caractère indiquant l’ordre d’arrivée des pièces complémentaires que le requérant a pris l’initiative d’adresser à la commission, postérieurement au dépôt de son recours. Car c’est le secrétariat qui instruit le dossier. L’instruction fonctionne selon nos interlocuteurs de la façon suivante :
« La veille de la réunion de la commission il y a une pré-commission. Toutes les informations sont vérifiées. Le lendemain nous recevons un dossier assez léger, un résumé du dossier du requérant ». [27] Rappelons que la commission comporte douze membres (trois par collège : L’Etat, Collectivité territoriale, les organismes bailleurs et les organismes chargés de la gestion d’une structure d’hébergement et associations de locataires et des associations agréées dont l’un des objectifs est l’insertion ou le logement des personnes défavorisées), treize avec le président. L’un des membres de la commission interrogé nous explique : « La commission de médiation est composée selon l’article 7 du décret du 28 novembre 2007 de quatre collèges différents. Le président est un représentant du préfet. Ici c’est, l’ancienne responsable des comités d’expulsion, c’est dire. Bref ! Des représentants de l’ADIL (4 membres), des services de l’État (3 ou 4 membres) les représentants des bailleurs sociaux (6-7 membres) les représentants du secteur associatif (4-6 membres). Mais certains sont aux abonnés absents, notamment les représentants des collectivités territoriales, ils ne sont jamais là. » [28]
La commission délibère à la majorité simple. Si le quorum est atteint, la commission siège (deux fois par mois) suivant un ordre de jour précis et inaltérable : examen du tableau des statistiques, approbation des procès-verbaux et des relevés de décision des séances précédentes, examen des nouveaux recours (environ 200 dossiers par séance). Dans le cadre des attributions légales, chaque collège semble jouer un rôle de façon à équilibrer, en les représentant, des intérêts différents : personnes défavorisés, bailleurs, territoires, Etat… Seulement que l’on constate plutôt un consensus. Le mécanisme de fonctionnement est bien rodé : dans une petite salle de la DDE, les fiches de synthèse des dossiers sont disposées sur une table ovale, devant chaque membre de la commission de médiation. Le jour de notre observation, assis face à la présidente de la commission, les membres du service instructeur lisent à voix haute et à tour de rôle, le numéro du dossier qu’il faut examiner, déclinent l’identité du demandeur, le motif de la demande et donnent pour finir un pré-avis de décision motivé. Pré-avis qui ressemble plutôt à un avis définitif si le dossier est rejeté. Les autres membres de la commission peuvent lire la fiche de synthèse qui ne contient pas par ailleurs d’autres informations que celles lues par les employés du service instructeur. En d’autres termes, les membres de la commission de médiation n’ont pas de fait accès au dossier complet du requérant. La commission peut entendre toute personne dont elle juge l’audition utile. Mais cela non plus ne s’est pas produit pendant notre observation. La commission de médiation reçoit seulement une fiche récapitulative du dossier et ne vérifie que rarement le travail réalisé par le secrétariat. Et pour cause : la séance qui commence à environ 10h00 du matin et se termine peu avant-midi. En moins de deux heures, la commission analyse : 60 dossiers en instance, 41 recours gracieux, 8 dossiers urgents et 22 dossiers hébergement, c’est-à-dire qu’elle consacre un peu plus d’une minute par dossier. Autant dire que le travail est réalisé en amont, au moment de l’instruction, par le secrétariat. Malgré la vitesse du traitement des dossiers, il arrive parfois que l’un des membres ne partage pas le pré-avis du secrétariat qui instruit le dossier. À ce moment-là, un dialogue s’instaure en général entre les représentants des bailleurs sociaux et les membres représentant le collège des associations, chacun défendant des intérêts différents. Aucune décision n’a été soumise au vote des membres de la commission. Il s’installe plutôt un consensus rapide étant donné le manque de temps pour la réflexion et l’analyse. Trois thèmes ont été pourtant débattus pendant l’observation : la bonne foi d’un demandeur menacé d’expulsion, la notion de recherche active d’un logement et l’obligation alimentaire d’une famille hébergeant un sans domicile.
L’exemple de la bonne foi est illustré à travers la demande, d’une retraitée de 64 ans menacée d’expulsion. Nous pouvons lire dans les éléments d’appréciation de la demande et de pré-avis figurant dans la fiche récapitulative : les ressources de la personne (une retraite), l’ordonnance du tribunal d’instance prononçant l’expulsion, un protocole tripartite dénoncé (à cause des engagements non respectés) et le montant de la dette en 2009. Le dossier est rejeté. Cependant, l’âge de la requérante suscite le débat. Très rapidement, la plupart des membres concluent à la mauvaise foi. L’une des membres de la commission nous explique :
« …La bonne foi, cela revient souvent en commission. À mon avis, on fait une lecture assez moralisatrice de la mauvaise fois : si une personne est expulsée et qu’elle n’a pas négocié un échelonnement des impayés, elle est cataloguée de mauvaise foi. » [29]
L’exemple de l’obligation alimentaire est illustré avec la demande d’un couple et de leur enfant mineur, les trois hébergés dans la famille élargie. Une demande de logement a été effectuée en 2008 mais non renouvelée en 2009. Nous imaginons un rejet du dossier et pourtant il est « recevable » malgré l’obligation alimentaire. La cause ? La suroccupation : 11 personnes dans un F3 et les tensions familiales. Un autre exemple d’un dossier éligible malgré l’obligation alimentaire ; il s’agit d’une personne de 50 ans hébergée chez ses parents handicapés et recherchant activement un logement. L’obligation alimentaire n’est pas mise en avant en cas de sur-occupation ou d’handicap. Un contre-exemple de l’obligation alimentaire se présente soudain : un couple est un enfant mineur sont hébergés depuis novembre 2007 chez les parents. Le dossier est rejeté en application de l’obligation alimentaire. L’argument légal est mis en avant : la fiche récapitulative indique l’article 205 s du Code civil. Mais ensuite il est indiqué que le couple n’effectue pas une « recherche active de logement », le DLS étant trop récent au regard des déclarations. Voilà enfin la fameuse « recherche active », un des membres de la commission soutient : « Dans notre département, il faut prouver que l’on cherche un logement depuis trois ans, sinon vous n’êtes pas dans le cadre. Alors imaginons, vous faites une demande de logement à l’office HLM en 2005, puis une autre en 2007 mais vous vous découragez en 2008, et voilà vous n’êtes pas éligible ». [30] Cet état de fait est illustré par le dossier d’une personne demandant un logement pour elle et ses quatre enfants mineurs. Malgré les dix pièces justificatives jointes au formulaire, le dossier est rejeté. La Cause ? « Faute de justificatif de la recherche de logement « (attestation DLS) . Sur ce dossier, comme pour les autres d’ailleurs, il n’y a pas eu véritablement de débat.
V- Au nom du peuple français.
La décision de la commission de médiation est notifiée par écrit. Si la commission considère que le demandeur n’est pas prioritaire, elle indique les motifs. En revanche, si la demande est jugé recevable, le préfet est chargé de trouver (dans un délais allant de trois semaines pour un hébergement à trois mois pour un logement) un logement. Les décisions de la commission de médiation sont susceptibles de faire grief et peuvent également faire l’objet d’un recours juridictionnel dans le cadre des recours pour excès de pouvoir et dans le cadre d’un recours de plein contentieux. Ainsi, l’article R. 778-2 du code de justice administrative prévoit dans sa rédaction issue du décret n°2008-1227 du 27 novembre 2008 relatif au contentieux du droit de logement opposable que les requêtes formées dans le cadre de cette loi sont présentées dans un délai de quatre mois à compter de l’expiration du délai dont le préfet dispose pour proposer une offre de logement. L’article L. 441-2-3 -1 du CCH prévoit que le demandeur peut être assisté par une association agréée par l’Etat dans le département. Ces dernières ne sont pas recevables à introduire elles-mêmes la requête. La mission du juge est, quant à elle, définie à l’article L.441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation, « lors qu’il constate que la demande a été reconnue comme prioritaire par la commission de médiation et doit être satisfaite d’urgence et que n’a pas été offert au demandeur un logement tenant compte des besoins et de ses capacités, ordonne le logement ou le relogement de celui-ci par l’Etat et peut assortir son injonction d’une astreinte » (art. L. 302-7). Le rôle restrictif du juge vise à lui permettre de statuer dans des brefs délais : deux mois à compter de sa saisine (article L.441-2-3-1).
En 2010, 5585 recours ont été déposés (dont 86% pour l’Ile de France). Parmi les 5 363 jugements rendus 76,7 % ont été de jugements de satisfaction contre 8,2 % de rejets. Ces chiffres inspirent deux séries de réflexions : sur la « géographie » des recours et sur les jugements. C’est à Paris que la plupart du contentieux a lieu, là où l’application de la loi est la plus problématique étant donnée la crise du logement mais aussi là où les associations ayant une permanence juridique sont plus nombreuses et actives. Ces constats visent à valider l’hypothèse qui consiste à analyser les recours à la justice comme une construction sociale. [31]
En outre, la jurisprudence apporte aux associations qui siègent dans les commissions de médiation, un éclairage sur l’interprétation de la loi. Par exemple, suite au cas Fofana la FNARS (Fédération d’association de solidarité) a signalé à ses membres que : « La commission de médiation ne peut conditionner l’urgence de l’attribution d’un logement à la fin du contrat du séjour dans un centre d’hébergement car cette disposition n’est prévue ni par la loi ni par le décret (…) Le juge des référés indique qu’il doit être tenu compte : de la durée du séjour dans un CHRS, du terme prévu de ce séjour, de la pertinence de prolonger ce séjour eu égard aux contraintes qu’un tel hébergement impose et qui doivent être justifiés par un processus de réinsertion sociale (…) Critères dont la commission n’avait pas tenu compte ». [32]
Il est intéressant d’analyser finalement les rapports que juges entretiennent avec les administrations. Lors de l’observation de la séance de travail de la commission de médiation, huit dossiers étaient réexaminés suite à l’annulation de la décision par le tribunal administratif. L’occasion de voir quel nouveau regard la commission portait sur ces dossiers. Le premier cas examiné concerne un adulte et trois enfants mineurs menacés d’expulsion. La commission de médiation avait jugé le 23 avril 2008 le dossier irrecevable faute de justificatif de menace d’expulsion mais également au titre du délai anormalement long faute d’élément probant de la recherche de logement (alors que, selon la fiche récapitulative, la personne était en attente d’un logement social depuis plus de quatre ans). Le 20 mars 2009 le tribunal administratif annule la décision de la commission. Un nouvel examen a donc lieu, mais la commission ajourne l’examen du dossier pour « demande de pièces complémentaires au requérant", notamment il est demandé « tout justificatif des démarches entreprises pour résorber la dette (plan d’apurement, plan Banque de France, autres protocoles ou preuves d’un versement régulier)". Ce n’est que par la suite, après réception des pièces justificatives, deux courriers de la Trésorerie générale et une lettre du DAL que la commission juge le dossier recevable avec une proposition en hébergement de type CHRS ou centre de stabilisation. L’analyse du traitement de ce dossier nous permet de confirmer que la décision du juge ne lie pas la commission de médiation. Elle reste souveraine et intransigeante quant aux preuves de bonne foi. Ainsi, parmi les huit dossiers réexaminés quatre seront jugés recevables et quatre rejetés. Qu’en est-il du pouvoir du juge ? D’après Pearl Nguyen-Duy, [33] le juge n’a pas de marge de manœuvre : il doit constater que le demandeur a été reconnu prioritaire par la commission de médiation, que sa demande est toujours valable et qu’aucune offre de logement correspondant à ses besoins et à ses capacités ne lui a été proposée. Nos observations le corroborent. Au tribunal, les requérants se succèdent à la barre pour témoigner de leur situation ; Déclarée « prioritaire » en juillet 2008 par la commission de médiation de Paris, une femme et ses quatre enfants disent « ne plus pouvoir vivre dans cet hôtel minable ». Impassible le magistrat ordonne l’ « injonction de reloger ». Le père d’un enfant de dix-sept ans resté au pays explique « qu’il ne peut pas le faire revenir en France car il loge chez son frère ». Il demande une astreinte, mais il souhaite bénéficier de cet argent. Le juge explique que cela n’est point possible : « l’argent, c’est pour un fonds DALO ». Plus tard encore, un couple avec deux enfants dit être logé chez le frère dans un appartement de dix mètres carrés : « madame la juge, je demande un logement depuis 2004, je peux payer un loyer, j’ai un salaire, je n’en peux plus ». Le juge ordonne le relogement et l’injonction d’une astreinte, mais explique : « je n’ai d’autres pouvoirs que celui qui me confère la loi ». Une famille afghane dont les six membres vivent dans une pièce de vingt-cinq mètres carrés explique « qu’ils pensaient que la France était une terre d’asile alors ils sont là mais c’est difficile vous comprenez madame la juge ? » Injonction est faite de « reloger assortie d’une astreinte destinée au fond d’amélioration de l’habitat ». Une jeune fille parle au nom de la famille présente à la barre : « nous vivons à quatre à l’hôtel, nous avons été déclarés prioritaires le 14 août 2008 et puis rien à changé ». Injonction de reloger et astreinte dit la juge encore, « mais quand » ? répond la fille. « Vous serez logés dans les mois ou les années à venir » répond la juge « Il n’est pas facile de se loger à Paris ». Un sentiment d’impuissance envahit la salle au fur et à mesure que les injonctions de loger et de reloger se succèdent pour les personnes présentes sans exception : SDF, menacés d’expulsion, personnes handicapées logées chez des tiers. Il n’est pas question du pouvoir de juge : « le juge a compétence liée, nous n’avons pas, comme vous venez de le voir en audience, de marge de liberté (…) Déclare un juge interrogé mais bien de l’impossibilité de l’Etat à assurer une obligation de résultat que ce juge décrit comme « l’impuissance du gouvernement à résoudre la question du manque de logements ». Pour d’autres juges « C’est un détour stérile. Nous validons la décision des commissions de médiation que, je le crois, corrigent pour ainsi dire les pratiques parfois perverses des bailleurs sociaux. Accélérons-nous par notre activité judiciaire l’accès au logement des personnes prioritaires et urgentes ? je ne sais pas ». [34]
Conclusion
Les sociétés de la « seconde modernité » [35] sont souvent caractérisées par l’augmentation quantitative des droits et par la transformation de leur nature. La montée des droits subjectifs reflèterait la place prise dans nos sociétés par l’individu et l’idée constructiviste selon laquelle le droit assure un meilleur avenir. La prolifération des "droits à" participe à ce mouvement d’enchantement du droit, suscitant espoirs ou scepticisme. Pour certains pourtant ces « droits à » ne sont pas nouveaux et il serait vain de prétendre tracer une frontière autre que nominale entre les droits subjectifs et les libertés fondamentales [36]. Pour d’autres auteurs au contraire, les "droits à" constituent une révolution : le passage d’une conception théorique des droits à une conception effective de ceux-ci impliquant un pouvoir du juge plus étendu que les droits subjectifs classiques. Et traduisant in fine une démocratisation de la société sur un double plan : d’abord, par la distribution à chaque individu de prérogatives juridiques à portée concrète indiscutable, ensuite parce que les noms donnés à ces droits sont si clairs qu’ils assurent leur lisibilité pour le plus grand nombre). [37] Efficacité pratique, démocratisation et acculturation juridique : le droit au logement opposable participe-t-il à ce processus ?
À l’égard du nombre de personnes relogées ou hébergées, l’effectivité de la loi est limitée. Les décisions de justice restent sans effet faute de logements disponibles à telle enseigne que le comité de suivi Dalo parle de déni de droit. Mais la loi est peu mobilisée par ceux qui en ont le plus et besoin faute de logements disponibles, l’opposabilité n’a pas modifié les effets déjà limités de la loi de 1990 instituant un droit au logement. Dès lors, l’on s’interroge sur le sens qu’il convient de donner à l’opposabilité et l’on soupçonne l’autorité d’avoir eu recours à ce terme pour des raisons idéologiques :DALO n’ayant (eu) d’autre fonction que politique.
Quant au pouvoir du juge, force est de constater qu’il est aussi limité [38], tant dans les recours par excès de pouvoir (car le juge ne revient pas sur le fond) que dans les recours concernant l’application des décisions des commissions (qui se terminent dans la plupart de cas par la condamnation de l’Etat). Par ailleurs, l’analyse du traitement des recours par les commissions de médiation montre qu’elles constituent des véritables instances de régulation sociale. Ceci n’est pas nouveau. Depuis les travaux de Pierre Rosanvallon [39] et d’Isabelle Astier [40], l’on avait l’habitude de voir dans l’action des commissions de médiation une nouvelle manière d’appréhender la régulation sociale et juridique. Depuis les années quatre-vingt, ces commissions qui groupent divers services publics, associations et élus locaux délibèrent et ajustent l’attribution des différents droits sociaux aux situations concrètes des individus-demandeurs plutôt qu’en fonction (et parfois au-delà) de leur personnalité juridique. Or, nous avec DALO il nous semble constater un déplacement de la fabrique et des techniques de régulation. Le filtre de contentieux est placé au moment de l’instruction des dossiers par des secrétariats. L’individu-personne est peu ou pas considéré. Les personnes les plus vulnérables n’opposent que très rarement leur droit au logement ou à l’hébergement et quand ils le font c’est accompagné par des professionnels du droit qui « trient » les « cas » les plus à même de réussir l’épreuve administrative, les mieux armées pour faire face au dispositif participant ainsi à la "qualification juridique" des faits. Autrement dit, l’opposabilité se construit dans une interaction d’acteurs qui n’ont pas le même pouvoir d’agir. Et le secrétariat qui instruit ne fait pas qu’instruire, il « juge » sur dossier et sur preuve. L’administration se réserve le droit de présenter à la commission un pré-avis motivé de décision qui est la plupart du temps accepté par la commission et par le juge qui ne revient pas sur le fond. Est-ce cela la démocratisation du droit ? Il est peu vraisemblable. Cette conclusion est partagée avec d’autres auteurs qui signalent aussi qu’en limitant la conséquence juridique (l’accès à un logement) et les justiciables (désormais l’Etat) DALO pose le problème de la liberté politique en démocratique : les citoyens se voient limités dans leur choix de moyens d’atteindre l’objectif de l’accès à un logement et ou de conjuguer cet objectif avec la promotion d’autres droits fondamentaux [41]. A moins de rendre l’ensemble des droits sociaux opposable à l’Etat ?
Pour en savoir plus
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Roxana Eleta-De Filippis
Maître de conférences en sociologie à l’université du Havre, chercheur à l’UMR IDEES et au CERSA. Son domaine de recherche se situe au carrefour de la sociologie du droit et de l’analyse des politiques publiques. Ses recherches actuelles portent sur la contractualisation du social et sur les non-recours aux droits et services sociaux.
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Résumé. Cet article aborde, à partir d’un travail empirique qualitatif, financé dans le cadre d’un contrat PE/PS- CNRS, la mise en œuvre de la loi DALO. Au croisement de la sociologie et du droit, il s’agit d’analyser les pratiques de saisine et d’instruction du droit au logement opposable dans un département du nord-est de l’agglomération parisienne, en les confrontant à trois adages qui sous-entendent le système juridique français : nul n’est censé ignorer la loi, au su et au vu de tous, au nom de peuple français. On soutiendra ici l’idée que le requérant Dalo le plus vulnérable est confronté à une « juridicisation » du droit qui rend très difficile l’accès au logement révélant ainsi que l’opposabilité n’est pas synonyme d’une protection plus efficace des droits affirmés.
Mots clés : droit au logement opposable, saisine, instruction, commissions de médiation, sécurité juridique
Law in action and in context ; questionning the enforceability of an opposable right to housing
Summary. At the intersection of sociology and law, this article analyses the process of judicial referral and instruction in the matter of right to housing in a department located in the North-East suburb of Paris. It engages into a confronta-tion of the results with three legal principles that underlay French legal system : : nul n’est censé ignorer la loi (no one may ignore the law), au su et au vu de tous (in the full knowledge of all), au nom de peuple français (in the name of the French people). The thesis is that extremly vulnerable applicants face judiciarised legal processes which deeply complicate access to housing. It shows therefore that the "opposable " dimension does not offer an efficient protection for the announced rights.
Key words : opposable right to housing, judiciarisation, enforceability, legal unsecurity
NOTES
[1] C. Robert, “Le droit au logement opposable, une avancée incontestable, des questions en suspens », Recherches et prévisions, n°94, décembre 2008, p. 106
[2] Comité de suivi Dalo, www.hclpd.gouv.fr
[3] D’autres recherches montrent que l’augmentation de contentieux n’est pas uniforme : signalant une baise du contentieux logement. Contamin J.-G. ; Saada E. ; Spire A., Weidenfeld K., (2008), Le recours à la justice administrative. Pratiques des usagers et usages des institutions. Paris : La Documentation Française
[4] Scott, (1990), Domination and the Arts of Resistance : Hidden Transcripts, Yale University Press Fassin D. (2001), "Charité bien ordonné. Principes de justice et pratiques de jugement dans l’attribution des aides d’urgence", Revue Française de sociologie, 42-32001, Barclay, Marschall, (2003) "In Their Own Words : How Ordinary People Construct the Legal World," Law and Social Inquiry, vol. 28, p.617-228
[5] Kennedy D., (2010) Izquierda y Derecha. Ensayo de téoria juridica critica, Buenos Aires : Siglo XXI
[6] La recherché a eu lieu dans le cadre d’un PE/PS CNRS
[7] Bobbit P., Calabresi G., (1978), Tragic Choices, New York, Norton
[8] Le texte est désormais codifié aux articles L.300-1 et L.441-2-3 et suivants du Code de la construction et de l’habitation et les articles R.778-7 et suivants du Code de la justice administrative.
[9] Comité de suivi DALO, 2007
[10] Abel R., Felstiner L., Sarat A., (1980-1981), “The Emergence and Transformation of Disputes : Naming, Blaming, Claiming”, Law & Society Review, vol.15, n°3-4
[11] Contamin J.-G., Saada E., Spire A., Weidenfeld K., op.cit.
[12] Ewick P., Silbey S., (1998), The Commonplace of Law, Stories of Everyday Life, Chicago, University of Chicago Press. Warin P., 2010 (1999), « Les “ressortissants” dans les analyses de politiques publiques », Revue française de science politique, 49 (1)
[13] Fassin D., (2000), « La supplique. Stratégies rhétoriques et constructions identitaires dans les demandes d’aide d’urgence », Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 55, n°5.
[14] Dubois V., (2008), La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica.
[15] Weill P.-E., (2011) « Qui sait faire valoir le DALO ? Les compétences des requérants : Conditions et limites d’une juridiciarisation de l’action publique, Communication : Congrès AFS,
[16] Conseil d’Etat, (2009) Droit au logement, droit du logement., Paris : La Documentation Française
[17] extrait du journal de terrain de l’enquêteur
[18] Paul Bouchet, 2009 « Faciliter les démarches des personnes relevant du droit au logement opposable » groupe de travail constitué à la demande de Mme Christine Boutin, Ministre du logement
[19] extrait du journal de terrain de l’enquêteur
[20] Id
[21] extrait du journal de terrain de l’enquêteur
[22] Chappe V. A., (2010).., Raisons pratiques
[23] Bourdieu P. L’illusion biographique. Actes RSS, N° 62/63 pp.69-72.
[24] extrait du journal de terrain de l’enquêteur
[25] Israel L. (2009) L’arme du droit, Paris, Presses de Sciences-Po.
[26] Id
[27] extrait du journal de terrain de l’enquêteur
[28] Id
[29] Extrait du journal de terrain de l’enquêteur
[30] Id
[31] Blankenburg E. (1994), « La mobilisation du droit. Les conditions du recours et du non recours à la justice ». Droit et société, n°28, 1994
[32] Enquête Fnars, « Positionnement des commissions de médiation en Ile de France, Réponses au questionnaire sur les fonctionnements et les pratiques des commissions DALO », juin 2008
[33] Pearl Nguyen-Duy (2009) (2009) « Droit au logement opposable, Acte II », AJDA, 23 mars 2009, pp. 514-520
[34] extrait du journal de l’enquêteur
[35] Giddens A., (1987) La construction de la société, Paris, PUF R. Dworkin R.,(1994) L’empire du droit, Paris, PUF
[36] Cohen D., « Le droit à… ; L’avenir du droit, » Mélanges en hommage à François Terré, Paris : Dalloz, Puf,
[37] Terré D., (2007) Les questions morales du droit, PARIS, PUF
[38] Commaille J., Dumoulin L. , (2009) « Heurs et malheurs de la légalité dans les sociétés contemporaines », L’Année sociologique, 59 (1),
[39] Rosanvallon P. (1995) La nouvelle question sociale. Repenser l’Etat-providence, Paris, coll. Point Essais,Seuil
[40] Astier I., « Les magistratures sociales », Droit et société, n°45.
[41] Millard E. (2011), Le droit au logement opposable, Réflexions théoriques et critiques, in Mélanges François Julien-Laferrière, Paris : Bruylont