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François Mancebo,
"Katrina : un aller-simple pour ailleurs. De l’exode à la migration ",
REVUE Asylon(s),
N°6, novembre 2008
ISBN : 979-10-95908-10-4 9791095908104, Exodes écologiques,
url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article852.html
résumé
Dans le cas du cyclone Katrina, une catastrophe environnementale a été à l’origine du plus vaste mouvement de population aux Etats-Unis depuis le Dust Bowl des années vingt. Encore convient-il de préciser. Il existe, certes, des phénomènes naturels dont les cyclones font partie. Ils n’ont pas pour cause l’action humaine, même si leur intensité ou leur fréquence peut en être affectée dans l’hypothèse d’une relation en réchauffement climatique global et activité cyclonique [http://www.realclimate.org/index.php ?p=181]. Par contre, leurs effets catastrophiques dépendent de la manière dont les hommes aménagent leur espace de vie ou plus exactement du risque qu’ils acceptent de prendre volontairement ou non, consciemment ou non : choix historique de fonder la ville là plutôt qu’ailleurs, choix individuels cumulatifs d’y habiter, choix sociétaux et choix institutionnels d’urbanisation. Une catastrophe "naturelle" est donc, fondamentalement, une catastrophe "humaine" en ce qu’elle résulte de choix d’exposition ou non à l’aléa.
Mots clefs
Introduction
Dans le cas du cyclone Katrina, une catastrophe environnementale a été à l’origine du plus vaste mouvement de population aux Etats-Unis depuis le Dust Bowl des années vingt. Encore convient-il de préciser. Il existe, certes, des phénomènes naturels dont les cyclones font partie. Ils n’ont pas pour cause l’action humaine, même si leur intensité ou leur fréquence peut en être affectée dans l’hypothèse d’une relation en réchauffement climatique global et activité cyclonique [http://www.realclimate.org/index.ph...]. Par contre, leurs effets catastrophiques dépendent de la manière dont les hommes aménagent leur espace de vie ou plus exactement du risque qu’ils acceptent de prendre volontairement ou non, consciemment ou non : choix historique de fonder la ville là plutôt qu’ailleurs, choix individuels cumulatifs d’y habiter, choix sociétaux et choix institutionnels d’urbanisation. Une catastrophe "naturelle" est donc, fondamentalement, une catastrophe "humaine" en ce qu’elle résulte de choix d’exposition ou non à l’aléa.
Ainsi, les marécages et les mangroves de Louisiane ont un rôle de protection contre les cyclones : ils absorbent une grande partie de l’énergie cinétique destructrice des cyclones à la manière dont une pelouse épaisse et dense absorbe la puissance d’un jet d’eau qui, sur une allée en ciment, éclabousserait avec force en tous sens. Or, ils tendent à disparaître, sous l’action humaine, depuis les années trente [Crowell M., Leatherman S. P., 1999]. En effet, les sols "mous" marécageux s’enfoncent naturellement en se tassant ; tassement normalement compensé par des apports alluvionnaires du Mississipi. Mais, cet apport ne se fait plus. Les coupables principaux sont les barrages en amont qui bloquent les sédiments et la multitude de canaux, tuyaux et digues et batardeaux qui quadrillent la plaine côtière et favorisent les dépôts prématurés de sédiments.
D’autre part, le cyclone a remonté le MRGO puis l’Industrial, accélérant et forcissant selon le principe d’une voie d’accélération, jusqu’à percuter de plein fouet les levées au cœur de la ville. Le MRGO et l’Industrial sont deux énormes canaux conçus pour raccourcir le trajet vers la Nouvelle-Orléans des bâtiments de gros tonnage. Situés dans la trajectoire du cyclone, le canalisant et le concentrant, ils ont joué le rôle de "hurricane highways" [1]. Or, ces canaux ne sont pas seulement une aberration sur le plan des risques, ils sont aussi d’une inefficacité économique rare. Ainsi, le MRGO n’a jamais été fréquenté par plus de 3 % du trafic marchand, soit moins d’un bateau par jour. Malgré cet échec, ces véritables dangers publics sont restés largement subventionnés, puisque le gouvernement fédéral, l’état de Louisiane et la ville de la Nouvelle-Orléans dépensent 7 à 8 millions de dollars par an rien que pour leur maintenance.
Enfin, la ville, située en dessous du niveau de la mer, a naturellement tendance à garder les eaux qui l’envahissent sans cesse. Des pompes énormes expulsaient donc ces eaux en permanence par trois canaux de décharge —outfall canals— dans le lac Pontchartrain. Or, celles-ci, situées à des endroits particulièrement vulnérables sans aucune protection, ont cessé de fonctionner dès que les premières levées ont cédé, ce qui a amplifié la catastrophe.
C’est ainsi que 80 % de la Nouvelle-Orléans a été inondé [US Army Corps of Engineers, 2006], sous l’action combinée d’un phénomène naturel extrême et de politiques d’aménagement aberrantes [Mancebo F., 2006]. À l’issue du passage du cyclone, près de 80 % de la population est partie ou a été évacuée [McQuaid J., 2006]. En octobre 2005, on considérait que Katrina avait déplacé quelque 1 360 000 personnes. En janvier 2006, la Federal Emergency Management Agency (FEMA) réévaluait le nombre de déplacés à plus de 2 millions [Louisiana Family Assistance Center, 2006]. Fin 2006, plus de 40 % n’étaient pas revenus ; 60 % pour l’aire métropolitaine de la Nouvelle-Orléans. Que sont-ils devenus ? Comment les qualifier ? S’agit-il de réfugiés ou de migrants ?
1. Réfugiés ou migrants ?
Le terme de réfugié environnemental a été utilisé dans les années soixante-dix, par Lester Brown du WorldWatch Institute. Ce n’est qu’en 1985 qu’un rapport du PNUED (Progamme des Nations unies pour l’Environnement et le Développement), établit un lien direct entre mouvements de populations et catastrophe environnementale, dans le contexte de la grande sécheresse du Sahel [El-Hinnawi E., 1985] : "…Les réfugiés environnementaux sont des personnes qui ont été obligées de quitter leur habitat traditionnel, temporairement ou de manière permanente, à cause d’une catastrophe environnementale qui a mis en danger leur existence ou qui a affecté notablement leurs conditions de vie" [2]. En ce sens, les victimes du cyclone Katrina sont clairement des réfugiés environnementaux.
Très vite, nombre de chercheurs ont critiqué cette définition attrape-tout : "[Elle] est tellement large qu’elle en perd toute signification. Nous devrions formuler une définition plus restrictive, mais plus précise" [3] [Suhrke A., Visentin A., 1991]. Il est proposé de distinguer entre "réfugié environnemental" et "migrant environnemental". Selon Suhrke et Visentin, ce dernier "fait un choix volontaire, décidant par un choix rationnel de quitter une région où la situation se dégrade progressivement". À l’opposé, le réfugié environnemental, fait partie de "populations ou de groupes sociaux déplacés par contrainte, sous l’effet de bouleversements environnementaux soudains et irréversibles". D’autres auteurs, plus radicaux, contestent l’usage même du terme réfugié environnemental, au motif qu’il crée une confusion avec les réfugiés politiques, réduisant la visibilité des uns et des autres et fragilisant le statut de ces derniers [McGregor J., 1995 ; Hugo G., 1996]. Dans cette perspective, certains suggèrent d’utiliser uniquement le terme de migrants environnementaux, puisque dans les catastrophes en question la dégradation du milieu produit une dégradation des conditions économiques, souvent cause principale du départ [Swain A., 1996 ; USCR, 2002]. Wood, prenant en compte l’action combinée des forces économiques classiques et des dégradations environnementales, parle d’écomigrants [Wood W. B., 2001].
Passé l’arrachement du départ, les écomigrants comparent leurs conditions de vie antérieures à celles qu’ils peuvent envisager à terme dans l’endroit qui les accueille. Leur décision de rester ou de rentrer dépend de ce débat intérieur où interviennent le souvenir des contraintes et limitations de leurs vies antérieures —push forces—, les opportunités offertes par leur nouveau lieu de vie (salaires plus élevés, travail valorisant et reconnaissance sociale, bon système éducatif, bonne qualité de vie) —pull forces— et de forces résiliaires rendant le retour plus ou moins difficile —network forces—. On retrouve ici les motifs des migrations économiques, mais selon des modalités différentes puisqu’ici le départ précède le choix d’émigrer ou non [Cohen R., 1996 ; Weiner M., Teitelbaum J., 2001 ; Martin P., Widgren J., 2002].
Les victimes de Katrina, majoritairement pauvres dont les conditions de vie étaient déjà difficiles avant le cyclone, pourraient bien devenir de migrants environnementaux même si, dans un premier temps, la brutalité de la catastrophe en a fait des réfugiés. L’International Organisation for Migration a classé les migrations environnementales en six catégories dont les "conséquences de catastrophes climatiques ou géologiques (cyclones, volcanisme, séismes, inondations, etc.) " et les "catastrophes dues à des programmes d’aménagement et d’urbanisme, dont les digues et barrages" [International Organisation for Migration, 1992]. Nous sommes bien dans ces deux cas avec Katrina.
Aux critiques de fond sur l’usage du terme "réfugié", s’ajoute dans le cas de Katrina une violente polémique propre au contexte politique américain. Les dirigeants afro-américains des mouvements de droits civiques —dont les révérends Jesse Jackon et Al Sharpton— ont violemment contesté l’usage du terme, teinté selon eux de racisme : "Ce ne sont pas des réfugiés ; ce sont des citoyens de Lousisiane et du Mississipi, payant leurs impôts, et non des réfugiés errants en quête de charité. Ce sont des victimes de négligence et de conditions auxquelles elles n’auraient jamais dû être exposées, en premier lieu" [4] [Broder J. M., 2005]. Mais, si on les considère comme des migrants, alors ils n’ont droit à aucun statut, ni protection spécifique, alors que leur dénuement est aussi réel que celui des réfugiés. Avec ironie, Simms and Conisbee nomment des tels migrants des "legal gypsies" [Conisbee M., Simms A., 2003].
Internally Displaced People.
En réalité, il existe un statut et des principes pour protéger les droits de personnes telles que les victimes de Katrina : l’United Nations Guiding Principles on Internal Displacement, fondé sur 30 principes directeurs prenant en compte le départ, les conditions de vie des personnes déplacées, puis le retour ou la migration définitive, définissant leur statut. Il nomme les populations concernées d’un terme spécifique : "internally-displaced people" (littéralement personnes déplacées à l’intérieur du pays), figuré la plupart du temps par l’abréviation IDPs. Cette catégorie correspond parfaitement aux victimes de Katrina [US Human Rights Network, 2007]. C’est elle que nous utiliserons dans cet article.
D’ailleurs, si le gouvernement américain ne reconnaît pas formellement aux victimes de Katrina le statut d’IDPs, le dispositif mis en place, pour leur venir en aide les désigne implicitement comme telles. C’est le Stafford Disaster Relief and Emergency Assistance Act qui fournit, depuis 1988, le cadre légal de la réponse fédérale dans les catastrophes majeures. Il autorise le président à déclarer un état de catastrophe naturelle, qui autorise les agences fédérales concernées —principalement la Federal Emergency Management Agency (FEMA) au sein du Department of Homeland Security (DHS)— à assister les états affectés et leurs gouvernements locaux. Bien que le Stafford Act n’autorise pas explicitement le président à opérer sur le long terme, le National Response Plan —document officiel qui définit les responsabilités des différentes agences gouvernementales— inclut une annexe intitulée Long-Term Community Recovery and Mitigation (restauration et soulagement à long terme des communautés locales) dont les principes évoquent fortement les IDPs [U.S. Department of Homeland Security, 2004].
Peu de retours, une redistribution générale.
La plupart des IDPs de Katrina ont été accueillis à l’intérieur de la Louisiane des états voisins [Louisiana Recovery Authority, 2006]. Le Texas est l’état qui a reçu la grande majorité des IDPs avec plus de 250 000 personnes, mais l’Arkansas en a également reçu plus de 60 000. D’autres sont partis beaucoup plus loin, se répartissant dans 30 états [White House, 2006] dont l’Alabama (25 000), le Tennessee (15 000), la Georgie (15 000), l’Oklahoma (5 000), le New Jersey (3 000), le Colorado (2 000), la Floride (1 000). Ces départs massifs ont eu un impact considérable sur la démographie de la Nouvelle-Orléans en particulier. La ville, auparavant en forte croissance démographique avec plus 470 000 habitants, s’était réduite considérablement [US House of Representatives, 2006]. En août 2006, avec moins de 200 000 habitants, 60 % des anciens résidents de la Nouvelle-Orléans manquaient toujours [US Census Bureau, 2006 ; The Brookings Institution and Greater New Orleans Community Data Center, 2007].
Une estimation de 2006 montrait que 60 % des IDPs continuaient à vivre dans les trois états du Texas, du Mississippi et de la Georgie, et 25 % en Floride, Alabama, Tennessee, Californie, Caroline du Nord, Illinois, Arkansas and Virginie [Louisiana Family Recovery Corps, 2007]. Ces chiffres signifient deux choses : beaucoup d’IDPs ne sont pas rentrés, se transformant de fait en migrants environnementaux ; leur distribution géographique plus d’un an après la catastrophe, n’est pas la même que la distribution initiale. Cela signifie que nombre d’IDPs sont partis s’installer définitivement dans d’autres états sans rentrer à la Nouvelle-Orléans, ni rester à l’endroit où ils sont partis en premier lieu. Quelles sont les raisons de ce phénomène et quels en sont les enjeux ?
2. L’impossible retour.
En 2007 une étude montre que 40 % seulement des personnes qui ne sont pas rentrées désirent retourner à leur ancien lieu de vie. La majorité d’entre elles sont pauvres ou vulnérables (familles monoparentales, seniors de plus de 60 ans). Ceux qui préfèrent vivre ailleurs —la grande majorité des IDPs— sont donc plutôt autonomes, moins vulnérables, plus riches ou plus jeunes. On pourrait s’attendre à ce que leur choix soit motivé par des opportunités (bon travail, meilleures conditions de vie, etc.) –les pull forces des mouvements migratoires—. Il n’en est rien. Leur décision est généralement fondée sur des push forces, des barrières, des contraintes, les empêchant de revenir. Parmi les raisons les plus souvent évoquées figurent le manque d’argent pour le déménagement et l’installation, les difficultés à trouver un logement sur place, le niveau scolaire, les doutes sur l’efficacité du nouveau système de levées.
Où se loger ? Entre prix inabordables et gentrification de la ville.
Le passage du Katrina a détruit 300 000 logements à la Nouvelle-Orléans. Mais la FEMA a aussi classé 60 000 immeubles et maisons en état de péril, c’est-à-dire inhabitables et destinés à être démolis [Lipton E., 2005]. De ce fait, les IDPs qui essaient de revenir ont d’énormes difficultés pour trouver un logement abordable à acheter ou à louer. À la Nouvelle-Orléans, les loyers ont augmenté de 40 % à 200 % en une année depuis le cyclone [Meitrodt J., 2006]. Il en résulte une difficulté pour ceux qui désirent revenir, à trouver des logements disponibles. Il semble y avoir, dans ce domaine, une instrumentalisation de la catastrophe par les autorités locales, d’état et fédérales dans une stratégie concertée de gentrification et d’exclusion des populations les plus dérangeantes. La FEMA a ainsi admis que leur évaluation du nombre de logements en état de péril était largement excessive, car la plupart des inspections n’étaient que des rapid exterior inspections [Lipton E., 2005]. Or, la grande majorité de logements détruits ou déclarés inhabitables —les sept dixièmes— étaient les logements modestes ou très modestes hébergeant des familles à très bas revenu [National Low Income Housing Coalition, 2005]. À leur place sont construits de logements de meilleure qualité, beaucoup plus chers. Les personnes à la recherche de logements sociaux —public housing— rencontrent encore plus de problèmes. Avant Katrina, 5 100 familles vivaient dans des logements sociaux à la Nouvelle-Orléans [Bacon J., Kornblum J., 2005]. En juin 2006, alors que la pression immobilière était très forte dans le sillage de Katrina, l’US Department of Housing and Urban Development et le HUD-controlled Housing Authority of New Orleans décide paradoxalement de détruire les grands ensembles —public housing complexes— des quartiers de B. W. Cooper, C. J. Peete, Lafitte et St. Bernard, en parfait état, pour les remplacer par des immeubles locatifs privés dont une partie seulement (moins de 50 %) seront des logements sociaux [Warner C., Krupa M., Filosa G., 2007].
Des indemnités et des aides qui n’arrivent pas.
Un deuxième obstacle empêche le retour des iDPs qui le souhaitent : l’indemnisation des biens détruits par les compagnies d’assurances est très inférieure aux pertes réelles subies. Plus 6 600 contentieux ont été engagés contre des compagnies d’assurances auprès tribunal fédéral de la Nouvelle-Orléans par des familles lésées. L’état de Louisiane a estimé que les propriétaires ont reçu en moyenne 4 000 € de moins que ce qu’ils auraient dû obtenir, ce qui est énorme au regard de la faible valeur des biens en jeu [Eaton L., Treaster J. B., 2007]. Dans son rapport The macroeconomic and budgetary effects of Hurricanes Katrina and Rita du 29 septembre 2005, le Congressional Budget Office (Commission des Finances du Congrès) craignait que le paiement des assurances-inondations ne soit pas assez réactif. En réalité, 70 % des demandes ont vite été traitées, mais les sommes attribuées étaient largement insuffisantes [5]. Il convient de rajouter qu’une part non négligeable, des populations les plus pauvres n’était tout simplement pas assurées.
Dans le même temps, les aides promises n’arrivent pas. Au lendemain du passage du cyclone, le gouvernement fédéral a accordé deux aides d’urgence pour un montant de 40 milliards d’euros et la FEMA une allocation plafonnée à 17 000 € pour 60 000 foyers sinistrés. Les financements fédéraux sont administrés directement par les états de Louisiane et du Mississippi, où les complications administratives se sont multipliées. La Louisiane a signé un contrat de 500 millions d’euros avec une société de Virginie —ICF International— pour gérer ces fonds sous la dénomination the Road Home Program. Plus d’un an après le cyclone, aucune aide n’avait encore été versée. En février 2007 —18 mois après Katrina— seules 630 personnes éligibles avaient reçu leur argent. En septembre 2007, moins de 50 000 sur 150 000 [Louisiana Road Home Program, 2007]. Après quoi, le programme subit une coupe budgétaire à hauteur de 2 milliards d’euros [Landrieu M., 2007]. De toute manière, dès décembre 2005, le fond d’indemnisation public —National Flood Insurance Program— avait suspendu ses remboursements et annoncé que les critères de prise en charge allaient être durcis. Au même moment, la FEMA suspendait le paiement des 50 000 chambres d’hôtel hébergeant les sinistrés. Plus de 10 mois après la catastrophe, le Congrès n’avait toujours pas ratifié une loi aidant financièrement les propriétaires à reconstruire leur logement [Russell G., 2006].
La situation financière de nombreux IDPs est d’autant plus difficile que nombre d’entre eux n’ont pas retrouvé de travail. En août 2006, le taux de personnes sans emploi parmi eux était de 23 %, soit cinq fois le niveau moyen national de 4,7 % [Associated Press, September 1, 2006]. Comme le gouvernement fédéral a supprimé, en juin 2006, les allocations aux IDPs sans travail —plus de 64 000 personnes—, la moitié des IDPs avaient en 2007 un revenu annuel inférieur à 13 000 € [Louisiana Family Recovery Corps, 2007].
Loin des yeux, loin du cœur…
Les IDPs qui parviennent à surmonter ces obstacles sont freinés par l’incertitude sur ce qui les attend au retour. Auront-ils à nouveau une épicerie, une école près de chez eux ? Retrouveront-ils leur communauté de voisinage ? Là aussi, les signaux ne sont pas rassurants.
Ainsi, les IDPs qui le souhaitent ont les plus grandes difficultés à participer à distance à la vie de leur communauté d’origine. Ils ne reçoivent aucune information sur les décisions majeures concernant les programmes de reconstruction de logements, écoles, établissements de soins, aucune invitation aux réunions de quartier —les neighborhood planning meetings— [Kromm C., 2006 ; Kromm C., Sturgis S., 2007]. Cet ostracisme s’est manifesté de la manière la plus brutale dans l’exercice du droit de vote, en avril 2006, lorsque Nouvelle-Orléans a connu la première élection municipale après Katrina. À cette date sur 299 000 inscrits près de 200 000 étaient encore des IDPs [Louisiana Secretary of State, 2006]. Des avocats des mouvements des droits civiques déposèrent une demande pour que des bureaux de vote soient créés dans les villes où était concentré un grand nombre d’IDPs (Houston, Atlanta, Memphis et Dallas). Le Département de la Justice refusa la requête puis, sous la pression de l’opinion publique, finit par autoriser 10 centres de vote hors de la Nouvelle-Orléans, mais tous dans l’état de Louisiane. De toute manière, ni les autorités fédérales, ni celles de l’état n’envoyèrent de bulletins de vote ou d’informations sur les élections aux IDPs. Comme ces bureaux de vote ne disposaient pas de bulletins, il était impossible de voter à moins de faire une demande individuelle de bulletins bien avant le scrutin [Clarke-Avery K., 2006].
La raison du non-retour de nombre d’IDPs est donc plus à chercher du côté de push forces, que des pull forces. Le fait que les IDPs deviennent des migrants "sous contrainte" se traduit dans le taux impressionnant de troubles mentaux persistants parmi eux. Un échantillon de 815 IDPs a été examiné cinq mois puis un an et demi après la catastrophe par le Hurricane Katrina Community Advisory Group (CAG) dans le but d’examiner l’évolution du post-traumatic stress disorder (PTSD), les syndromes dépressifs et les tendances suicidaires [Kessler R. C., Galea S., Gruber M. J., Sampson N. A., Ursano R. J., Wessely S., 2008]. Contrairement aux observations habituelles dans ce type d’évènement, le nombre et l’intensité des troubles, loin de diminuer avec le temps, persistaient voire augmentaient de manière significative.
3. You’re [not] welcome… un accueil entre suspicion et rejet.
Le mal de vivre persistant des IDPs de Katrina peut s’expliquer par l’absence de pull forces. Nulle opportunité dans cet exil qui finit par devenir un état des choses. Mais là n’est pas la seule raison : ils ont été accueilli avec suspicion, peur, rejet voire violence.
Préjugés et criminalisation dès les premières semaines.
Dans un premier temps, les évacués ont été regroupés dans des hébergements transitoires, les resettlement areas. Dès le 1er septembre, quelques jours après la catastrophe, alors que les évacués commençaient à peine à arriver, le gouverneur du Texas demanda au gouvernement fédéral le remboursement les coûts potentiels occasionnés par les évacués. Deux jours plus tard, il demandait à la FEMA de ne plus leur envoyer d’IDPs [Contact the Press Office, 2005 ; Associated Press, September 3, 2005]. Quant à la ville de Gretna, en Louisiane, proche voisine de la Nouvelle-Orléans, elle a mis des policiers en position aux entrées de ville pour empêcher l’entrée des personnes évacuées [NPR, 2005]. On peut facilement imaginer accueil plus chaleureux.
La vie dans ces camps de transit n’était pas évidente non plus. En 2006, l’ONG Save the Children a fait état de tensions entre évacués et de problèmes familiaux particulièrement graves. Dans 5 sites sur 20, les abus d’alcool, violences domestiques et abus sexuels présentaient des fréquences trois fois supérieures à la moyenne dans ce genre de situation [Save the Children, 2006]. Le nombre de viols était 54 fois supérieur à la moyenne nationale [International Medical Corp, 2006]. Les camps étaient inhospitaliers (bleak and unwelcoming) : "Par exemple, Zirlott Park dans l’Alabama est surplombé de voies rapides et n’a aucune végétation. Les enfants n’ont pas d’aire de jeu ; on peut apercevoir un terrain de sport, mais l’accès en a été interdit par chaîne" [6]. Seuls 3 sites sur 20 disposaient d’espaces publics et de salles de réunions pour les habitants. Enfin, la police pénétrait en permanence pour vérifier l’identité des personnes d’apparence Latino [Select Bipartisan Committee to Investigate the Preparation for and Response to Hurricane Katrina, 2005]. De manière générale, une recherche systématique d’antécédents criminels était menée sur tous les IDPs. Cette procédure était justifiée par des médias populaires, comme en témoignent ces deux extraits de Fox News [Fox News, 2005] : "Dans tout le pays, les autorités des états et les autorités locales vérifient le passé des réfugiés (sic, ndt)… dans certains états (lesquels, ndt ?) la moitié des réfugiés ont un casier chargé" ; "Tout ceci est fait pour la protection de tous… si vous vous apprêtez à héberger des gens, il est prudent de savoir s’ils ont un passé criminel derrière eux" [7]. Dans une telle atmosphère, lorsque les IDPs commencèrent à s’installer parmi la population, la méfiance était palpable.
Pourtant, cette suspicion relève plus de préjugés que de réalités. Au Texas, l’état ayant accueilli le plus grand nombre d’IDPs, les autorités ont procédé à plus de 20 000 contrôles. Très peu d’antécédents criminels ont été trouvés, toujours pour des délits mineurs. Les mêmes types de contrôles ont eu lieu dans le Massachusetts, le Tennessee et la Pennsylvanie avec les mêmes résultats. Cela n’a pas empêché les autorités des états de Rhode Island et de Caroline du Sud d’affirmer que plus de 50 % des évacués avaient des antécédents criminels violents, alors que les contrôles effectués donnaient un chiffre beaucoup plus faible. Seule la Virginie-Occidentale a réellement trouvé 22 % d’auteurs de crimes avec violence, mais sur un ensemble de seulement 350 évacués provenant d’un quartier de la Nouvelle-Orléans particulièrement pauvre et violent. De nombreux états n’ont pas vérifié du tout les antécédents des IDPs, comme le Missouri (6 000 IDPs), la Californie (3 800 IDPs) ou le Maryland, le Minnesota et le Michigan en représentant plusieurs milliers.
Une hostilité généralisée.
Au-delà des discours compatissants, les relations des IDPs avec les populations locales ont donc été détestables d’entrée de jeu. Avec le temps, ces relations se sont encore dégradées à mesure que les intérêts des uns et des autres s’opposaient, comme le montre le cas de Baton-Rouge. La population de Greater Baton-Rouge s’est accrue de 200 000 habitants dans la semaine qui a suivi le passage du cyclone [Social Security Administration, 2006]. Plus de 100 0000 IDPs y sont restés. Une étude s’est intéressée à leur impact sur l’image que les résidents avaient de leur quartier et de leur ville, à partir des commentaires postés sur le plus fréquenté des sites américains de location (ApartmentRatings.com) [Russel N. J. III, Zahirovic-Herbert V., 2008]. Il apparaît que l’arrivée des IDPs a été synchrone d’une chute brutale de la satisfaction exprimée, à la fois sous la forme d’un indice global (la moyenne passant de 3 étoiles à 2 étoiles) et du pourcentage de résidents qui recommanderaient leur quartier à un ami (la moyenne passe de 50,4 % à 27.4 %).
Deux interprétations sont possibles. L’arrivée massive des IDPs a pu créer une tension du marché locatif qui s’est traduite par une plus forte occupation de logements de mauvaise qualité, qui n’auraient pas été loués autrement. De plus, les IDPs étaient souvent contraints de se "tasser" dans des logements sous-dimensionnés ("le test est de savoir si nous pourrons survivre dans ces trois pièces pendant trois mois sans nous entretuer" [8] [OnlineNewsHour, septembre 2005]). Enfin, les logements loués par les IDPs, dans l’urgence, étaient souvent d’une qualité inférieure à ceux qu’ils habitaient précédemment. Mais cette explication est contredite par le fait que la dégradation s’observe pour des logements identiques auparavant bien côtés, qui restent habités par des résidents anciens, qui voient leur image se dégrader après l’arrivée des IDPs. Une autre interprétation est que l’insatisfaction serait due à l’impression que les populations concernées ont de ne plus "contrôler" leur environnement immédiat [Edwards J., Fuller T., Sermsi S., Vorakitphokatorn S., 1994]. Le lien entre sentiment de contrôle de l’environnement et satisfaction de locataires a déjà été mis en évidence, dans un contexte plus général [LeBrasseur R., Blackford K., Whissell C., 1988]. La question du "contrôle" est particulièrement pertinente dans le cas de migrations résultant de catastrophes environnementales, tant pour les accueillants qui se sentent submergées, que pour les IDPs qui ont perdu leurs repères.
L’hostilité généralisée à l’égard des IDPs de Katrina ne trouve d’équivalent aux Etats-Unis qu’avec les migrations du Dust Bowl : "Les seuls (IDPs) auxquels on peut comparer (les migrants de Katrina), ce sont les Oakies des années 20 et 30. Ce n’est pas glorieux. Ces personnes (les Oakies) étaient parties en Califormie et dans d’autres états et elles ont été rejetées ; le terme Oaky n’était pas un mot gentil, ces personnes étaient perçues comme une menace par les communautés locales" [9] [OnlineNewsHour, septembre 2005]. La composition sociale et ethnique des IDPs de Katrina et la réputation de la Nouvelle-Orléans n’a pas été sans amplifier le phénomène. La Nouvelle-Orléans c’était "the Big Easy", une cité de tolérance, "débauchée" pour une certaine Amérique puritaine. C’était également une ville où 68 % de la population était afro-américaine. C’était, enfin, une ville où le revenu moyen par adulte était, pour certains quartiers, de moins de 8 000 dollars par an, et où le taux d’homicide était le plus élevé de tous les États-Unis (10 fois supérieur à la moyenne nationale).
Houston, un cas d’école.
Le cas concret de la ville de Houston décrit bien comment une cohabitation tendue et conflictuelle a dégénéré en violences destructrices des liens sociaux. Houston, qui avait accueilli le plus grand nombre d’IDPs a connu un accroissement des crimes avec violence sans précédent en 2006 avec 28 % d’homicides en plus. Le synchronisme avec l’arrivée des IDPs était troublant, puisque la tendance s’était amorcée dans les derniers mois de 2005. Immédiatement, la police incrimina les IDPs : "Lorsque les résidents de la Nouvelle-Orléans ont afflué à Houston, il y a six mois, pour échapper aux inondations, ils ont amené avec eux leurs gangs et la violence qui va avec" [10] [Kennett J., 2006]. Fortes de cette évidence les autorités locales demandèrent des financements fédéraux pour renforcer la présence policière dans les quartiers où les IDPs étaient concentrés, tel Southwest Houston, qui regroupait 25 % des 83 300 IDPs, essentiellement dans des logements sociaux [Daily Telegraph, 2005]. Lorsque le gouvernement fédéral refusa la demande de Houston et que le sénateur Bond du Missouri demanda au Texas d’être "un bon voisin et non un gigolo" [11], le représentant Brady du Texas lui répondit : "Je ne me rappelle pas que le sénateur Bond ait ouvert le Saint Louis Dome aux victimes de Katrina" [12] [Associated Press, March 12, 2006]. Cet échange de propos souligne l’atmosphère délétère qui entoure les déplacés de Katrina. Beaucoup d’habitants de Houston considèrent que Katrina a nui à leur qualité de vie, comme le montrait un sondage de juin 2006 : 75 % se disaient stressés et tendus, 67 % accusaient les nouveaux venus pour l’augmentation de la criminalité et un même nombre considérait que la situation allait empirer s’ils s’installaient définitivement [Houston Chronicle, 2006].
Pourtant, un examen même sommaire des faits révèle que, si l’augmentation de la criminalité est concomitante de l’arrivée des IDPs, le lien entre les deux évènements n’est ni évident, ni direct. Sur 148 homicides, fin 2005, seulement 29 impliquaient des IDPs. De plus, parmi ces 29 cas, les IDPs étaient plus souvent victimes que suspects. Enfin, comme l’affirme Charles Rotramel, directeur de Youth Advocates, qui travaille avec des adolescents dans les banlieues à fort taux de criminalité : "Nous avions déjà des gangs et le niveau de violence avait déjà commencé à croître" [13]. En réalité, il semble que l’afflux brutal d’une population sinistrée a conduit les habitants de Houston à un sentiment de perte de contrôle sur leur environnement et à des conflits pour le partage d’un même espace de vie. Cela a engendré du stress, de la violence et donc une augmentation générale des comportements asociaux, extrêmes ou criminels. Pour réprendre l’expression d’Angelo Edwards de l’Association of Community Organizations for Reform Now (ACORN) : "It’s just the nature of the beast". Dans cette affaire les IDPs sont trois fois victimes : d’abord, par les préjugés qu’elles subissent ; ensuite, comme premières victimes de ces violences ; enfin, comme boucs émissaires désignés, à tort, comme origine unique de cette vague criminelle.
Une telle hostilité ne se limite pas à Houston. Elle concerne la plupart des villes ayant reçu un grand nombre d’IDPs, comme en témoigne l’extrait suivant concernant la Californie : "Une grande partie des citoyens de la Nouvelle-Orléans a décidé de s’installer ailleurs et le fardeau (sic) de leur survie s’est soudainement reporté sur d’autres communautés" [14] [Downey M. T., 2007]. Les solutions proposées par Downey ont contribué là où elles ont été appliquées à accroître malaise et violence : "Les résidents permanents sont en droit de percevoir les réfugiés (sic) comme des intrus et, après quelque temps, épuiser leur capital de sympathie à leur égard. Il est important de tout faire pour minimiser ce sentiment et cela est possible par deux manières. La première est de ségréger, cantonner, les réfugiés à des espaces bien limités, avec des forces de sécurité pour les protéger. L’autre est d’impliquer activement les communautés locales dans l’assistance et l’aide aux réfugiés" [15]. C’est ainsi que, dans les écoles de Houston, les IDPs ont été placés dans des classes différentes (solution du cantonnement) mais au sein des mêmes collèges, et ont été invités à porter des bracelets spéciaux permettant de les signaler aux autres élèves, afin qu’ils les aident à s’intégrer (solution par l’implication des populations). Bien évidemment, le résultat a été catastrophique : le bracelet est devenu un signe infamant, les classes à part ont été perçues comme une mise en quarantaine, le fossé est devenu vite infranchissable entre les élèves IDPs et les autres. Les écoles de Houston ont connu en 2006 une douzaine d’altercations sérieuses, voire mortelles —est-il besoin de préciser que les IDPs étaient le plus souvent victimes—, et la présence policière dans les écoles a dû être augmentée de 10 %, selon l’Independent School District.
Conclusions : partir encore…
Les IDPs de Katrina sont le produit d’une catastrophe environnementale et de facteurs politiques, économiques, sociologiques et psychologiques préexistants. Les mécanismes en jeu dans l’hostilité dont ils sont l’objet ne sont pas bien différents de ceux à l’œuvre dans les migrations "classiques" [Organski K., Organski A. F. K., 1961 ; Weiner M., 1992] :
-Compétition entre natifs et migrants pour les logements, les emplois, l’espace, les ressources en général ;
-modification des équilibres entre les communautés déjà établies (s’il existe déjà un contentieux ou des préjugés, les tensions sont particulièrement fortes) ;
-soupçon réciproque des migrants pressentant un traitement discriminatoire à leur égard et des accueillants craignant un bouleversement de leur environnement.
Kaplan et Homer-Dixon ont observé que, dans la plupart des migrations, les conflits étaient dus à la raréfaction des ressources et à des problèmes environnementaux [Mancebo F., 2006, Kaplan R. D., 1994 ; Homer-Dixon T. F., 1999]. Existe-t-il, d’ailleurs, des mouvements migratoires qui ne soient, à un moment ou à une autre, sous contrainte environnementale ? Selon Richard Black et Khalid Koser, des catastrophes environnementales sont toujours cause ou conséquences de mouvements massifs de populations : cause, lorsque l’ancien espace de vie, devenu inhabitable, il faut le quitter ; conséquence, lorsque les déplacements de population déclenchent une dégradation des conditions environnementales dans l’espace d’accueil [Black R., Koser K., 1998]. Le cyclone Katrina combine les deux aspects : en amont, la catastrophe et l’inondation de la Nouvelle-Orléans ; en aval, la dégradation des conditions de vie —réelle ou fantasmée— dans les villes accueillant les IDPs avec surdensité et pression immobilière accrue, si l’on considère l’environnement au sens large.
Le cyclone Katrina a été largement couvert par les médias américains, déclenchant une vague de sympathie et de pitié pour ses victimes. Pourtant, quasi simultanément, une franche hostilité s’est manifestée dans les espaces d’accueil. Fondée sur le sentiment de perte de contrôle sur son environnement, des considérations économiques et alimentée de rumeurs, elle a vite submergé la compassion initiale.
Le rejet dont font l’objet les IDPs de Katrina de la part des communautés qui les accueillent trouve, certes, sa source dans le fait qu’ils sont majoritairement noirs, pauvre, venant de la ville la plus "débauchée" des Etats-Unis, par essence criminelle. Mais cela n’explique pas tout : dans les années vingt, les IDPs du Dustbowl, —les fameux Oakies— des fermiers, quasi exclusivement blancs, propriétaires, véritables clichés de l’Amérique profonde et populaire, ont subi un ostracisme et un rejet qui n’a rien à envier à celui des victimes de Katrina.
Par ailleurs, une spécificité des IDPs de Katrina est que la plupart d’entre eux n’ont pas l’option du retour, avec une stratégie de reconstruction de la Nouvelle-Orléans qui vise à gentrifier la ville et qui multiplie les obstacles aux IDPs peu présentables qui désireraient revenir. Importuns dans leur ville d’origine, malvenus dans leurs nouveaux lieux de résidence, les IDPs de Katrina ne peuvent s’installer durablement ni ici, ni là. La seule alternative pour eux est de partir ailleurs, individuellement ou en famille, vers un endroit où ils ne seront plus visibles comme IDPs. C’est probablement la raison de leur redistribution, après-coup. Il est remarquable, en ce sens, que dans cette deuxième étape —cette fois-ci sans contrainte environnementale— les personnes choisissent préférentiellement des villes et des états (Illinois, Caroline-du Nord, Virginie, Alabama) à forte présence afro-américaine. On peut supposer que, dans leur choix, ils se sont appuyés sur leurs connaissances et leurs réseaux familiaux.
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NOTES
[1] "Autoroutes d’ouragan"
[2] "…Environmental refugees are defined as those people who have been forced to leave their traditional habitat, temporarily or permanently, because of a marked environmental disruption that jeopardized their existence and/or seriously affected the quality of their life".
[3] "It is so wide as to render the concept virtually meaningless. Instead we should formulate a definition that is more narrow but more precise".
[4] "These are not refugees ; rhey are citizens of Louisiana and Mississippi, tax-paying citizens. They are not refugees wandering somewhere looking for charity. They are victims of neglect and a situation they should have never been put in in the first place."
[5] Témoignage de David I. Maurstad, Directeur et administrateur des assurences fédérales de la Mitigation Division (Federal Emergency Management Agency), devant le Committee on banking, housing, and urban affaires du Sénat des Etats-Unis, le 25 janvier 2006.
[6] "For example, Zirlott Park (Alabama) is dominated by broad roads and is without vegetation. The children have no playground but can see a ball field through a recently installed chain-link fence".
[7] "Around the nation, state and local authorities are checking refugees’ pasts.... In some states, half the refugees have rap sheets" et "This was all done for everyone’s protection… if you’re going to be sheltering people, it would be prudent for people taking them in to know what criminal pasts they might have."
[8] "the test is going to be whether we can all survive in this two bedroom house for three months without killing each other".
[9] "Possibly the only thing we have to compare it to… are the Oakies in the late 20s and early 30s. That did not go well. Those people went to California and other states and they were turned away, the term Oakies was not a term of endearment, so indeed those people came to be seen as threats to local communities".
[10] "When New Orleans residents streamed into Houston six months ago to escape the floodwaters caused by Hurricane Katrina, they brought in gangs and the violence that goes with them"
[11] "A good neighbor and not a paid companion"
[12] "I don’t recall Senator Bond opening the St. Louis Dome to those Katrina victims"
[13] "We already had gangs, and the violence level was increasing already’’
[14] "A Large majority of the citizens of New Orleans relocated and the burden for their survival suddenly shifted to other communities".
[15] "Permanent residents may view refugees as intruders and may, after a period of time, feel as though they have worn out their welcome. It is important to do everything possible to minimize that sentiment and this could be achieved in two possible ways. One would be to segregate the refugees in specified areas with some type of security for their protection. The other solution would be to involve the community in relief efforts to assist in providing for the basic needs of the refugees".