citation
Alexandre Blanc,
"Images de l’Autre dans les manuels scolaires d’Histoire et de Géographie des années 1950 au début des années 1980 - Vision d’une génération ? ",
REVUE Asylon(s),
N°4, mai 2008
ISBN : 979-10-95908-08-1 9791095908081, Institutionnalisation de la xénophobie en France,
url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article746.html
résumé
Les relations entre l’enseignement scolaire et l’Etat sont en France, plus manifestement qu’ailleurs, évidentes. Les contenus et les objets des programmes scolaires, unifiés dans l’ensemble du territoire français, se décident au niveau du Ministère de l’Education nationale et les enseignements ainsi promulgués sont dispensés à tous les élèves d’une même classe d’âge. A l’école, l’Histoire joue un rôle particulier : destinée à faire comprendre l’organisation de la société, elle sélectionne les faits qu’elle présente, elle véhicule des valeurs et porte des jugements sur certains évènements, certaines figures historiques, certaines traditions.... La Géographie, elle, territorialise et donne à comprendre une vision compartimentée de la société. Ici, c’est la vision de l’Autre qui nous intéresse. Quelle image de l’Autre propose l’enseignement scolaire français à ses élèves ? De quel Autre s’agit-il ? Quelle interprétation de l’altérité les élèves auront-ils à l’issue de leur parcours scolaire ? Comprendre l’image qui est accordée à l’Autre, c’est aussi saisir les représentations de soi même. En quoi donc se distingue l’Autre ?
Mots clefs
“La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française” [1]
Les relations entre l’enseignement scolaire et l’Etat sont en France, plus manifestement qu’ailleurs, évidentes. Les contenus et les objets des programmes scolaires, unifiés dans l’ensemble du territoire français, se décident au niveau du Ministère de l’Education nationale et les enseignements ainsi promulgués sont dispensés à tous les élèves d’une même classe d’âge [2]. L’Etat contrôle ainsi directement l’enseignement qui est transmis dans ses écoles. Les programmes scolaires constituent « la sélection officielle » des connaissances que l’Etat souhaite transmettre à toute une génération d’enfants et d’adolescents. Pour reprendre une expression de Durkheim, l’éducation « a pour objet de susciter et de développer chez l’enfant un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est destiné [3] ». En matière d’éducation scolaire en France, c’est donc très largement l’Etat via ses instances administratives qui se charge de contrôler et d’assurer cette passation des connaissances d’une génération à l’autre.
Or en ce qui concerne l’approche de l’organisation de la société, il est une discipline parmi d’autres qui joue un rôle fondamental : l’Histoire-Géographie. Ces deux matières en France sont liées, ce qui constitue un fait exceptionnel. Par ailleurs, si on regarde la place qu’occupent ces disciplines dans l’emploi du temps des élèves, toujours en France par rapport à d’autres traditions éducatives, ces deux sujets sont conséquents. Si l’Histoire et la Géographie visent la compréhension de la société, force est de constater que sont présentées aux élèves, une sélection et une réorganisation des savoirs que les nécessités didactiques n’expliquent qu’en partie. Des considérations politiques et idéologiques impriment de leur sceau une large part de ces choix.
A l’école, l’Histoire joue un rôle particulier : destinée à faire comprendre l’organisation de la société, elle sélectionne les faits qu’elle présente, elle véhicule des valeurs et porte des jugements sur certains évènements, certaines figures historiques, certaines traditions.... La Géographie, elle, territorialise et donne à comprendre une vision compartimentée de la société. En opérant ainsi de concert, l’Histoire et la Géographie proposées à l’école présentent aux élèves le territoire qui est sensé les concerner (son histoire, ses caractéristiques physiques, son économie, sa culture) mais aussi d’autres territoires. L’Histoire-Géographie ayant par ailleurs l’objectif clairement affiché de former des citoyens, elle ponctue son discours de valeurs positives ou négatives : des héros, des attitudes réprimées, des actes glorieux, des territoires dynamiques, des zones en difficulté…
Ici, c’est la vision de l’Autre qui nous intéresse. Quelle image de l’Autre propose l’enseignement scolaire français à ses élèves ? De quel Autre s’agit-il ? Quelle interprétation de l’altérité les élèves auront-ils à l’issue de leur parcours scolaire ? Comprendre l’image qui est accordée à l’Autre, c’est aussi saisir les représentations de soi même. En quoi donc se distingue l’Autre ?
Pour analyser ces questions, nous interrogeons ici l’enseignement de l’Histoire Géographie qui a été prodigué entre 1950 et la première moitié des années 1980. C’est pour l’essentiel durant cette période que la génération actuelle d’adultes de plus de 40 ans s’est retrouvée sur les bancs du lycée. Dans quelle mesure l’enseignement prodigué au cours de ces trente années a-t-il pu contribuer à instaurer chez cette génération une compréhension du monde et plus particulièrement de l’Autre.
Nous nous limiterons toutefois à l’analyse des manuels scolaires d’Histoire et de Géographie des classes de lycée (Seconde, Première, Terminale). Ce contenu est déterminé par les programmes scolaires, les manuels scolaires étayent ensuite ces dispositions sous forme d’un cours plus ou moins illustré (documents, questions, conseils,….) destiné aux élèves [4]. Le manuel scolaire est une bonne interface entre les programmes scolaires qu’il interprète à sa manière pour les mettre à disposition des élèves et le contenu concret de ce que les élèves doivent retenir et maîtriser.
On cherchera donc ici, tout au long de cette présentation, à repérer l’image de l’Autre présentée dans les manuels scolaires concernés, et en quoi elle se distingue de sa propre image.
Nous nous limiterons à l’examen des manuels d’Histoire et de Géographie édités de 1950 au milieu des années 1980 (avant qu’un nouveau programme soit mis en place à partir de 1986 dans les classes de lycée). Cette période met en évidence une même orientation dans l’élaboration des programmes scolaires, même si toutefois une réelle volonté de modernisation de l’enseignement tente de le mettre davantage à la portée des lycéens (mouvement qui s’accélère dans le sillage des évènements de Mai 1968). Cette volonté est manifeste dans les manuels scolaires, qui entre les années 1950 et 1980, tentent de répondre à une réelle réflexion didactique, notamment avec la proposition d’illustrations de plus en plus nombreuses et attrayantes (permises par ailleurs par les progrès de l’édition).
Mais étudier l’enseignement de l’Histoire-Géographie au cours de cette période doit prendre en compte de nombreux changements structurels au sein de la société, plus particulièrement dans le public lycéen. Avec la réforme Haby (1975) [5]qui fait du lycée la suite unique et logique du collège, le lycée constitue désormais le passage pour tous les élèves désireux de poursuivre un enseignement général, et non plus un établissement pour seuls privilégiés. Ainsi, la fréquentation du lycée a très fortement augmenté d’autant plus que cette période correspond à une forte croissance démographique : 80 700 candidats au baccalauréat en 1960 et 347 000 en 1980 [6], soit plus de quatre fois plus entre ces deux dates.
Du reste, le contexte historique qui caractérise la période étudiée n’est pas de l’ordre de la stabilité. En toile de fond politique, il y a la Guerre froide. Ces années sont aussi témoins de la décolonisation dont le processus se termine, de la mondialisation dont les effets se renforcent sur le champ politique et aussi de l’émergence des processus d’intégration européenne (du moins ici, limités à l’Ouest). En toile de fond culturelle, il y a une évolution des pensées dont « Mai 68 » se veut la consécration. Evènements qui tous, ne manquent pas d’avoir un impact sur la représentation de l’Autre. Plus largement, cette période est aussi concernée par une importante croissance économique qui bouleverse parfois le quotidien de certains contemporains. La structure sociale évolue en profondeur. Cette société davantage tournée vers la « communication » (communication de masse proposée par les journaux, la radio et la télévision) accède de plus en plus facilement aux grands médias qui à leur manière concurrencent le savoir scolaire.
Ce rapide aperçu historique était nécessaire pour rappeler la dynamique de cette période, à la fois témoin d’importants changements mais toutefois homogène dans le sens et la logique de ses évolutions. Bien entendu, l’analyse de l’enseignement de l’Histoire-Géographie durant cette période ne peut pas ignorer ce contexte où l’image de l’Autre peut, théoriquement, avoir les moyens d’évoluer elle aussi. Mais qu’en est-il donc alors de l’image de l’Autre proposé entre 1950 et 1985 dans les manuels scolaires destinés aux lycéens ?
1) « Nous et les autres [7] » : l’équilibre et le pittoresque (Années 1950 et 1960)
Après la Seconde Guerre Mondiale, les programmes d’Histoire-Géographie proposés correspondent à très peu de différences près, à ceux qui la précédent. En Histoire, cette situation perdure jusqu’en 1957 pour le lycée : c’est donc jusqu’à cette date des programmes très inspirés de la Troisième République qui sont en vigueur (avec seulement la prise en compte des évolutions historiques récentes). Ce sont des programmes chronologiques, plus on progresse dans les classes, plus la période récente est étudiée : en Seconde, ce sont les 17 ème et 18 ème siècles, en Première, la première moitié du 19ème siècle et en Terminale, l’époque qui suit (à partir de 1848 précisément).
En Géographie, la situation est la même, pas d’innovations particulières, on reprend les programmes d’avant-guerre, c’est-à-dire l’étude de la « géographie générale » en Seconde (une première partie de géographie physique et une deuxième de géographie humaine), l’étude de la France et ses colonies en Première puis l’étude des « grandes puissances » en Terminale. Cette situation perdure à peu de choses près jusqu’en 1981. Les changements sont plus notables pour la classe de Première où le programme sur la « France et ses colonies » devient successivement « la France et la Communauté française » puis « la France et les pays africains d’expression française ». Mis à part ces changements de terminologie et la prise en compte des évolutions dans le statut politique des nouveaux Etats issus de la décolonisation, le cadre d’étude reste le même. A la lecture des manuels scolaires correspondants, il ressort que cette évolution, certes bien signalée, ne conduit pas nécessairement à la présentation de changements évidents dans l’approche des Etats concernés.
Voyons donc dans cette partie, la description de l’Autre qui est proposée dans les manuels d’Histoire (jusqu’en 1957) et dans les manuels de Géographie (jusqu’en 1981). Ce sont surtout ces derniers qui fournissent une image plus étayée de l’Autre. Ici, la Géographie donnant une image de l’Autre comme issu d’une autre civilisation tandis que l’Histoire s’attache plutôt à montrer l’Autre comme issu d’une autre nation (européenne en général).
Parmi les premières observations, il ressort de la lecture des manuels scolaires de ces années, que le concept de « race » est largement employé pour distinguer les diverses populations humaines. C’est en Seconde, en Géographie, que de longs développements lui sont accordés. Citons en exemple cette définition de la « race » contenue dans un manuel de Géographie édité en 1960 et destiné aux classes de Seconde : [8]
« L’Idée de race – On ne peut pas dire que les races soient un produit direct des facteurs géographiques (quoique certains géographes l’aient soutenu) mais certains faits ethniques semblent montrer une certaine influence du milieu sur la race. Ainsi par exemple, la pigmentation de la peau chez les nègres, l’aptitude plus ou moins grande des différentes races à supporter certaines maladies liées aux conditions géographiques (telles que la fièvre jaune) ; et, en général, tous les faits d’accoutumance atavique au climat, tous les faits d’adaptation corporelle à la nature.
On trouve des hommes adaptés à la vie dans la forêt dense, d’autres aux marais. Les Esquimaux sont devenus gras pour se défendre contre le froid, et ils n’ont pas les nécessités végétales des autres hommes, ils ont les genoux arqués en arrière par suite de la gymnastique nécessaire pour entrer dans leur kayak. Les Tibétains, les Aimaras des plateaux boliviens ont un développement des poumons et du thorax qui les empêche de connaître le mal des montagnes. Les peuplades du Haut-Nil ont les jambes allongées à la manière des échassiers. Biens d’autres adaptations au milieu ont été reconnues ».
Certaines éditions contemporaines préfèrent des vignettes commentées qui illustrent les différentes races en images : cette présentation est parmi les plus courantes, puisque parmi cinq éditions de manuels de Géographie de Seconde, quatre nous donnent une vision illustrée des « races ». Voici, un exemple de cette présentation [9].
Notons ici au passage, le pittoresque des tenues vestimentaires, le choix n’en est apparemment pas neutre. Visiblement, un certain jugement de valeur est attribué à la sophistication des tenues vestimentaires, ce que confirme sur d’autres pages, la lecture de ce manuel.
Dans cette édition, outre cette illustration des « races » sous forme de vignette, voici la définition qui en est donnée :
« Les races se définissent par des caractères physiques héréditaires. Outre la couleur de la peau, il faut tenir compte de la taille, de la forme du crâne, de la texture des cheveux, des traits du visage, de l’appartenance à tel ou tel groupe sanguin. Ainsi, en ce qui concerne la forme du crâne on distingue les dolichocéphales (qui ont le crâne long), les brachycéphales (qui ont le crâne court) et les mésocéphales (type intermédiaire) » [10]
Notons aussi que les « races » sont souvent divisées en sous-races. Une édition de manuel [11] le montre avec éloquence à l’aide d’un tableau très parlant et aux données étonnamment précises :
Ce tableau est précédé d’une courte explication :
« Le tableau ci après (Fig. 214) nous permet de faire, à titre d’exemple, l’étude des principales races européennes. Il est évident que les limites ne sont qu’indicatives. […] Remarquez la présence de trois races [alpine, méditerranéenne et nordique] sur le territoire français, ce qui explique en partie la très grande variété d’aspect de ses habitants » [12]
Notons pour conclure l’exercice qui est proposé en bas du tableau. Il a le mérite de mettre explicitement en avant le danger de cette approche qui consiste à diviser la population mondiale en « races ». Classement que les élèves sont invités à mettre en pratique dans leur propre classe : « Essayez en observant discrètement les caractères physiques des personnes qui vous entourent, de les rapprocher des types étudiés ». Chaque individu tend donc à être enfermé dans ce classement dont l’élément clé est la « race ». Par ailleurs, en France, l’auteur ne reconnaît la présence que de trois « races ». L’adverbe « discrètement » est ici assez paradoxal : pourquoi l’auteur invite t-il à une telle discrétion quand bien même tout son exposé repose sur un tel classement ?
Certes, certains auteurs de manuels adjoignent à leur description quelques prudences, dont une édition se veut plus insistante (et de loin) que toutes les autres [13] même si auparavant elle dresse un portrait très précis des différentes « races » :
« Or cette utilisation de race est rendue très discutable, pour deux raisons essentielles. La première de ces raisons est le mélange des races ; il résulte du « brassage intense, incessant et désordonné », remontant aux origines de l’humanité […]. D’autre part, il est impossible de confondre, comme l’ont fait les racistes, la race avec un peuple, une nationalité, une communauté linguistique, une civilisation. »
Or voila que les mêmes auteurs donnent dans ce manuel l’avertissement suivant :
« Si les ethnologues s’accordent à distinguer ces trois grands groupes raciaux [blancs, noirs, jaunes], la notion de race a toutefois fait l’objet, à travers l’histoire, de multiples discussions ; en effet le concept de race a très souvent servi à justifier des ambitions nationales ou des haines politiques : c’est ainsi que les théoriciens nazis distinguent des races supérieures et des races inférieures » [14]
Ici, l’avertissement est lancé, mais malgré tout il semble qu’à la lecture des manuels scolaires destinés aux lycées, de nombreux auteurs tendent justement à assimiler (sans le vouloir ?) les concepts de « race » et de « civilisation » en superposant parfois ces deux concepts pour proposer une carte du monde qui amalgame ces deux notions.
● Les « primitifs »
Les manuels scolaires (encore ceux de Géographie pour Seconde) reconnaissent nettement une catégorie de « primitifs ». D’ailleurs le programme scolaire, paru en 1960 pour cette classe, impose un chapitre dénommé « Sociétés primitives et éleveurs nomades ». Les manuels retranscrivent donc cette consigne, non sans parfois user à leur égard, d’une description très pittoresque. Aucun stéréotype n’est épargné, ni les généralisations fort nombreuses. Signalons parmi ces descriptions :
En parlant des « indigènes australiens » : « C’est avec la lance ou le boomerang qu’ils s’attaquaient à la faune du pays. Mais si le Kangourou était un morceau de choix, il n’était nullement quotidien car cet animal est rapide à fuir. Poisons, serpents, larves et autres mets composaient plus souvent le menu. […] La nature est rude ; elle était composée, aux yeux des australiens de forces mystérieuse et cruelles qu’il fallait désarmer, apaiser, mettre de son côté. La magie faisait donc partie de la vie de tous les jours »
En évoquant cette fois, l’Esquimau : « Au dégel, l’Esquimau guette le morse ou le phoque et le harponne dans les trous d’eau de la banquise. Au cœur de l’été, le gibier s’aventure sur la glace elle même et le chasseur doit ramper avec une ruse infinie vers la pauvre bête qui, heureusement, est complètement myope. Mais l’esquimau s’avance aussi en eau libre en manouvrant le kayak ave une habileté stupéfiante. […] La famine n’est pas inconnue dans le Grand Nord, non plus que l’anthropophagie ou l’infanticide. On ne mange son semblable que par nécessité, lorsque la faim devient trop forte ; on en éprouve quelque vergogne, mais il arrive qu’on doive en passer par là. » [15]
Dans une autre édition, on trouve cette caractéristique pour les hommes peuplant les forêts équatoriales :
« La forêt équatoriale est, on l’a vu, le type de région naturelle le plus hostile à l’homme. Aussi est-ce là que se rencontrent encore certaines des peuplades les plus arriérées de la Terre. La forêt vierge de l’Amérique du Sud, qui est en plusieurs endroits la portion la moins explorée du globe, nourrit misérablement des tribus parfois entièrement nues » [16]
Pour les « primitifs », il est en généralement entendu les habitants des forêts équatoriales (Amazonie, Pygmées d’Afrique équatoriale, Guinée équatoriale), les Aborigènes d’Australie et les habitants du Grand Nord (Esquimaux notamment). Le climat, (même si certains auteurs nient son impact) est toujours signalé comme un facteur déterminant, ou de manière plus général, le milieu physique. D’ailleurs l’essentiel est là, ce qui caractérise le « primitif » dans les manuels scolaires, c’est son incapacité à maîtriser la nature. De là découlent toutes les caractéristiques qu’on lui attribue : pas d’organisation sociale, des « langues sans expansion », pas d’écriture, pas de progrès scientifique possible, pas d’agriculture, phénomène urbain totalement étranger… :
« D’un côté apparaissent les primitifs : gens qui font l’ébahissement des voyageurs et la joie des fervents du film ethnographique. Ces primitifs connaissent bien la nature au sein de laquelle ils vivent ; ils la connaissent mais ils ne la maîtrisent pas. Pourvus de techniques rudimentaires, ils se contentent souvent de prélever sur elle ce dont ils ont besoin pour ne pas mourir. » [17]
Voilà donc un élément important, qui permettra la construction d’échelles en attribuant des « degrés de civilisation » : plus la société maîtrise son environnement, plus elle est civilisée. Ici arrive le jugement de valeur, car plus la société maîtrise son environnement, plus elle perçue comme évoluée voire plus intelligente. Le « primitif », toujours d’après les manuels de cette époque, est celui qui vit en dehors de la marche du progrès, il en est exclu puisque incapable de maîtriser sa nature.
On trouve une excellente description de cette « hiérarchie des civilisations » :
« Cette interdépendance de la production et de l’organisation rend possible l’établissement d’une échelle des civilisations. La civilisation la moins évoluée, qui pratique le seul ramassage, a d’autre part une organisation rudimentaire. Au sommet de la hiérarchie se placent les civilisations supérieures riches en hommes et en activités : leurs techniques d’exploitation évoluées permettent aux hommes de se multiplier sans que l’agriculture, désormais, accapare tous les bras. L’activité se différencie et les villes peuvent naître. En même temps, les techniques d’organisation de l’espace sont assez développées pour donner naissance à de grands et durables Etats. » [18]
Selon cette grille d’analyse, après les primitifs qui ne maîtrisent absolument pas leur nature, suivent d’autres catégories plus « évoluées » ayant une meilleure maîtrise de leur environnement : viennent les éleveurs nomades dont la pratique du nomadisme rendrait « belliqueux » selon une édition de manuel scolaire [19], puis vient surtout toute la diversité des pays « sous – développés ».
Les « pays sous–développés » possèdent quelques caractéristiques des pays « évolués » mais en puissance : en fonction des cas, une agriculture plus ou moins défaillante, une industrialisation en cours, des villes chaotiques (« les villes expriment le degré de civilisation [20] »), une démographie inadaptée, et depuis la décolonisation, un Etat dont l’organisation n’est pas toujours bien établie. Certains auteurs leur reconnaissent la nécessité d’une aide extérieure pour qu’ils évoluent plus vite dans le « bon sens » :
« C’est aux peuples évoluées de les aider. Ils le peuvent en leur fournissant une aide financière et aussi une « assistance technique », c’est à dire en leur procurant des ingénieurs, des mécaniciens, des professeurs » [21]
« L’enseignement secondaire ne peut s’étudier que dans les limites des Etats développés où il fournit les ingénieurs, médecins, fonctionnaires, artistes …indispensables » [22]
Ce qui amène au passage une édition de manuel scolaire, en parlant de l’Afrique, à vanter les bienfaits de la colonisation de la France en ces termes : « la « civilisation française » se maintient dans le monde. L’œuvre de la France n’a pas été vaine » [23].
A ce stade, pour faire un rapide bilan, l’Autre est celui qui ne maîtrise pas ou mal sa nature, qui n’a pas atteint les « hauts degrés de la civilisation ». Cependant, dans l’esprit des auteurs des manuels, tout n’est pas perdu, puisqu’ils peuvent en puissance, atteindre ces degrés. En attendant, l’Autre est représenté par des définitions qui relèvent du pittoresque, du stéréotype et de la généralisation à outrance … de quoi susciter l’imagination des lycéens.
● Les autres européens
L’Autre « lointain » est essentiellement représenté dans les manuels de Géographie pour Seconde. En Histoire, cet Autre dit « primitif » ou considéré comme « sous – développé » n’est pas étudié dans les manuels des années 1950 (quelques lignes parfois). Le programme d’Histoire de ces années se consacre à l’étude de l’Europe, bien que les Etats-Unis, la Chine et le Japon brièvement, aient le droit à davantage d’égards. Les Etats-Unis par ailleurs, restent dans l’esprit des manuels de cette époque, peuplés d’Européens (l’exception qui confirme la règle).
Voyons donc à présent l’image qui ressort des autres européens, plus proches géographiquement et culturellement de « nous ». Signalons pour commencer que le cours transmis dans ces manuels d’Histoire se limite souvent à une chronologie assez froide, au récit épique des guerres et à la description très encyclopédique des personnalités historiques (roi, général, ministre, …). Les peuples ne sont vus qu’à travers leurs souverains. Malgré tout la description des autres pays n’est pas ici particulièrement péjorative (à part de rares petites phrases), la Seconde Guerre mondiale qui est passée par là a ouvert de larges débats en faveur de la révision des manuels, afin d’éviter d’entretenir la haine de l’Autre (marquée dans les manuels d’avant guerre).
Signalons ce passage très révélateur pour situer l’objet et comprendre l’intérêt de l’Histoire qui est enseignée au lycée :
« Au XVIIIe siècle, l’Europe est le centre du monde. Sans doute, en Asie, la Chine et les Indes renferment des populations plus nombreuses que celles de l’Europe, mais elles n’exercent pas d’action efficace sur l’ensemble des continents ; leur puissance militaire est affaiblie par les divisions internes, les civilisations répugnent à toute conquête, surtout la vie humaine y est précaire : ces populations, si elles pullulent, n’ont qu’une vie très courte, tant est aléatoire la nourriture, à la merci d’une mousson ou d’un débordement de fleuve. L’Europe, au contraire, est en pleine puissance. Elle a réussi, dans le cours du XVIIIe siècle, à vaincre les obstacles qui freinaient le développement de sa population, et celle-ci croît à un rythme qui étonne, et parfois inquiète, les esprits éclairés. » [24]
Finalement en ce qui concerne l’Europe, les divers pays sont placés au même « degré de civilisation ». A ce degré, se trouve des peuples, des Etats ou des nations qui s’affrontent ou entretiennent des relations diplomatiques, chacun restant cependant bien distinct. A partir de la classe de Première, qui étudie la première moitié du 18ème siècle, apparaît en force le concept de « nation », nation pour laquelle chaque peuple combat (ou doit combattre).
« L’Angleterre traversait, au début du XVIIIe siècle, une grave crise morale. Sous l’effet de l’indifférence religieuse et du développement de la prospérité économique, les préoccupations utilitaires l’emportaient et aucune conception généreuse n’excitait plus l’émulation. Le patriotisme s’était dangereusement affaibli aussi bien dans les hautes classes que dans le peuple, et l’on trouvait des hommes de l’aristocratie pour déclarer cyniquement qu’ils ne se battraient pas si leur même si leur île était envahie » [25]
« L’Allemagne n’est pas seulement une nation redoutable, en plein essor économique : son rayonnement intellectuel est comparable à sa force matérielle » [26]
En ce qui concerne le continent européen, L’Histoire présente une espèce de concurrence acceptée et revendiquée entre les différents pays et nations. Malgré tout, l’Europe dans son ensemble est reconnue comme emportée dans une même dynamique : concurrence, guerre et commerce, bourgeoisie qui concurrence les trois ordres de l’Ancien Régime. Pour se représenter les caractéristiques de l’Europe, il suffit de lire cet extrait qui parle de la Russie :
« Le peuple russe conservait encore, à la mort d’Alexis, des mœurs grossières ; il semblait aussi plus asiatique qu’européen. Les Moscovites portaient la chevelure et la barbe longues ; ils étaient vêtus de robes traînantes ; les femmes étaient tenues enfermées dans un appartement spécial, le terem, l’équivalent du harem turc. Sauf dans quelques villes, il n’y avait pour ainsi dire pas de bourgeoisie en Russie. La société ne comprenait que deux classes » [27]
D’après la lecture des manuels d’Histoire des années 1950, l’Autre ici, représente surtout celui qui n’appartient pas à la même nation. La présentation de l’Histoire est jalonnée par les relations (guerre, diplomatie, commerce) qu’entretiennent les Etats ou les nations entre eux. Mais ces Etats ou nations transcendent les peuples qui les composent et qui sont toujours représentées à travers leurs souverains ou quelques grands personnages publics. Certes, l’Autre issu de l’Europe a atteint le « même degré de civilisation » mais les nations constituent des cadres suffisamment importants pour distinguer des peuples différents.
A cet Autre, le programme de Géographie en Terminale (avant 1980) accorde à nouveau une description détaillée, en se focalisant sur le statut de « grande puissance » attribué à ces divers pays/nations (ces deux concepts se superposent dans ces manuels). En tout cas, chaque pays est étudié séparément, les frontières des Etats constituent des limites significatives pour distinguer différents « Autres ».
Il reste donc à l’étude de la France, qui occupe au lycée quasiment la moitié du programme d’Histoire des années 1950, et l’année entière de Première en Géographie, une place de choix. Au total, il ressort que ce « nous » se distingue à la fois des « Autres » primitifs ou en voie de développement, et des « Autres » issus de nations différentes (concurrentes ou antagoniques).
● La France, pays de « l’équilibre »
A la lecture des manuels de Géographie de Première, un qualificatif qui décrit et distingue la France est évident : la France ressort comme le pays de l’équilibre. Par ailleurs, la France est aussi le pays de toutes les diversités, mais qui savent bien entendu se maintenir dans le cadre de l’équilibre.
Même, au niveau du milieu physique, la France est représentée comme équilibrée. Dans une édition de manuel (Hachette) [28], concernant un chapitre intitulé « L’équilibre de la France », les auteurs évoquent les reliefs qui « comportent des types aussi différents que possible », et les climats pour lesquels « la France a le privilège de couvrir, sans parler des montagnes, deux domaines climatiques dont les inconvénients se corrigent mutuellement et où la gamme des ressources est plus large que dans les pays voisins ». Une autre édition (Nathan) souligne que « l’histoire du sol français explique la variété d’un relief qui comprend en une proportion heureuse, montagnes jeunes et plaines, ainsi que la diversité des sols » [29].
Par ailleurs, c’est « l’heureuse » cohésion de la diversité de la population qui marque la « nation » française. Cohésion ancienne puisque « le fond de notre civilisation est d’origine latine » [30] :
« Les événements historiques ont forgé une conscience nationale. Si les habitants de la France se considèrent comme des « compatriotes », ce n’est pas seulement parce qu’ils vivent côte à côte ; c’est surtout qu’ils ont en commun une très longue histoire, faite d’événements heureux ou malheureux, mais qu’ils supportèrent tous ensemble depuis le Moyen Age. Des sentiments collectifs sont nés parmi eux parce qu’ils appartenaient à un même Etat. La nation et l’Etat se superposent très exactement […]. Un Breton et un Lorrain ont dans leurs habitudes plus de points communs qu’un Savoyard et un Italien du Piémont » [31]
Mais cette cohésion est réussie car « la bigarrure religieuse et politique des Français ne les sépare pas dans la vie quotidienne. La répétition des changements de régime politique depuis 1789, l’implantation des écoles publiques ouvertes à tous sans distinction d’opinion ont inculqué aux Français des habitudes de tolérance assez peu communes dans le monde. » [32]
Ainsi, l’image principale qui ressort de la France est sa place dans la « civilisation évoluée ». Ensuite au sein de celle-ci, elle se démarque par son harmonie, par sa diversité dont l’ensemble ressort équilibré.
Ici, aucune divergence entre les manuels d’Histoire et de Géographie de cette période, le « Nous » dont il est question, c’est la France ou plus exactement la nation française. Par ailleurs, dans ces ouvrages, la première personne du pluriel est couramment utilisé pour désigner la France : tous les manuels de Géographie (étudiés), utilisent le « nous » pour désigner la population française, en Histoire, c’est courant mais pas automatique. Hors il est admis que ce temps de conjugaison ne respecte pas la neutralité théoriquement requise par ces deux disciplines. Proposons quelques exemples :
« Pour la première fois depuis plus de cent ans, la structure de la population française va changer, c’est une de nos meilleures chances dans le monde de demain » [33]
« Les pays européens voisins : Grande Bretagne, Suisse et surtout les pays du Marché Commun avec lesquels nous faisons maintenant plus de 40% de nos échanges » [34]
« Nos reliefs comportent des types physiques aussi différents que possible » [35]
« Pour la première fois, la langue française y [négociations des traités de Westphalie] fut substituée au latin dans les discussions internationales, et ce fut une preuve du prestige de notre pays » [36]
« Partout la haute société copia nos mœurs, s’inspira de notre gout, adopta nos ides et parla notre langue » [37]
Ainsi, il est clair que le « nous » ici est clairement identifié : il s’agit de la nation française. Cette nation, comme le montrent les exemples ci-dessus, est projetée à la fois, loin dans le passé mais aussi loin dans le futur.
Pour conclure cette première partie, pour laquelle nous nous sommes basés sur les manuels d’Histoire antérieurs à 1959 et sur les manuels de Géographie antérieurs à 1981, nous allons présenter brièvement les premières caractéristiques.
A la lecture de ces ouvrages, il ressort que la France occupe le sommet de la « pyramide des civilisations » dont l’existence est sous-entendue tout au long de la lecture des manuels concernés. Certes, elle n’occupe pas ce sommet toute seule, elle partage cette place avec d’autres pays européens (voire les Etats-Unis) mais à cette place, la France se distingue par son « harmonie », elle ne montre pas les excès qui peuvent accabler certains pays.
Le monde, lui se divise en races, en civilisations et en nations. La France représente le « nous ». A côté d’elle, viennent les autres nations européennes, puis les autres civilisations (« primitifs » ou « pays sous-développés » voire « sous- évolués »).
La description de l’Autre dans les manuels concernés, sert en grande partie à justifier la place de la France au « sommet de la pyramide ». Cette démarche est très largement normative : il y a d’après ces ouvrages, un modèle de civilisations à suivre dont la France pourrait se revendiquer.
2) Du « nous » national vers un timide « nous » européen (années 1970 et début 1980)
Pour l’Histoire enseignée au lycée, un nouveau programme scolaire paraît en 1957. Le principe chronologique est maintenu, plus le niveau de la classe est élevé, plus la période étudiée est récente. Cependant une évolution majeure est à noter. La chronologie est resserrée pour s’arrêter en fin de Première. Ainsi en Seconde, est étudié la période 1789-1871, en Première, 1871-1945. L’impasse est volontaire faite sur la période 1945-1957. Mais, la grande innovation est pour la classe Terminale qui doit être réservé à « l’étude des civilisations » en mettant l’accent sur l’histoire des phénomènes sociaux et culturels. Cette évolution est inspirée des débats épistémologiques inscrits dans le sillage de « l’Ecole des Annales ».
Cette innovation comme le rappelle P. Garcia et J. Leduc [38], a été l’objet de nombreux débats entre « tenants da la continuité chronologique » et partisans d’une Histoire plus proche des phénomènes socio- culturels qui accompagnent l’histoire « du temps long » chère à F. Braudel [39] impliqué dans l’élaboration du nouveau programme (1957).
Finalement après des réformes du programme en 1959, l’étude des civilisations n’occupe qu’une moitié de la classe de Terminale. La chronologie s’en sort légèrement modifiée (Seconde : 1789–1848, Première : 1948-1914 et première partie de classe Terminale : 1914-1945). Ce programme reste inchangé jusqu’en 1981, même si d’après P. Garcia et J. Leduc, l’étude des civilisations est dans la pratique, de moins en moins abordée (n’étant pas proposée aux épreuves du Baccalauréat).
Avec les nouveaux programmes de 1981, c’est la classe de Seconde qui reprend l’étude des civilisations mais en se concentrant sur la civilisation occidentale et l’âge industriel. Les classes de Première et Terminale se consacrent à la chronologie, avec respectivement l’étude du 20ème siècle jusqu’en 1939 et le 20ème après 1939.
Pour les classes de Géographie, pas de grands changements en Terminale même après 1981 Par contre, en Seconde, la Géographie générale s’oriente davantage vers une approche plus environnementale tandis qu’en Première, si la France reste à l’étude, le territoire africain « d’expression française » est remplacé par l’Europe, notamment la C.E.E.
Le contexte de l’époque peut expliquer ces évolutions : la décolonisation est aboutie ou en voie de l’être, évènement en mesure de d’influer sur la perception de l’Autre mais qui déplace le centre d’intérêt des programmes scolaires. D’autant que parallèlement, le processus d’intégration européenne, soulignant des relations pacifiées, est en marche. Outre la création de la C.E.E. en 1957 et l’adoption de l’Acte Unique en 1986 (ancêtres de l’Union européenne), toute une série d’accords et de coopérations se mettent en place en Europe dont certains (Conseil de l’Europe, partenariat bilatéraux, ….) interviennent directement dans l’enseignement pour proposer une dimension plus européenne.
Par ailleurs, il y a dans les disciplines d’Histoire et de Géographie, de réelles évolutions épistémologiques. Ces réflexions imprègnent progressivement l’enseignement transmis au lycée. Nous avons signalé en Histoire, l’impact du courant des « Annales » qui se veut plus proche de l’Histoire culturelle et sociale. En ce qui nous intéresse, on constate que le concept de « civilisation » sous –entendu comme processus à atteindre, se mue en « système de valeurs » qui n’est plus soumis au jugement. Ainsi, la deuxième acception implique plutôt l’élaboration d’un catalogue de civilisations ou d’une « Grammaire des civilisations » [40] pour reprendre le titre d’un des ouvrages de F. Braudel.
Il n’y a pas malgré tout de révolutions dans les manuels scolaires. Toutefois, la représentation de l’Autre évolue. Les nouveaux manuels d’Histoire sans abandonner le récit chronologique, essaient de simplifier leur contenu en l’accompagnant notamment d’une illustration plus ou moins étoffée. Par ailleurs, dans leur approche chronologique, si le récit accorde désormais une place plus grande à l’histoire sociale, les faits d’armes ou les relations diplomatiques et la présentation des « grands personnages » dominent encore le contenu du cours. Le concept de nation est toujours bien vivant, il prend même parfois de l’importance dans certaines éditions : à la lecture des manuels de cette époque, le monde reste clairement divisé en Etats et nations.
Intéressons nous ici au programme d’Histoire de Terminale, entré en vigueur en 1959, là où les innovations sont les plus manifestes. A la lecture des manuels concernés, un concept émerge (certes, il existait auparavant, mais pas avec autant d’importance) : « l’Occident ». L’occident regroupe l’Europe occidentale et les Etats-Unis et considère comme Autre les pays d’Europe centrale et orientale. Certes, on peut comprendre que ce concept est très contextuel puis qu’il permet de rendre compte de la Guerre froide et du Rideau de fer. Ce qui représente le « Nous » s’associe à la civilisation occidentale et tient compte de la division contemporaine de l’Europe.
Citons la liste des cinq civilisations que propose une édition (Hatier) [41] :
- « Le monde africain noir »
- « Le monde de l’Océan Indien et du Pacifique » (qui inclut la Chine et l’Inde)
- « Le monde musulman »
- « La civilisation du monde communiste européen »
- « Les civilisations du monde occidental » qui incluent L’Europe occidentale, les Etats-Unis, et même l’Amérique latine.
Pour l’édition dont F. Braudel a rédigé le texte concernant l’étude des civilisations [42], se distinguent deux grandes parties : « Les civilisations européennes » et les « civilisations non-européennes ». Pour ces dernières sont abordées séparément « Islam, Afrique noire, Chine, Inde, Japon, Corée, Indochine et Indonésie ».
Les « civilisations européennes » elles, se subdivisent en trois groupes : « la vieille Europe » qui ici représente à elle seule l’Occident, « les Europes d’Amérique » et « l’expérience spectaculaire des Soviétiques ».
Pour la première édition (Hatier), les civilisations sont abordées avec une neutralité davantage revendiquée au niveau des jugements de valeur : notons que le chapitre concernant « le monde africain noir » est « écrit à la fois par un Africain, un professeur et un savant [43] ».
Par contre, dans le manuel des éditions Belin, dont F. Braudel est auteur, les jugements de valeur ne sont pas absents :
« Nous reviendrons à nous-mêmes, à l’Europe, à ses civilisations fines, brillantes. […]. Sous cette vaste étiquette seront placés non seulement l’Occident, la vieille Europe, mais aussi les nouvelles : les Europes d’Amérique qui en dérivent directement et cette multiple expérience européenne qu’est, quoi qu’on en dise et jusque dans son idéologie, l’expérience spectaculaire des Soviétiques » [44]
Le cours d’Histoire de Terminale inspiré des programmes de 1959 tend à attribuer au « Nous » la civilisation occidentale. Même si la notion d’Occident ne recouvre pas les mêmes limites. En tout cas, cette notion permet de considérer comme « Autres », les européens d’Europe centrale et orientale. Ainsi le « Nous » présenté ici, se détache des « expériences communistes ».
Remarquons que malgré les vifs débats épistémologiques qui ont marqué la science historique, il n’y a eu paradoxalement aucune proposition de programme qui a abouti pour le lycée entre 1959 et 1981. En 1981, l’étude des civilisations n’est pas abandonnée mais se fait en Seconde. Les études chronologiques des années de Première et Terminale renforcent davantage l’idée d’un monde découpé en nations.
Analysons plus en détail l’Histoire proposée aux classes de Seconde. Cette fois, l’accent porte davantage sur les fondements qui rendent compte de la civilisation occidentale, tout en insistant sur la France, élément de cette civilisation.
L’étude des autres civilisations est placée en fin d’ouvrage et n’occupe plus qu’un espace relativement restreint (notamment si on le compare à celui occupé dans les manuels de Terminale édité à partir de 1959). Parfois même, l’étude des autres civilisations sert de prétexte pour montrer l’influence historique que l’Europe y a joué. Ici, l’étude de l’Autre est marginalisée, d’autant que sa place en fin de volume, laisse supposer une impasse certaine (d’autant que son étude n’est pas poursuivie dans les classes suivantes).
Le zoom ici est mis sur l’Europe occidentale, précisément sur les facteurs explicatifs de ses fondements et de ses particularités. L’objectif étant de parcourir la civilisation d’Europe occidentale depuis ses débuts jusqu’à l’émergence de l’âge industriel. Il s’agit ici de repérer les racines de l’Europe, et les éléments dont elle se nourrit.
A la question soulevée dans un manuel : « Quelles sont les spécificités de la civilisation européenne ? », la réponse proposée est : « une maturation lente des valeurs » et « une mutation accélérée des techniques » [45].
Pour la l’élaboration de cette civilisation occidentale, il est expliqué que ses racines plongent dans l’Antiquité : « les grecs, les romains et nous [46] » comme le précise ce titre d’un chapitre.
Nous reproduisons ici, une partie d’un document issu d’un manuel scolaire [47]. Il a le mérite de présenter très synthétiquement ce qui est détaillé dans tous les manuels concernés. On y trouve les différents éléments qui sont attribués à la civilisation occidentale et qui la distingue. Dans tous les manuels, il est dit que la civilisation occidentale doit parmi ses singularités (vues comme une des plus importantes) sa division en Etats en en nations.
Finalement en Histoire, de plus en plus, l’étude de « l’Autre » lointain tend à disparaître, c’est ce qui arrive ici pour les programmes parus en 1981 destinés au lycée. Et ce, au moment où le concept de « civilisation » tend à prendre une acception de « système de valeurs » détaché de tout jugement. Par ailleurs, le « Nous » qui auparavant représentait clairement la « nation française » est de plus en plus employé pour la civilisation occidentale (ou européenne, c’est selon les manuels). Quoiqu’il en soit, avec le temps, l’emploi de la première personne du pluriel disparaît, et les rares fois où il est dorénavant employé c’est plutôt pour représenter « la civilisation européenne » (cf. l’exemple ci-dessus : « les Grecs, les Romains et nous »).
Hors, paradoxalement, une des grandes caractéristiques de la civilisation occidentale est d’avoir « produit » les Etats et les nations. Divisions qui restent encore omniprésentes en toile de fond. D’ailleurs, on peut se poser la question suivante : la civilisation occidentale est-elle mise en valeur pour appuyer le projet européen ou bien pour mettre en valeur la nation française qui la constitue ? A la lecture des manuels, la deuxième idée semble l’emporter. D’ailleurs dans le document reproduit ci-dessus, consacré à la civilisation occidentale, se glisse comme un de ses éléments constitutifs « l’œuvre scolaire de la IIIe République », élément plutôt constitutif de la nation française. En Géographie, en Première (selon le programme mis en place en 1981), certes la CEE devient un nouveau thème d’étude, mais à ce même niveau, la France occupe encore les 2/3 du programme.
3) Conclusion : 1950-1985, contribution des manuels scolaires à l’image de l’Autre.
Cette période que nous avons choisi pour la lecture des manuels scolaires (1950-1985), malgré les évolutions que nous avons soulignées, maintient une certaine logique. En effet, les changements de paradigmes qui s’appliquent à l’épistémologie de l’Histoire et de la Géographie ont pour effets que dans l’enseignement, le « nous » employé pour la nation française (politique, identitaire, …) tend à pencher vers un « nous » plus socio –culturel qui correspondrait à la civilisation européenne (voire occidentale).
L’Autre, décrit dans les manuels scolaires tout au long de cette période semble surtout servir à justifier les caractéristiques attribuées à « nous ». La description de l’Autre donne la réplique pour mettre en évidence ce que « nous » représentons en écartant les images auxquels « nous » ne devons pas être associés.
Si la nation française, vue à travers les manuels scolaires, glisse au cours de cette période du sommet de la « pyramide des civilisations » vers son appartenance à la civilisation européenne, elle conserve sa place en tant qu’Etat- nation.
Quoiqu’il en soit, la vision d’une hiérarchie de civilisation, empreinte de considérations normatives est difficile à abandonner. Cette image se retrouve même après les années 1960 à de nombreuses reprises dans la majorité des manuels. Par ailleurs, elle rappelle étrangement quelques événements récents, comme le discours du Président Sarkozy prononcé à Dakar le 26 juillet 2007 ou encore l’adoption de la loi 2005-158 du 28 juillet 2005 qui sous sa forme initiale demandait dans son Article 4 aux « programmes scolaires de reconnaitre en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer », certes abrogé environ une année plus tard.
Alexandre Blanc
IEP Aix-en Provence/ CSPC
Liste des manuels scolaires cités dans l’article :
Indexés sous la forme : classe, discipline, titre, auteurs principaux, édition, lieu d’édition, date d’édition, nombre de pages, et programme de référence.
[1] Seconde, Histoire, Héritages européens, GREHG, Hachette, Paris, 1981, 336 p. Programme 1981
[2] Seconde, Histoire, Histoire et civilisation, LEBRUN F., ZANGHELLINI V. (dir.), Belin, Paris, 1982, 384 p. Programme 1981
[3] Seconde, Histoire, Histoire-seconde, BERSTEIN S., MILZA P., (et al.), Hatier, Paris, 1981, 384 p. Programme 1981
[4] Seconde, Histoire, XVIIe et XVIIIe siècles 1610-1789, HALLYNCK P., Masson, Paris, 1945, 616 p. Programme 1944
[5] Seconde, Histoire, XVIIe et XVIIIe siècles, ISAAC J., BONIFACIO A., Hachette, Paris, 1952, 554 p. Programme 1945
[6] Première, Histoire, les débuts de l’Epoque contemporaine, de 1789 à 1851, METHIVIER H., Hatier, Paris, 1950, 648 p. Programme 1948
[7] Terminale, Histoire, L’Epoque contemporaine, GENET L., Hatier, Paris, 1956, 832 p. Programme 1948
[8] Terminale, Histoire, Le monde actuel, Histoire et civilisations, BAILLE S., BRAUDEL F., PHILIPPE R., Belin, Paris, 1963, 544 p. Programme 1959
[9] Terminale, Histoire, Le monde contemporain, GENET L., REMOND R., CHAUNU P., MARCET A., KI ZERBO J., Hatier, Paris, 1962, 720 p. Programme 1959
[10] Seconde, Géographie, Géographie générale physique et humaine, ALLIX A., Hatier, Paris, 1960, 528 p. Programme 1960
[11] Seconde, Géographie, Cours de Géographie, GOUROU P., PAPY L. (dir.), Hachette, Paris, 1961, 288 p. Programme 1960
[12] Seconde, Géographie, Géographie général, DACIER G, ALLIX J.P., Masson, Paris, 1960, 400 p. Programme 1960
[13] Seconde, Géographie, Géographie, OZOUF M., PINCHEMEL P., Nathan, Paris, 1961, 320 p. Programme 1960
[14] Seconde, Géographie, Géographie générale physique et humaine, TAILLEFER F., KAYSER B, Colin, Paris, 1962, 288 p. Programme 1960
[15] Première, Géographie, France et pays d’expression française, BLANCHON R., LABASTE A., OUDIN R., Colin, Paris, 1963, 352 p. Programme 1960
[16] Première, Géographie, France métropolitaine, départements d’Outre-mer, pays africains et malgache d’expression française, GOUROU P., PAPY L. (dir.), Hachette, Paris, 1962, 306 p. Programme 1960
[17] Première, Géographie, Nouveau cours de Géographie, MOREAU J.P., PASQUIER Y., OZOUF M., Nathan, Paris, 1963, 510 p. Programme 1960
NOTES
[1] Extrait de l’Art. 1 de la loi n°2005-158 du 23 février 2005.
[2] Hormis quelques très rares exceptions d’écoles à statut très particulier comme certains lycées privés non financés qui s’adressent souvent à un public aisé ou des écoles adaptées à un public spécifique. En général, la très grande majorité des lycées privés est tenue de respecter le programme scolaire émis par le Ministère de l’Education nationale.
[3] DURKHEIM E., 1980 : Education et sociologie [1922], Presses universitaires de France, Paris, 136 p. (p. 51).
[4] Bien qu’ils n’en soient pas les uniques lecteurs, ni les plus assidus. Les professeurs par exemple comme l’explique A. Choppin lisent souvent les manuels scolaires comme aide à la préparation de leur cours voire comme base documentaire. (CHOPPIN A., 1992 : Les manuels scolaires : histoire et actualité, Hachette, Paris, 224 p.)
[5] Loi n°75-620 du 11 juillet 1975 connu sous le nom de « Loi Haby » alors ministre de l’Education nationale. C’est cette loi qui techniquement ouvre ce qu’on nomme communément le « collège pour tous ».
[6] Statistiques du Ministère de l’Education nationale : http://media.education.gouv.fr/file...
[7] Paraphrasons ici le titre d’un important ouvrage de Todorov qui y consacre une réflexion sur le thème de l’altérité : TODOROV T., 1989 : Nous et les autres, Seuil, Paris, 452 p.
[8] Seconde, Géographie, Géographie générale physique et humaine, ALLIX A., Hatier, Paris, 1960, 528 p. Programme 1960 (p. 278). En gras comme dans le texte initial.
[9] Issu de Seconde, Géographie, Cours de Géographie, GOUROU P., PAPY L. (dir.), Hachette, Paris, 1961, 288 p. Programme 1960 (p. 154 et 155)
[10] Id. (p. 154). Les mots en gras le sont dans le texte d’origine.
[11] Seconde, Géographie, Géographie général, DACIER G, ALLIX J.P., Masson, Paris, 1960, 400 p. Programme 1960 (p. 262)
[12] Id. (p. 261)
[13] Seconde, Géographie, Géographie, OZOUF M., PINCHEMEL P., Nathan, Paris, 1961, 320 p. Programme 1960 (p. 171). Le terme en gras dans la citation est en italiques dans l’original.
[14] Id. (p. 171)
[15] Seconde, Géographie, Géographie général, DACIER G, ALLIX J.P., Masson, Paris, 1960, 400 p. Programme 1960 (p.299)
[16] Seconde, Géographie, Géographie générale physique et humaine, ALLIX A., Hatier, Paris, 1960, 528 p. Programme 1960 (p. 365)
[17] Seconde, Géographie, Géographie général, DACIER G, ALLIX J.P., Masson, Paris, 1960, 400 p. Programme 1960 (p. 299)
[18] Seconde, Géographie, Cours de Géographie, GOUROU P., PAPY L. (dir.), Hachette, Paris, 1961, 288 p. Programme 1960 (p. 181)
[19] Seconde, Géographie, Géographie générale physique et humaine, ALLIX A., Hatier, Paris, 1960, 528 p. Programme 1960 (p.286)
[20] Seconde, Géographie, Géographie, OZOUF M., PINCHEMEL P., Nathan, Paris, 1961, 320 p. Programme 1960 (p. 273)
[21] Seconde, Géographie, Géographie générale physique et humaine, TAILLEFER F., KAYSER B, Colin, Paris, 1962, 288 p. Programme 1960 (p. 286)
[22] Seconde, Géographie, Géographie général, DACIER G, ALLIX J.P., Masson, Paris, 1960, 400 p. Programme 1960 (p. 294)
[23] Première, Géographie, France et pays d’expression française, BLANCHON R., LABASTE A., OUDIN R., Colin, Paris, 1963, 352 p. Programme 1960 (p. 289)
[24] Première, Histoire, les débuts de l’Epoque contemporaine, de 1789 à 1851, METHIVIER H., Hatier, Paris, 1950, 648 p. Programme 1948 (p.3)
[25] Seconde, Histoire, XVIIe et XVIIIe siècles 1610-1789, HALLYNCK P., Masson, Paris, 1945, 616 p. Programme 1944 (p.347)
[26] Terminale, Histoire, L’Epoque contemporaine, GENET L., Hatier, Paris, 1956, 832 p. Programme 1948 (p. 233)
[27] Seconde, Histoire, XVIIe et XVIIIe siècles, ISAAC J., BONIFACIO A., Hachette, Paris, 1952, 554 p. Programme 1945 (p. 291)
[28] Première, Géographie, France métropolitaine, départements d’Outre-mer, pays africains et malgache d’expression française, Hachette, Paris, 1962, 306 p. Programme 1960 (p. 8)
[29] Première, Géographie, Nouveau cours de Géographie, MOREAU J.P., PASQUIER Y., OZOUF M., Nathan, Paris, 1963, 510 p. Programme 1960 (p.9)
[30] Première, Géographie, France métropolitaine, départements d’Outre-mer, pays africains et malgache d’expression française, GOUROU P., PAPY L. (dir.), Hachette, Paris, 1962, 306 p. Programme 1960 (p. 10)
[31] Id. (p. 11)
[32] Id. (p. 10)
[33] Première, Géographie, France et pays d’expression française, BLANCHON R., LABASTE A., OUDIN R., Colin, Paris, 1963, 352 p. Programme 1960 (p. 234). Les termes en gras sont de notre initiative.
[34] Id. (p. 285)
[35] Première, Géographie, France métropolitaine, départements d’Outre-mer, pays africains et malgache d’expression française, GOUROU P., PAPY L. (dir.), Hachette, Paris, 1962, 306 p. Programme 1960 (p. 8).
[36] Seconde, Histoire, XVIIe et XVIIIe siècles 1610-1789, HALLYNCK P., Masson, Paris, 1945, 616 p. Programme 1944 (p. 91).
[37] Id. (p. 452)
[38] GARCIA P., LEDUC J., 2003 : L’enseignement de l’histoire en France, de l’Ancien Régime à nos jours, Armand Colin, Paris, 320 p.
[39] BRAUDEL F., 1993 : Grammaire des civilisations, Flammarion, Paris, 625 p.
[40] Id. Cet ouvrage est fondamental pour notre étude, puisqu’outre présenter les civilisations, c’est la retranscription de la deuxième partie d’un manuel que F. Braudel avait rédigé pour les classes de Terminale : Terminale, Histoire, Le monde actuel, Histoire et civilisations, BAILLE S., BRAUDEL F., PHILIPPE R., Belin, Paris, 1963, 544 p. Programme 1959
[41] Terminale, Histoire, Le monde contemporain, GENET L., REMOND R., CHAUNU P., MARCET A., KI ZERBO J., Hatier, Paris, 1962, 720 p. Programme 1959 (p. 5)
[42] Terminale, Histoire, Le monde actuel, Histoire et civilisations, BAILLE S., BRAUDEL F., PHILIPPE R., Belin, Paris, 1963, 544 p. Programme 1959 (p. 143)
[43] Il s’agit de J. Ki Zerbo, à l’époque professeur agrégé enseignant à Ouagadougou. Comme indiqué dans l’avant-propos de l’ouvrage. Indiquons aussi, que c’est R. Rémond qui s’est chargé des chapitres traitant des civilisations européennes (de l’Ouest), de l’Amérique du Nord, de l’URSS et du monde communiste. Le chapitre sur l’URSS, par exemple, n’est cependant pas dispensé de certains jugements de valeur sur les orientations politiques.
[44] Terminale, Histoire, Le monde actuel, Histoire et civilisations, BAILLE S., BRAUDEL F., PHILIPPE R., Belin, Paris, 1963, 544 p. Programme 1959 (p. 143). C’est nous qui mettons en gras les éléments pour lesquels nous voulons attirer l’attention. Mais encore, on peut remarquer que les civilisations non-européennes, restent ici souvent décrites par la négative, c’est-à-dire par ce qu’elles n’ont pas par rapport aux civilisations européennes.
[45] Seconde, Histoire, Héritages européens, GREHG, Hachette, Paris, 1981, 336 p. Programme 1981 (p. 19).
[46] Seconde, Histoire, Histoire et civilisation, LEBRUN F., ZANGHELLINI V. (dir.), Belin, Paris, 1982, 384 p. Programme 1981 (p. 8). C’est nous qui soulignons.
[47] Seconde, Histoire, Histoire-seconde, BERSTEIN S., MILZA P., (et al.), Hatier, Paris, 1981, 384 p. Programme 1981 (p.6)