Camps et confinements des étrangers : des écrits...
La prolifération de ces camps d’exilés donne à la carte européenne une figure marquée par l’histoire actuelle de la phobie des exilés. Cette figure révèle une transformation profonde des cultures européennes et signale les implications de ce tournant aux marches de l’Europe : des voisins subordonnés et réduits à la fonction répressive de gardien des frontières.
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n°57, avril 2005
L’Europe des camps :
la mise à l’écart des étrangers (2)
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Présentation et mise en discussion de "L’Europe des camps" :
le mercredi 20 avril 2005 de 9 h à 17 h
voir : le programme de la journée
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Prolongement : "Migrations et asile au Maghreb..."
le vendredi 27 mai 2005 de 9 h à 18 h
voir : le programme de la journée
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Les pays de l’Union Européenne, comme les autres pays occidentaux, développent une culture politique de séparation et d’opposition entre ceux qui peuvent circuler librement de par le monde et ceux pour qui cela est interdit. Ce mur symbolique a pris notamment la forme d’un commun titre européen de division du monde et de rejet : le visa Schengen (Cultures & Conflits, n°49 et 50). La volonté de mise à distance des étrangers autres que ceux utiles à l’économie s’exacerbe aujourd’hui avec les politiques de répression et d’enfermement des exilés : c’est l’Europe des camps. Il ne s’agit ni seulement des « camps de réfugiés » qui apparaissent près des zones de conflits ou de catastrophes ni des « camps de concentration » que l’Europe connut durant la seconde guerre mondiale. Il s’agit de la multitude des lieux d’enfermement et de regroupement forcé des exilés qui se tournent vers l’Europe pour y trouver refuge, qu’ils soient demandeurs d’asile, réfugiés, sans-papiers ou en transit dans les pays voisins. La prolifération de ces camps d’exilés donne à la carte européenne une figure marquée par l’histoire actuelle de la phobie des exilés. Cette figure révèle une transformation profonde des cultures européennes et signale les implications de ce tournant aux marches de l’Europe : des voisins subordonnés et réduits à la fonction répressive de gardien des frontières.
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« Introduction » , Jérôme VALLUY (Univ. Paris 1, France),
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« La nouvelle Europe politique des camps d’exilés : genèse d’une source élitaire de phobie et de répression des étrangers », Jérôme VALLUY (Univ. Paris 1, France),
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« La diversité des camps d’étrangers en Europe : présentation de la carte de Migreurop », Caroline INTRAND (CIMADE, France), Pierre Arnaud PERROUTY (MRAX, Belgique) :
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« Clandestins au secret. Contrôle et circulation de l’information dans les centres de rétention administrative français », Nicolas FISCHER (Science Po, CEVIPOF, France)
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« Enfermement des étrangers : l’Europe sous la menace du syndrome maltais », Claire RODIER (GISTI, France), Catherine TEULE (LDH, France)
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« Expansion et sous-traitance des logiques d’enfermement de l’Union Européenne : l’exemple du Maroc », Abdelkrim BELGUENDOUZ(Univ.Mohammed V-Agdal, Rabat ,Maroc)
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« Le camps, révélateur d’une politique inquiétante de l’étranger », Mathieu BIETLOT (Univ. Libre de Bruxelles, Belgique)
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Liens :
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L’Europe des années 1930 nous a appris à quel point des cultures politiques peuvent se transformer sans que les générations concernées en aient la moindre conscience. Ce risque d’ignorance s’aggrave probablement lorsque l’on croît, comme souvent aujourd’hui, être immunisés mieux qu’autrefois contre les phénomènes idéologiques et les dérives qu’ils entraînent. A cet égard les sciences sociales endossent une responsabilité particulière : celle de pouvoir aider à détecter précocement de telles mutations et à les faire connaître. Cette fonction de recherche et de formation des esprits implique de comprendre les mouvements de société afin de bien en évaluer l’ampleur.
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Les logiques de stigmatisation, de mise à l’écart et d’enfermement des migrants sont apparues graduellement dans les paysages politiques occidentaux. Le phénomène est encore peu étudié dans les sciences sociales mais suffisamment déjà pour inciter deux revues à réunir différents spécialistes du sujet. La revue Cultures & Conflits – Sociologie politique de l’international et la revue Politix – Revue des sciences sociales du politique (n°1 / 2005 « Etrangers : la mise à l’écart ») entendent, par la publication simultanée et coordonnée de numéros sur ce sujet, l’inscrire sur l’agenda scientifique et dans l’espace public : comment analyser ce mouvement actuel de stigmatisation, mise à l’écart et enfermement des migrants ? Quelles informations, quelles connaissances sont disponibles pour quels publics ?
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Ceux deux numéros bénéficient de travaux, études et recherches produits depuis le début de l’année 2003 par des réseaux associatifs et universitaires : le réseau MIGREUROP (http://www.migreurop.org) a organisé le colloque sur « Les camps d’étrangers en Europe » en juillet 2003 au Parlement européen et produit la carte « Des camps d’étrangers en Europe et dans les pays méditerranéens » publiée dans ce numéro et dans celui de Politix. Le réseau T.E.R.R.A. (Travaux, Etudes et Recherches sur les Réfugiés et l’Asile ; http://www.reseau-terra.eu) a organisée la Rencontre sur les « Les camps d’étrangers en Europe » à l’Université Paris 1 en septembre 2003, a lancé en janvier 2004 un « Appel à manifestation d’intérêt », repris ci-dessous, sur le thème « Stigmatisation, mise à l’écart et enfermement des nouveaux migrants dans les pays occidentaux et zones limitrophes (demandeurs d’asile, réfugiés, déboutés du droit d’asile, sans-papiers) » et, a co-organisé, avec l’Université d’Evry, Paris 8 et le CNAM, le colloque « Des zones d’attente aux camps : Sangatte… Lampedusa… Guantanamo… » en juin 2004.
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Cultures & Conflits , pour sa part, prolonge ainsi un travail collectif amorcé il y a près de dix ans avec un numéro 23 « Circuler, enfermer, éloigner » consacré aux zones d’attente et aux centres de rétention. Le numéro 26/27 « Contrôles : frontières-identités » met l’accent sur les enjeux politiques et administratifs relatifs à l’immigration et à l’asile. Le numéro 31/32 « Sécurité et immigration » apporte l’éclairage d’une connaissance des logiques sécuritaires qui traversent les deux numéros précédents. Plus récemment, les numéros 49 « La mise à l’écart des étrangers. Les logiques du visa Schengen » et le numéro 50 « La mise à l’écart des étrangers. Les effets du visa Schengen » faisaient apparaître une logique concertée et assumée tendant, à travers une politique commune de visa européen, à scinder le monde en deux : d’un côté ceux qui peuvent circuler librement et de l’autre ceux que ne le peuvent pas.
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A cette Europe d’un commun titre de rejet correspond aussi, telle est notre hypothèse, la genèse d’une Europe des camps d’exilés. Lorsque nous parlons de « camps d’exilés » il ne s’agit pas seulement des « camps de réfugiés » tels qu’on les connaît dans toutes les parties du monde, y compris en Europe, à proximité des pays ou des zones de conflits armés ou de catastrophes naturelles. Il ne s’agit pas du tout des « camps de concentration », instruments de génocide, tels que l’Europe les connut durant la seconde guerre mondiale. Il s’agit de l’ensemble des lieux d’enfermement et de regroupement forcé des exilés qui se tournent vers l’Europe pour y trouver refuge, qu’ils soient demandeurs d’asile, réfugiés, sans-papiers (déboutés du droit d’asile ou n’ayant pas demandé l’asile) ou simples migrants de passage dans un pays voisin de l’Europe. Certains camps sont fermés, quasi-carcéraux, d’autres sont ouverts mais néanmoins contraignants voire incontournables. L’enfermement relève aussi de « zones d’attentes », de « centres de rétention », « d’hébergement » (éventuellement forcé), parfois d’une prise en charge humanitaire d’urgence. Certains lieux sont institutionnalisés tandis que d’autres paraissent plus incertains, improvisés à la hâte à l’occasion d’un afflux de migrants. Le provisoire peut-être durable comme on le constate pour bon nombre de camps de réfugiés dans le monde, mais, il peut être aussi stratégiquement éphémère pour éviter toute focalisation médiatique ou mobilisatrice. Ces sites peuvent être définis juridiquement ou relever de « régimes » d’exception ; refléter une banalisation politique et technocratique de la mise à l’écart des migrants ou bien une extension des « zones grises » de non droit à l’intérieur même des Etats de droit. Les camps varient aussi au regard des conditions de vie et de respect des droits humains : on va des formes d’hôtellerie imposée voire quasi-carcérale… à des camps déjà indignes de l’humanité même si aucun amalgame ni rapprochement n’est acceptable avec des camps évoquant un génocide quel qu’il soit. Comment désigner ensemble ces lieux et ces camps sans dériver soit vers l’outrance verbale de comparaisons illégitimes soit vers celle des euphémismes qui fleurissent aujourd’hui dans les discours politiques et technocratiques ? Quelles en sont les caractéristiques sociales, économiques, juridiques et en quoi permettent-elles de les comparer, de les réunir conceptuellement mais aussi de les différencier ? Comment vit-on dans ces lieux d’enfermement et camps de regroupement ? Comment sont vécues ces situations par les personnes concernées et quelles sont leurs réactions à ces situations ? Pourquoi ces camps prolifèrent-ils aujourd’hui en Europe et autour de l’Europe comme dans le reste de l’occident ?
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Ce domaine de recherche est très vaste et le présent numéro de Cultures & Conflits , loin de prétendre en faire le tour, est consacré spécifiquement à un aspect : la banalisation actuelle en Europe et par l’Europe d’une logique politique de mise à l’écart des étrangers au moyen des camps d’enfermement et de regroupement forcés d’exilés. Hier comme aujourd’hui, la multiplication des lieux d’enfermement et des espaces de regroupement semble être un phénomène social global, de longue période, international, reflétant des mutations profondes dans les sociétés concernées, leurs cultures, leurs institutions. Les pays occidentaux, notamment européens, ont pu se croire prémunis contre ce genre d’évolution par certaines tragédies du passé. Mais ces croyances ne résistent pas à l’investigation historique sur le devenir des lieux et dispositifs d’enfermement des étrangers dans la seconde moitié du vingtième siècle. D’où l’intérêt d’études pouvant éclairer les conditions actuelles de multiplication des camps de migrants au regard d’évolutions plus larges, dans la dernière décennie, sur les systèmes politiques, les mouvements d’opinions publiques, les mutations idéologiques notamment des classes dirigeantes, les débats médiatiques… dans les sociétés occidentales. Que dévoile sur ces sociétés la banalisation des formes de mise à l’écart, de regroupement et d’enfermement des migrants ? Comment se sont construits les représentations sociales actuelles relatives aux nouveaux migrants et les stigmates dont ils sont aujourd’hui porteurs (faux-réfugiés donc tricheurs, parasites et envahisseurs, facteurs d’insécurité, etc.) ? Comment passe-t-on dans les politiques publiques occidentales de la stigmatisation à la criminalisation des nouveaux migrants ?
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Etudier la multiplication des lieux d’enfermement en tant que phénomène occidental et, plus étroitement, européen, n’implique aucune restriction territoriale tant la portée du phénomène excède évidemment ces cadres géographiques. On le voit avec les politiques européennes dites « d’externalisation de l’asile » : leur influence dépasse les frontières des Etats qui les conduisent. En amenant les Etats voisins puis, plus largement, les Etats « partenaires » (notamment dans les programmes de coopération, aide au développement et action humanitaire) à faire le travail de rétention, d’enfermement et d’expulsion des migrants en transit, s’opère une externalisation non plus de l’asile mais de la répression et de l’enfermement des migrants. D’un côté la carte des délivrances de visas démarque la zone des individus pouvant circuler dans le monde entier de celle des individus cantonnés aux pays non occidentaux ; de l’autre côté celle des lieux d’enfermement et regroupement des migrants gomme la frontière même de l’occident qui sous-traite et transfert ces activités dans les pays tiers. Par suite, le phénomène commence à apparaître comme problème public dans certains pays d’origine ou de transit des migrants. Des mobilisations sociales se font jour contre l’influence occidentale et parfois simultanément contre la soumission volontaire des autorités nationales ou locales à cette influence. Cette inscription des pays d’origine ou de transit dans le champ de recherche se justifie aussi par la proportion considérable de réfugiés, migrants forcés et autres déplacés accueillis par les pays non occidentaux. On peut donc s’interroger sur l’incidence des enjeux migratoires dans les relations entre les pays occidentaux et les autres pays. S’agit-il d’un nouveau « rideau de fer » qui tombe avec son chapelet de conflits locaux et de morts aux frontières de l’occident ? Que produisent les mobilisations liées à ce clivage international, qu’elles soient gouvernementales, militaro-policières ou sociales et politiques, sur les sociétés concernées ?
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Les contributions réunies dans ce numéro ne prétendent évidemment pas répondre à toutes les questions mais explorent quelques dimensions essentielles de ce vaste sujet :
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· L’Europe politique se présente sous un jour particulier lorsque l’on considère les efforts actuels pour multiplier en son sein et chez ses voisins les dispositifs de regroupement forcé et d’enfermement des exilés (demandeurs d’asile, réfugiés, sans-papiers, clandestins…). La nouveauté réside moins dans l’existence de ces dispositifs que dans la facilité avec laquelle ils sont affichés comme instruments ou finalité de politiques publiques. Ceci révèle une transformation profonde des cultures européennes et de la gouvernance à l’égard des exilés, autrefois victimes à aider, aujourd’hui coupables menaçants. Or cette convergence européenne, souvent imputée aux opinions publiques passe par trois processus dont on peut montrer l’origine élitaire : la spirale du rejet des demandes d’asile, le tournant national-sécuritaire à l’égard des étrangers et l’harmonisation européenne de la lutte contre l’immigration sous couvert de « Justice, Liberté et Sécurité » (JLS). Les cultures politiques européennes se transforment ainsi sous l’effet de la montée en puissance d’une xénophobie de gouvernement. (J. Valluy)
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· Les camps d’enfermement d’étrangers, qui constituent la partie la plus visible du processus, se multiplient ainsi dans tous les Etats membres et autour de l’Europe sous des formes diverses et variées. Les premières démarches indépendantes de recensement et de classement de ces camps ont récemment vue le jour. Elle font apparaître un phénomène d’ensemble à l’échelle du continent européen et de la zone euro-méditerranéenne. Et si les formes de regroupement forcé et d’enfermement sont très hétérogènes, ces espaces se ressemblent par leur caractère déshumanisant pour les migrants et la multiplication des violations de droits fondamentaux. Etroitement liés à d’autres politiques de maintien à l’écart des étrangers (politique des visas, politiques des charters, politiques de « l’asile »…) les camps sont supposés servir à l’endiguement de l’Europe avec néanmoins une efficacité faible pour un coût élevé, de telle sorte que la raison de leur existence semble se situer dans l’ordre symbolique. L’actualité la plus récente est celle de l’externalisation des camps (C. Intrant, P.A. Perrouty).
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· Parmi les espaces d’internement destinés aux étrangers qui se multiplient aujourd’hui en Europe, les centres de rétention administrative présentent la particularité de se trouver directement au contact des sociétés européennes, mais aussi de leurs espaces publics. Ces centres s’insèrent dans des dispositifs plus vastes de détection des étrangers présents irrégulièrement sur le territoire des Etats Schengen. Ils doivent à ce titre permettre de prélever sur les exilés une information favorisant leur éloignement du territoire ou tout au moins leur « traçabilité ». L’exemple d’un centre de rétention français, permet d’analyser la manière dont s’organise concrètement ce prélèvement de l’information, mais également de voir comment cette organisation est relativisée voire déjouée par la possibilité de contacts non formalisés et non maîtrisés des étrangers retenus avec l’espace public dont ils ont été retranchés, notamment à travers le rôle d’une association, la Cimade, disposant d’un quasi-monopole d’accès associatif aux centres de rétention administrative en France. (N. Fischer).
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· Un autre type de camps apparaît en République de Malte (400 000 habitants). Située à mi-chemin entre le continent européen et l’Afrique, elle est depuis toujours à la croisée des circuits migratoires qui traversent la zone méditerranéenne. Face aux embarcations de fortune qui échouent par choix ou par hasard sur les plages maltaises les autorités mettent en œuvre une politique systématique d’enfermement des étrangers. Malte, en rejoignant l’Union Européenne, y fait entrer ainsi un des résultats possibles des politiques européennes : l’enfermement généralisé des migrants, sans distinction de statuts ou situations individuelles, dans cinq camps fermés et gérés selon un modèle très bureaucratique. Les conditions matérielles de détention, dans des locaux inadaptés, ne répondent pas aux standards minimum en matière d’hygiène et de respect de la vie privée. Les détenus qui sollicitent l’asile sont soumis à un régime incompatible avec les normes internationales. Malte offre aujourd’hui un exemple de société européenne vivant au milieu des camps et s’habituant à cette situation. (C. Rodier, C. Teule).
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· L’évolution politique de l’Europe, notamment celle qui traverse les politiques anti-migratoires des Etats européens ainsi que les politiques dites de « justice, liberté et sécurité » conduites par l’Union Européenne pèsent de plus en plus lourdement sur les pays du maghreb. L’Europe impose à ses voisins, par voie de coopérations asymétriques et de partenariats dominés, la sous-traitance des tâches de traque, dissuasion et éloignement des migrants. Les relations euro-méditerranéennes se trouvent ainsi orientées de plus en plus exclusivement par cette lutte contre l’immigration. Avec aussi un intérêt financier à collaborer, le Maroc, comme d’autres pays limitrophes, devient un terrain d’expérimentation avancée des logiques de répression et d’enfermement de ceux qui s’exilent vers l’Europe. A travers ce processus d’influence l’Europe diffuse ses propres logiques sécuritaires et anti-migratoires dans les politiques publiques et plus largement dans la vie politique de ses voisins dont elle affecte l’agenda politique ainsi que les modalités d’action publique. (A. Belguendouz).
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· Contrairement à la banalisation dont ils font l’objet dans les discours officiels et bien qu’ils ne soient pas comparables aux camps de déportation et d’extermination propres aux régimes totalitaires, les centres de regroupement forcé et d’enfermement des exilés sont à proprement parler des camps, c’est à dire des lieux de maintien sous contrôle d’humains indésirables. A côté voire à l’encontre de leurs fonctions officielles (limiter les flux migratoires et organiser le rapatriement des étrangers non admis), ces camps répondent à des finalités multiples, symboliques, politiques et économiques : cantonner l’étranger dans l’image et le rôle que lui réservent nos sociétés. Il s’agit d’utiliser la précarité de l’immigration irrégulière pour renforcer les appareils répressifs, la dérégulation du rapport salarial et la flexibilité du travail. La fonction réelle et symbolique des camps s’inscrit ainsi dans un schéma plus global de société : le néolibéralisme sécuritaire. La société disciplinaire décrite par Foucault semble s’adapter par là au contexte de la mondialisation et de la production post-fordiste. (M. Bietlot)
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Jérôme VALLUY (mars 2005)
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ISBN : 2-7475-8103-9 ISSN : 1157-966 X Cultures & Conflits n°57 Printemps 2005 Code barres : 978747581035