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Genre, politique et sacré dans les camps des réfugiés palestiniens

Marie Kortam

citation

Marie Kortam, "Genre, politique et sacré dans les camps des réfugiés palestiniens ", REVUE Asylon(s), N°9, juin 2012

ISBN : 979-10-95908-13-5 9791095908135, Reconstructions identitaires et résistances, url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article1245.html

résumé

L’explication biologique de la division sexuelle du travail et des caractéristiques de genre a été contestée, notamment par les penseurs et les groupes féministes pour lesquels les caractères et les rôles féminins seraient appris plutôt qu’innés. L’assimilation de ce qu’est une femme et de ce qu’elle doit faire s’accomplit par le processus de socialisation.

Je m’interroge dans cet article sur les particularités de la socialisation dans les camps de réfugiés de jeune, à partir d’une enquête de terrain effectuée en 2008-2009 dans le camp de Baddawi. Il s’agissait de mener et d’analyser des entretiens avec dix-huit femmes et vingt-deux hommes au camp de Baddawi, âgés entre vingt et trente ans de profils socio-professionnels variés (cf. annexe). La méthode de recherche retenue est qualitative, autour de la notion de « violence », en incitant des « jeunes » à parler de leurs expériences avec les violences.

Nous allons voir que dans les camps des réfugiés palestiniens au Liban, la division traditionnelle des rôles entre les hommes et les femmes est de plus en plus nette, entraînant une sclérose, voire une régression de la condition féminine. (...)

L’explication biologique de la division sexuelle du travail et des caractéristiques de genre a été contestée, notamment par les penseurs et les groupes féministes pour lesquels les caractères et les rôles féminins seraient appris plutôt qu’innés. L’assimilation de ce qu’est une femme et de ce qu’elle doit faire s’accomplit par le processus de socialisation.

Je m’interroge dans cet article sur les particularités de la socialisation dans les camps de réfugiés de jeune, à partir d’une enquête de terrain effectuée en 2008-2009 dans le camp de Baddawi. Il s’agissait de mener et d’analyser des entretiens avec dix-huit femmes et vingt-deux hommes au camp de Baddawi, âgés entre vingt et trente ans de profils socio-professionnels variés (cf. annexe). La méthode de recherche retenue est qualitative, autour de la notion de « violence », en incitant des « jeunes » à parler de leurs expériences avec les violences.

Nous allons voir que dans les camps des réfugiés palestiniens au Liban, la division traditionnelle des rôles entre les hommes et les femmes est de plus en plus nette, entraînant une sclérose, voire une régression de la condition féminine.

Selon l’UNRWA, 406,324 réfugiés palestiniens sont enregistrés au Liban, ils sont répartis dans douze camps et dans des regroupements, ils vivent des conditions de vie précaires, dans des demeures insalubres, à cela s’ajoute le taux élevé de chômage. Dans l’enquête menée par le Fafo (Ugland, 2003 : 150) sur la situation des réfugiés palestiniens au Liban, on trouve que seulement 15% des réfugiés, dans les camps et les groupements, ont des contrats avec leurs employeurs, ou disposent d’une autorisation du gouvernement.

Dans les dernières années plusieurs actions ont été menées pour lutter contre la discrimination socio-économique à l’encontre des Palestiniens au Liban, notamment pour revendiquer le droit au travail et à la propriété. Ces actions ont été dernièrement honorées par la manifestation pour les droits civils et socio-économiques des Palestiniens qui a eu lieu le dimanche 27 juin 2010 pour les droits et contre la discrimination. Suite à elle, plusieurs polémiques de différents types ont eu lieu au sein de la classe politique libanaise et palestinienne. Il en a résulté que le 17 août 2010 le parlement libanais a amendé l’article 59 et le paragraphe 3 de l’article 9 dans le droit de travail libanais. Malgré cette évolution dans la loi, aucun changement dans les conditions de vie des Palestiniens n’est encore remarqué jusqu’à présent.

Pour aborder la socialisation, je décris trois facteurs qui sont liés à l’état de choses actuel :

- la restriction de la mobilité géographique et sociale.

- la marginalisation économique des hommes.

- l’organisation du camp et la pression morale qu’elle exerce.

1- Restriction de la mobilité et rôles de genre

La socialisation des femmes palestiniennes s’est transformée avec le temps. Les premières années de la Nakba, une grande partie de la socialisation des femmes intégrait leur préparation à la lutte de libération nationale de concert avec les hommes. Cette socialisation forgeait chez elles une personnalité, des attitudes, des comportements et des manières de penser partagées avec les hommes : la lutte nationale justifiait la présence des femmes en politique.

Aujourd’hui, avec l’actuelle politique palestinienne et l’extinction de la lutte nationale, la socialisation redevient traditionnelle et tend à faire des femmes des êtres apolitiques centrés sur la sphère privée. Dans la division sexuelle du travail, la sphère publique est réservée aux hommes, elle comprend notamment la politique et le travail rémunéré en dehors du foyer. Les femmes sont de plus en plus exclues de cette sphère et concentrent leurs activités dans le monde dit privé, le foyer et la famille, en raison de leur rôle prépondérant dans la reproduction humaine.

Les filles sont élevées en fonction des rôles qui les attendent à l’âge adulte : rôles d’épouses, de mères, de ménagères. On forge la personnalité des enfants de manière à ce que chacun accepte la place qui lui est réservée. Dans la socialisation traditionnelle, les filles ne développeront pas les aptitudes qui leur seraient utiles dans les activités politiques, par exemple la compétitivité, l’agressivité, la confiance en soi, l’ambition. Elles cultiveront plutôt des aspirations pour les tâches de la sphère privée : le mariage, les enfants…

La spécificité de la situation palestinienne a donné naguère aux femmes des dispositions et des aspirations contraires à celles de la socialisation traditionnelle à travers une contre-socialisation (Fowlkes, 1983 ; 1984) et une libération ; elles ont occupé une place qui est devenue « comme le ciment de l’unification de la nation » (Dayan-Herzbrun, 2005 : 64). Elles ont joué le rôle de « gardiennes héroïques » de la pérennité du peuple palestinien auxquelles rendait hommage la Déclaration de l’Indépendance de l’Etat Palestinien de novembre 1988 (Dayan-Herzbrun, 2005 : 18). Mais maintenant de plus en plus les femmes palestiniennes connaissent une réorientation psychologique vers le « normal » et les rôles traditionnels. « La maison doit rester le lieu d’une différenciation masculin/féminin socialement structurante » (Dayan-Herzbrun, 2005 : 65).

Les hommes du camp ont de ces femmes une représentation ambiguë. D’une part, ces femmes que la vie a durcies ne correspondent pas à l’image que les jeunes se font de la féminité, surtout si on les compare aux femmes libanaises. Ce qui fait que certains préfèreraient épouser des femmes de l’extérieur du camp. Mais d’autre part, beaucoup d’hommes pensent que les femmes du camp partagent leur environnement, sont semblables à eux, reproduisent la figure de leurs aînées, qu’elles connaissent bien la situation de leur mari, ont appris la patience et la vie difficile, qu’elles respectent les difficultés de leur époux, le soutiennent, partagent avec lui le sens de la valeur de l’argent, sont prêtes à se sacrifier pour leur famille.

Les femmes de leur côté sont conscientes du jugement des hommes, Nour, une jeune interviewée en témoigne : « L’homme n’a pas le même regard pour la femme du camp et la femme de l’extérieur du camp. Il voit bien que la femme de l’extérieur est belle et bien habillée, mais la femme de l’intérieur il ne la voit même pas. Il considère qu’elle a été créée pour son repos à lui, pas pour vivre elle-même, il n’accepte pas qu’elle sorte, il lui demande de faire à manger. Il la regarde comme un instrument qui doit lui rendre la vie plus facile et agréable, et non comme un être humain qui a des droits comme lui » (Nour).

2- Marginalisation économique des hommes et rôles de genre

Avec la crise économique, la situation des réfugiés provoque une sorte de castration chez les hommes. Traditionnellement, la valeur financière repose sur les hommes, c’est à eux qu’on attribue le rôle de pourvoyeur économique de la famille. Or la rareté des emplois, avec la sortie de l’OLP, qui autrefois créait des embauches, notamment par l’intermédiaire de l’association SAMED, l’interdiction de travailler édictée par l’Etat Libanais, l’actuelle politique rétrograde, rendent difficile pour les hommes de se valoriser en gagnant la vie des leurs. Ils cherchent alors à affirmer leur masculinité en exerçant leur pouvoir autrement, en maintenant les femmes sous leur contrôle, en les prenant en quelque sorte comme exutoires à leur frustration.

Dans ce contexte, l’accès au travail des femmes et sa nécessité sont une offense pour les hommes, d’autant plus que cette manière de voir est légitimée par la société toute entière et par les femmes elles-mêmes, qui pensent que des différences naturelles existent entre elles et les hommes. Toute réalité non conforme au schéma traditionnel est considérée par tous comme une aliénation, un comportement contre nature. Même s’il est nécessité par l’insuffisance des revenus familiaux, le travail des femmes est subordonné à l’autorisation du mari :

« Si ma femme veut travailler, la décision finale m’appartient. Si c’est pour être vendeuse, je préfère qu’elle ne travaille pas ; mais si c’est pour être institutrice, pourquoi pas ? » (Issa)

C’est souvent la nécessité du travail des femmes qui rend les maris compréhensifs, mais si les maris dépendent d’elles le rapport de forces s’inverse. Kamal évoque beaucoup de cas d’adultères connus du mari mais qu’il laisse faire parce qu’il dépend économiquement de sa femme. D’après lui, les femmes ont de plus en plus de pouvoir, ce sont elles qui prennent l’initiative d’entamer des relations hors mariage. Lui-même a interdit à sa femme de travailler, il peut assurer financièrement, elle est libre de décider en ce qui concerne l’éducation des enfants, mais pour le travail à l’extérieur c’est lui qui décide.

Destinées en priorité et « par nature » aux corvées domestiques, les femmes se trouvent pour la plupart obligées d’aider financièrement leur mari ou leur futur mari. Elles prennent conscience de la nécessité d’acquérir une formation ou un diplôme qui leur ouvre la porte d’une activité rémunérée dans la sphère publique. Ce facteur devient important pour les hommes dans le choix de leur future épouse, comme le confirme Sarah : « Avant, l’éducation et les sorties de la femme ne servaient à rien. Mais aujourd’hui l’homme cherche une femme éduquée, qui travaille, qui sort, capable de l’aider dans les galères de la vie, plutôt qu’une cuisinière... » (Sarah).

En tout cas, ce travail des femmes est perçu comme une nécessité économique et non comme la réponse à un besoin d’autoréalisation personnelle ou comme un droit. Il se surajoute aux tâches domestiques, et beaucoup de femmes en souffrent :

« Quand l’homme rentre, tout doit être propre et prêt dans la maison, la femme a tout sur le dos » (Sarah).

« J’ai travaillé dans une garderie pendant quatre ans, je viens d’arrêter parce que je suis trop fatiguée, je fais tout à la maison et je travaille dehors » (Samira).

« La femme a beaucoup de responsabilités, elle travaille à l’intérieur et à l’extérieur. Dans cette société la femme est un bouc émissaire, elle doit supporter toutes les difficultés, elle protège son mari, ses enfants et la maison. La femme est fatiguée, elle n’a pas le droit de respirer » (Nour).

Une situation particulière est celle des femmes « visas », ce sont des Palestiniennes qui vivent à l’étranger, viennent passer des vacances dans le camp, et concluent des mariages, soit par amour soit en passant des accords avec les jeunes hommes du camp pour les aider à sortir de leur situation. Cette pratique fait croître le nombre des jeunes femmes célibataires dans le camp, c’est un autre aspect de la domination qu’elles subissent.

3- Organisation du camp et rôles de genre

« Tout le monde sait tout ici, et les hommes palestiniens sont plongés dans le « qu’en dira-t-on ? ». Ils préfèrent se marier avec une femme qui ne travaille pas pour préserver leur image virile. Les mêmes hommes à l’étranger laisseraient leur femme travailler avant eux, mais pas dans le camp ». Ce témoignage de Fadi reflète les codes et les interdits que subissent les femmes dans le camp. En effet, la promiscuité permanente de gens qui viennent des mêmes villages et ont intégré les mêmes interdits sociaux produit une fixation de ces interdits. Mais la fausse interprétation qui en est donnée est le plus souvent d’ordre religieux. Ainsi sont confondus l’Eib (interdit social) et le Haram (interdit religieux). Les femmes sont les premières à en souffrir :

« Non, je ne suis pas à l’aise dans le camp. Ici tu dois être comme ça parce que tu es une fille, tu dois avoir le comportement attendu. Si tu étais en ville, tu pourrais parler à n’importe quel garçon, ici c’est impossible même avec ceux avec lesquels tu travailles, les gens racontent n’importe quoi. Nous toutes les filles ici, nous subissons des contraintes, il y a des limites à ne pas franchir ; même si tu es convaincue que ce que tu fais est juste, la société ne l’admet pas » (Rose).

La promiscuité, la densité de population, la présence enfin d’autres réfugiés déplacés du camp de Bared ont créé une situation étouffante que les difficultés économiques viennent aggraver. Cette situation est à l’origine de drames affectifs et de complications multiples dans le fonctionnement des familles et dans les rapports entre les hommes et les femmes.

Les Palestiniens se marient habituellement très jeunes, une des motivations de cette hâte est d’éviter toute relation sexuelle hors mariage. Actuellement empêchés par le manque de travail et d’argent de fonder une famille, les hommes regardent les femmes avec désir. Certains, franchissant les interdits sociaux et religieux, sollicitent les femmes. Il en résulte des frustrations, des complications avec les parents, des désirs contrariés, des souffrances.

L’idée de l’amour est une préoccupation constante chez la plupart des jeunes que nous avons interrogés. Amour qui mène à une impasse parce qu’ils n’ont pas les moyens de le concrétiser par une union :

« J’ai été amoureux une fois, j’ai été très heureux, mais à cause de ma situation elle est partie. Je ne peux pas décrire ce que j’ai vécu, je ne peux pas l’oublier, je ne peux pas en aimer une autre » (Issa).

« Je ne peux pas aimer une fille si je ne suis pas matériellement prêt au mariage. Elle va peut-être me laisser tomber pour un autre prêt à se marier » (Majed).

Certains, par précaution, s’interdisent l’amour de peur d’être déçus. Eventuellement une fille peut attendre son amoureux si sa famille est d’accord et si elle tient à lui, mais souvent la famille l’oblige à en épouser un autre, et parfois elle-même choisit le premier venu pour accéder plus vite à un statut matrimonial.

Diyab a vécu cette expérience. A vingt et un an, il a aimé une fille, mais ses parents le trouvaient trop jeune, ils ne voulaient pas l’aider, et de leur côté les parents de la jeune fille l’ont convaincue d’en épouser un autre. Depuis, quelque chose de profond a changé chez Diyab, il est blessé, il ne peut plus faire confiance aux sentiments. Il a décidé de ne plus nouer d’autres relations que des relations d’amitié.

Les jeunes femmes considèrent qu’aimer est un droit, que chacune a le droit de connaître cette expérience sentimentale. Mais pour les parents il s’agit d’un tabou, ils refusent que leur fille épouse quelqu’un qu’elle aime, comme si dans leur imaginaire cela les renvoyait à une relation sexuelle honteuse à leurs yeux.

Maria se souvient de la fin douloureuse de son premier amour. Elle avait quinze ans, elle a été amoureuse pendant quatre ans. Le jour où le jeune homme est venu demander sa main, ses parents ont refusé justement parce qu’ils s’aimaient. Elle a été humiliée par la réaction du garçon, qui s’est aussitôt fiancé avec une autre. De la même façon, le père de Samira, apprenant qu’elle avait une relation amoureuse, l’a frappée, enfermée dans sa chambre pendant trois mois.

Beaucoup des jeunes interlocuteurs ont connu des histoires d’amour intenses, mais ils ont été pour la plupart déçus et blessés, et désormais ils se protègent de l’amour.

Tarek par exemple a aimé une jeune fille libanaise, rencontrée pendant les vacances d’été au bord de la mer. Elle est devenue sa confidente mais il s’est rendu compte qu’elle vivait habituellement à Dubaï. L’éloignement a compromis leur relation, mais aussi l’intervention des parents de la jeune fille, qui la refusaient à cause des différences sociales et nationales entre eux.

Izac n’a pas pu concrétiser sa première relation amoureuse pour des raisons financières. La jeune fille habitait Beyrouth, ils avaient fait connaissance sur Internet et se voyaient une fois par semaine. Mais Izac n’avait pas d’argent pour s’engager. Cette histoire l’a poussé à travailler, à économiser, à augmenter ses revenus, jusqu’à ce qu’il rencontre sa femme actuelle, avec laquelle il a construit un appartement au-dessus de celui de ses parents dans le camp.

Salam a connu son amoureux de Bared lors d’une formation dans la banlieue Est de Beyrouth. Elle avait des préjugés sur les jeunes de Bared et n’arrivait pas à croire que ce jeune homme en faisait partie. Ils se sont rapprochés, le jeune homme lui a fait part de son admiration, ils ont continué à communiquer par Internet après la fin du stage. Le garçon multiplie ses venues à Baddawi chez des amis et l’invite à le rencontrer, pourtant elle ne peut pas le faire parce qu’à Baddawi une fille ne peut pas facilement sortir pour faire des visites.

La violence exercée sur les réfugiés palestiniens par la situation dans laquelle ils sont confinés fait partie des facteurs qui influencent la vie amoureuse des jeunes réfugiés. Il semble que les réfugiés palestiniens soient maudits jusque dans l’amour.

Ces histoires compliquées nous rappellent le film de Theo Angelopoulos, Le regard d’Ulysse (1995). Dans ce film, il s’agit d’un Juif roumain immigré aux Etats-Unis et devenu cinéaste. Il décide de retourner sur les lieux de son passé. Il va à la recherche de la pellicule perdue du premier regard cinématographique sur son pays. Il est obligé de quitter la femme qu’il aime, il éclate en sanglots et lui explique que l’accomplissement de sa mission lui interdit d’aimer. Les réfugiés palestiniens partagent ce sort avec le héros, ils ne peuvent pas aimer parce que, habités par toutes les souffrances de leur enfance, ils ne peuvent s’attacher qu’au seul investissement qui donne du sens à leur vie : libérer la terre et vivre dans la dignité. L’empreinte des déchirures violentes du passé, réanimée au présent, a inscrit en eux une douloureuse impuissance à aimer.

Conclusion

Les femmes palestiniennes ont occupé très tôt une place dans la sphère publique et surtout politique, mais dans la sphère privée elles reconnaissent des différences soi-disant « naturelles » entre les hommes et elles. Elles intériorisent très tôt leur rôle d’épouse et les tâches auxquelles elles sont destinées. Leur mutisme sur leurs difficultés vise à mettre au premier plan la lutte de libération qu’elles partagent avec les hommes. Le mariage et la maternité sont encore actuellement la seule voie de salut qu’elles envisagent. L’obéissance, l’humilité, la gentillesse et le dévouement sont les qualités recherchées chez les futures épouses. Pourtant, les hommes cherchent de plus en plus une femme qui travaille pour qu’elle les assiste dans le financement des dépenses de la famille ; le travail des femmes n’étant considéré dans ce contexte que comme une aide pour les hommes, non comme générateur de droits et d’émancipation. Les difficultés vécues par les réfugiés compliquent de plus en plus les rapports de genres : les différentes luttes se noient dans une lutte unique, celle pour la libération nationale.

Quant aux histoires d’amour, elles sont généralement marquées par la violence, le déchirement, les sentiments individuels se heurtant la plupart du temps à la résistance du groupe. Tout se passe comme si la sclérose de la situation politique entraînait une sclérose des rôles sociaux, source de souffrance et de révolte pour des hommes et des femmes qui aspirent à devenir des personnes à part entière et à affirmer leur droit d’avoir une vie affective individuelle.

Annexes :

1. Tableau 1 : Profil des interviewés

Nom Sexe statut Age Occupation Niveau d’étude
1 Mourad M C 20 Vendeur Brevet
2 Samer M C 23 Débrouille+ chauffeur Brevet
3 Sami M C 23 Chômeur Bac technique et diplôme technique supérieur en cours de préparation infirmier
4 Majed M C 24 Etudiant Histoire 1ère année
5 Farida F C 20 Animatrice PCYI Brevet
6 Wael M C 22 Ex menuisier, chômeur Brevet + apprentis menuisier
7 Rachid M C 26 Boursier en France Artiste
8 Nadine F C 26 Leçon particulière Diplôme technique supérieur en management information
9 Sabrina F C 21 Etudiante Physique 2ème année
10 Sarah F C 23 Etudiante Chimie 4ème année
11 Rose F C 20 Etudiante Traduction 1ère année
12 Nana F C 22 Employé studio photo+ Etudiante Bac
13 Nadia F C 24 Employé studio photo Bac technique informatique
14 Younes M C 21 Etudiant business administration 3eme année
15 Max M C 21 Animateur PCYI Brevet
16 Ramona F C 28 Institutrice Bac technique+ Licence technique en cours
17 Majida F M 22 Femme au foyer Seconde
18 Maya F C 25 Animatrice Sciences religieuses 2ème année
19 Baro M D 29 Chômeur Business management
20 Karim M C 21 Chômeur Letters anglaises 1ère année Topographe+computer
21 Diyab M C 26 Boucher Brevet+ computer
22 Ammar M C 24 Ouvrier Brevet
23 Amine M C 20 Chômeur College
24 Nour F M 28 Travailleuse sociale Literature arabe universitaire
25 Samira F M 27 Ex- puéricultrice Bac
26 Maria F F 25 Travailleuse sociale Universitaire 1ère année
27 Sonia F C 29 Puéricultrice Licence arabe
28 Hana F M 29 Enseignante arabe Licence arabe
29 Fadi M C 27 Peinture Brevet technique électicité
30 Jana F C 30 Travailleuse sociale Brevet technique puéricultrice
31 Kamal M M 30 Boutique Complémentaire
32 Willy M C 21 Bâtiment Primaire
33 Issa M C 20 Plombier Primaire
34 Samir M M 25 Infirmier Brevet technique
35 Tarek M C 26 Enseignant collège Licence biologie
36 Izac M M 28 Travailleur socio-culturel Universitaire
37 Malik M M 28 Travailleur social Infirmier
38 Nabil M C 27 Animateur soirée Brevet technique informatique
39 Salam F C 27 Puéricultrice Bac technique
40 Faten F D 23 Etudiante Littérature arabe en licence

2. Bibliographie

1- Bourdieu Pierre, 1998, Contre-feux, Paris, Seuil, p.125.

2- Chaumon Franck, Meneghini Véronique, 2005, La chose traumatique, Paris, L’Harmattan, p.132.

3- Dayan-Herzbrun Sonia, 2005, Cahiers du genre, n°39.

4- Derrida Jacques, 1996, Foi et savoir, Paris, Seuil, p.133.

5- Fowlkes Diane L., 1983, “Developing a Theory of Countersocialization : Gender, Race, and Politics in the Lives of Women Activists”, in Micropolitics. vol. 3, n° 2, pp. 181-225.

6- Fowlkes Diane L., 1984, “Ambitious Political Woman : Countersocialization and Political Party Context”, in Women & Politics, vol. 4, n° 4, hiver, pp. 5-32.

7- Freyer Stowasser Barbara, 1987, The Islamic Impulse. Londres : Croom Helm, p.286.

8- Ugland Ole (ed.), 2003. Difficult Past, Uncertain Future : Living Conditions Among Palestinians Refugees in Camps and Gatherings in Lebanon, Oslo, Rapport Fafo, n° 409. http://www.fafo.no/pub/rapp/409/409.pdf.