De l’imaginaire postsoviétique et de la colonialité globale : une perspective genrée
MOTS CLEFS SELON L’AUTEURE : Imaginaire post-soviétique, colonialité globale, perspective genrée, Asie centrale, option décoloniale
1. Le second-monde disparu, ou « les postsocialistes peuvent-ils/elles parler ? »
Ces dernières années, les universitaires, à l’Ouest comme dans le monde ex-socialiste, ont exprimé un intérêt incontestable pour la reconceptualisation de l’héritage postsocialiste à partir de nombreuses positions y compris postmarxistes ou postcoloniales. Cependant, il n’y a pas de dialogue significatif entre la théorie postcoloniale et les discours et expériences postcommunistes. La théorie postcoloniale s’est montrée conceptuellement proche de la théorie critique, des fondements marxistes et néomarxistes, alors que le postcommunisme, par définition, est sceptique envers ces sources car ses sujets ont eu le privilège discutable d’en faire l’expérience de première main et de développer un scepticisme amer quant à la possibilité même d’une réalisation pratique des slogans communistes. La critique anticapitaliste et anti-impérialiste a constamment agi comme un élément crucial de tout discours postcolonial, alors que le postcommunisme peine à souscrire de façon unanime à ce principe, même de nos jours où l’euphorie initiale est passée et où le monde ex-socialiste comprend fort bien la position figée qui lui a été attribuée à l’intérieur de la nouvelle architecture globalisée du monde.
Le postcommunisme, qui pense habituellement selon la logique binaire du tout ou rien, est obligé d’accepter le libéralisme et le capitalisme comme seule option restante ou bien de revenir à l’idéalisation des mythes socialistes, y compris de ceux qui déterminent les relations impériales-coloniales, tels que le tristement célèbre internationalisme prolétarien discriminatoire ou que le progrès des pays en voie de développement sous les auspices de l’URSS, thèses qui ravissaient même quelques théoriciens postcoloniaux ou du tiers-monde. Cette nostalgie de la marque de « l’amitié des Peuples » est un symptôme révélateur aujourd’hui, de même que la politique culturelle tardive de la Russie postsoviétique, qui s’efforce désespérément de préserver le post-Soviétique en voie de disparition sous la forme d’une communauté imaginée – linguistique, culturelle, spirituelle, épistémique, religieuse, etc.
Le second-monde intermédiaire (lui-même une excroissance éparse de la modernité occidentale) restait encore récemment hors de portée de la théorie postcoloniale. En le faisant entrer dans le schéma dichotomique de l’Ouest opposé à l’Est ou du Nord opposé au Sud, nous compliquons et perturbons immédiatement cette binarité au moyen d’un agent étrange et dérangeant qui agit simultanément comme colonisateur et colonisé, incapable de joindre aucun des extrêmes, et qui au lieu de cela génère des sous-catégories en forme d’oxymoron, telles que le Nord pauvre qui n’est pas égal au Sud pauvre ou mondialisé, ou le Sud du Nord pauvre (Tlostanova 2011).
Les intellectuels du tiers-monde sont rarement prêts, aujourd’hui, à accepter l’équivalence entre colonialisme et socialisme (ou second-monde et tiers-monde). L’effondrement du paradigme socialiste a été catastrophique non seulement pour le monde socialiste lui-même, mais il a aussi laissé de nombreuses parties du tiers-monde sans vision. Une vision différente a bientôt été trouvée, tandis que l’ex-monde soviétique est devenu un nouvel agent invisible et invalide. L’Ouest s’est senti gagnant et n’a pas trouvé acceptable que l’ennemi vaincu existe après le communisme / contre : l’épopée héroïque du socialisme était terminée. La disparition du second-monde quasiment du jour au lendemain a conduit à une compréhension typiquement occidentale du postsoviétisme en termes de temps et non d’espace. C’est le temps d’après le socialisme et non les douzaines de millions de vies, rendues insignifiantes, de ceux qui habitent l’espace postcommuniste. Jennifer Suchland a résumé cette sensibilité de façon ironique en reformulant la question célèbre de G. Spivak’s : les postsocialistes peuvent-ils/elles parler ? (Suchland 2011) Pour notre part, nous pouvons l’exprimer par une question rhétorique : que signifie être du vide dans la nouvelle architecture du monde ? Que signifie être conscient du fait que le récit du second-monde dans l’Histoire est terminé, la victoire est déjà accordée à l’ennemi présumé, et personne ne s’attend vraiment à voir la partie vaincue ressusciter et embêter le monde avec des prétentions absurdes à l’existence ?
Il existe aussi une tendance, dans certains discours du tiers-monde, à conserver leur monopole de victimisation et de souffrance au lieu de rechercher des intersections et de possibles dialogues avec d’autres Autres, y compris les postsocialistes. Cette rivalité négative résulte directement d’une façon inconsidérée de suivre la logique de modernité avec son approche typiquement combative qui empêche tout dialogue sérieux. Derrière ce regrettable manque de compréhension se profile la colonialité mondialisée qui nous imprègne tous – sujets du tiers-monde, ex-socialistes ou occidentaux. La colonialité, minutieusement analysée par E. Dussel, A. Quijano, W. Mignolo, N. Maldonado-Torres, M. Lugones et d’autres, est le lien racial, économique, social, existentiel, genré et épistémique de la modernité, créé vers le XVIe siècle, qui lie intrinsèquement l’impérialisme et le capitalisme et qui s’est maintenu, bien que reconfiguré depuis lors, au sein du monde moderne/colonial. L’une des conséquences directes est l’acceptation sans réserves de la hiérarchie existante du monde où une place stricte est assignée à chacun. Nous pouvons déplorer cette place et même trouver cela injuste (comme c’est le cas pour beaucoup de pays européens ex-socialistes qui sont malades et fatigués d’être les parents pauvres de l’UE ou les Européens de seconde classe peuplant des pays de services), mais nous avons une peur bleue de perdre cette place ou de la mettre en danger de quelque façon que ce soit, par exemple en nous associant avec ceux qui sont encore plus bas dans l’actuelle hiérarchie de l’humanité. C’est clairement le cas de la Russie, combinaison difficile de dégoût envers le Sud mondialisé et la peur de lui être associé d’une façon ou d’une autre, autrement que de manière paternaliste, et en même temps des efforts constants pour cacher derrière la mythologie impérialiste les excès cruels du colonialisme russe et soviétique.
Le postcommunisme lui-même est un terme générique hautement discutable. En effet, il rassemble dans la même catégorie des peuples aux histoires locales totalement différentes et avec une compréhension différente de leur situation, de leurs buts, rôles et perspectives dans le monde globalisé. Certains d’entre eux peuvent espérer finir par rejoindre la modernité même si ce n’est pas en la qualité dans laquelle ils aimeraient le faire. D’autres sont destinés à disparaître sans qu’on leur donne jamais la chance de monter à bord, toujours réduits à l’état de sous-hommes et catalogués aujourd’hui comme le Sud mondialisé. D’autres encore devraient parvenir à une compréhension critique de leur position et décider de se détacher de la modernité et de ses mythes.
Il semble que le postcommunisme ne soit pas un concept apte à rapprocher toutes ces expériences conflictuelles, de la même manière que la théorie postcoloniale ne peut expliquer que quelques-unes de leurs répercussions. Les discours postcommunistes tendent à ignorer certains éléments cruciaux auxquels la théorie postcoloniale est plus attentive, tels que la race, la religion, le genre, l’ethnicité, et en particulier leur intersection, en se concentrant principalement sur les différences et injustices sociales et de classe. Ce qui est alors nécessaire pour établir un dialogue réel, c’est une vraie intersectionnalité et une approche non pas comparative, mais plutôt “imparative” (selon la formulation de R. Panikkar (1988)). Au lieu de comparer tout et tout le monde à l’idéal occidental utilisé comme modèle pour l’humanité et jouissant d’un accord tacite, nous pouvons nous tourner vers une approche “imparative” en guise de processus d’apprentissage mutuel continu dans l’atmosphère de pluralité et basé sur l’herméneutique pluritopique. Beaucoup d’éléments dans l’expérience d’ex-second monde et d’ex-tiers-monde plaident en faveur d’un dialogue sérieux et d’une organisation conjointe à l’avenir. La question est de théoriser cette similarité dans la différence. Comment apprendre à voir des catégories, des concepts et des termes identiques mais néanmoins différents, qui font écho à des phénomènes psychologiques, existentiels et épistémiques nuancés par des histoires locales différentes ?
Il est nécessaire de commencer par la géopolitique et la politique politique corporelle des savoirs [body-politics of knowledge] issue des histoires locales, des subjectivités et des expériences complexes d’Europe de l’Est et du Sud-Est, d’Asie Centrale, du Caucase ou de Russie. Ce qui ne signifie pas que nous finirons par compartimenter le savoir, par ériger des cloisons entre les disciplines ou par multiplier des mini-discours convenant seulement à l’analyse de phénomènes particuliers. Cela signifie que nous allons déplacer l’accent/emphase de l’application universaliste de théories toute faites en circulation, toujours basées sur le principe cognitif de l’étude de l’Autre en tant qu’objet à partir d’une position désincarnée qui, de fait, dissimule seulement sa propre contextualité et son propre provincialisme, pour passer à une inter-subjectivation pluriversale et pluritopique, basée sur la formulation et la résolution conjointes de problèmes qui sont important pour tous les autres, en faisant attention aux diverses histoires locales marquées par des différences coloniales et impériales au sein de la modernité/colonialité. Les termes que je viens juste d’utiliser nous amènent immédiatement à un paradigme différent de la pensée critique contemporaine – l’option décoloniale capable d’agir comme un terrain d’entente pour les ex-tiers-monde et second-monde. Ces termes sont tous deux le produit de la modernité/colonialité, mais avec un accent mis sur des éléments et des notions différents, en conservant cependant une source commune (par exemple, classe et race, idéologie et religion, etc.) et, comme marque de naissance partagée, la rhétorique de la modernité (la mission du progrès, la nouveauté, le développement, la civilisation, etc.) qui fonctionne comme un outil pour justifier la colonisation incessante du temps et de l’espace, des vies et des avenirs, des corps et des sexualités.
La colonisation des esprits n’est pas nécessairement une prérogative des réalités ou discours postcoloniaux. C’est une maladie courante dans toutes les parties du monde et toutes les couches de la société. Ce qui change, c’est le contenu du lavage de cerveaux – du christianisme à la mission civilisatrice, du libéralisme au communisme, du consumérisme total au zèle antiterroriste, etc. Ce qui demeure inchangé, c’est la rhétorique du salut masquant la logique coloniale du contrôle, de la domination et de la répression, un syndrome missionnaire paradigmatique de la matrice moderne/coloniale du pouvoir. C’est un syndrome qui consiste à vouloir rendre chacun heureux par force au moyen de quelque sorte de Vérité décrétée universelle et nécessaire pour tous. Cependant, lorsque nous analysons les contextes (post)socialistes et particulièrement (post)soviétiques et leurs Autres (post)coloniaux, nous trouvons clairement des exemples de colonisation mentale au sens plus strictement postcolonial du terme, qui résultent en auto-orientalisation et auto-racialisation, en complexes d’infériorité, en mimétisme et autres phénomènes analysés par les théoriciens postcoloniaux.
Outre ce sens strictement postcolonial, nous devrions aussi prendre en compte la zombification socialiste générale et le lavage de cerveau, typiques non seulement des colonies à proprement parler mais également des situations mélangées et confuses, par exemple les états et peuples d’Europe qui s’étaient retrouvés réprimés par le pouvoir russe/soviétique après 1945. Ce dernier cas peut difficilement s’analyser au travers du seul discours postcolonial, car c’est la colonialité et non le colonialisme qui est ici à l’œuvre, avant tout la colonialité du savoir et de l’être. Il s’agit d’une colonialité mutante au sens où race et racisme en tant que classification d’êtres humains selon un certain standard d’« humanité », ont déjà été masqués ici par la classe ou l’idéologie, rarement par l’ethnicité. Pourtant, le discours racial a toujours fait saillie dans toutes les constructions socialistes – lorsqu’elles se réfèrent à d’Autres internes et quand elles font référence aux « frères » - des états socialistes auxquels était invariablement assigné un point inférieur sur l’échelle de la modernité soviétique où le « surhomme » russe occupait la place centrale et la plus élevée. Néanmoins, malgré la nature contradictoire de ce type de discours complexes, le principe reste le même que dans le cas des conquistadors et des colons britanniques en Inde – il s’agit de “scepticisme misanthropique” selon les termes de N. Maldonado-Torres (Maldonado-Torres 2007), le principe de retirer leur humanité à des êtres humains et de rendre leur vie dispensable. Ceci génère des réactions psychologiques variées, de la perte de tout instinct de conservation à la peur irrationnelle omniprésente en passant par des subjectivités les plus remarquablement retorses, reposant sur l’art de se moquer et de déjouer le pouvoir.
Dans le postcolonialisme postsoviétique, une intersectionnalité plus complexe est à l’œuvre, dans laquelle les discours impériaux et coloniaux se surimposent aux discours soviétiques. Ce sens particulier de la colonisation mentale fonctionne toujours sur le fond de la colonialité mondialisée au travers des discours de modernité (incluant les discours socialistes). Cette colonisation mentale spécifique s’analyse mieux par et dans l’option décoloniale.
A la base de la colonialité mondialisée réside l’idée de classifier l’humanité en fonction de la matrice coloniale du pouvoir et de la marginalisation ontologique de peuples non occidentaux et pas complètement occidentaux – un outil caractéristique de la modernité facilement détecté dans toute forme de colonialisme, ainsi que dans les discours socialistes. Cette tendance assimile les peuples indigènes du Nouveau Monde aux ennemis du Peuple de l’Union soviétique ou aux terroristes islamistes aujourd’hui. Dans tous les cas, la modernité justifie la violence et la négation ou l’inversion, selon la formulation de F. Hinkelammert (Hinkelammert 2004), des droits humains de ceux qui sont catalogués comme n’étant pas tout à fait humains (c’est à dire pas tout à fait Européens, pas tout à fait soviétiques, pas tout à fait chrétiens, pas tout à fait blancs, pas tout à fait hétérosexuels, etc.). Le point crucial est ici la distinction entre impérialisme/colonialisme et la rhétorique de modernité/la logique de la colonialité (Mignolo, Tlostanova 2007). L’approche décoloniale se concentre sur le glissement en géopolitique et en politique corporelle des savoirs et sur la décolonisation des cadres et des règles de la connaissance établies dans et par la modernité et ensuite universalisées. Le glissement décolonial dans la production de savoirs part de la « blessure coloniale », pour reprendre la douloureuse métaphore de Gloria Anzaldúa (Anzaldúa 1999), il part de ceux qui demeurent dans la blessure coloniale, et ne font pas simplement que l’étudier. L’option décoloniale n’essaie pas de remplacer l’épistémologie managériale du point zéro antérieur par une nouvelle. Tous les modèles continuent à exister et restent viables en tant que sources et cibles de la critique. Ceci renvoie au principe Zapatiste du monde où beaucoup de mondes différents coexisteraient sur une base non hiérarchique. La pensée décoloniale est basée sur des frontières épistémiques entre les catégories impériales européennes et les langues et modèles qui avaient été écartés par l’épistémologie impériale moderne, y compris par les histoires locales qui ne coïncident pas aujourd’hui avec les schémas en noir et blanc de l’Ouest opposé à l’Est ou du Nord opposé au Sud. Le concept de la colonialité de genre a été introduit par une philosophe de la diaspora argentine, Maria Lugones (Lugones 2007). Du point de vue de la différence coloniale, elle décrit le système genré moderne/colonial comme assignant de façon dichotomique un genre aux sujets rationnels occidentaux et ne permettant que le sexe biologique dans tous les autres cas. Elle met en évidence l’asymétrie coloniale de genre qui prescrit des rôles particuliers aux femmes et aux hommes européens et coloniaux, rôles basés sur deux poids deux mesures mais continuant cependant à proclamer l’universalisme officiel de genre. La définition de la féminité et de la masculinité coloniales impose le sacrifice de soi et empêche le sujet colonial de construire une quelconque identité positive.
Ce qui est à l’œuvre ici est un paradoxe de la masculinité et de la féminité coloniales. La division artificielle entre genre et sexe, biologie et culture, inhérente à la tradition occidentale, devient particulièrement visible. La femme européenne blanche a toujours été considérée comme une manifestation normative de la féminité au sens social et culturel, tandis que les femmes colonisées n’ont jamais appartenu à la sphère du genre, demeurant entièrement dans le domaine du sexe biologique.
Lugones pose le problème de l’une des oppositions fondamentales qui imprègne toute relation culturelle, sociale, politique et religieuse ainsi que les disciplines académiques et la production de connaissances (incluant le féminisme) : l’opposition de la modernité à la tradition. Dans le domaine du genre, cette déconstruction s’exprime en mettant en question la nature supposée patriarcale de toute société traditionnelle et en révélant les aspects restrictifs sexistes de la colonisation/modernisation. La décolonisation du genre présuppose donc la mise en question de l’invention même de la modernité séculaire et de son Autre marqué négativement – une tradition associée à l’arriération, au patriarcat, à l’humiliation, à la violence, à la saleté, à l’ignorance et à un manque de subjectivité de genre cohérente. A travers le prisme et à la croisée des relations de genre, ethno-raciales, corporelles et religieuses, le féminisme décolonial tente d’examiner les moyens de décoloniser la pensée, l’être, le genre et le savoir, en libérant cet acte des paradigmes établis, des fondements intellectuels, des taxonomies humaines, imposés par la modernité occidentale et basés sur la dichotomie du Même et de l’Autre, du sujet et de l’objet, de l’homme et de la femme, l’hétérosexualisme et de l’homosexualité, etc. Pour bien comprendre comment nous pouvons décoloniser le genre dans l’ex-second-monde, il est nécessaire d’examiner la différence impériale.
2. De la différence impériale, de l’empire à deux faces et de la colonialité de genre russe/soviétique
La différence coloniale se réfère au différentiel entre les empires capitalistes de la modernité de première classe (le cœur de l’Europe) et leur colonies, qui deviendront le tiers-monde au XXe siècle. La différence impériale se réfère aux différents perdants qui ont échoué ou ont été empêchés, par diverses circonstances et pouvoirs, de remplir leur mission impériale dans la modernité, prenant des places de seconde classe. Ils étaient intellectuellement, épistémologiquement ou culturellement colonisés par les vainqueurs et ont développé une logique de rattrapage, toute une gamme de blocages psychologiques, des complexes de schizophrénie collective, des idéologies de camps assiégés ou, alternativement, de victoire dans la défaite, incluant les réponses créatives les plus intéressantes à cette subjectivité complexe. La différence impériale peut être interne et externe. La première fait référence aux perdants européens de la seconde modernité qui devinrent le Sud de l’Europe (Dainotto 2000), tandis que la seconde désigne les empires de la modernité pas tout à fait occidentaux, pas tout à fait capitalistes, par exemple le Sultanat ottoman ou la Russie comme cas paradigmatique d’un tel empire à deux faces avec une histoire longue et infructueuse d’appropriation externe de certains éléments de modernité sur une base différente — non capitaliste, non occidentale, non basée sur le christianisme occidental ou une langue d’origine latine. La nature spécifique de l’empire subalterne, un peu incertaine en elle-même, génère des formes transmutées de pulsions postcoloniales. C’est nettement visible en relation avec ces « colonies » qui peuvent prétendre à une appartenance ou proximité avec l’Europe à un degré supérieur à celui de la Russie elle-même et dans les cas où la différence ne peut pas aisément être conceptualisée par la race (l’ethnicité) comme c’est le cas dans tous les pays slaves. Les différences coloniales et impériales interrompent le récit historique linéaire qui est arrivé à son terme avec l’effondrement de l’Union soviétique et permettent une vue beaucoup plus nuancée et diversifiée de la modernité/colonialité jusqu’à son image mondialisée contemporaine.
L’empire russe/soviétique s’est, d’une part, efforcé de construire sa propre variante distincte de globalité/modernité – un royaume orthodoxe et, plus tard, un monde soviétique. D’autre part, les stratégies concrètes pour construire la modernité russe/soviétique ont dû s’harmoniser avec celle de l’Ouest du fait qu’il s’est toujours agi d’une modernité dépendante et mimétique, y compris par son impérialisme d’imitation, et en ce domaine la Russie a choisi un moyen voué à l’échec pour rattraper l’Europe et prouver qu’elle faisait mieux que l’Ouest. Ce souhait a périodiquement alterné avec le rejet de tout ce qui était européen et le retrait dans un chauvinisme que nous constatons aussi de nos jours. Cette nature à double visage s’est toujours sentie comme une colonie en présence de l’Ouest. Et elle compense ce sentiment d’infériorité dans les colonies non occidentales en projetant l’image du colonisateur russe/soviétique comme véritable Européen et champion de la civilisation, de la modernité, du socialisme, etc. L’empire soviétique n’était pas fondamentalement différent de celui des tsars, bien qu’il reformulât le principal slogan développementaliste d’une manière plus radicale, en tentant de construire une modernité socialiste — « rattraper et laisser derrière », en même temps que s’intensifiaient ses appétits géopolitiques mondialisés. En Union soviétique, la domination réelle des discours raciaux a toujours été masquée par une configuration ethnique et religieuse plus compliquée et une image officielle de l’empire multiculturel heureux. Dans sa relation aux colonies, la tactique soviétique s’est raffinée et est devenue plus cruelle, basée sur l’élimination méthodique de toute pensée ou existence alternative.
La Russie comme paradigme d’empire de seconde classe a toujours été dans une condition de colonialité mondialisée vis-à-vis de l’Ouest, et non pas de colonialisme direct. Cette colonialité n’était pas évidente mais elle demeurait omniprésente, se manifestant principalement dans les champs de l’être, du savoir et de la pensée. La Russie/l’URSS se sont approprié et ont transmuté (pas toujours consciemment) les aspects de base des empires de la modernité occidentaux et les ont ensuite projetés sur la différence coloniale russe, générant ainsi les formes mutantes des principaux vices de la modernité – l’eurocentrisme secondaire, l’orientalisme secondaire, le racisme secondaire. La Russie n’a jamais été vue par l’Europe de l’ouest comme l’une de ses parties, elle restait un empire racialisé, qui se sentait lui-même comme une colonie en présence de l’Ouest. Cet empire projette ses propres complexes d’infériorité sur ses colonies, en particulier sur celles musulmanes, ces multiples Autres colonisés de la Russie vaincue. L’impasse de la différence coloniale a constitué un problème russe spécifique durant des siècles, bien avant la division entre capitalisme et socialisme.
On peut parler de la rhétorique spécifique de la modernité soviétique (ou, plus largement, socialiste) dans laquelle la logique familière de la colonialité était encore à l’œuvre. La seule différence était que le point zéro d’Archimède, choisi ici comme idéal, n’était pas le mâle chrétien occidental de la classe moyenne, mais un prolétarien communiste russe. Cet idéal imaginé, une fois incarné par des personnes réelles, était confronté à de nombreuses difficultés, du fait que l’arrière-plan qu’il pouvait utiliser pour construire ses discours de supériorité était, une fois de plus, une toile de fond étrangère (et occidentale) quelque peu clairsemée de traits russes exotisés.
La Russie/l’Union soviétique était en elle-même complexe et bigarrée, jamais homogène. Elle ne possédait pas d’idéologie ou de rhétorique unique susceptible de s’appliquer de façon consistante à tous les Autres différents. Ceci a fonctionné comme une bombe à retardement pour l’empire marqué de différence impériale externe, un empire toujours pas totalement désintégré aujourd’hui encore, continuant d’imposer des morceaux de son idéologie impérialiste au reste de ses colonies et quasi colonies (p.ex. au Nord Caucase), et en même temps proclamant une nouvelle image de l’état-nation dans sa forme ethno-nationaliste la plus réactionnaire, en multipliant les Autres racialisés internes, de nationalité russe mais sans droits.
La perspective genrée postsocialiste et postsoviétique complique le schéma dichotomique des femmes de couleur opposées aux féministes occidentales car elle traite de concepts additionnels et d’une logique plus complexe, qui ne se trouvent pas dans les relations entre ex-premier-monde et ex-tiers-monde. Ainsi, l’histoire et la cosmologie locales des pays eurasiens périphériques devraient permettre des identités spécifiques, des moyens de survie et de ré-existence connectés à une histoire locale différente liée à l’empire à deux visages, marquée de différence impériale externe ; et ses colonies, dont certaines devaient vaciller vers l’Europe en proclamant une identité européenne de seconde classe, insatisfaites de leur colonisateur non civilisé, tandis que d’autres (colonies non européennes) devaient être marquées par une différence coloniale secondaire, en raison de leur statut complexe de subalternes de l’empire subalterne. Cette configuration multiplie et déforme nombre de catégories et de discours familiers tels que la masculinité et la féminité impériales et coloniales, la supercherie de genre coloniale.
La configuration eurasienne est compliquée en raison aussi de l’expérience soviétique, y compris par ses aspects genrés contradictoires. Ceci place les femmes des ex-colonies de la Russie/l’URSS dans des conditions qui ne sont pas tout à fait postcoloniales ni complètement postsocialistes, et ne peuvent pas être prises pour la race/ethnicité/religion ni pour l’idéologie et la classe. Le paradoxe occidental de la féminité et de la masculinité coloniales est considérablement altéré dans l’empire russe/soviétique et ses espaces coloniaux. La racialisation a ici fonctionné à travers le genre, et la colonisation elle-même en est arrivée à se symboliser par un acte de violence. Cet aspect est typique des empires confiants en eux-mêmes ayant une identité masculine positive alors que la Russie était loin d’être pleine d’assurance. Ce fossé entre la fantaisie européenne orientaliste et la réalité de la conquête du Caucase et du Turkistan était trop évident et trop basé sur des idéologies orientalistes secondaires, continuant d’empoisonner toute victoire pour la Russie (Tlostanova 2010). Il existait dans l’empire russe un autre facteur redoublant encore la problématique genre-classe-race qu’il vaut la peine de mentionner. Si dans la modernité/colonialité occidentale les représentants du monde non occidental étaient exclus des domaines humains et féminins afin de faciliter leur discrimination, leur exploitation et leur objectification, en Russie le tableau était différent. Le rôle de la femme sexuellement, économiquement et psychologiquement exploitée, assimilée aux animaux et extraite du domaine du genre, était joué par une femme serf ethniquement semblable et Autre seulement par la condition sociale. En Russie et en Union soviétique, la tactique paradoxale de la racialisation et de l’altérisation internes était justifiée par les prétentions des élites à appartenir à la culture européenne ou, en guise de variante, à l’idéologie communiste. Ceci résulta par des efforts de construction d’une muraille de Chine entre eux-mêmes et le peuple russe qui, dans l’esprit des élites, était exclu de l’européanité. Dans les discours communistes la même logique faisait référence non seulement aux paysans, mais à tous les ennemis du pouvoir soviétique. Ceci conduisit à une extrême cruauté de traitement des femmes prisonnières politiques dans les camps soviétiques, dépouillées de leur statut humain, civil et de genre et de ce fait violables et tuables à merci. Une idéologie totalitaire était dans ce cas une manifestation spécifique de la colonialité du pouvoir.
3. Retour vers l’(im)possibilité d’un discours postsocialiste critique
La modernité au XXe siècle s’appliquait sous deux formes — l’une libérale/capitaliste et l’autre socialiste/statique. Chacune avait une face ensoleillée et une face plus sombre, chacune avait son propre type de colonialité, y compris la colonialité de genre. Du côté colonial le plus sombre de la modernité soviétique, un type de citoyen soviétique de second rang a été construit en dépit des slogans internationalistes proclamés et d’un objectif affiché de mixité raciale de la population pour créer un/e futur/e Métis/se soviétique à l’élément ethnique effacé, ayant grandi dans la culture russe et dans l’idéologie soviétique. Afficher le but de faire paraître chacun identique et d’effacer le statut colonial n’était pas la même chose que permettre de fait au colonial de proclamer son égalité dans les sphères de l’éducation, des perspectives d’emploi et de l’épanouissement en général. Le fait demeure discutable de savoir si l’empire était prêt à accepter ces différences estompées qu’il avait lui-même encouragées sur le papier. Il en est résulté l’émergence d’une identité genrée coloniale soviétique très problématique qui avait beaucoup en commun avec le fossé postcolonial et une identification négative instable.
Il est important de prendre en compte la spécificité de la modernité/colonialité socialiste, et d’analyser de façon critique l’intersectionnalité compliquée de cette configuration. Cette tâche devrait s’accomplir au moyen d’un discours distinct qui trouverait des intersections avec les études postcoloniales et l’option décoloniale, mais tout en développant aussi ses propres catégories et concepts. Au lieu de mettre un accent négatif sur les pièges de résistance violente et d’auto-victimisation subalterne, le discours postsocialiste devrait se tourner vers la ré-existence (Adolfo Alban-Achinte 2006) comme modèle de (re)création positive de mondes, de vies, de subjectivités transcendant et surmontant les imperfections et injustices de ce monde. Un tel élan s’appuie non pas sur la négation ou sur l’auto-victimisation, non pas sur la violence, mais sur la création de quelque chose de différent, différent du moderne/colonial/socialiste, suivant son propre chemin, remplaçant les contradictions de ce monde et de son sujet.
Dans ce contexte, créolisation, hybridité, bilinguisme, la psychologie du regard rendu et la différenciation et l’intersection colonialiste/colonisé, de même qu’un accent mis sur la transculturation plutôt que sur l’acculturation et l’assimilation, sont à rechercher et analyser dans leurs formes spécifiques postsocialistes qui trouveraient des parallèles avec les discours postcoloniaux, spécialement dans les domaines florissants de l’art, du cinéma, du théâtre, de la fiction, particulièrement dans ceux accusant une perspective genrée, qui deviennent aujourd’hui les instances les plus révélatrices de l’intersection complexe des discours et de l’imaginaire postcommunistes, postimpériaux et postcoloniaux. Par contraste avec les pays postcoloniaux dont les intellectuels doivent négocier et subvertir la tradition dominante occidentale et les traditions locales indigènes, la sensibilité décoloniale dans l’univers de la différence impériale et de sa différence coloniale secondaire est plus complexe en raison de la complexité, de la multiplicité et du caractère contradictoire des agents, des pulsions et des influences colonisatrices. La colonialité généralisée de la modernité occidentale s’est mélangée à la variété russe et soviétique de modernité caricaturale, avec une trace schizophrénique des discours et des complexes d’infériorité redoublés, des prétentions providentialistes et une logique du rattrapage. Les variétés nationales de modernité dans les états récemment indépendants aujourd’hui ajoutent une teinte spécifique à la colonialité de l’être et du savoir que les intellectuels décoloniaux incorporent de manière critique dans leurs travaux. Il en résulte que l’on se trouve face à une stratification des colonialités, tandis que les sujets postcoloniaux/postsocialistes doivent négocier davantage de traditions et jongler avec davantage de cultures et d’influences.
De nos jours, l’idéologie du stade communiste a simplement été remplacée par le mythe national et même nationaliste, mais ce mythe et la compréhension de la nation qui va avec, sont en fait de nouveau les produits de la modernité occidentale, imposée par force à ces espaces par le côté impérial. En dépit de leurs détails exotiques, ces communautés imaginées devenues réelles aujourd’hui continuent à être utilisées par les nouvelles anciennes élites nationales, dont beaucoup sont les enfants de la nomenclature soviétique, qui passent pour des leaders nationaux néolibéraux éclairés. D’où le rejet de ceux qui ne se conforment pas, qui ne sont pas “patriotes”, qui dépassent le cadre de l’ersatz de nationalisme agréé ou d’une grandeur néo-impériale recyclée. Dans les conditions de la mondialisation, un tel modèle est dysfonctionnel, particulièrement si nous prenons en compte les subjectivités décoloniales émergentes, des réseaux qui se trouvent dans le domaine des arts et de la fiction, ainsi que dans un certain nombre de mouvements sociaux mondialisés et dans la société politique.
4. Décoloniser le genre dans les régions eurasiennes limitrophes
Décoloniser le genre dans les contextes postsoviétiques/postsocialistes signifie nécessairement construire des coalitions genrées au travers du monde postsocialiste en direction de et en dialogue avec à la fois le Sud mondialisé et le Nord mondialisé, ceci sans oublier le chemin déjà parcouru, sans estomper le militantisme et la résistance genrés ni les discours et subjectivités de genre de la modernité/colonialité socialiste. Désormais, ont émergé un certain nombre d’outils et d’approches théoriques mettant en question les bases épistémiques féministes eurocentriques dans l’interprétation et la compréhension de l’Autre genrée non occidentale et racialisée, et des moyens de résistance et de ré-existence de celle-ci. Nous assistons à la mise en forme d’un discours trans-épistémique décolonial sur le genre qui déstabilise les cadres généraux et les constructions cognitives de la disciplinarité eurocentrique en tant que telle, car ce discours va au-delà du simple empirisme et recherche des bases sérieuses pour construire des coalitions critiques, pluriverselles et mondialisées, de sujets genrés décoloniaux.
Dans l’espace postsoviétique, la décolonisation du genre acquiert des traits spécifiques en raison du gommage des trajectoires de genre soviétiques, à cause également des généalogies locales présocialistes des luttes des femmes et d’un empressement trop facile à vouloir partir de rien avec l’endoctrinement massif du féminisme occidental (soutenu par des bourses et accompagné par des demandes idéologiques particulières) comme nouvelle sorte de colonisation mentale, et l’auto-orientalisation et l’auto-négation qui en résultent. C’est particulièrement douloureux dans des espaces coloniaux tels que le Caucase et l’Asie Centrale, où beaucoup de facteurs colonisants se sont recoupés au fil des siècles – de l’Islam à la modernité d’occasion russe et plus tard le socialisme d’état, et le néolibéralisme/consumérisme de nos jours. La modernité soviétique est remplacée soir par le modèle progressiste occidental soit par le moulinage des discours nationaux(nationalistes) caractéristiques des jeunes nations postcoloniales n’admettant que des idées et des modèles spécifiques de culture, mentalité, créativité et religiosité nationales. Dans ces deux cas, les cosmologies, épistémologies et éthiques indigènes complexes en discordance avec la modernité/colonialité sont effacées ou codées négativement. En conséquence, le schéma tripartite de l’Autre genrée eurasienne (ex )coloniale continue de persister : les femmes y sont vues en perpétuelle ascension de l’échelle de la modernité – du traditionalisme en passant par le modèle soviétique mi-traditionnel-mi-moderne jusqu’à la femme occidentale libérée (Shakirova 2005). Déconstruire ce modèle est une condition nécessaire pour décoloniser le genre et l’être. Les discours genrés les plus prometteurs s’appliquent à différencier, à mélanger et à dissocier de la téléologie vectrice. Ces schémas genrés limites s’appuient sur une double critique de différentes variantes de la modernité, et de divers modèles ethniques-culturels-religieux à moitié oubliés. Toute tentative pour poser le problème du schéma tripartite de la femme occidentale–soviétique-traditionelle rencontre un phénomène crucial et trop peu étudié : celui de la supercherie de genre (post)coloniale dans laquelle la (post)soviétique et la (post)coloniale se fondent et où il devient possible de chercher un équilibre à la limite de la résistance et d’agir autour et au-delà des structures du pouvoir afin d’éviter la censure et le contrôle. Ce modèle ne répond pas aux stéréotypes de genre occidentaux qui, souvent, dépouillent les femmes de la richesse de leur monde et des possibilités créatives de leur multi-dimensionnalité potentielle, toujours renforcée aux limites des cultures, des langues, des religions et des épistémologies.
En guise de contraste, plusieurs théoriciennes du genre chinoises ont réussi à surmonter la fascination pour les tendances réductionnistes du féminisme occidental, et proclament qu’il n’est nul besoin de répéter la manière occidentale, qu’elles ont déjà parcouru un long chemin sur leur propre voie (Li Xiaojiang 1993, 104). Li Xiaojiang a démoli à la fois le mythe occidental étapiste simplifié et décontextualisé des femmes chinoises en tant que précurseurs des mouvements de libération à travers le monde, et le mythe de la double oppression de la tradition et de l’état antidémocratique, inventés par les féministes occidentaux. Elle a tenté une double critique du mythe de la libération de genre chinoise qui était partagé par les féministes occidentaux et l’état socialiste chinois. La classification occidentale des femmes chinoises en tant qu’avancées ou arriérées, comme l’a démontré Shu-mei Shih, était nécessaire pour déplacer le besoin de prêter attention à des complexités réellement substantielles de l’expérience existentielle et de l’histoire des femmes chinoises. Au lieu de cela, les chercheurs occidentaux ont poursuivi leur mode d’incorporation et d’endiguement et c’est précisément ceci que les théoriciennes du genre chinois rejettent (Shih 2005, 12). Ces logiques orientalistes exclusives et progressistes partiellement inclusives sont aujourd’hui appliquées à l’ex-second-monde en diverses combinaisons. Malheureusement, ces groupes eux-mêmes reproduisent souvent l’universalisme discursif sans déplacer la géographie de la raison. C’est le cas des discours de genre du Caucase et d’Asie Centrale qui n’ont pas encore atteint la conclusion des militantes du genre chinoises, et qui acceptent en silence de se couper les pieds pour chausser les souliers occidentaux d’une mode dépassée.
Ce qui manque dans les discours de genre postsoviétiques, c’est un effort conscient pour établir un lien avec le Sud mondialisé – plus du tout à la manière des champions de la modernité soviétique s’adressant au tiers-monde avec condescendance. Dans les études genrées académiques institutionnalisées et les mouvements et institutions genrés soutenues par l’État et financés par des bourses occidentales, ceci conduit à une peur de la théorisation indépendante, à une répétition des idées féministes occidentales et de méthodes qui ne concernent pas l’Eurasie périphérique, et qui déforment les cosmologies et les modèles genrés indigènes même si ces méthodes sont appliquées par des intellectuelles indigènes pour l’étude des cultures indigènes. Plus il devient donc important pour les Autres genrées postsocialistes ex-coloniales de se familiariser avec certaine approche du genre alternative non occidentale, de se laisser finalement “endoctriner” par les théoriciennes et les militantes du Sud mondialisé, refusant ainsi de suivre la logique de la modernité avec sa rivalité négative agonistique. En trouvant des intersections entre nos expériences et nos sensibilités, nous pouvons recréer un discours genré décolonial flexible qui réponde à une logique et à des conditions spécifiques locales et qui puisse cependant être en corrélation avec d’autres voix genrées décoloniales dans le monde.
Que reste-t-il aujourd’hui aux militantes de la cause genrée indigènes des ex-colonies russes/soviétiques si elles veulent être libérées de l’État et de l’endoctrinement occidental incessant ? L’indépendance, la pauvreté et l’invisibilité. Il existe cependant des femmes qui se choisissent pour elles-mêmes les espaces en dehors des corporations et de l’État. Cette organisation indigène genrée non-engagée n’a accès qu’à des domaines spécifiques à ce stade, tels que les savoirs non rationnels et non académiques (p.ex. la culture des guérisseurs, les religions non officielles, etc.), les mouvements sociaux et la société politique et de façon plus prolifique – les arts, ce qui est symptomatique des besoins des gens en matière de sensibilité décoloniale. Ceci aide à façonner la dignité humaine/de la femme, l’identité indépendante, qui ne passerait pas dans la dichotomie simplifiée du hijab opposé à la mini-jupe. Il est urgent d’élaborer une base méthodologique critique qui prenne en compte les parallèles existant entre divers concepts et fondements épistémiques de discours genrés qui se font écho, et qui puisse trouver un langage interdisciplinaire pour exprimer la pensée et l’organisation genrées oppositionnelles, au travers de la trans-valeur imaginée et des lieux pluri-versels transculturels.
Traduit de l’anglais par Béatrice Bachelier
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ABSTRACT ENG :
In the past several years scholars both in the west and in the ex-socialist world have expressed a clear interest in re-conceptualizing the post-socialist heritage from many positions including post-Marxist and post-colonial ones. Yet, there is no meaningful dialogue between postcolonial theory and post-communist discourses and experiences. It is the aim of this paper to make the two interact. Keywords : Post-soviet imaginary, global coloniality, gendered perspective, Central Asia, decolonial option
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Original anglais :
On Post-Soviet Imaginary and Global Coloniality : a Gendered Perspective
1. The vanished second world, or “can the post-socialist speak” ?
In the last several years scholars both in the West and in the ex-Socialist world have expressed a clear interest in re-conceptualizing the post-socialist heritage from many positions including post-Marxist and post-colonial ones. Yet, there is no meaningful dialogue between postcolonial theory and post-communist discourses and experiences. Postcolonial theory has been conceptually close to critical theory, Marxist and neo-Marxist grounds, whereas post-communism by definition is skeptical to these sources because its subjects had a questionable privilege of experiencing them first hand and developing a bitter skepticism towards the very possibility of a practical realization of communist slogans. Anti-capitalist and anti-imperialist criticism has steadily acted as a crucial element of any postcolonial discourse, while post-communism would hardly unanimously sign under this principle even today, when the first euphoria is over and the ex-socialist world clearly understands the fixed position it has been assigned within the new global world architecture.
Habitually thinking within the binary either-or logic post-communism is forced to accept liberalism and capitalism as the only remaining option or go back to idealizing the Socialist myths including the ones determining the imperial-colonial relations, such as the infamous double standard proletarian internationalism and the progress of developing countries under the auspices of the USSR which even some third world and postcolonial theorists were enchanted with. This nostalgia for the “Peoples’ Friendship” brand is a telling symptom today, as well as the belated cultural policy of post-Soviet Russia, desperately striving to preserve the vanishing post-Soviet as an imagined community – linguistic, cultural, spiritual, epistemic, religious, etc.
The second intermediary world (itself a stray outgrowth of Western modernity) has been beyond the reach of postcolonial theory until recently. By introducing it into the dichotomous scheme of West/vs East or North/vs South we immediately complicate and disrupt the binarity through a strange and disturbing agent which acts simultaneously as the colonizer and the colonized, unable to join any of the extremes, and generating oxymoronic subcategories instead, such as the poor North which does not equal the poor or global South, or the South of the poor North (Tlostanova 2011).
Third world intellectuals today are seldom ready to accept the equation between colonialism and socialism (or 2nd and 3d worlds).The collapse of the socialist paradigm was catastrophic not only for the Socialist world itself, but also left many parts of the third world without a vision. A different vision was soon found, while the ex-Soviet world has become a new invisible and disabled agent. The West felt itself the winner and did not find it acceptable for the defeated enemy to exist after capitalism / vs socialism heroic epic was over. The almost overnight vanishing of the second world led to a typical Western understanding of the post-Soviet as time not as space. It is the time after socialism and not the dozens of millions of rendered irrelevant lives of those who inhabit the post-communist space. Jennifer Suchland ironically summarized this sensibility in the reformulation of the well known G. Spivak’s question : can the Postsocialist speak ? (Suchland 2011) From our side it can be expressed in a rhetorical question : what does it mean to be a void in the new architecture of the world ? What does it mean to be aware of the fact that the second world narrative in history is over, the victory is already granted to the presumed enemy, and no one really expects the defeated side to resurrect and pester the world with absurd claims to existence ?
There is also a tendency in some third world discourses, to keep their monopoly for victimization and suffering instead of looking for intersections and possible dialogues with other others, including the post-socialist ones. This negative rivalry is a direct result of the thoughtless following of the logic of modernity with its typical agonistic approach preventing from any meaningful dialogue. Behind this unfortunate lack of understanding there looms the global coloniality that all of us—the third world, the ex-socialist and Western subjects are marked with. Coloniality, thoroughly analyzed by E. Dussel, A. Quijano, W. Mignolo, N. Maldonado-Torres, M. Lugones and others, is the racial, economic, social, existential, gender, and epistemic bondage of modernity created around the 16th century, firmly linking imperialism and capitalism, and maintained, though reconfigured since then, within the modern/colonial world. One of the direct consequences is the uncritical acceptance of the existing hierarchy of the world where everyone is assigned a strict place. We may be unhappy with this place and even find it unfair (as in case of many European ex-socialist countries who are sick and tired of being the poor relatives in the EU or the second class Europeans inhabiting service countries), but we are scared to death to lose it or endanger it in any way, for instance, by associating with those who are still lower in the present hierarchy of humanity. This is clearly the Russian case, a difficult combination of disgust towards the global South and a fear of being associated with it in any way, except in the paternalistic capacity, and at the same time, constant efforts to hide behind the imperialist mythology the cruel excesses of Russian and Soviet colonialism.
Post-communism itself is a highly questionable umbrella term. For its lumps together people with totally different local histories and different understanding of their situation, aims, roles and prospects in the global world. Some of them can hope to eventually join modernity even if not in the capacity they would like to. Others are destined to disappear and never be given a chance to step onboard, always rendered subhuman and taxonomized as the global South today. Still others would reach a critical understanding of their position and decide to delink from modernity and its myths.
It seems that post-communism is not a concept that can bring together all of these conflicting experiences the same way as postcolonial theory can explain only some of their reverberations. Post-communist discourses tend to ignore certain crucial elements which postcolonial theory is more attentive to, such as race, religion, gender, ethnicity, and particularly their intersection, concentrating mostly on social and class differences and injustices. What is needed for a real dialogue then is a true inter-sectionality and not a comparative, but rather an “imparative” approach (in R. Panikkar’s (1988) formulation). Instead of comparing everything and everyone with the Western ideal used as a silently agreed upon model for the humanity, we can turn to an “imparative” approach as a non-stop mutual learning process in the atmosphere of plurality and based or pluritopic hermeneutics. There is a lot in the experience of the ex-second and ex-third worlds that allows for a meaningful dialogue and joined agency in the future. The question is how to theorize this similarity in difference. How to learn to see the same yet different categories, concepts and terms, echoing psychological, existential and epistemic phenomena shaded by different local histories ?
It is necessary to start with the geo-politics and body-politics of knowledge growing out of the local histories, subjectivities and complex experiences of Eastern and South-Eastern Europe, Central Asia, Caucasus or Russia. This does not mean that we will end up compartmentalizing knowledge, building walls between disciplines and proliferating mini-discourses fit to analyze only particular phenomena. It means that we will shift the emphasis from universalist application of ready-made travelling theories, always based on the Western cognitive principle of studying the other as an object from some disembodied position which in fact only hides its own contextuality and provincialism, to pluriversal and pluritopic inter-subjectification, based on formulating and solving together problems which are important for all others, paying attention to various local histories marked by colonial and imperial differences within modernity/coloniality. The terms that I have just used immediately bring us to a different paradigm of contemporary critical thought – the decolonial option that can act as a common ground for ex-third and ex-second worlds. They are both products of modernity/coloniality but with an emphasis on different elements and notions, having nevertheless a common source (for example, class and race, ideology and religion, etc.) and a shared birth mark of the rhetoric of modernity (the mission of progress, newness, development, civilization, etc.) acting as a tool in justifying the continuing colonization of time and space, of lives and futures, of bodies and sexualities.
Mind-colonization is not necessarily a prerogative of postcolonial realities or discourses. It is a disease common in all parts of the world and all strata of society. What changes is the content of the brain washing—from Christianity to civilizing mission, from liberalism to communism, from overall consumerism to anti-terrorist zeal, etc. What remains untouched is the rhetoric of salvation hiding the colonial logic of control, domination and suppression, a missionary syndrome paradigmatic for the modern/colonial matrix of power. It is a syndrome of making everyone happy by force by means of some kind of Truth decided to be universal and necessary for all. Yet, when we analyze the (post)socialist and particularly (post)soviet contexts and their (post)colonial others, we clearly find instances of mind-colonization in a more strictly postcolonial meaning of the term, resulting in self-orientalization and self-racializing, inferiority complexes, mimicry and other phenomena analyzed by postcolonial theorists.
Along with this strictly postcolonial meaning we should also take into account the general Socialist zombification and brain washing, which were typical not only for the colonies per se, but also for mixed and gray situations, for instance, the European states and people, who found themselves suppressed by the Russian/Soviet power after 1945. This latter case can hardly be analyzed through the postcolonial discourse alone, for it is coloniality and not colonialism that is here at work, primarily, coloniality of knowledge and of being. It is a mutant coloniality in the sense that race and racism as a classification of human beings according to a certain standard of “humanity”, have been already masked here by class or ideology, seldom ethnicity. Yet, the racial discourse always stuck out of all Socialist constructions – when they referred to the internal others and when they referred to “brothers” – socialist states which were invariably assigned a lower spot on the ladder of Soviet modernity where the Russian “superman” occupied the central and highest place.
Yet, in spite of the contradictory nature of such complex discourses, the principle stays the same as in case of conquistadores and British colonists in India – it is “misanthropic skepticism” in N. Maldonado-Torres’s words (Maldonado-Torres 2007), the principle of taking humanity away from the human being and rendering his/her life dispensable. This generates different psychological reactions, from losing of any instinct of self-preservation to the ubiquitous irrational fear with most remarkable trickster subjectivities in between, based ion mocking and outsmarting the power.
In post-soviet post-colonialism a more complex inter-sectionality is at work, where Soviet discourses are superimposed with imperial and colonial ones. This specific meaning of mind colonization always works along the background of the global coloniality through the discourses of modernity (including the socialist ones). The latter mind-colonization is better analyzed by and in the decolonial option.
In the basis of global coloniality there stands the idea of classifying the humankind in relation to the colonial matrix of power and ontological marginalization of non-Western and not quite Western people—a typical tool of modernity easily detected in colonialism of any kind, as well as in socialist discourses. This tendency equates indigenous people in the New World with enemies of the people in the Soviet Union or Islamist terrorists today. In all cases modernity justifies violence and the negation or inversion, in F. Hinkelammert’s formulation (Hinkelammert 2004), of human rights of those who are branded as not quite human (i.e. not quite European, not quite Soviet, not quite Christian, not quite White, or not quite heterosexual, etc.). Crucial here is the distinction between imperialism/colonialism and the rhetoric of modernity/the logic of coloniality (Mignolo, Tlostanova 2007). Decolonial approach focuses on the shift in the geo- and body-politics of knowledge and on decolonization of knowledge frames and rules established in and by modernity and subsequently made universal. The decolonial shift in knowledge production starts from the “colonial wound”, to use Gloria Anzaldúa’s painful metaphor (Anzaldúa 1999), from those who dwell in the colonial wound, not merely study it. Decolonial option is not trying to replace the previous zero point managerial epistemology with a new one. All the models continue to exist and remain viable as sources and targets of criticism. This echoes the Zapatistas principle of the world where many different worlds would coexist on a non-hierarchical basis. Decolonial thinking is based on epistemic borders between European imperial categories and the languages and models which were discarded by modern imperial epistemology, including the local histories which do not fit the black-and-white schemes of West/vs East or North/vs South today. The concept of coloniality of gender was introduced by an Argentinean diasporic philosopher Maria Lugones (Lugones 2007). From the perspective of colonial difference she describes the modern/colonial gender system as dichotomously assigning gender to rational Western subjects and allowing for only biological sex in all other cases. She focuses on the colonial gender asymmetry prescribing particular roles for European and colonial women and men, based on double standards yet continuing to proclaim official gender universalism. The definition of the colonial femininity and masculinity is self-denying and prevents the colonial subject from building any positive identity.
What is at work here is a paradox of colonial masculinity and femininity. The artificial division into gender and sex, biology and culture, inherent in Western tradition, becomes particularly graphic. The White European woman has been always regarded as a normative manifestation of femininity in social and cultural senses, while the colonized women have never belonged to the sphere of gender remaining entirely in the realm of biological sex.
Lugones problematizes one of the fundamental oppositions permeating all cultural, social, political and religious relation as well as academic disciplines and knowledge production (including feminism) – that of modernity/vs tradition. In gender sphere this deconstruction is expressed in questioning the assumed patriarchal nature of any traditional society and in revealing the sexist limiting sides of colonization/modernization. Decolonization of gender then presupposes questioning of the very invention of secular modernity and its negatively marked other – tradition associated with backwardness, patriarchy, humiliation, violence, filth, ignorance and a lack of a coherent gendered subjectivity. Through the prism and at the crossing of gender, ethnic-racial, bodily and religious relations decolonial feminism attempts to look at the ways of decolonizing of thinking, of being, of gender and of knowledge, freeing it from the established paradigms, intellectual grounds, human taxonomies, imposed by Western modernity and based on the dichotomy of the same and the other, subject and object, man and woman, heterosexualism and homosexuality, etc. In order to understand how can we decolonize gender in the ex-second world it is necessary to contemplate the imperial difference.
2. On imperial difference, Janus-faced empire and Russian/Soviet coloniality of gender
Colonial difference refers to the differential between the first class capitalist empires of modernity (the heart of Europe) and their colonies, which became the third world in the 20th century. The imperial difference refers to various losers which failed to or were prevented by different circumstances and powers from fulfilling their imperial mission in modernity taking second class places. They were intellectually, epistemologically or culturally colonized by the winners and developed a catching up logic, a whole array of psychological hang-ups, schizophrenic collective complexes, ideologies of the besieged camp or alternatively, victory in defeat, including most interesting creative responses to this complex subjectivity.
Imperial difference can be internal and external. The former refers to the European losers of the second modernity which became the South of Europe (Dainotto 2000), while the latter means the not-quite-Western, not-quite-capitalist empires of modernity, for instance the Ottoman Sultanate or Russia as a paradigmatic case of such a Janus-faced empire with a long an unsuccessful history of external appropriation of certain elements of modernity on a different basis—non-capitalist, non-Western, not based on Western Christianity of Latin-derived language. The specific nature of the subaltern empire not quite sure in itself, generates transmuted forms of postcolonial impulses. It is clearly seen in relation to those “colonies” which can claim a belonging or closeness to Europe to a larger degree than Russia itself and, in those cases when difference can not be easily conceptualized through race (ethnicity) as in case of all Slavic countries. The colonial and imperial differences disrupt the linear historical narrative that has come to its end with the collapse of the Soviet Union and allow for a much more nuanced and diversified picture of modernity/coloniality up to its contemporary globalized image.
The Russian/Soviet empire on the one hand strove to build its own separate variant of globality/modernity – an Orthodox kingdom and later, a Soviet world. On the other hand, the concrete strategies of building the Russian/Soviet modernity had to be attuned to the Western one as it has always been a dependent and mimicking modernity including its mimicking imperialism, and here Russia chose a doomed way of catching up with Europe and proving that it out-wested the West. This wish has alternated periodically with the rejection of everything European and the retreat into the jingoism that we also witness today. The Janus-faced nature always felt itself a colony in the presence of the West. And it compensates this inferiority complex in the non-Western colonies by projecting the image of the Russian/Soviet colonizer as a true European and a champion of civilization, modernity, socialism, etc. The Soviet empire was not essentially different from the Czarist one, though it reformulated the main developmentalist slogan in a more radical way, attempting to build a socialist modernity—“to catch up and leave behind”, while also escalating its global geopolitical appetites. In the Soviet Union, the actual dominance of racial discourses was always masked by a more intricate ethnic and religious configuration and an official image of the happy multicultural empire. In relation to the colonies the Soviet tactic became more cruel and refined, based on methodical elimination of all alternative thinking and being.
Russia as a paradigmatic second class empire has always been in the condition of global coloniality vis-à-vis the West, and not direct colonialism. This coloniality has not been obvious, yet it remained ubiquitous, manifesting itself mainly in the spheres of being, of knowledge and of thinking. Russia/USSR have appropriated and transmuted (not always consciously) the basic aspects of the Western empires of modernity, then projecting them into the Russian colonial difference, generating the mutant forms of the main vices of modernity – secondary Eurocentrism, secondary Orientalism, secondary racism. Russia has been never seen by Western Europe as its part, remaining a racialized empire, which feels itself a colony in the presence of the West. This empire projects its own inferiority complexes onto its colonies, particularly Muslim ones, the multiply colonized others of the defeated Russia. The dead-end-ness of the imperial difference has been for centuries a specific Russian problem, much before capitalism/socialism divide.
One can speak of the specific rhetoric of the Soviet (or wider, Socialist) modernity in which the familiar logic of coloniality was still at work. The only difference was that the Archimedean zero point, chosen as an ideal in this case, was not a Western Christian middle class male, but a Russian communist proletarian. This imagined ideal when embodied in real people, faced many difficulties, as the background he could use in building his superiority discourses, was once again, a foreign (and Western) one, sparsely sprinkled with exoticized Russian features.
Russia/Soviet Union was complex and variegated within itself, never homogenous. It did not have one ideology or rhetoric which would be consistently implemented for all different others. This acted as a time bomb for the empire marked with external imperial difference, an empire still not entirely disintegrated even today, continuing to impose bits and pieces of its imperialist ideology onto the remaining colonies and quasi-colonies (e.g. Northern Caucasus), at the same time proclaiming a new nation-state image in its most reactionary ethnic-nationalist form, multiplying internal racialized others with Russian citizenship yet no rights.
The post-Socialist and post-Soviet gendered perspective complicates the dichotomous scheme of women of color versus Western feminists as it deals with additional concepts and a more complex logic that are not to be found in the relations of the ex-first and ex-third worlds. Thus, the local history and cosmology of Eurasian borderlands would allow for specific identities, ways of survival and re-existence connected with a different local history linked with the Janus-faced empire, marked with external imperial difference ; and its colonies, some of which would vacillate towards Europe claiming a second-class European identity and being unsatisfied with their uncivilized colonizer, while others (non-European colonies) would be marked by a secondary colonial difference, due to their complex status of the subalterns of the subaltern empire. This configuration multiplies and distorts many familiar categories and discourses such as imperial and colonial masculinity and femininity, colonial gender tricksterism.
The Eurasian configuration is complicated due to the Soviet experience as well, including its contradictory gender aspects. This places the women of the ex-colonies of Russia/USSR into conditions that are not quite postcolonial and not entirely post-socialist, cannot be taken to race/ethnicity/religion or to ideology and class. The Western paradox of colonial femininity and masculinity is considerably altered in the Russian/Soviet Empire and its colonial spaces. Here racialization worked through gender, and colonization itself came to be symbolized as an act of violence. This is typical of the confident empires with a positive masculine identity while Russia was far from being confident. The gap between the Orientalist European fantasy and the reality of Caucasus and Turkistan conquest was too obvious and based on secondary Orientalist ideologies, always poisoning any victory for Russia (Tlostanova 2010). There was one more redoubling of gender-class-race problematic in the Russian Empire worth mentioning. If in Western modernity/coloniality representatives of the non-Western world were excluded from the human and feminine realms in order to facilitate their discrimination, exploitation and objectification, in Russia the picture was different. The role of the sexually, economically, and psychologically exploited woman associated with animals and taken outside the realm of gender, was played by an ethnically same and only socially other serf woman. In Russia and Soviet Union the paradoxical tactic of internal racialization and othering was justified by the elites’ claims at belonging to European culture or, as a variant, to communist ideology. This resulted in efforts to build a Chinese wall between themselves and the Russian people, who in the minds of the elites were excluded from European-ness. In communist discourses the same logic referred not just to peasants, but to all enemies of the Soviet power. This led to extreme cruelty in the treatment of women political prisoners in Soviet camps who were divested of their human, civil and gender status and hence allowed to be raped and killed. A totalitarian ideology in this case was a specific manifestation of coloniality of power.
3. Back to the (im)possibility of a post-socialist critical discourse
Modernity in the twentieth century was implemented in two forms—the liberal/capitalist and the socialist/statist one. Each of them had a sunny side and a darker side, each of them had its own kind of coloniality, including coloniality of gender. In the darker colonial side of the Soviet modernity a second-rate type of the Soviet citizen was constructed in spite of the proclaimed internationalist slogans and an overt goal of racial mixing of the population in order to create a future Soviet Mestizo/a with an erased ethnic element brought up on Russian culture and on Soviet ideology. Proclaiming the goal of making everyone look identical and erasing the colonial status was not the same as actually allowing the colonial to claim his/her equality in the sphere of education, job opportunities, or self-realization in general. It remains questionable if the empire was ready to accept the erased differences that it itself promoted on paper. As a result a very problematic Soviet colonial gendered identity emerged which had a lot in common with the postcolonial split and unstable negative identification.
It is important to take into account the specificity of the Socialist modernity/coloniality, and critically analyze the elaborate inter-sectionality of this configuration. This task would have to be performed by a separate discourse which would find intersections with postcolonial studies and decolonial option, yet would develop its own categories and concepts as well. Instead of a negative accent on violent resistance and subaltern self-victimization pitfalls, the post-socialist discourse should turn to re-existence (Adolfo Alban-Achinte 2006) as a model of positive (re)creating of worlds, lives, subjectivities transcending and overcoming the imperfections and injustices of this world. Such an impulse is based not on negation or self-victimization, not on violence, but on creation of something different, other than modern/colonial/socialist, taking its own path, superseding the contradictions of this world and its subject. In this context, creolization, hybridity, bilingualism, the psychology of the returned gaze and the colonialist/colonizer differentiation and intersection, as well as a stress on trans-culturation instead of acculturation and assimilation, are to be found and analyzed in their specific post-socialist forms which would find parallels with postcolonial discourses, especially in the flourishing spheres of art, cinema, theater, fiction, particularly those marked with a gendered perspective, which today become the most revealing instances of the complex intersection of post-communist, post-imperial and postcolonial discourses and imaginary.
In contrast with postcolonial countries whose intellectuals have to negotiate and subvert the Western dominant tradition and the local indigenous ones, decolonial sensibility in the world of imperial difference and its secondary colonial difference is more complex due to the complexity, multiplicity and contradictoriness of the colonizing agents, impulses and influences. The overall coloniality of Western modernity intermingled with the Russian and Soviet brand of caricature modernity with a schizophrenic trace of redoubling discourses and inferiority complexes, providentialist claims and catching up logic. The national brands of modernity today in the newly independent states add a specific flavor to coloniality of being and of knowledge that decolonial intellectuals incorporate critically into their works. As a result we face a stratification of colonialities, while postcolonial/post-socialist subjects have to negotiate more traditions and juggle more cultures and influences.
Today the communist stagist ideology was simply replaced with national and even nationalistic myth, but this myth and the accompanying understanding of the nation, in fact are again the products of Western modernity, imposed onto these spaces by force from the imperial side. In spite of their exotic details these imagined turned real communities today continue to be used by the new old national elites, many of whom are the children of Soviet nomenclature, passing for the enlightened neoliberal national leaders. Hence the rejection of those who do not fit, who are not “patriots”, who go beyond the frame of the allowed ersatz nationalism or a recycled neo-imperial grandeur. In the conditions of globalization such a model is dysfunctional, particularly if we take into account the emerging decolonial subjectivities, networks that are to be found in the realm of arts and fiction, as well as in a number of global social movements and political society.
4. Decolonizing gender in Eurasian borderlands
Decolonizing gender in the post-Soviet/post-socialist contexts necessarily means building gendered coalitions across the post-Socialist world vis-à-vis and in dialogue both with the Global South and the Global North and without forgetting the path that we already went along, without erasing gender activism and resistance and gender discourses and subjectivities of the Socialist modernity/coloniality. Today there emerged a number of theoretical tools and approaches questioning Eurocentric feminist epistemic grounds in the interpretation and understanding of non-Western gendered and racialized other and her ways of resistance and re-existence. We are witnessing the shaping of decolonial trans-epistemic discourse on gender which destabilizes the general frames and cognitive constructs of Eurocentric disciplinarity as such, going beyond mere empiricism and looking for serious grounds for building global pluri-versal critical coalitions of decolonial gendered subjects.
In the post-Soviet space decolonization of gender acquires specific features due to the erasing of the Soviet gender trajectories, as well as the pre-Socialist local genealogies of women struggles, and a too easy willingness to start from scratch with the massive indoctrination of Western feminism (supported by grants and accompanied by particular ideological demands) as a new kind of mind-colonization, and a resulting self-orientalizing and self-negation. It is particularly painful in such colonial spaces as Caucasus and Central Asia, where many colonizing factors have intersected throughout the centuries – from Islam to Russian second-hand modernity and later state Socialism and neo-liberalism/consumerism today. Soviet modernity is replaced with either the Western progressive model or the pedaling of national(ist) discourses characteristic of young postcolonial nations allowing for only specific ideas and models of national culture, mentality, creativity and religiosity. In both cases the complex indigenous cosmologies, epistemologies and ethics discordant with modernity/coloniality are erased or negatively coded.
Therefore the tripartite scheme of the (ex)colonial Eurasian gendered other still persists : it sees women as forever climbing the stairs of modernity – from traditionalism through Soviet half-traditional-half-modern model and to the Western liberated female (Shakirova 2005). A deconstruction of this model is a necessary condition for decolonizing of gender and of being. The most promising gender discourses are based on difference, mixing and delinking from vector teleology. These border gender patterns are based on a double critique of different variants of modernity, and various half forgotten ethnic-cultural-religious models. In any attempt to problematize the tripartite scheme of traditional-Soviet-Western woman a crucial and understudied phenomenon would be that of the (post)colonial gender tricksterism where the (post)Soviet and the (post)colonial merge and it becomes possible to balance on the verge of resistance and act around and beyond the power structures to avoid censorship and policing. This model does not answer the Western gender stereotypes which often rob women of the richness of their worlds and creative possibilities of their potential multidimensionality, always enhanced at the borders of cultures, languages, religions, and epistemologies.
By way of contrast, several Chinese gender theorists managed to overcome a fascination with Western feminist reductionist tendencies, and claim that there is no need to repeat the Western way, that they already went a long way along their own road (Li Xiaojiang 1993, 104). Li Xiaojiang debunked both the simplified and de-contextualized stagist Western myth of Chinese women as forerunners of women’s liberation movements around the world, and the myth of the double oppression of tradition and the antidemocratic state, invented by Western feminists. She attempted a double critique of Chinese gender liberation myth which was shared by Western feminists and the Chinese socialist state. Western classification of Chinese women as advanced or backward, as demonstrated by Shu-mei Shih, was needed in order to displace the need to pay attention to really substantive complexities of existential experience and history of Chinese women. Instead the Western scholars continued their mode of incorporation and containment and this is precisely what the Chinese gender theorists reject (Shih 2005, 12). This exclusivist Orientalist and partially inclusive progressivist logic are applied today to the ex-second world in various combinations. Unfortunately these groups themselves often reproduce discursive universalism without shifting the geography of reason. This is the case with gender discourses of Caucasus and Central Asia that have not yet reached the conclusion of Chinese gender activists, silently agreeing to cut their feet to fit the Western shoes of an outdated mode.
What is lacking in post-Soviet gender discourses is a conscious effort to make a link with the global South - not any more in the capacity of the champions of Soviet modernity talking down to the third world. In academic institutionalized gender studies and state-supported and Western grants supported gender movements and institutions this leads to a fear of independent theorizing, to repetition of Western feminist ideas and methods which do not pertain to peripheral Eurasia, and distort the indigenous cosmologies and gender models even if these methods are applied by indigenous scholars to the study of indigenous cultures. The more important it becomes for the ex-colonial post-socialist gendered others to get acquainted with some alternative non-Western approaches to gender, to be “indoctrinated” finally from the theorists and activists of the global South, thus refusing to follow the logic of modernity with its agonistic negative rivalry. Finding intersections in our experience and sensibilities, we can recreate a flexible decolonial gender discourse which would answer local logic and specific conditions yet would be able to correlate with other decolonial gendered voices in the world.
What is left for the indigenous gendered activist in the Russian/Soviet ex-colonies today if they want to be free of the state and the continuing Western indoctrination ? Independence, poverty and invisibility. Yet there are women who choose for themselves the spaces outside the corporations and the state. This non-engaged gendered indigenous agency has access to only specific realms at this point, such as non-rational and non-academic knowledge (e.g. the culture of healers, the unofficial religions, etc.), the social movements and political society and most prolifically – to the arts, which is symptomatic of the people’s need for decolonial sensibility. It helps to shape the human/women dignity, the independent identity, which would not fit into the simplified dichotomy of the hijab versus the mini skirt. It is urgent to elaborate a critical methodological basis which would take into account the existing parallels between various echoing concepts and epistemic grounds of gender discourses and would find an interdisciplinary language for expressing the oppositional gendered thinking and agency, across the imagined trans-value and transcultural pluri-versal loci.
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RESUME FR :
Pendant les dernières quelques années, des chercheurs aussi bien en occident que dans le monde post-soviétique ont exprimé un intérêt incontestable en la reconceptualisation de l’héritage post-socialiste à partir de nombreuses positions y compris post-marxistes ou post-coloniales. Cepenadnt, il n’y a pas de dialogue significatif entre la théorie postcoloniale et les discours et expériences post-communistes. Le but de cet article est de faire interagir les deux.
Mots clefs : Imaginaire post-soviétique, colonialité globale, perspective genrée, Asie centrale, option décoloniale
ABSTRACT ENG :
In the past several years scholars both in the west and in the ex-socialist world have expressed a clear interest in re-conceptualizing the post-socialist heritage from many positions including post-Marxist and post-colonial ones. Yet, there is no meaningful dialogue between postcolonial theory and post-communist discourses and experiences. It is the aim of this paper to make the two interact.
Keywords : Post-soviet imaginary, global coloniality, gendered perspective, Cental Asia, decolonial option