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Livres choisis

Recueil Alexandries

< 17/80 >

Clémence Armand

Droit d’asile au NON de quoi ?

Témoignage d’une officière de protection

présentation de l'éditeur

Clémence ARMAND, Droit d’asile, au NON de quoi ? - Témoignage d’une officière de protection , Paris : Éditions Toute Latitude, 16 nov. 2006 (à paraître).

Editions Toute Latitude, 23, rue d’Alésia - 75014 Paris - Téléphone : 01 43 21 00 60, Site web : http://www.toutelatitude.com

ISBN : 2-35282-006-5

Mots clefs

"J’ai toujours eu beaucoup d’empathie et d’admiration pour les migrants. Pour ces personnes qui ont fait le choix de partir de chez elles, de quitter leur maison, leur pays, leur terre natale pour trouver quelque chose de meilleur ailleurs, dans cet Occident idéalisé depuis les pays en voie de développement. J’ai beaucoup de respect pour tous ces gens qui ont quitté amis, famille, enfants pour venir, quelles que soient les raisons qui les aient poussés à partir."

Un document exceptionnel sur l’attribution du droit d’asile en France, un témoignage objectif et poignant d’une ancienne Officière de Protection.

En janvier 2005, Clémence Armand entre à l’OFPRA, l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, qui attribue le droit d’asile en France. Tous les jours, elle recevra deux ou trois demandeurs d’asile au cours d’un entretien fleuve qui lui permettra de répondre à cette question : "Entrent-ils dans les critères d’attribution du droit d’asile ?" À eux de lui prouver que c’est le cas. À elle de démêler le vrai du faux dans ces récits de vie toujours bouleversants, parfois à la limite du supportable. Déchirée entre la règle de droit, ses convictions humanistes et des situations personnelles et familiales tragiques, c’est à elle de décider de leur destin.

Cadences imposées, formation bâclée, demandeurs déconsidérés... Rattrapée par les contraintes politiques et juridiques mais aussi économiques et matérielles, l’attribution du droit d’asile en France se révèle être une loterie géante. Pour ne pas perdre son âme, Clémence Armand a démissionné. Aujourd’hui avec ses convictions mais sans angélisme, elle témoigne.

L’auteure Clémence Armand
À 28 ans, Clémence Armand a déjà un parcours en adéquation avec ses convictions humanistes. D’abord Chargée des programmes associatifs français au sein de Solidarité Sida, elle a rejoint l’OFPRA en 2005 pour le quitter un an plus tard. Militante au sein de l’association Mix-Cité, mouvement mixte pour l’égalité des sexes, dont elle a été la présidente pendant deux ans, elle travaille aujourd’hui à la Mairie de Paris.

SOMMAIRE


I. Le livre de L’Ofpra
II. L’entretien d’embauche
III. La Formation
IV. L’OP qui parlait mal aux demandeurs
V. Le premier accord bosnien
VI. Le premier entretien
VII. L’Officier
VIII. La première Rom
IX. Premier accord moldave
X. L’Ashkali du Kosovo
XI. Première PP rétention
XII. Sainte Clémence de Mitrovica
XIII. Accords moldaves
XIV. Le Plan de la ville
XV. La vieille femme
XVI. Mon interprète favori
XVII. Double torture
XVIII. Le bruit des bombes
XIX. Le physicien
XX. Les PC
XXI. L’interprète qui voulait être OP
XXII. Le réexamen tchétchène
XXIII. L’Albanais qui devait prendre l’avion
XXIV. Le recours
XXV. Retour de mission
XXVI. Surdité
XXVII. Le Fantôme
XXVIII. La famille albanaise
XXIX. Après la mission
XXX. Changement de chef
XXXI. Le militant turc
XXXII. Nemanja
XXXIII. Le début de la fin
XXXIV. J’ai fait pleurer une demandeuse
XXXV. Avec ma psy
XXXVI. Pourquoi j’ai quitté l’Ofpra

Extraits de l’ouvrage publiés avec l’aimable autorisation des Editions Toute Latitude

VI . Le premier entretien

Extrait du livre p. 14 à 19

Après plusieurs semaines de « formation », pendant lesquelles je
suis « descendue en box » écouter les autres Officiers de Protection
mener leurs entretiens, c’est à moi de me lancer. Je vais enfin traiter
mes premiers « dossiers » et pouvoir mener les entretiens
comme je le souhaite : en étant plus respectueuse des demandeurs
que la plupart des OP que j’ai vus à l’œuvre jusqu’à maintenant.
Je ne suis pas tout à fait seule pour ce premier entretien :
Valérie, une autre OP, est là pour me superviser. Valérie est arrivée
un an avant moi à l’Ofpra. Elle doit avoir vingt-cinq ou vingt-six
ans. Je me souviens très bien que ce jour-là, elle porte un jean
avec des bottines et un élégant tee-shirt coloré. Elle ressemble à
une étudiante. En la regardant, je me dis que ça ne doit pas être
évident pour les demandeurs de se retrouver face à de si jeunes
gens comme nous et de savoir que nous avons autant de responsabilités…
Cela doit être encore moins évident pour certains hommes
de voir qu’en plus d’être jeunes, nous sommes des femmes…
C’est désormais à moi de passer dans la salle des interprètes
au premier étage afin d’aller chercher celui avec qui je travaille
aujourd’hui. Puis, nous descendons au rez-de-chaussée où se trouvent
les boxes d’entretiens. Nous nous installons dans un box, puis,
munie de la convocation du demandeur, je vais le chercher dans la
salle d’attente.

Cette grande salle d’attente glaciale, sans aucune décoration ni
brochures, revues ou journaux à disposition. Juste des rangées et
des rangées de sièges. Et des demandeurs. De toutes origines, de
toutes nationalités… Des hommes seuls, quelques femmes seules,
beaucoup avec des enfants, des familles… Parfois des parents ou
amis ayant déjà obtenu le statut de réfugié ont réussi à les accompagner.
Beaucoup d’enfants jouent, rient, crient, courent dans tous
les sens. Peut-être ne se rendent-ils pas bien compte de l’enjeu du
rendez-vous de leurs parents à l’Ofpra, ou bien peut-être sententils
la pression, l’ambiance pesante qui règne et essaient-ils de
détendre l’atmosphère de leur prétendue insouciance ?
Il n’est pas rare, quand je longe le couloir des boxes pour aller
chercher un demandeur, qu’un enfant arrive en courant et se cogne
contre mes jambes… Drôle d’ambiance dans cette salle d’attente.
Nous commençons. Il s’agit d’un jeune couple de Moldaves. Ils
doivent avoir entre vingt-cinq et trente ans tous les deux. Ils sont
très timides. Une adorable fillette blonde aux yeux bleus les accompagne.
Je reçois les couples séparément. J’entends d’abord l’épouse
(puisque je commence toujours par les femmes !), une grande et
jeune femme. Je me souviens surtout de ses cheveux sagement
attachés et de son air réservé.
– Oui, nous avons eu des problèmes avec la police, ils ont
fouillé notre appartement, ils avaient tout dévasté, ils… Il y avait
des écritures sur la porte… je… ils… mon mari… enfin, je veux
dire…
Elle semble très impressionnée d’être là.
– Pourquoi avez-vous été la cible de ces agressions, madame ?
reprends-je doucement.

– Parce que mon mari était membre du PPCD [1].
– Quelles étaient ses activités ?
– Il était membre.
– Mais encore ?
Elle a les larmes aux yeux. Je continue :
– À quelle date a eu lieu l’agression dont vous avez été victime ?
– C’était pas longtemps après que j’arrête de travailler.
– Pourquoi avez-vous arrêté de travailler ? demande Valérie.
– Pour rester avec ma fille. Elle est tombée très malade. Une
leucémie.
Je continue de poser des questions sur l’engagement politique
de son époux et sur l’agression dont la famille aurait fait l’objet.
C’est le premier entretien dont je suis directement responsable, je
peux enfin le mener comme je l’entends et ne plus être simple
spectatrice de ces entretiens que je juge souvent trop courts, trop
expéditifs. Mais c’est vrai que même au bout de cinquante minutes,
la jeune femme n’est pas plus convaincante, et que l’agression
et les différents motifs qu’elle invoque ne sont pas faciles à établir.
C’est au tour de son époux. Il tient à s’exprimer en français.
Mais on ne comprend rien ! Je lui explique doucement que nous ne
sommes pas là pour juger de son degré d’intégration, que le fait
de parler français ou pas ne changera rien : nous devons examiner
ses risques en cas de retour en Moldavie. Il ne parle pas bien roumain
et finit par nous demander un interprète en langue russe [2].

C’est étrange, car le PPCD lutte justement contre la russification de
la Moldavie. Mais je veux lui donner sa chance et l’entendre dans
la langue dans laquelle il se sentira le plus à l’aise. Je ne veux pas
le pénaliser. Nous nous mettons donc en quête d’un interprète en
langue russe. Nous en trouvons une, mais elle ne sera disponible
qu’à la fin des entretiens déjà prévus avec un autre OP. Elle en a
trois. Nous attendons plus d’une heure. Enfin, l’entretien peu commencer.
Et pendant près d’une heure, je vais essayer de comprendre
pourquoi cet homme est venu en France demander l’asile. Et pourquoi
cette famille a quitté la Moldavie. Il apparaît clair que le
demandeur n’a pas un discours politisé et il est peu probable qu’il
ait été un militant important du PPCD. Les agressions qu’il raconte
ne sont pas non plus très crédibles… Pourtant, il semble si désespéré
que je n’arrive pas à croire que la misère qui règne en
Moldavie soit la seule raison de leur venue. Il y a autre chose, j’en
suis certaine.
Valérie le sait depuis que nous avons entendu l’épouse de notre
prétendu militant. Après un long entretien au cours duquel il ne
semble pas connaître vraiment le fonctionnement du PPCD, Valérie
lui demande doucement :
– Est-ce que vous êtes venus en France pour faire soigner votre
fille ?
L’homme pleure.
– Elle est très malade. Nous ne pouvions pas payer les soins
en Moldavie, c’est trop cher. On nous a dit qu’en France, on pouvait
le faire, que c’était moins cher. On veut qu’elle guérisse. Notre
avocat nous a dit d’attendre d’avoir les papiers pour l’emmener à
l’hôpital…

– Quel avocat, monsieur ? Dans quel pays ?
– Ici, en France. Le passeur nous a mis en contact avec lui. On
l’a payé trois mille euros et il nous a fait le récit écrit pour l’Ofpra.
Et on attend d’avoir la carte de séjour pour faire soigner la petite.
Elle est très malade.
Je suis folle. Trois mille euros et tout ça pour mal les renseigner
sur leurs droits !
– Monsieur, en tant que demandeur d’asile, vous avez le droit
à la sécurité sociale en France, même si vous n’avez pas encore de
carte de séjour. Et si jamais vous avez un rejet de l’Ofpra, vous
aurez encore le droit de vous faire soigner. Et même si vous êtes
sans-papiers en France, vous aurez le droit.
Il me croit à moitié. Il vient de Montpellier. Je cours sur l’un des
rares ordinateurs connectés à Internet à l’Ofpra pour lui trouver les
coordonnées d’associations de soutien aux étrangers en France
dans sa région.
– Voilà, monsieur, ce sera beaucoup moins cher et beaucoup
plus efficace que votre avocat.
Il est encore sceptique. L’interprète s’impatiente, elle en a
assez de répéter les mêmes choses, voudrait rentrer chez elle. Tant
pis, moi, c’est la première fois que je suis face à ce cas, et pour
cette famille c’est aussi la première fois qu’on leur dit ce qu’ils doivent
faire. Alors je prends mon temps. J’explique à cet homme que
lui et son épouse peuvent obtenir une carte de séjour pour soins
en tant que parents d’enfant malade. Je leur dis d’aller à l’hôpital
dès le lendemain faire soigner cette petite…
Valérie est étonnée.
– Comment tu sais tout ça ?
– J’ai été membre d’un collectif d’associations qui travaillait sur
le droit des étrangers en France.

J’aurais aimé pouvoir orienter cette famille vers un assistant
social qui l’aurait renseignée sur ses droits mieux que je ne le fais.
Mais rien de tout cela à l’Ofpra. Il n’y a même pas de revues dans
la salle d’attente des demandeurs, alors un assistant social… pour
quoi faire ?
Tout ce que je peux faire, c’est donner à Valérie et ses deux collègues
de bureau un guide sur la prise en charge médico-sociale
des étrangers en France. Je leur explique aussi quelques trucs, leur
donne des adresses vers lesquelles orienter les demandeurs en difficulté…
Il est presque 19 heures, je quitte l’Ofpra. L’entretien avec
l’épouse avait commencé à 14 heures…
« Que tu es zélée ! », me dit l’Officier de Protection avec qui je
fais mon trajet en métro ce soir-là. Tu verras dans quelques mois,
tu ne t’offusqueras même plus de ces avocats véreux. Tu ne
devrais pas passer autant de temps sur des dossiers aussi mauvais,
tu vas avoir de mauvais chiffres et tu vas t’épuiser.
Le soir, je fais jurer à mes amis de m’empêcher de devenir aussi
cynique. J’espère continuer tout au long de mon contrat à passer
autant de temps auprès des demandeurs. J’espère continuer à les
écouter, les aider, les orienter. J’espère continuer à sortir de mon
rôle à chaque fois que cela est nécessaire et j’espère surtout ne
jamais ressembler à certains OP qui s’agacent en entretien, gardent
les demandeurs à peine une demi-heure et parlent en termes
de « bons » et de « mauvais dossiers ».
L’autre OP a raison, c’est épuisant !
Droit d’asile, au NON de quoi ?


VII. L’Officier

Extrait du livre p. 20 à 23

Je continue mes premiers entretiens. Mon chef tient à ce que
je sois accompagnée par d’autres OP plus expérimentés.
Aujourd’hui, c’est donc Stéphane qui « descend » avec moi.
Stéphane, maigre, assez petit, les cheveux châtains, est l’un
des quarante Officiers de Protection de la division Europe. C’est un
homme qui a bien gardé en tête que dans Officier de Protection, il
y a le mot « officier ». Le « de protection » s’est perdu en route,
quelque part…
Stéphane écrit très peu pendant ses entretiens.
– Comment se fait-il que tu prennes aussi peu de notes ? Tu vas
tout retenir ?
– Oui, j’écris le compte-rendu juste après l’entretien, en remontant
dans mon bureau. Pendant l’entretien, je ne prends que quelques
notes, comme ça je ne leur laisse pas le temps de réfléchir à
leurs réponses.
– Ah, d’accord…
Stéphane, face à un paysan irakien qui ne sait ni lire ni écrire,
demande : « Êtes-vous originaire de cette région que l’on appelait
autrefois la Basse-Mésopotamie ? » L’homme n’a pas su lui répondre.
On en a rejeté pour moins que ça !
Je suis donc accompagnée de celui que je surnomme
« l’Officier » pour cet entretien. Trois personnes sont convoquées,

mais une seule viendra. Les Moldaves viennent très peu quand ils
sont convoqués en entretien « parce que la demande est mauvaise _ », m’assure-t-on. Au bout de quelques mois, j’avais moimême
très bien intégré ce discours : oui, la demande est mauvaise,
puisque la Moldavie est l’un des pays les plus pauvres
d’Europe. Les gens ne viennent que pour des motifs économiques,
c’est bien connu ! D’ailleurs, le rapport d’Amnesty International ne
fait état d’aucune violation des droits humains dans ce pays ! Pas
d’enseignants de Transnistrie enfermés pour avoir voulu défendre
la langue roumaine, pas de détentions arbitraires, pas d’arrestations
après les manifestations anticommunistes…
Un soir, lors d’un dîner, je rencontre un ami d’ami, enseignant
dans une école de la région parisienne où il y a beaucoup d’enfants
moldaves dont les parents sont sans-papiers.
– C’est dur, parce que les parents ne viennent jamais quand on
les convoque, ils ont peur, me dit-il.
– Peur ?
– Oui, peur de l’Institution. L’URSS a marqué les gens, ils ont
peur de la police, de l’administration, des profs. Ils s’imaginent
qu’on va les dénoncer s’ils sont sans-papiers. C’est sans doute pour
ces mêmes raisons qu’ils ne viennent pas à leurs convocations à
l’Ofpra.
J’ai honte. Je n’y avais jamais pensé. Ben non, avant de travailler
à l’Ofpra, j’étais spécialiste du monde arabe, pas de l’ex-URSS !
Je vais chercher dans la salle d’attente la seule demandeuse qui
s’est présentée ce jour-là. C’est une belle jeune femme, grande,
élégante. Elle doit avoir mon âge. Elle parle très bien français.
« Vous pouvez parler moldave, madame, l’interprète va traduire,

cela ne change rien à votre demande, et il vaut mieux pour vous
que vous vous exprimiez dans une langue que vous maîtrisez parfaitement. _ »
Mais elle met un point d’honneur à s’exprimer en français.
Malheureusement, elle n’est guère plus convaincante que la famille
moldave entendue quelques jours plus tôt.
– Pourquoi avez-vous quitté la Moldavie, madame ?
– J’étais menacée.
– Par qui, pourquoi ?
– Par des inconnus, à cause de mon appartenance au PPCD.
– Qu’est-ce que le PPCD ?
– C’est contre les communistes.
– Quel était votre rôle au sein du PPCD ?
– J’étais membre.
– Oui, mais que faisiez-vous exactement ? Quelles étaient vos
activités dans le parti ?
– Eh bien, je… j’allais aux réunions et je discutais avec les gens
pour les convaincre de voter contre les communistes et pour le
PPCD.
– Pourquoi avez-vous adhéré au parti ? Quelles étaient vos
motivations ?
– Parce que je suis contre les communistes.
– Qui est le leader de ce parti ?
– Heu… Voronine ?
Eh non, raté, Voronine est le chef d’État de la Moldavie. Je
tente de l’aider, de la faire parler pendant longtemps. Peine perdue,
ses réponses restent floues, évasives. Après cinquante minutes
d’entretien, je ne sais plus que lui demander. Je demande à
Stéphane s’il a des questions. Apparemment, il doute non seule-

ment de l’engagement politique de la jeune femme, mais aussi de
sa nationalité :
– Quelle est la capitale de la Moldavie ? lui demande-t-il.
– Chisinau.
– Et la monnaie ?
– Le leu.
Sur ces questions, au moins, elle répond sans hésiter et sans
se tromper.
J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour cette femme qui
se tient face à nous, avec son histoire montée de toutes pièces, qui
tente de faire illusion. Je me demande ce qui a pu pousser cette
jeune femme à venir en France. À la fin de l’entretien, je l’accompagne
jusqu’à la sortie. Je ne tiens plus, j’ai tellement envie de
comprendre pourquoi elle s’est présentée à son entretien. Alors,
loin des oreilles de Stéphane, je lui demande pour quelles raisons
elle a quitté la Moldavie.
– Vous savez, chez nous, c’est la misère, il n’y a pas de travail,
pas d’argent. Alors, avec mon copain, on est venus ici. Je garde
des enfants. Mais c’est mieux avec les papiers. Mais même sans les
papiers, c’est bien. J’envoie de l’argent à ma famille, on a une
chambre de bonne… Je veux élever mon bébé ici, pas là-bas en
Moldavie.
– Vous êtes enceinte ?
– Oui.
Je murmure :
– Faites tout pour accoucher en France. Au revoir madame,
reprends-je à voix haute.
Si Stéphane m’avait entendue…

_

NOTES

[1] PPCD : Le Parti Populaire Chrétien Démocrate est l’un des partis d’opposition au régime communiste moldave le plus important en nombre. Il a remporté quelques sièges lors des élections législatives de mars 2005.

[2] La langue officielle moldave est très proche du roumain. Cette ancienne république de
l’Union Soviétique a également eu le russe pour langue officielle jusqu’à l’effondrement de
l’URSS. Le Parti Communiste Moldave aujourd’hui au pouvoir en Moldavie tente d’imposer
une russification du pays à travers les institutions politiques, l’enseignement, etc. Nombre
de partis d’opposition luttent contre cette russification imposée et pour l’usage du moldave
comme langue officielle du pays