Le programme "FRONTIERES"
L’espace national tend de plus en plus à se définir par rapport à des frontières externes, extensives à la communauté européenne, et à des frontières internes, souvent caractérisées sur des bases raciales. Notre propos est d’explorer, à partir de l’histoire, de la sociologie, de l’anthropologie et de la science politique, cette double ligne de production de différences, de discriminations et d’inégalités. |
Il y a trente ans, la France, comme les autres pays européens, s’est engagée dans un processus de maîtrise des flux migratoires qui s’est progressivement étendu à l’ensemble des catégories d’étrangers : des conjoints aux enfants, des étudiants aux demandeurs d’asile (Noiriel 1988, Weil 1991). Cette politique, de plus en plus restrictive, a eu deux conséquences principales. La première a été le développement d’une catégorie de personnes en situation irrégulière. Elle est constituée d’étrangers qui, pour les uns, à la recherche d’un emploi, cherchant à rejoindre leur famille ou encore en raison de persécutions dans leur pays, entrent sur le territoire national au risque de la clandestinité, et pour les autres, installés souvent de longue date, se voient refuser le renouvellement de leur titre de séjour à l’occasion de la perte de leur emploi ou d’un durcissement de la réglementation, ou même se trouve frappés d’une interdiction de territoire à la suite d’un délit. Cette réalité nouvelle a acquis une forte visibilité dans l’espace public depuis une dizaine d’années avec le mouvement dit des « sans-papiers », mais aussi à travers diverses mobilisations autour notamment de la « double peine » (Fassin et al 1997, Siméant 1998). La seconde conséquence, quelque peu paradoxale, a été la stabilisation des travailleurs migrants avec leurs familles, soit dans le cadre des procédures de regroupement familial qui ont été dans un premier temps facilitées, soit par la constitution d’unions en France souvent avec des Français. Dans un contexte de difficultés économiques et de montée du chômage, leur installation s’est produite pour l’essentiel dans les segments inférieurs de la hiérarchie sociale, ce qui s’est souvent traduit, d’un point de vue résidentiel, par une translation depuis les foyers de travailleurs regroupant des immigrés isolés vers les quartiers de relégation des périphéries urbaines les rassemblant en famille. Cette réalité nouvelle s’est manifestée, au cours des deux dernières décennies, par la stigmatisation des jeunes souvent désignés comme « de la seconde génération » et, plus récemment, par la reconnaissance de l’existence, jusqu’alors occultée, de phénomènes de « discrimination raciale » qui concernent pour l’essentiel des Français nés en France que l’on distingue, sur le marché de l’emploi et du logement notamment, en raison de leur couleur de peau, de leur patronyme, de leur religion (De Rudder et al 2000, Beaud et Pialoux 2003). Ce sont ainsi deux types de frontières qui se dessinent : les unes délimitent le territoire national, de plus en plus étendu à l’espace européen ; les autres instituent des différences au sein même de la société nationale, en fonction d’une référence plus ou moins explicite à des origines étrangères.
En dépit de ce déplacement sociologique, la double réalité de ces frontières (qu’il ne s’agit évidemment pas de réifier en les nommant, mais bien de considérer comme problématiques) continue d’être pensée dans les termes traditionnels de ce qui a été constitué depuis bien longtemps comme problème public en termes de « question immigrée ». On peut en donner deux indices, parmi bien d’autres. D’abord, s’agissant des frontières extérieures, le « droit d’asile », régi par la Convention de Genève de 1951, s’est vu de plus en plus assimilé à un enjeu d’immigration plutôt que de droit et soumis aux logiques qui la régulent, ce qu’affirment de manière de plus en plus forte les traités européens, de Dublin à Tampere : aujourd’hui, l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides est devenu un instrument essentiel de la politique nationale en matière de gestion des flux migratoires (le taux de reconnaissance de la qualité de réfugié est passé de 95 % à 12 % en vingt ans) ; dans ces conditions, l’immense majorité des demandeurs d’asile se trouvent condamnés à l’irrégularité et viennent grossir les rangs des sans-papiers. Ensuite, s’agissant des frontières intérieures, le programme affiché par l’Etat comme par les collectivités locales à l’égard des populations françaises que l’on considère comme d’origine immigrée prétend promouvoir une « intégration », souvent énoncée plus radicalement en termes d’« assimilation », ce qui indique une représentation de la communauté nationale avec différents niveaux d’appartenance (certains ayant plus que d’autres à faire leurs preuves, en raison d’une origine qui leur est sans cesse rappelée) ; la cristallisation du débat public autour de faits religieux ou culturels, lors des discussions sur le voile ou autour de la polygamie, aboutit à la fois à constituer les différences uniquement comme problèmes et à éluder du même coup les inégalités économiques et sociales. Que le droit à l’asile soit rabattu sur le contrôle des flux migratoires et que la référence à l’origine immigrée des personnes soit donnée comme ligne de partage de la collectivité nationale indique bien la difficulté que la société française a aujourd’hui à penser les questions auxquelles elle se trouve confrontée et les frontières qui la délimitent. C’est cette recomposition de la problématique transnationale et nationale qui est l’objet de notre proposition.
Bien entendu, les enjeux autour de la souveraineté et de la citoyenneté, de la communauté politique et de la différenciation sociale, de la stigmatisation des étrangers et des politiques d’intégration (Schnapper 1991) s’inscrivent dans une histoire plus longue : ainsi, la subordination du droit d’asile à des logiques économiques est déjà présente dans les années 1950, même si les besoins de main d’œuvre la rendent moins visibles, et le développement de discriminations à l’égard de certains groupes distingués, au sein de la collectivité nationale, en fonction d’une altérité supposée est déjà à l’œuvre dans les années 1930 (Noiriel 1991). L’histoire est attentive à ces continuités. Mais elle l’est aussi aux ruptures comme celles qu’a produites la période contemporaine. Les tensions entre les dynamiques transnationales, au niveau européen et mondial, et le raidissement national, parfois traduit en termes culturels, entre construction d’une communauté politique et soupçon de pratiques communautaristes, entre relectures du passé colonial et réappropriation de mémoires post-coloniales dessinent une configuration nouvelle qu’il nous faut appréhender en tant que telle plutôt qu’avec les instruments conceptuels et méthodologiques qui ont servi pour penser la situation antérieure. Le monde social nous y invite du reste. Au cours de la dernière décennie, ces questions n’ont cessé d’être présentes dans l’espace public, à travers les mobilisations sociales (des mouvements pour les sans-papiers aux luttes contre les discriminations raciales, de la dénonciation du déni des réalités coloniales à l’action en faveur d’une reconnaissance de l’héritage de l’esclavage) et à travers des faits sociaux (violences urbaines et actes racistes, viols collectifs et mariages forcés, etc.) dont la restitution journalistique procède souvent par essentialisation des différences. C’est dire qu’il y a pour nous une certaine urgence à rendre compte, par une enquête de sciences sociales, de ces transformations.
Pour l’essentiel, les deux volets de cette recherche – frontières extérieures et intérieures – appartiennent à deux corpus distincts des sciences sociales : l’un concerne l’immigration (Sayad 1999), les réfugiés (Agier 2002), mais aussi la globalisation (Sassen 2000) et le transnationalisme (Kearney 1995) ; l’autre porte sur les discriminations (Fassin 2002), l’ethnicisation (Poutignat et Streiff-Feinart 1995), le racisme (Wieviorka 1992), mais également la citoyenneté (Rose 1999) et la nation (Anderson 2000). Les examiner ensemble est inhabituel, même si certains d’entre nous s’y sont efforcés au cours des dernières années. Nous croyons que cette démarche est aujourd’hui nécessaire. A cela plusieurs raisons. Les unes sont empiriques. Ce sont souvent les mêmes acteurs et les mêmes formes de pouvoir qui sont impliqués autour des deux questions, aussi bien du côté du contrôle et de la répression (police, justice) que du côté des mobilisations sociales (associations, intellectuels) et des personnes concernées (immigrés et leurs enfants). De plus, le débat public et les politiques publiques ne cessent de les mêler : les discussions sur la construction européenne sont ainsi posées dans des termes d’identité culturelle et religieuse qui renvoient à des distinctions opérées au sein même de chacune des collectivités nationales, cependant que l’activité médiatique et politique autour de l’insécurité se déplace sans cesse des menaces extérieures aux classes dangereuses. Les autres raisons sont théoriques : les évolutions à l’œuvre sur les deux frontières traduisent des transformations profondes des contours des espaces nationaux, des formes d’identification sociale, de la reconnaissance et du traitement de l’inégalité et de l’altérité ; les politiques et les pratiques à l’égard des étrangers, des immigrés et peut-être plus encore de celles et ceux que l’on continue de se représenter ainsi quand bien même ils sont Français nés en France donnent ainsi à lire avec une particulière acuité la société française contemporaine.
L’objectif général de la présente proposition de recherche consiste donc à élaborer les instruments pour penser cette nouvelle configuration sociale et nationale à partir de l’exploration de cette double frontière et à les mettre en œuvre dans des enquêtes historiques, sociologiques et ethnographiques. Plus précisément, trois axes seront étudiés :
L’étude de ces trois axes procèdera, d’une part, d’une réflexion théorique conduite collectivement de façon à la fois pluridisciplinaire et trans-thématique, et d’autre part, d’une investigation empirique sur des terrains divers mais nourris de préoccupations analytiques convergentes. Ce programme est à l’évidence vaste, mais la suite de sa description en délimitera plus précisément les objets et les contours.
De l’amplitude de notre projet, il résulte qu’il s’inscrit dans une importante littérature internationale de sciences sociales à laquelle il est difficile de se référer en détail ici. Nous discuterons en particulier, au regard de notre propre problématique, les travaux portant sur l’immigration et les discriminations, sur les réfugiés et le transnational, sur l’histoire coloniale et l’anthropologie postcoloniale, sur la construction et l’articulation des catégories de « race », de classe, de genre et de nation. Ces travaux se réfèrent à un contexte et se fondent sur des prémisses qui diffèrent de ceux de la société française. Ils seront donc abordés de façon critique. Cependant, leur apport aux questions que nous traitons ne peut qu’en enrichir la problématique et en élargir la perspective, notamment si l’on considère les débats de la sociologie britannique (Back et Solomos 2000) depuis deux décennies.
Ce projet scientifique prend sens pour nous également au regard de sa contribution au débat sur ces questions. Nous considérons que les travaux des chercheurs ont, à côté d’autres modes d’appréhension par les journalistes, les associations ou les politiques, leur place dans l’espace public. Notre objectif est donc de fournir, au-delà des cercles scientifiques, des éléments de connaissance et des outils d’analyse issus de la recherche.
Présentation de la recherche
Les travaux portant sur la société française relèvent souvent de deux perspectives presque symétriques. Les uns insistent sur la construction nationale et le modèle républicain, à la fois pour en saisir la genèse et pour en décliner les enjeux actuels. Ils privilégient une lecture unificatrice de l’identité de la France, notamment à partir d’une approche de ses « lieux de mémoire », dont on sait qu’elle a fait très peu de place à l’histoire coloniale et à la question de l’immigration (Nora 1984). Les autres s’intéressent à l’inverse aux formes de différenciation et d’inégalité qui la traversent et la divisent. Leur lecture a utilisé les classes sociales et désormais essentiellement les catégories professionnelles, mais on sait que, ce faisant, elle s’est privée d’une compréhension de la manière dont ces disparités socio-économiques s’articulaient avec les origines immigrées et même avec ce qu’on appelle parfois la « ligne de couleur » (Castel 1993). Dans l’un et l’autre cas, la société française était supposée définie du dedans, c’est-à-dire principalement par rapport à elle-même.
Nous pensons qu’il est possible de la saisir selon un autre paradigme, par ses frontières qui sont aussi souvent ses marges. Il s’agit là d’un déplacement épistémologique qui consiste à affirmer qu’un objet peut être saisi par ce qui le délimite et, plus encore, le met en tension. La société française n’est pas abordée ici dans la reconstitution de l’essence de ses valeurs ni même dans la seule objectivation de ses déterminations socio-économiques, mais comme le produit d’une construction historique sans cesse réactualisée dans laquelle sont en jeu la définition de qui est admis à en faire partie et avec quel statut. Dans cette perspective, frontières extérieures et frontières intérieures se répondent : ainsi, le recul du droit d’asile contribue à la précarisation des prétendants au statut de réfugié et à la production d’étrangers en situation irrégulière, ce qui influe sur la représentation que l’on se fait de la légitimité de la présence des immigrés et plus largement de celles et ceux que l’on continue de considérer comme n’appartenant pas tout à fait à la communauté nationale (par exemple, des jeunes que l’on dit « Maghrébins » alors qu’ils sont Français). La rhétorique politique reprend du reste fréquemment cette mise en abyme des deux frontières, en particulier lorsqu’elle utilise le langage de l’« intégration » pour signifier que certaines catégories de la population ont encore des efforts à faire afin d’avoir pleinement leur place dans la société française (ce qui suppose alors, paradoxalement, de faire exister des différences au sein de la collectivité nationale que l’on veut unifier). Ce paradigme des frontières nous semble particulièrement heuristique pour saisir la société française à la fois dans le mouvement historique par lequel elle se constitue à travers les évolutions de son contrat social et dans le contexte international où se redéfinissent aujourd’hui, à l’échelle européenne et mondiale, les limites et les contenus des Etats nations. A cet égard, nous serons attentifs à mettre en relation ce qui relève de la production par les agents sociaux (par exemple, dans les formes de discrimination sur le marché de l’emploi) et ce qui relève de l’action de l’Etat (qui peut à la fois les renforcer et les combattre). De même, nous éviterons toute substantialisation des frontières, en montrant comment les différences construites sur des différences d’origine ou de couleur sont en étroite interaction avec des logiques historiques (coloniales et post-coloniales) et des processus sociaux (dans le travail, le logement et plus largement l’allocation des ressources matérielles et symboliques).
Le cadre d’interprétation sur lequel nous bâtissons cette recherche est bien sûr en cours d’élaboration, puisqu’il a été conçu spécifiquement pour la présente proposition, et notre projet a précisément pour ambition de l’approfondir et de l’affiner, de le mettre à l’épreuve d’un travail théorique et de recherches empiriques, enfin de l’évaluer au regard d’approches développées dans d’autres pays. Le pari de réunir des chercheurs venant d’horizons différents autour de la présente proposition suppose que l’élaboration de la problématique commune soit incluse dans le processus de recherche et non donnée a priori. La confrontation des approches et des lectures permettant de dépasser la formulation classique de la « question immigrée » et de penser les logiques communes à la construction de frontières internes et externes est partie intégrante de notre projet, de même que la production d’un état des lieux critique sur certains des objets de la recherche, tels que la discrimination qui a donné lieu à une volumineuse littérature provenant d’expertises mais qui est encore peu analysé. Cette élaboration sera cependant conduite en relation avec un travail d’enquête qui permettra de soumettre à une épreuve empirique les réflexions théoriques que nous conduirons parallèlement. Nous accordons à ce double travail d’enquête historiographique et ethnographique une importance particulière.
Le programme ainsi défini se structure autour de trois axes.
1. Espace public et politiques publiques
En suivant Michel Foucault (1994) et la discussion qu’en propose Paul Rabinow (1996), on peut parler de problématisation d’une question pour désigner la manière dont la société s’en empare, la construit, la relie à d’autres questions, lui propose des éléments de réponse. Ainsi, au cours de la période récente, des faits sociaux qui étaient jusqu’alors occultés (voire interprétés en reportant sur les victimes la responsabilité des faits) ou abordés dans d’autres registres (socioéconomique, par exemple) ont été formulées en termes de discrimination (qualifiée de raciale ou selon l’origine). Cette reformulation a conduit à des transformations de la législation et de la jurisprudence, des dispositifs et des politiques, des discours et des pratiques des acteurs, plus largement du regard que l’on porte sur le monde social. Etre attentif à cette construction conduit à considérer la manière de poser le problème et d’y répondre comme n’allant pas de soi, à montrer le travail social des acteurs et des arguments qu’ils mobilisent, à prendre les politiques au plus près de leur signification. D’une manière générale, nous chercherons à mettre en relation et même en tension, la manière dont les problèmes sont construits dans l’espace public et la façon dont l’objectivation scientifique permet de les appréhender. Ainsi, le lien entre le passé colonial et sa présence dans les mobilisations et les débats récents sera mis à l’épreuve des travaux historiographiques, mais aussi analysé pour ce qu’il signifie des réalités sociologiques contemporaines. Cet axe sera ainsi exploré autour de trois objets :
1.1. Les notions à l’œuvre
Pour saisir ce que l’on pourrait appeler une politique des frontières, il est important d’examiner le vocabulaire qui l’énonce dans le discours public comme dans le langage privé. Des termes comme « assimilation » et « intégration », « nationalité » et « citoyenneté », « discrimination » et « xénophobie » font partie du sens commun et, à ce titre, nous semblent aller de soi. Nous en étudierons les significations, les usages et les évolutions. Un détour historique, plus précisément par l’histoire coloniale, sera entrepris. La notion d’assimilation sera explorée en différenciant la manière dont elle est utilisée au XVIIIe et au XIXe siècles et en s’attachant au glissement d’une acception juridique vers un sens culturel. Rarement énoncée explicitement aujourd’hui, elle continue de nourrir la réflexion sur l’intégration et la pratique de la naturalisation. Emmanuelle Saada conduira ce travail en collaboration avec des chercheurs du laboratoire Etude du fait colonial, en cours de constitution, et en lien avec Laure Blévis qui traitera plus particulièrement de ces questions dans le contexte de l’Algérie coloniale. Cette approche sera mise en relation avec les enquêtes de François Mazure et de Sarah Mazouz sur les naturalisations et d’Olivier Noël et Pap Ndiaye sur les discriminations pour la période contemporaine.
Les affects hostiles à l’égard des autres relèvent de la xénophobie sur les frontières extérieures et du racisme sur les frontières intérieures, mais les phénomènes qui les sous-tendent sont étroitement liés. Laurent Dornel, dans le prolongement de sa thèse de doctorat, montrera les continuités et discontinuités de la xénophobie depuis le début de la IIIe République et, avec Gérard Noiriel et Sylvain Laurens, montrera comment le discours public sur l’intégration se nourrit souvent de présupposés peu différents. Alexandre Mamarbachi examinera la manière dont l’invocation de la question palestinienne comme source de repli communautaire dans la société française procède d’une logique de stigmatisation des jeunes d’origine arabe. Annie Collovald critiquera, sur la base d’enquêtes sur des élections et d’entretiens avec des électeurs les analyses qui lient presque mécaniquement milieux populaires et sentiments xénophobes ou racistes. Il s’agira ainsi de dépasser les évidences et les distinctions de sens commun sur toutes ces notions.
1.2. Les politiques dans les faits
Le discours politique, mais également toute une série de dispositifs, se sont déployés au cours des dernières années pour « améliorer les pratiques autour de l’asile » et « lutter contre les discriminations ». Il nous semble essentiel d’examiner ce que sont ces discours et ces dispositifs et leur traduction dans les réalités auxquelles ils prétendent s’attaquer.
De l’asile, Gérard Noiriel a reconstitué l’histoire. Il s’agit aujourd’hui, à la lumière de cette évolution, de comprendre comment s’organisent les politiques de l’accueil et de la reconnaissance. Jérôme Valluy examinera plus particulièrement une dimension jusqu’alors très peu décrite : les femmes en tant qu’elles sont victimes de formes de persécutions spécifiques, mais rarement prises en compte dans le droit de l’asile. Carolina Kobelinsky s’intéressera aux centres d’accueil pour demandeurs d’asile dans la région parisienne. Jane Freedman conduira elle aussi des enquêtes sur l’accueil, mais en se concentrant sur les femmes et en comparant les politiques française et britannique. Estelle d’Halluin poursuivra avec Didier Fassin une étude sur la question de l’administration de la preuve dans les demandes d’asile, dans un contexte de suspicion croissante, en évaluant notamment la place qu’y occupent les certificats médicaux pour attestation de tortures et de violences.
Autour des discriminations, l’enquête empruntera quatre voies complémentaires. Gérard Noiriel explorera l’histoire de cette question et de son traitement depuis le début de la IIIe République. Alexandre Tande traitera des politiques européennes et plus particulièrement de l’articulation des administrations nationale et communautaire dans ce domaine. Olivier Noël s’attachera aux particularités et à la mise en visibilité de la discrimination dans le contexte français et aux modalités spécifiques imaginées pour les combattre dans le cadre du référentiel ainsi défini. Didier Fassin et Sarah Mazouz élargiront leur enquête sur les politiques locales de l’Etat et des villes en matière de lutte contre les discriminations à un second site en Ile-de-France. D’une manière générale, il s’agira, dans ces quatre ensembles, d’appréhender à la fois le déploiement spectaculaire d’une rhétorique et d’une action publiques et les réalités sommes toutes modestes et ambiguës des réalisations.
1.3. Les mobilisations sociales
Dans le cadre de ce qu’on qualifie souvent de « nouveaux mouvements sociaux », les mobilisations autour des questions des étrangers et des immigrés, de l’asile et des sans-papiers, mais aussi de la discrimination raciale et du déni colonial, ont été parmi les plus importantes. Nous étudierons deux d’entre elles.
Autour de l’asile, Lilian Mathieu, dans le prolongement de ses travaux antérieurs sur la prostitution et sur la double peine, analysera, avec Jérôme Valluy et Jane Freedman, les mobilisations autour des persécutions concernant spécifiquement les femmes. Leur approche sera enrichie du travail de Milena Jaksic sur le travail des associations auprès des femmes immigrées de l’est de l’Europe dans le cadre de réseaux de prostitution et prolongée par l’enquête de Pierre Monforte sur la dimension européenne des luttes associatives pour le droit d’asile sur la base d’une vingtaine d’associations françaises et allemandes.
Autour des discriminations, Olivier Noël examinera les mobilisations autour de l’accès au droit et les problèmes spécifiques posés par le passage d’une défense de la cause des étrangers et des immigrés à une défense de la cause de nationaux victimes d’un traitement social différent et défavorable en raison de leur origine. Abdelhallih Hajjat enquêtera sur la constitution de mouvements de travailleurs immigrés et de leur action dans ce domaine.
Autour enfin de l’invocation du passé colonial, de la traite négrière et de l’esclavage dans les luttes sociales contemporaines, Eric Fassin s’intéressera aux individus et aux groupes qui se sont constitués comme porte-voix de ces causes nouvelles et porte-parole des populations concernées, dans une tension entre autonomie scientifique et engagement intellectuel. Pap Ndiaye abordera plus particulièrement la question de la traite et de l’esclavage dans la mémoire de leurs descendants français. Laure Blévis examinera les correspondances entre l’histoire coloniale algérienne et sa mobilisation mémorielle par les associations.
2. Institutions et acteurs
Comme l’ont montré Mary Douglas (1986), et plus récemment Michael Herzfeld (1992), c’est à travers les institutions que se font concrètement les choix politiques et moraux des sociétés. Depuis plus d’un demi-siècle, la gestion des flux migratoires et des populations immigrée ou d’origine immigrée a été élaborée au sein de plusieurs ministères (Intérieur, Travail, Affaires sociales, Coopération, etc.), mise en œuvre par des agents d’administrations déconcentrées (préfectures, bureaux de main d’œuvre, etc.) mais elle tend à se déplacer vers des sites en marge de l’espace national (zones d’attente, centres de rétention, camps de transit voire d’internement, etc.). S’y ajoutent des dispositifs, administratifs ou associatifs, qui, sans être spécifiques, sont censés administrer des personnes, des territoires et des situations dans des contextes de discrimination raciale et d’assignation identitaire (missions locales et agences pour l’emploi, police de proximité et maisons de la justice, structures de santé mentale, associations gérant des centres d’accueil, etc.). Sans prétendre dégager une logique unique de ces institutions et du travail qu’y font les acteurs, il nous semble important, par une observation fine, d’en saisir les présupposés communs, les contradictions et les difficultés, de comprendre les justifications qu’elles mettent en œuvre et les évolutions qui les caractérisent, par exemple lorsque l’Ofpra passe d’une logique d’accueil à une logique de sélection ou quand les intermédiaires sur le marché du travail découvrent qu’ils doivent faire avec des pratiques discriminatoires des employeurs tout en étant censés agir contre les discriminations à l’encontre des demandeurs d’emploi. Nous étudierons quatre objets :
2.1. Les institutions et les associations
Nous nous intéressons à deux institutions qui jouent un rôle essentiel sur la question des frontières. D’une part, l’Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides, auquel il faut ajouter la Commission des recours, constitue le dispositif de sélection des demandeurs d’asile. Jérôme Valluy s’intéressera dans ce cadre à la constitution d’une catégorie de « faux demandeurs » et Carole Bitoun aux déboutés du droit d’asile depuis les débuts de cette institution. D’autre part, la Sonacotra est chargée depuis un demi-siècle de mettre en œuvre les politiques de logement des immigrés. Marc Bernardot analysera ses adaptations récentes à la nouvelle configuration de l’immigration et notamment son implication croissante et massive dans l’accueil des demandeurs d’asile. Parallèlement, nous traiterons de la place des associations, entre expertise et militantisme, entre professionnalisation et bénévolat, auprès des institutions nationales et internationales. Michel Agier étudie ainsi le travail humanitaire des organisations non gouvernementales mais aussi intergouvernementales, et plus particulièrement le Haut Commissariat aux Réfugiés dont il étudiera les pratiques notamment dans la Commission des recours.
2.2. Les lieux d’exception
Les flux migratoires et les populations réputées dangereuses sont depuis longtemps gérés dans des espaces aux marges du territoire national. Marc Bernardot élargira son enquête actuelle sur les camps d’internement pour les Algériens en traitant des formes d’habitat contraint pour les étrangers : casernement des travailleurs coloniaux pendant la première guerre mondiale et villages de travail pour les travailleurs immigrés dans les années 70, permettant ainsi une analyse de ces espaces dans le long terme. Pour la période contemporaine, Chowra Makaremi étudiera les zones d’attente aéroportuaires où sont retenus les étrangers non admis sur le territoire national et Nicolas Fischer s’intéressera aux centres de rétention où sont enfermés les étrangers avant leur reconduite à la frontière. Dans les deux cas, il s’agit d’enquêtes déjà commencées, dont il est donc possible d’affirmer la faisabilité malgré les difficultés particulières à ces terrains.
2.3. Les acteurs en situation
Les politiques existent à travers les acteurs qui les décident et qui les appliquent. Le travail conduit par Sylvain Lourens sur les hauts fonctionnaires en charge des politiques de l’immigration depuis 1970 sera repris avec Gérard Noiriel à la lumière des questions contemporaines. Pour l’essentiel, notre approche s’intéressera toutefois aux pratiques des acteurs locaux. On peut les distinguer en deux catégories.
Les uns sont chargés de faire respecter la loi et d’organiser la répression. Didier Fassin poursuivra et étendra à un second site l’enquête qu’il a engagée sur la police dite de proximité et ses interventions dans les quartiers réputés sensibles de la région parisienne et, autour de cas de violences policières, sur le travail de la justice. Il s’agit d’appréhender les logiques sociales qui sous-tendent l’expérience la plus ordinaire qu’ont de la disqualification et des discriminations les jeunes de milieux populaires, pour la plupart issus de l’immigration. Les autres sont des médiateurs qui, notamment en matière d’emploi, essaient de faire avec le double lien dans lequel ils se trouvent pris, devant à la fois lutter contre les discriminations et faire avec les pratiques discriminatoires des employeurs. Alexis Spire et Emmanuel Pierru débuteront une enquête sur les agences pour l’emploi en étudiant les pratiques de placement et d’indemnisation des chômeurs et en analysant la manière dont sont plus spécifiquement traitées les discriminations. Cette enquête vise à comprendre le pouvoir discrétionnaire de l’Etat dans la production des inégalités de traitement.
2.4. Le travail de la santé mentale
Au cours des deux dernières décennies, le champ de la santé mentale s’est focalisé et spécialisé sur les questions de l’altérité et de l’immigration, d’une part, autour du traitement de la maladie, avec l’opposition entre l’approche culturaliste de l’ethnopsychiatrie et l’approche universaliste de la clinique de l’exil, et d’autre part, autour du traitement du traumatisme, avec le développement de spécialistes des victimes de torture et de persécutions. Ce double registre suit pour partie les évolutions des flux migratoires et le passage de l’immigré au demandeur d’asile. Ce mouvement de constitution d’un espace professionnel psychiatrique et surtout psychologique autour des étrangers sera étudié en ce qu’il est traversé de nombre de débats autour de l’après de la « question immigrée ». Richard Rechtman travaillera d’une part avec Franck Enjolras sur l’analyse de la psychiatrie dite transculturelle et d’autre part avec Lise Gaignard sur la prise en charge psychologique des demandeurs d’asile. Céline Auguste débutera une enquête sur les institutions psychiatriques intervenant auprès des adolescents. Isabelle Coutant analysera les usages de la psychologie dans la gestion des jeunes en difficulté.
3. Expériences des personnes
Dans le prolongement de propositions faites par Michel de Certeau (1980), nous considérons qu’il faut appréhender les expériences qu’ont des politiques et des institutions celles et ceux qui en sont les destinataires et, à la manière dont l’a montré Ian Hacking (1999), les effets en retour que ces politiques ont sur les individus. La plupart des travaux qui portent sur l’immigration, l’asile, les discriminations s’attachent en effet à étudier principalement ou exclusivement les logiques et les mécanismes d’exercice du pouvoir et de l’autorité. Cette lecture par le haut conduit à éluder la manière dont les personnes vivent leurs relations avec les politiques et les institutions, dont elles en subissent les effets ou en contournent les procédures, dont elles souffrent de leurs violences ou les retournent dans leurs luttes. Elle tend ainsi à les réduire à la place de victimes et ainsi à redoubler les effets de domination et de disqualification. Il nous paraît au contraire essentiel de traiter les personnes à la fois comme des sujets politiques (ce qui revient à prendre au sérieux leur parole) et des agents sociaux (au sens anglais d’agency). La pertinence de cette perspective tient notamment à ce qu’elle évite les analyses en surplomb des réalités vécues, qu’elle en déplace les évidences et qu’elle en révèle les complexités, voire les ambiguïtés, par exemple lorsque les assignations identitaires sont réappropriées par les acteurs. Trois catégories seront plus particulièrement étudiées :
3.1. Les demandeurs d’asile
Les monographies conduites dans les centres d’accueil par Carolina Kobelinsky et dans les associations par Estelle d’Halluin permettent d’analyser les conditions concrètes de l’attente du statut de réfugié, les rapports avec les institutions, les tactiques déployées pour accroître les chances d’un résultat positif de la demande. Les enquêtes menées par Jane Freedman, par Lilian Mathieu et par Milena Jaksic abordent plus particulièrement l’expérience des femmes et les éléments spécifiques qui les condamnent à la précarité économique, à la domination masculine et à la répression policière.
3.2. Les jeunes des quartiers dits en difficulté
Les quartiers populaires des villes font l’objet d’un double phénomène de concentration et de stigmatisation de populations défavorisées d’origine immigrée. Les adolescents et les jeunes de ces quartiers ont souvent l’expérience de l’échec scolaire et des discriminations dans l’accès à l’apprentissage puis à l’emploi. Des monographies sur quatre sites urbains en région parisienne seront conduites par Stéphane Beaud, Didier Fassin, Karima Guenfoud et Ivan Merino Hortal. Elles permettront à la fois de montrer la diversité des parcours et des perspectives individuels, au-delà des expériences défavorables partagées, et de resituer les discriminations raciales et les assignations identitaires dans le réseau complexe de leur production sociale. Il s’agirait ainsi, du reste en ne se focalisant pas nécessairement sur les quartiers les plus stigmatisés, de reconsidérer l’apparente homogénéité de ces lieux et de leurs habitants.
3.3. Les élites politiques, intellectuelles et médiatiques
S’il est habituel d’associer discriminations raciales et inégalités économiques, les secondes servant souvent à expliquer les premières, il est intéressant d’étudier des situations où les secondes sont a priori absentes et où les premières, lorsqu’elles existent, n’en sont que plus manifestes. Pap Ndiaye, dans une approche historique, et Eric Fassin, par un travail sociologique, étudieront ce qu’on appelle parfois les « minorités visibles ». Jean-Philippe Dedieu prolongera sa recherche sur les élites africaines immigrées. Il s’agira pour tous les trois d’appréhender les positions et les mobilités sociales, mais aussi les expériences de la discrimination et parfois aussi de la discrimination positive.
Malgré le caractère à l’évidence très vaste de notre programme, ses conditions de réalisation sont assurées dans la mesure où il s’agit d’enquêtes dont une partie est engagée et sera élargie ou approfondie et une autre partie prolonge et renouvelle à la fois des sujets auxquels nous nous intéressons depuis plusieurs années. Le véritable changement est pour nous de mettre en commun nos travaux et nos analyses afin de construire collectivement une perspective nouvelle de recherche sur nos objets.
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Une première phase du programme se déroulera d’octobre 2005 à juin 2006. Elle donnera lieu à des journées mensuelles d’étude permettant la confrontation des approches autour des thèmes de la recherche. Il s’agit, d’une part, de faire un état des lieux critique sur les différents domaines considérés à partir de la littérature, notamment grise, et d’autre part, de mettre en commun nos enquêtes et nos instruments. Elle permettra l’approfondissement de la problématique énoncée plus haut. Elle débouchera sur la construction d’un site internet permettant l’accès à la documentation réunie.
Une seconde phase se poursuivra de juillet 2006 à septembre 2007. Elle donnera lieu à une intensification du travail de recherche empirique qui fera l’objet de présentations et de discussions dans le cadre de séminaires. Les textes sous leur forme provisoire seront mis en ligne sur le site afin de nourrir un débat plus large.
Une troisième phase aura lieu entre octobre 2007 et septembre 2008. Tout en continuant les recherches et en y impliquant d’autres jeunes chercheurs et doctorants, nous élargirons notre approche en construisant un réseau international à partir notamment des liens déjà établis par chacun d’entre nous. Une publication en français et en anglais ainsi qu’un colloque concluront cette dernière phase à la rentrée 2008.
Les chercheurs et doctorants impliqués dans cette recherche appartiennent à des disciplines et des institutions différentes. Histoire, sociologie, anthropologie, démographie, science politique et psychanalyse sont mobilisés et plusieurs laboratoires participent à notre programme. L’ambition de la proposition est donc de conduire un travail collectif dans un cadre programmatique conçu spécifiquement pour répondre aux objectifs énoncés plus haut (il ne s’agit pas d’un groupement scientifique préexistant). Loin d’être un obstacle au développement de notre projet, les différences d’approche et d’analyse entre les membres de l’équipe, qu’elles soient de nature épistémologique ou théorique, nous semblent avoir une portée heuristique, dans la mesure où elles devraient favoriser l’émergence de nouvelles lectures de nos objets respectifs et de nouvelles orientations de recherche.
La faisabilité pratique de ce programme qui rassemble des chercheurs d’horizons disciplinaires et institutionnels nous semble assurée par des expériences antérieures de collaboration et d’échanges. En particulier, deux recherches ont précédé la présente proposition. L’une (« Asiles », coordonné par Michel Agier, Didier Fassin et Jérôme Valluy, en collaboration notamment avec Marc Bernardot, Lilian Mathieu et Richard Rechtman) portant sur les réfugiés, déplacés, clandestins, est financée par le ministère de la Recherche. L’autre (« Discriminations », animé notamment par Stéphane Beaud, Didier Fassin, Lise Gaignard et Olivier Noël) portant sur la production des discriminations raciales et sur les réponses qui lui sont apportées, est soutenu par la MiRe/DREES. Ces deux programmes impliquent des doctorants et des post-doctorants. Le projet actuel est de plus nourri de deux autres dynamiques : l’une, autour d’un cycle de conférences organisé par Didier et Eric Fassin, sur le thème « De la question sociale à la question raciale ? », s’efforce d’élaborer collectivement une problématique de ces nouveaux enjeux, en suivant notamment une approche internationale ; l’autre, à partir d’une réflexion conduite parallèlement par Pap Ndiaye, Gérard Noiriel, Emmanuelle Saada, Laure Blévis et Alexis Spire, qui éclaire les débats actuels à partir d’un regard socio-historique sur la construction nationale, le passé colonial et les politiques en matière d’asile, d’immigration et de discrimination.
Le programme ici proposé n’est pas un simple prolongement des enquêtes déjà engagées séparément. Il permettra l’enrichissement mutuel des travaux en cours et l’élaboration de nouvelles lignes de recherche collectivement définies. De plus, nous le concevons comme participant activement d’une activité de formation d’étudiants en master et surtout en doctorat en sciences sociales qui seront étroitement intégrés dans le projet.
L’ambition de ce programme, qui réunit des chercheurs issus d’une dizaine de laboratoires, est d’abord de proposer une grille de lecture renouvelée de la société française à partir de ses frontières et de leur reconfiguration, en s’appuyant sur une double mise à l’épreuve théorique et empirique qui a été longuement développée ici.
Au-delà, il s’agit pour nous de développer des instruments d’analyse et de méthode ayant une validité plus large pour saisir les transformations des sociétés contemporaines, entre le national et le transnational, histoire coloniale et mémoire post-coloniale, assignations communautaires et revendications identitaires, autrement dit de pouvoir entrer dans un dialogue critique avec d’autres approches au niveau international.
Dans une perspective plus concrète, nous souhaitons utiliser ce programme comme un dispositif d’animation de la recherche et de formation doctorale sur ces thèmes. L’association d’étudiants en thèse et peut-être ultérieurement en master tout comme la présence de post-doctorants participent de ce mouvement. Nous nous appuierons du reste pour ce faire sur notre expérience acquise lors de la mise en place d’un réseau national de doctorants sur le thème Santé et société à la MSH Paris Nord.
Enfin, nous considérons comme important que ce programme nous donne l’occasion de contribuer à la construction de ces questions dans l’espace public sur la base des travaux conduits. La mise en place d’un site internet fait partie de cette démarche. Nous bénéficierons ici de l’expertise du réseau Terra (http://www.reseau-terra.eu).
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