Exils, entre Europe, Méditerranée et Afrique
La dramatisation contemporaine du fait migratoire, le déferlement de passions, notamment nationalistes et xénophobes, et les phantasmes d’envahissement qui submergent les débats publics en Europe et au Maghreb rendent nécessaires la formation de regards critiques, par les sciences sociales notamment, sur les enjeux actuels des migrations entre l’Afrique et l’Europe. Ce contexte impose aussi de mieux organiser la communication entre des points de vues trop souvent ancrés dans leurs raisons culturelles, économiques et sociales de part et d’autre de la méditerranée. Malgré des visions du monde et des priorités parfois éloignées, une réflexion eurafricaine doit permettre de trouver les raisons communes, humanistes et économiques, de faire front ensemble au fléau de la phobie des étrangers.
L’Institut National de Statistique et d’Economie Appliquée (INSEA, Rabat) et le Centre de Recherches Politiques de la Sorbonne (Université Panthéon-Sorbonne, Paris 1),
Avec la participation :
du réseau scientifique TERRA et des réseaux interassociatifs Migreurop et Shabaka,
Et le soutien financier du :
Bureau International du Travail et de la Fondation Friedrich Ebert - Rabat,
...organisent une Université Ouverte d’une semaine sur le thème :
Migrations, liberté de circulation et développement
à l’INSEA, Rabat (Maroc)
du lundi 27 au jeudi 30 mars 2006
Organisateurs : Professeurs M. Lahlou (INSEA) et J. Valluy (Paris 1)
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La dramatisation contemporaine du fait migratoire, pourtant historiquement et géographiquement universel, le déferlement de passions, notamment nationalistes et xénophobes, mais aussi les croyances et les phantasmes d’envahissement qui submergent les débats publics à ce sujet tant en Europe qu’au Maghreb rendent plus que jamais nécessaires l’expression et la formation de regards critiques, par les sciences sociales notamment, sur les enjeux très actuels des migrations entre l’Afrique et l’Europe.
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Ce contexte impose également de mieux organiser la communication entre des points de vue trop souvent ancrés dans leurs raisons culturelles, économiques et sociales de part et d’autre de la mer Méditerranée. Malgré des visions du monde et des priorités parfois éloignées, une réflexion eurafricaine doit permettre de trouver les raisons communes, humanistes et économiques, d’affronter ensemble le fléau de la phobie des étrangers.
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Un premier axe d’analyse concerne la dimension économique des enjeux migratoires. Le regain des politiques et des analyses utilitaristes de la migration, tendant réduire cette dernière à ses seules motivations et aspects économiques, crée le sentiment trompeur d’un consensus de part et d’autre de la Méditerranée alors même que l’utilitarisme ambiant aboutit en fait, au Sud ou au Nord, à des prescriptions divergentes : une telle vision du monde, d’un côté, permet aux acteurs du Sud d’utiliser le fait migratoire comme argument de pression pour revendiquer une aide accrue à un développement sur place ; mais, de l’autre côté, cette même analyse économique justifie des politiques d’ouverture sélective des frontières permettant à l’Europe de « faire son marché » au sud et d’absorber les précieux efforts de formation qui y sont réalisés. Par ailleurs, les lectures utilitaristes de la migration, outrent qu’elles minent l’application, déjà très résiduelle du droit d’asile, fragilisent l’idée même de liberté de circulation des personnes. Cependant, alors que la défense de telles valeurs est essentielle pour de nombreux mouvements agissant en faveur des exilés, des migrants ou plus largement des étrangers, elle peut avoir pour effet involontaire de marginaliser des préoccupations légitimes, y compris pour ces mouvements, relatives au développement économique des pays du Sud. Comment, face à ces contradictions, concilier les deux finalités parallèles, à la fois sur un plan humain et idéologique, de la liberté de circulation et du développement économique ? Quelles articulations s’esquissent entre les acteurs et réseaux centrés sur l’une ou l’autre de ces deux préoccupations ?
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Un deuxième axe d’analyse concerne la question de la compatibilité des références à la liberté de circulation des personnes, d’une part, et au droit d’asile issu de la Convention de Genève sur les Réfugiés (1951), d’autre part, notamment lorsque l’on considère ensemble les situations sociales et politiques du nord de la méditerranée et celles du Sud. Liberté de circulation et droit d’asile peuvent converger dans une même intention de libérer des personnes en réduisant les entraves à la circulation internationale, mais s’opposer aussi fondamentalement lorsque sont évoquées la possibilité, l’utilité et la légitimité d’une sélection des bénéficiaires de l’un ou l’autre de ses principes. Ce débat semble devenu incongru pour les pays de l’Union Européenne, où non seulement les voix en faveur de la liberté de franchir ses frontières communes sont tellement minoritaires qu’elles paraissent inexistantes, mais où, de surcroît, le droit de l’asile s’est transformé en un droit du rejet de la quasi-totalité des demandes de protection et en une politique dite d’externalisation de l’asile tendant à en faire assumer la charge par des pays voisins, notamment ceux du Maghreb. Face à ces évolutions européennes très marquées, les réponses sur le continent africain se cherchent encore, entre la tentation de restreindre le droit d’asile, parfois par mimétisme économiquement contraint ou volonté de rapprochement avec l’Europe et une politique de libre circulation tant par les ressortissants du Maghreb que pour les exilés originaires d’autres pays d’Afrique. Comment concevoir l’émergence d’une communauté de références communes par delà ces contradictions ? Quels acteurs ou réseaux sont-ils porteurs d’une telle émergence, transnationale, à travers la Méditerranée et l’Afrique ?
A partir de cette double problématique interviendront des spécialistes universitaires et associatifs devant une assemblée composée d’étudiants, responsables associatifs, militants syndicalistes, politiques et des droits de l’homme, journalistes, avocats, fonctionnaires ou encore simples citoyens souhaitant s’informer, se former et réfléchir ensemble aux enjeux contemporains de la migration et de l’exil.
Participation gratuite sur inscription préalable adressée aux deux organisateurs : melahlou@hotmail.com et valluy@univ-paris1.fr
Durant quatre jours (lundi 27, mardi 28, mercredi 29, jeudi 3 mars), chaque journée sera organisée autour de quatre interventions d’une heure, chacune suivie de trente minutes de débats entre la salle et l’intervenant.
LUNDI 27 MARS
Mehdi LAHLOU (Univ. INSEA, Rabat), « Les réalités économiques de l’Afrique et la redéfinition en cours des enjeux migratoires face à l’Europe ».
Lucile BARROS (Centre d’accès au droit des étrangers), « Entre immigration rêvée et immigration choisie »
Claire RODIER (Gisti, MIGREUROP), « °De la politique européenne de l’externalisation de l’asile à la logique des camps »
Ali BENSAAD (Univ. Aix-Marseille), « Le Maghreb et l’Afrique subsaharienne sous la pression anti-migratoire de l’Europe »
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MARDI 28 MARS
Jérôme VALLUY (Univ. Paris 1), « Le tournant national-sécuritaire en Europe : de la "spirale du rejet" à l’"Europe des camps" »
Alain MORICE (UNIV. PARIS 7 / CNRS), « L’idéologie utilitariste dans les politiques de l’immigration : historique et formes actuelles ».
Vilaine CARRERE (GISTI), « Liberté de circulation ou droit d’asile : quelle priorité politique ? Les tenants et aboutissants d’un choix politique majeur. ».
Abdelhamid EL JAMRI (Comité des Nations Unions des travailleurs migrants), « La protection des droits des travailleurs migrants dans les pays d’accueil (au nord et au sud) »
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MERCREDI 29 MARS
Abdelkrim BELGUENDOUZ (Univ. Mohammed V), « Les politiques migratoires du Maroc:enjeux intérieurs et enjeux externes ».
Abderrahim EL JAMAÏ (avocat) « La protection des droits de l’homme au Maroc, et de celle des migrants. »
Houria ALAMI MCHICHI (Univ. Hassan II, Casablanca), « De quelques éléments de la politique migratoire marocaine : l’Etat plus rationnel ou plus pragmatique ? ».
Abdelhamid AMINE (AMDH Maroc) « La loi de 2003 et le statut légal des lieux d’enfermement des migrants »
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JEUDI 30 MARS
Lucile DAUMAS (ATTAC-Maroc), « Les évolutions du mouvements altermondialiste face aux enjeux migratoires : immigration et forum sociaux en Afrique »
Michel AGIER (IRD / EHESS), « Les pièges de l’humanitaire et les risques de subordination des ONG et associations aux logiques gouvernementales de type sécuritaire »
Boubker EL KHAMLICHI (Shabaka), « Les obstacles et difficultés rencontrées par les associations marocaines de solidarité avec les exilés dans leurs efforts de mobilisation »
· CLOTURE : M. Lahlou, J. Valluy