L’étude de la protection des données à caractère personnel s’est historiquement constituée comme un champ académique à la croisée du droit(1)(2), de l’informatique(3)(4), dans une moindre mesure de l’économie(5) et plus tardivement de la science politique(6)(7).
Le haut niveau de technicité du droit des données personnelles le rend difficile d’accès, et limite le champ académique(8) lui étant dédié au sein des SHS. Celles-ci développent principalement des projets de recherche connexes au champ des données personnelles. Ainsi, les surveillance studies s’intéressent aux politiques de surveillance(9), lesquelles sont en interaction étroite avec celles de protection des données. Les sciences de l’information et de la communication ont développé et critiqué(10) la notion de trace numérique(11) de manière autonome à celle de donnée à caractère personnel. Enfin, l’Histoire(12), la sociologie(13)(14)(15) ou encore la philosophie(16)(17) se sont intéressées à la vie privée, mais la protection des données est à la fois plus large et plus restreinte que la vie privée, puisqu’elle recouvre aussi des questions liées à la discrimination, au contrôle par la surveillance et au rapport de l’humain au technique, mais ne suffit pas à elle seule à garantir la protection de la vie privée des individus.
Si la problématique des données à caractère personnel est interdisciplinaire, elle est également reliée à de nombreux autres objets étudiés par les SHS.
Deux journées d’étude organisées en janvier 2017(18) aborderont les questions suivantes :
• Qu’est-ce que la collecte et exploitation informatisées des données personnelles d’apprenants change dans la relation d’enseignement ?
• Quelles limites le droit des données personnelles pose aux promesses épistémologiques de la recherche outillée par la collecte et le traitement de données personnelles ?
• Quel est le devenir, tant sur le plan juridique que sur celui des usages, de nos identités numériques après la mort ?
Le relevé de ces quelques thèmes montre la pertinence d’interroger la production, la transformation et l’exploitation des données personnelles dans leur contexte social. De nombreux autres exemples auraient pu être cités, comme la protection des données personnelles des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile, ou encore celle des dispositifs numériques de débat public ou de démocratie directe(19).
Le projet “Données personnelles et société” cherche ainsi à fournir aux chercheurs et chercheuses étudiant les données personnelles dans leur contexte social une plate-forme d’échange et de diffusion de leurs recherches.
Notes :
- Les Conséquences Du Développement de L’informatique Sur Les Libertés Publiques et Sur Les Décisions Administratives, Rapport Annuel 1969-1970 (Paris : Conseil d’Etat).
- Frits Willem Hondius, Emerging data protection in Europe (Amsterdam, Pays-Bas, Pays multiples : Elsevier, 1975).
- TD FRIEDMAN, ‘AUTHORIZATION PROBLEM IN SHARED FILES’, IBM Systems Journal, 9.4 (1970), 258–80.
- Willis H. Ware, ‘Security and Privacy in Computer Systems.’, 1967 http://www.rand.org/pubs/papers/P35... [accessed 23 November 2016].
- Jack Hirshleifer, ‘Privacy : Its Origin, Function, and Future’, Journal of Legal Studies, 9.4 (1980) http://chicagounbound.uchicago.edu/....
- Charles D. Raab, ‘Data Protection in Britain : Governance and Learning’, Governance, 6.1 (1993), 43–66 https://doi.org/10.1111/j.1468-0491...
- Les références listées ci-dessus n’ont bien entendu pas vocation à être exhaustives, ni même représentatives d’un champ riche et complexe ayant commencé à se constituer dans les années 1960, mais sont uniquement données à titre d’exemple de travaux pionniers dans chaque discipline sur la protection des données.
- David Lyon, Surveillance After Snowden (Cambridge, Mass. : Polity Press, 2015).
- Yves Jeanneret, ‘Complexité de La Notion de Trace’, in L’homme-Trace : Perspectives Anthropologiques Des Traces Contemporaines, ed. by Béatrice Galinon-Mélénec (Paris : CNRS-éditions, 2011), pp. 59–86.
- Michel Arnaud, Louise Merzeau and Collectif, Hermès, N° 53 : Traçabilité et réseaux (Paris : CNRS, 2009).
- Philippe Ariès and Georges Duby, Histoire de la vie privée (Paris : Seuil, 1988).
- Dominique Cardon, ‘Le design de la visibilité’, Réseaux, 2009, 93–137.
- Patricia A. Norberg, Daniel R. Home and David A. Home, ‘The Privacy Paradox : Personal Information Disclosure Intentions versus Behaviors’, Journal of Consumer Affairs, 2007, 100–126.
- Alessandro Acquisti and Ralph Gross, ‘Imagined Communities : Awareness, Information Sharing, and Privacy on the Facebook’, Proceedings of the 6th International Conference on Privacy Enhancing Technologies, 2006, 36–58.
- Jürgen Habermas, L’espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Critique de la politique Payot (Paris : Payot, 1988).
- Nancy Fraser, ‘Rethinking the Public Sphere : A Contribution to the Critique of Actually Existing Democracy’, Social Text, 1990, 56–80 https://doi.org/10.2307/466240.
- Journée d’étude du 12 janvier 2017 sur les données personnelles en milieu universitaire : http://www.costech.utc.fr/spip.php?...
- Journée d’étude du 13 janvier 2017 sur les données personnelles post-mortem : http://www.costech.utc.fr/spip.php?...
- Les sites Internet République-numérique.fr et Change.org, les applications Baztille et GOV sont des exemples de tels dispositifs. Les dispositifs de vote électronique, comme le système national de vote électronique en Estonie, peuvent aussi entrer dans cette catégorie.