citation
William ROLLE,
Mylenn ZOBDA-ZEBINA,
"Case départ ou cas colonial, l’exemple du quartier de la Duprey, Martinique ",
REVUE Asylon(s),
N°11, mai 2013
ISBN : 979-10-95908-15-9 9791095908159, Quel colonialisme dans la France d’outre-mer ? ,
url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article1300.html
Mots clefs
Photo1
Cet article vise à revisiter un morne martiniquais avec une grille de lecture d’anthropologie urbaine initiée sur des quartiers comme Canal Alaric à Fort-de-France ou Vieux-Pont au Lamentin , quartiers symptomatiques de la fin de l économie de l’habitation antillaise issues du système colonial, également un moment esclavagiste.
Cette étude s’appuie sur des observations et des entretiens réalisés sur place sur une période quatre mois.
L’article se présente en deux parties : la première est constituée de l’analyse classique, la seconde poursuit cette analyse en proposant une anthropologie visuelle de l’espace, composée de photos et de précisions poursuivant la démonstration de la première, elles peuvent être lues indépendamment. L’intitulé de ce article, éloge de la case départ met en exergue le mode de transmission du patrimoine foncier particulier au quartier de la Duprey que nous résumons ; filiation utérine, endogamie partielle, constitution des nouvelles maisons à proximité de la case ou maison familiale, où ajout à partir de celle-ci. Nous ferons la démonstration de ceci dans la partie dite anthropologie visuelle, approche que nous développons depuis quelques années et que nous avons résumé dans un précédent article [1] : « Rappelons ce prédicat qui sous-tend notre travail : il faut considérer les traces matérielles, les pratiques quotidiennes et les techniques comme des éléments du discours. Lorsque nous écrivons, en personnifiant quelque peu, qu’un quartier à sa mémoire, nous faisons référence autant à la mémoire qui resurgit à travers les entretiens avec les habitants qu’à cette mémoire plus difficile que constitue l’espace bâti. On peut reprendre à ce propos ce qui suit, qui n’est guère éloigné de notre objectif : « Les analyses classiques qui insistent sur les stratégies sociales des classes ou des acteurs sont impuissantes à rendre compte de cette complexité de l’espace local où le conjoncturel rend invisibles les logiques souterraines de construction de l’espace et des rapports sociaux. Le cadre bâti, le peuplement, les équipements, l’environnement, l’histoire du groupe locatif, le type de liaison ou de préoccupation du pouvoir local par rapport à lui, ou leur absence, produisent des contextes locaux qui ont leur problématique et leur complexité propres, lesquelles, cependant, ne peuvent être comprises que restituées dans des contextes plus vastes. La recherche prend donc en compte cette production du local, afin d’en montrer les mécanismes » [2]. »
Le quartier de la Duprey a la particularité d’être un espace hybride, composé donc des mornes, et d’un littoral. Cet ensemble a connu une économie de la canne et de la pêche. : des discours des uns et des autres émergent un mythe fondateur qui relie l’occupation du lieu à sa rétrocession par les békés aux anciens esclaves dès les premières années suivant l’abolition.
Une rétrocession qui fait de la Duprey un ancrage de liberté antérieur à d’autres quartiers du Marin. Cette particularité participe au sentiment actuel de ses occupants d’être différents du reste de la population marinoise : la Duprey qui est située au Marin n’est pas ressenti comme appartenant à cette commune. Autre particularité du lieu, il se situe sur les 50 pas géométriques, ancien domaine public de la période coloniale. Il est l’objet aujourd’hui d’un projet de réhabilitation urbaine.
L’évolution contemporaine de ce quartier questionne les liens qui se jouent entre le politique et la gestion de l’espace, un espace issu et forgé par un modèle politique et économique. Les facteurs qui l’expliquent appartiennent-ils au cadre classique des problématiques urbaines ou au contraire faut-il l’analyser comme la répétition des structures imposants aux hommes un cadre spatial toujours colonial ?
La politique globale de l’espace à travers les institutions de l’Etat français (mairie, agence de 50 pas, DDE entre autres) n’est-elle pas une résurgence d’une pratique coloniale de l’espace, notion qu’il faudra par ailleurs définir ?
Cette esquisse de monographie de la Duprey peut-elle faire état de nouvelles juxtapositions de l’espace que celles dites de la société traditionnelle dans le cadre de la rénovation urbaine en milieu rural ? Autant de questions auxquelles l’enquête de terrain se propose de répondre.
La Martinique, département français d’outre-mer, pour reprendre une qualification administrative, a ce statut depuis 1946. Ensuite les dénominations peuvent prêter à exégèse, mais elles posent déjà la problématique de la transition de l’état colonial de ces « îsles d’Amérique » à celle du statut qui devrait les inclure à la nation française.
On peut aussi remarquer que le statut de ce département peut se décliner également dans divers questionnements ; nous citerons, pour notre propos, la famille et l’espace martiniquais. Le quartier de la Duprey, dans le littoral du sud martiniquais, par son évolution sur une trentaine d’années, permet d’aborder la question de l’évolution d’un espace rural et de son adaptation aux nouvelles normes économiques, sociales, familiales qui apparaissent en Martinique à la fin des années 1950 et qui participent à la départementalisation, pour reprendre l’intitulé de la loi défendue à l’époque par Aimée Césaire [3].
Le quartier de la Duprey [4] évoqué aujourd’hui, est un ensemble de maisons individuelles situé en face de la mer, un peu avant l’entrée de la commune du Marin. Le quartier jouxte la route des plages du Sud, son nom est connu, mais il n’est pas inscrit dans les circuits touristiques.
On peut dire que son positionnement géographique le place comme une sorte d’invisible, dans une redéfinition des espaces martiniquais ; il n’est pas vraiment un morne verdoyant, car on y voit un habitat assez dense, mais se distingue de l’exiguïté d’espace des quartiers périphériques Ouest de Fort-de-France comme la Trénelle ou l’Ermitage, quartiers urbains d’habitation spontané.
Le quartier n’est pas non plus « balnéaire », car l’ensemble de maisons situé en face des cabanes colorées des pêcheurs, au bord de mer, est de facture laborieuse, loin de l’ostentatoire. L’usage de ces couleurs très vives, à l’imitation de celle des couleurs des canots de pêche accentue un discours de « l’authenticité » pour un jeu exotique de direction des touristes, qui n’ont qu’un objectif, les plages de Sainte-Anne, encore plus au sud. La nationale, source d’embouteillage, en dépit de quelques passages protégés, ne laisse guère de place aux piétons.
Ce ne fut pas toujours le cas : la Duprey commençait autrefois au bord de mer, s’étendant ensuite vers les hauteurs, le morne. Dès 1664, la commune du Marin est répertoriée lors du premier dénombrement de l’île ordonné par Colbert sous le nom de "Cul-de-sac de Saint-Etienne du Marin " avec 199 habitants. En ces temps la paroisse du Marin englobait Saint-Anne et se délimitait par Rivière-Pilote au nord et les Salines au Sud. Commune agricole, l’on relève au Marin à la fin du XVIIIème siècle l’exode massif des royalistes pendant la révolution. Un élément qui contribue à la détérioration de l’activité agricole du Marin. Dès lors, tout en maintenant l’exploitation de cultures intensives de cannes à sucre, le Marin se positionne dès le XVIIIème siècle comme une ville commerçante à la fois tournée vers la mer par sa vaste baie, mais aussi tirant profit de ses campagnes pour poursuivre l’exploitation agricole.
Durant la seconde moitié du XIXème siècle, l’industrie du sucre subit une importante évolution avec l’introduction de la mécanisation dans le traitement de la canne à sucre. Le Marin se dote dès 1869 d’une usine dont la productivité et les rendements amènent la disparition de 120 usines sucrières dans le sud-est de l’île. Dans une commune dont l’histoire recense déjà un vent d’insubordination au pouvoir établi, lors de la célèbre révolte de Gaoulé [5] plus d’un siècle et demi plus tôt, l’on ne peut que s’étonner que la fameuse « insurrection du Sud » en 1871 prenne naissance dans la commune du Marin. Conflit qui oppose un ouvrier noir à un béké, il est aussi d’ordre symbolique : celui du dominant contre l’opprimé, le pouvoir face au désir de liberté et d’émancipation (1871) [6]. Mais là s’arrête la comparaison.
Par ces attaches aux mornes comme au monde de la mer, son autonomie longtemps préservée, le fort ancrage territorial de ses habitants, l’on retrouve un peu de cette histoire du Marin dans l’histoire de vie de ses habitants : une terre agricole plantée de cannes à ses débuts, puis transformée progressivement en zone d’habitat ; ses occupants tentant de tirer profit des derniers sursauts de l’activité sucrière tout en se tournant vers la mer, tandis que d’autres s’y installent, attirés par la proximité du littoral.
Lier cette identité du présent aux évènements marquants de l’histoire du Marin n’est qu’une hypothèse heuristique car l’histoire de la Duprey ne peut se reconstituer que par la mémoire de ceux qui y vivent ou des traces écrites.
Dans la littérature il est fait état de l’histoire suivante « la famille Du Prey de la Ruffinière donne son nom à un quartier du Marin, la Duprey……Son épouse, Agathe Louise Marie-Aimée Du Prey de la Ruffinière, née de Houêl, périt dans le naufrage du bateau la Paggy le 11 août 1831, entre la Pointe Marin et la Pointe Borgnesse. Le corps n’est pas retrouvé, et selon une légende il aurait disparu avec un trésor » [7]
Des dates qui nous ramènent au milieu du XIX° siècle, à une histoire étrange, peut-être une légende nourrissante pour l’identité, autour d’une famille de colons. Ces pistes sont-elles nécessaires pour la Duprey contemporaine ?
Concilions-les avec un autre élément de l’histoire de la commune. Peu de temps après l’abolition de l’esclavage, on recense l’existence d’un certain Théobald DuPrey de la Ruffinière [8], sixième maire du Marin. Son mandat débute en 1858 sans autre mention et l’on peut supposer qu’il prend fin vers 1865, date à laquelle Théodore Capron est nommé maire de la ville. Son nom réapparaît en 1884, date à laquelle il est à nouveau maire jusqu’en 1888. Le nom du quartier vient donc de cette vieille famille de békés. Le récit des origines de la Duprey garde encore une trace de cette attache. Notre premier entretien dans le quartier situe l’une des maisons dominant quelque peu les autres comme celle des békés Duprey ; une improbable éventualité, mais dont la mention rappelle que dans les mémoires collectives, quelques-unes des terres les plus anciennes en terme d’occupation auraient été données par le propriétaire de l’usine, Mr Du Prey. D’autres rappellent que le terrain leur a été donné en métayage ; pour d’autres le droit de propriété leur est dû car ils se rappellent de leurs parents – parfois de leur propre enfance - « charroyant [9] » péniblement de la canne pour le compte de l’usine.
L’histoire qui forge l’identité du quartier est donc ambivalente, elle oscille entre servitude et libération. Cet « entre-deux » repose sur un accord tacite où la figure de la domination est presque légitimée comme autre père fondateur. Dans quelle mesure le monde colonial perdure-t-il dans cette appréhension ?
Avec ce mode d’appropriation tripartite des terres qui mêle acheteurs avec leur titre de propriété, occupants illégaux et les supposés légataires, l’usage du littoral est devenu un enjeu considérable. Par la départementalisation de 1946 le littoral devient Domaine Privé de l’Etat, avec quelques tolérances d’usage.
A partir des années soixante, la question du statut des occupants de cette bande de terre se pose. Sont-ils illégaux ? En 1986, une nouvelle loi stipule que les occupants antérieurs à cette date peuvent acquérir leurs concessions, tandis que les nouveaux occupants doivent quitter les lieux. La gestion de la bande littorale devient l’affaire de l’Office nationale des Forêts (ONF). Le quartier de la Duprey étant à double titre concerné par cette gestion, à la fois en raison de la bande du littoral situé sur la zone des cinquante pas géométriques, et d’autre part, parce que les limites du quartier sont données par le Morne Gommier, relevant également de l’ONF.
Les 50 pas géométriques [10] sont pour certains un enjeu politique. Régulièrement un mouvement écologique organise des évènements autour de l’occupation de ces espaces par des martiniquais aisés ou très aisés dans d’autres communes du Sud telles que le Robert, le François, zones que la dérision populaire a affublé du titre de « békéland » [11].
En Martinique, l’usage du terme créole antan lontan [12] évoque la société « traditionnelle » caractérisée par des relations d’échanges complémentaires réglant la vie du groupe. Il faut noter que cette utilisation d’un terme créole pour caractériser est aussi soutenue par la majorité du petit groupe de sociologues ou d’anthropologues natifs qui discourent sur la société martiniquaise.
Nous avons ainsi une définition endogène qui oppose deux types de sociétés, et dont nous pouvons résumer ainsi les cheminements de la pensée : la modernité est un processus qui touche l’ensemble des aspects de l’existence : organisation sociale et politique, famille, parenté, croyances, économie. La modernité valorise le changement et l’innovation. A l’opposé la société holiste est tournée vers le passé et valorise les valeurs et le savoir transmis par les anciens, et quand bien même il y a innovation, elle sera justifiée par le ressourcement à la « tradition ». Mais dans la réalité, ces deux modes d’interprétation du lien social se traduisent par des agencements complexes. Prenons un exemple concret ; le prix des musiques du monde a été attribué en 2011 par Radio-France à Edmond Mondésir, promoteur d’un bélé [13] moderne. Aussi moderne que puisse être ce bélé par sa construction rythmique et le contenu de ses textes, cette dimension est nivelée au profit d’un militantisme culturel, où les notions « d’identité », « d’authenticité » occultent toute influence qui ne serait certifiée du label antan lontan. Une perspective essentialiste dans laquelle se placent « les défenseurs de la tradition » comme ils se nomment et s’autoproclament.
Dans la société holiste, les liens entre les individus sont basés sur des relations d’entraide, sur une solidarité naturelle entre tous. La grève générale de février 2009 montre bien que de la société holiste en Martinique n’est plus. A notre sens, ce mouvement populaire a ravivé la nostalgie d’une société fondée sur l’entraide et la solidarité et incarnée par cette époque révolue et idéalisée résumée dans l’antan lontan . Les nombreux écrits à ce propos ne donnent pas de réponse satisfaisante à cet échec, justement obnubilé par le discours de réification de la tradition d’entraide, dont nous avons pourtant montré qu’ « antan Wobé », période qualifiant la diminution des importations de denrées alimentaire en 1940-1945 celle-ci était déjà mise à mal [14].
Qu’en est-il pour nous de cette dichotomie ? Peut-on d’ailleurs l’énoncer comme telle ? Ne faut-il pas y voir un réagencement de solidarités sociales, certes de moins en moins « naturelles » et de plus en plus choisies, mais toujours et encore articulées autour de la famille qui demeure le cadre privilégié des liens d’entraide.
La famille élargie composée des parents « de sang » et « de cœur » est le noyau autour duquel se construit la vie sociale. Ce modèle qui assurait l’équilibre social a été progressivement abandonné avec la « francisation [15] » des mœurs et des modes de consommation importée de la France métropolitaine tout au long de la seconde moitié du XXeme siècle. Dans les années quatre-vingt l’opposition tradition/modernité en Martinique pouvait encore désigner celle du rural à l’urbain [16]. L’augmentation du pouvoir d’achat, la rurbanisation croissante des campagnes, l’accès généralisé à la consommation de masse sont à l’origine de l’étiolement de la ligne de démarcation entre monde rural et monde urbain.
La Duprey, par son emplacement géographique relève du monde rural. L’état des constructions est en adéquation avec l’ensemble des habitats de la Martinique ou les demeures en bois sont de plus en plus rares, le mot case désignant aujourd’hui une spoliation symbolique.
Il est nécessaire de mettre à jour le type de relations qu’entretiennent les individus pour appréhender le mode d’occupation de l’espace par le groupe.
Dans la configuration socio-historique de l’île, la société « traditionnelle » repose sur l’économie de plantation, un système économique hiérarchisé basé sur l’exploitation d’une masse servile noire par une minorité blanche. Après leur émancipation en 1848, grand nombre d’esclaves vont continuer à travailler la terre. Petits exploitants indépendants, ouvriers agricoles, métayers : la paysannerie locale est loin de former un groupe homogène. Les mornes qui constituent encore quelques-uns des rares terres libres sont pris d’assaut.
Duprey n’est nullement issu de cette occupation. Le modèle social de Du Prey est intéressant en ce qu’il concilie « une tradition consolidée à la campagne et ramenée des mornes, pétries de coups de main, de sous-sous, d’entraide, et fondées sur la notion pyramidale de famille élargie ». [17] : il s’agit d’un modèle hybride, composant avec les mornes et la mer.
Avant la construction de la route nationale actuelle, le quartier de la Duprey est directement lié à la mer. Des maisons sont à proximité des rivages, avec les possibilités habituelles d’activités enfantines au bord de mer.
Les conditions de vie sont rudes et amènent à cumuler plusieurs activités : ouvriers agricoles saisonniers, artisans, vendeurs de charbons de bois. La distinction faite par quelques informateurs entre les pêcheurs tirant leurs revenus de cette seule activité, et ceux qui exercent d’autres djobs [18], la pêche n’étant qu’une activité complémentaire portent à croire que de nos jours, le niveau de vie de ses habitants reste encore précaire. Pour les pêcheurs occasionnels du quartier, la pêche fournira un subside ou alimentera en poisson frais.
La description faite par Isabelle Dubost [19] dans sa thèse de doctorat sur les pêcheurs martiniquais confirme l’idée que la dynamique d’expansion du quartier est venue des pêcheurs. Les vestiges des battisses traditionnelles correspondent à la description qu’elle fait d’un certain type de cases : « Un autre type [de construction] existe, mais de manière éparse sur l’île : des armatures en bois, golet ou ti’bonm, permettent de soutenir un crépi à base de kaka bèf – « caca bœuf »- ou de chaux faite à base de poussière de lambi ou de terre séchée. Il reste peu de maisons de cette sorte. Les pêcheurs de l’Anse Mathurin ont conservé seulement deux de ces maisons. Au Robert, il existait des cases recouvertes d’un toit de « paille » de canne à sucre. » [20]. Nous avons pu constater encore dans les vestiges des cases originelles l’emploi de ces matériaux pour les construction (ti bonm recouvert de terre) et l’un de nos informateurs a également mentionné l’existence de ces masures au toit couvert de paille. A la fin du XIXeme siècle, l’habitat populaire aux Antilles suit une similitude que J. Berthelot et M. Gaumé [21]constatent d’une île à l’autre.
Le monde des pêcheurs se construit avec un discours caractérisant son indépendance et sa liberté. On conçoit qu’en période esclavagiste le privilège des déplacements, plus tard l’organisation interne qui donne la possibilité d’être le patron à bord, sont des constituants de ces valeurs. Leur rôle lors de la dissidence antillaise a été souligné, ils facilitaient les départs vers les zones libres des West Indies.
Jean Benoist résume l’influence socioculturelle des pêcheurs et des agriculteurs en terme de complémentarité dans l’édification de la vie culturelle antillaise : « Alors que la plantation est le siège d’une intense érosion culturelle et freine ce qui s’inscrit en contradiction avec ses propres fins, c’est sans doute dans ces communautés de [pêcheurs et d’agriculteurs] et autour de ces activités apparemment secondaires que s’est tissée une vie culturelle » [22].
Dans l’abord de ce monde des pêcheurs nous pouvons aussi ajouter que se juxtapose à ces lakou ruraux une appropriation de l’espace, privilégiant des lieux de transition et de prise de possession des espaces intermédiaires, identique à un quartier urbain de Fort-de-France, Canal Alaric. « le milieu marin par sa fluidité, l’invisibilité de ses fonds, la mobilité et l’instabilité de ses ressources suscite des modes d’appréhension différents de ceux auxquels se prête le milieu terrestre » [23]. Proposition applicable à la Duprey, où les limites des espaces demeurent encore floues dans leur inscription sur le territoire, constituant positif du quartier.
Dans l’appréhension des changements du quartier la construction de la nationale en 1964 est un marqueur de ce changement. On peut certainement relier cette perception dans un cadre plus général qui est celui du basculement de la Martinique d’une société post-habitation à une société moderne. Ce passage inclut les caractéristiques suivantes : pour la Duprey, une nouvelle appréhension de l’espace est inscrite, en même temps que le déplacement des habitants, Même si le quartier n’est pas véritablement coupé, la nouvelle topographie accentue le caractère du morne au détriment du littoral.
L’espace martiniquais, de par son caractère colonial fonctionne avec une volonté d’intégration de l’ensemble des territoires, avec un centre hypocéphale, ici Fort-de-France. La conception de l’espace des résidents de la Duprey s’établit en se délimitant clairement du bourg du Marin, qui devient donc un petit centre « hypercéphale ».
Un premier terme du conflit latent est dans cette appréhension d’un « endogène » fluctuant ; il est circonscrit autour d’un territoire dans lequel les familles se répertorient par une cartographie mentale s’appuyant sur les noms patronymiques caractéristiques de la Duprey. Une même lignée ne sera pas obligatoirement installée sur un terrain en continu. Longeant la nationale on trouve un fief des Y, l’une des premières familles à s’être installée à la Duprey. Au dessus de l’épicerie habitent d’autres Y.., apparentés aux précédents. Il en est de même pour les M’B.., les M… que l’on retrouve sur l’ensemble de Duprey, les F…, etc.
S’il existe dans l’histoire racontée par les gens un temps heureux de la Duprey , il s’agit du temps où Duprey n’était pas séparée du bord de mer par la nationale, où la prise de possession des mornes ne résultait pas de l’ expulsion qui les a contraint à migrer vers le haut.
Ceci corrobore ce que disent certains du mode d’appropriation résultant de l’achat de terre cédé par les propriétaires de l’usine, une rétrocession. En croisant les dates des titres de propriétés les plus anciens nous remarquons qu’ils s’établissent sur très peu d’années après l’abolition de l’esclavage. Colonage partiaire qui crée rapidement un espace communautaire.
Il y a finalement une association entre ces deux « libertés » celle que confère le monde des pêcheurs et celle que confère la propriété de la terre caractéristique de l’espace de la Duprey. Cela induit dans le discours actuel une revendication identitaire, une prise de distance à l’égard de ceux qui ne sont pas constitués selon le même modèle, et paradoxalement un attachement très fort, qui explique par exemple que ceux qui sont « partis » rompent un peu le pacte d’une communauté familiale et foncière. Nous retrouvons bien ce qu’avance Christine Chivallon à ce propos : « C’est pourtant autour de cet accès à la terre, des prolongements qu’il trouve dans l’organisation d’une économie d’autosubsistance, antagoniste à celle de la plantation, que s’articule à mon sens toute l’action des nouveaux libres et son efficacité en vue de donner à la liberté un sens autre que celui de la conversion de l’esclavage au salariat « obligatoire » et à ses formes dérivées.La législation à l’œuvre dans le domaine foncier et familial a vraisemblablement été le meilleur moyen de garantir la permanence de l’appropriation de cette terre et avec elle le mode de vie qu’elle veniat de rendre possible hors de l’univers des plantations » [24].
Chaque espace, derrière la difficulté à repérer un ancrage symbolique autour duquel la vie sociale du quartier se définit, est donc bien circonscrit selon une logique.
Observé en contrebas le quartier apparaît comme un mitage, avec des maisons à des étapes de constructions différentes, de dimension plutôt grande, des zones de friches, peu d’arbres remarquables donnent du relief au paysage, à peine une quinzaine de cocotiers, quelques manguiers, la végétation est rabougrie, le quartier est en longueur, on ne perçoit pas immédiatement une voie d’accès ou de cheminement interne pour les résidents.
Le bâti est diversifié, mais globalement peu de maisons semblent véritablement achevées, et leur degré d’achèvement ne semble pas non plus organisés en « zones », là encore nous apercevons des disparités. Nous pouvons voir à proximité une maison à l’allure achevée et une autre en panne de montage.
Si on penche pour une appellation du type lakou [25] pour certaines unités, bien qu’elles se situent en zone rurale, les redistributions internes au bassin d’habitat familial, nous savons cependant qu’il n’y a pas d’isolement lié au statut de l’habitat. La notion d’esthétique du paysage étant récente, elle n’a jamais été une préoccupation de la population en milieu rural. Il est intéressant de noter qu’à la Duprey, l’ouverture des maisons donne toujours sur la mer, positionnement assez neuf dans le mode d’habiter martiniquais. Les cases plus anciennes ainsi les constructions récentes sont tournées vers la façade maritime avec une véranda ou une porte d’entrée qui regarde la baie. Nous pouvons supposer, faute de données interprétatives suffisantes, que le terrain en pente et le peu d’accès privé débouchant directement sur des voies de passage a probablement contribué à modifier l’orientation des espaces de circulation et de convivialité.
La porte d’entrée des maisons ne semble répondre à aucune règle précise. Dans un lotissement pavillonnaire, les maisons se font face l’une à l’autre et la porte d’entrée est souvent face à la rue. A la Duprey, l’accès principal peut se faire face à la mer, face à la rue si l’habitation longe une voie d’accès, sur un côté qui peut donner sur une cour commune autour de laquelle se trouvent d’autres habitations. Quand la nouvelle construction est mitoyenne à l’ancienne et ne bénéficie pas d’ouverture vers la mer, elle annexe l’ancienne construction comme s’il s’agissait d’une pièce supplémentaire. Ainsi chez les A…, l’ouverture principale de la case traditionnelle est latérale, une face à la mer et l’autre sur la cour. Côté cour on débouche aussitôt sur le pan de mur de la nouvelle construction « en dur », qui est aligné dans l’axe de l’embrasure de la porte. La circulation d’une construction à une autre est donc fluide.
En effet, la circulation de la maison, ne répond pas au critère classique d’une pièce à l’autre mais d’une maison à l’autre, facilité par cette disposition. De l’ancienne case de Mr F.. , on accède au studio construit par son fils dans la cour en passant côté mer par un petit chemin invisible, on accède en quelques seconde à la maison de son oncle dont l’accès principal est face à la mer, puis une vingtaine de pas plus bas à celle de son neveu dont l’accès principal est presque perpendiculaire à celle de l’oncle.
L’ensemble d’un bassin d’habitat familial n’évolue pas de manière identique vers une durcification standard.
L’étude de Price en 1964 sur le monde des pêcheurs de Belle Anse à la Martinique [26] contient une observation des plus intéressantes. Il remarque une double influence : celle qu’il qualifie « d’individualiste » et qui est à l’origine de relations de rivalité et de concurrence entre les individus, y compris ceux d’une même famille. Il attribue l’émergence de cet individualisme au mercantilisme des échanges engendré par la modernisation des embarcations, l’argent désormais devant remplacer le troc. L’autre qu’il désigne comme « égalitaire » pour décrire leur aspiration au conformisme, le refus de s’élever ou rester en deçà du niveau socioéconomique moyen du groupe. Une valeur qu’il impute comme le reliquat d’un système purement agraire.
Il subsiste dans le quartier une ou deux zones où l’effort d’amélioration de l’habitat n’a pas abandonné la pratique du jardin. Il semble que dans celle-ci la pratique de la pêche soit présente au sein des familles. Il est vrai qu’à la Duprey, l’existence de jardins situés loin des habitations a été maintes fois mentionnée. Une pratique qui est en train de disparaître en raison de la distance des jardins et de leur fréquentation par les toxicomanes du quartier. D’ailleurs, preuve de la persistance de liens familiaux et entre membres du quartier, le père de l’un d’entre eux expliquant qu’il fait appel à eux pour récoler ses ignames et choux de chine, ne pouvant s’y rendre lui-même, tout en sachant que son fils et ses comparses lui dérobent une partie de sa récolte ainsi que quelques plants. I. Dubost y voit une pratique fréquente dans le monde des pêcheurs qui selon elle possédaient rarement des jardins à proximité de la case, les lopins de terre étant plutôt situés à l’extérieur de la commune dans les mornes car l’espace domestique étant réservé à des activités professionnelles comme la réparation de filet. Dubost écrit à ce propos : « la mer est l’espace masculin comme l’espace social et la maison est le lieu féminin, l’espace privé » [27]. Nous nuancerons ce propos dans la partie consacrée à l’analyse de l’aménagement intérieur, car la touche masculine de l’aménagement est aussi présente dans ces intérieurs de la Duprey.
L’espace identitaire du quartier de la Duprey est intimement lié aux relations familiales, les bassins d’habitat sont familiaux, les relations interpersonnelles répondent d’abord à des logiques d’apparentés avant celles de voisinage.
Les matériaux biographiques collectés permettent de mettre en évidence plusieurs éléments. Le premier d’entre eux est la proximité géographique des familles apparentées. Nous avons des exemples d’archétype des généalogies autour desquelles s’articulent la répartition et l’occupation des terres à la Duprey, où les groupes familiaux sont localisés au point de constituer une parentèle très dense, centrée sur une même parcelle de terre. Les récits de vie des informateurs montrent également que cette proximité est le fruit de stratégies résidentielles entretenues et organisées. Elle semble répondre à un double enjeu concernant l’occupation de l’espace : elle garantit la propriété de la terre, l’occupant se confondant avec l’ayant droit. A un second niveau elle assure la pérennité de liens de proximité bâtis sur des réseaux de connaissance
Ainsi, l’une de nos interlocutrices justifie sa venue à la Duprey par son désir de se rapprocher de sa mère, qui pour cette dernière vit sur un terrain héritée de sa mère et occupée par ses frères et sœurs, neveux et nièces ; tel autre est revenu, après plusieurs séjours à l’étranger, occuper la maison habitée par ses parents jusqu’à leur décès. Ses trois frères et sœurs l’ayant suivi. Le retour ou l’installation à la Duprey semble fréquemment motivée par le souci de se rapprocher des parents, de la famille.
Cette appropriation familiale des terrains amène un certain nombre d’interventions dans l’organisation de l’espace habité qui se traduit à la fois par la restructuration de l’espace disponible et par l’accès à de la surface supplémentaire.
Plusieurs cas de figure sont possibles : un informateur explique que la maison d’à côté est celle de sa mère qui l’a laissé à un neveu, elle n’y vient que ponctuellement en villégiature.
A une autre maison, comme tant d’autres, furent ajoutés des niveaux et des extensions pour loger les aînés devenus majeurs, ou les frères et sœurs revenus s’installer. L’espace familial est alors morcelé de façon à intégrer une nouvelle unité familiale qui ne peut disposer d’une résidence propre.
Ce type de regroupement autorise la présence de plusieurs générations sur un même terrain familial. Ici nous pouvons un instant expliquer le titre de cet article, « Eloge de la case départ » .Voici ce qui est en œuvre.
L’ensemble du quartier est constitué de maison en évolution vers le modèle d’habitat actuel à la Martinique ; les logements sont durcifiés, de plein pied où avec un étage. On perçoit que la modification des logements se fait lentement, et que l’on surajoute des pièces, des étages. Les piliers semblent parfois très fragiles et incapables de supporter un fort séisme.
Pour un certain nombre de maisons nous remarquons à proximité une ancienne masure, plus ou moins en bon état, inhabitée. En fait, contrairement à la règle de l’addition-transformation de la case d’origine en maison progressivement agrandie, additionnée de pièces diverses, suivant l’évolution économique et l’agrandissement de la famille, la case départ est désaffectée mais n’est pas détruite. Tous nos informateurs expliquent cette présence par la référence à la maison familiale, celle qui remonte, dans ce temps long d’appropriation de l’espace, particulier au quartier de la Duprey, aux grands parents, aux parents et à leur propre enfance quelquefois.
On perçoit dans ces vestiges de maison soit l’ossature, soit une ruine, et autour de ce coeur s’ébauche l’habitat moderne, qui ne craint pas d’ailleurs dans sa réalisation de jouer de l’addition progressive, mais sans toucher à ce reliquat de la mémoire familiale. Cette attache affective, maintes fois soulignée, est l’une des particularités de la Duprey puisque, ailleurs à la Martinique, ce type de case a disparu, remplacé par les villas en béton, dont la démesure témoigne du degré de réussite sociale.
Les 50 pas géométriques sont en zone urbaine souvent des lieux insalubres que les occupants illégaux vont progressivement transformer en zones d’habitats.
Dans le contexte du littoral des communes la dimension insalubre est minoré selon les circonstances, et aujourd’hui on se trouve même dans le cas de 50 pas géométriques constituant des zones résidentielles de standing, posant la question de l’impartialité de l’Etat et des privilèges des classes supérieures. Régulièrement des associations écologiques dénoncent cet état de fait en organisant des occupations sauvages temporaires.
Les habitants de la Duprey, qui dans leur grande majorité ne se vivent pas comme squatters se référent à leur longue implantation, souvent légitimés par un document de vente du terrain, légué par leurs ascendants, de génération en génération. La récession des terres dès la seconde moitié du XIXeme implique que les premiers acheteurs, déjà occupants des lieux, aient une source de revenus indépendants de l’habitation et de sa servitude.
Cette transmission de génération en génération s’articule autour de la transmission par la lignée [28] féminine. Les habitants du quartier se référent à la maison de leur mère, de leur aïeule, voire trisaïeule pour expliquer l’origine de l’emplacement actuel et leur enracinement. L’acte juridique, le titre de propriété, lorsqu’il existe, en fait foi, mais la transmission orale également.
Les différentes dénominations du quartier indiquent que l’appropriation de l’espace s’élaborait par l’usage des patronymes, des toponymies dues aux usages de l’espace, et fonctionnait également comme garant de l’appartenance au quartier.
Nous remarquerons aussi que pour l’instant ces cases de départ ne sont pas récupérées pour, par exemple, les transformer en cuisine du dehors séparée de la maison, comme cela était la coutume durant la période coloniale, ou en buanderie. Ces cases constituent des espaces annexes minoritaires.
Les habitants de la Duprey se positionnant comme les occupants légitimes par l’ancienneté, le mode de transmission du patrimoine, les appariements conjugaux ont aussi pour caractéristique que beaucoup de conjointes ou de conjointes viennent habiter la Duprey.
A leur retour les exilés du quartier - partis d’abord vers Fort-de-France, puis en France métropolitaine avec la grande vague orchestrée par le Bumidon, constatent qu’ils ne sont plus intégralement légitimes dans le quartier. C’est une autre frontière, convenu, avec les expatriés.
A la Duprey, l’identité territoriale est forte et se poursuit dans les liens du mariage : un fait que nous avons rencontré maintes fois des quarantenaires aux plus âgés.
Le sentiment d’être différents des autres Marinois est formulé en particulier en opposition aux Marinois du bourg. Cette opposition s’est atténuée au fil du temps mais demeure bien vivace pour les plus de cinquante ans. Les gens du bourg sont « comparaison » (hautains). L’ouverture de la nationale et l’urbanisation ont atténué les différences entre les habitants de Duprey et du bourg, cependant dans le discours, la vieille dualité ville/campagne ; culture et francisation/obscurantisme et illettrisme a encore cours.
Une première conclusion s’impose : la répartition des diverses surfaces occupées d’une propriété familiale semble être déterminée par des impératifs démographiques ou économiques. Georges Augustins [29], définit le réseau de parenté comme « un ensemble de liens personnels plus ou moins durables et plus ou moins contraignants qui doivent, pour exister, être légitimés (par référence à une ancestralité commune) et activés (par échange de prestations réciproques). […]. Par réseau, on entend un ensemble de relations entre individus ayant un support spécifique (économique, parental, affectif) ».
Les contraintes de la vie moderne, les charges à payer, l’argent à gagner et à utiliser en achats de biens de consommations diverses encouragent de moins en moins les aides en nature et en services gratuits. Comme partout ailleurs en Martinique, l’entraide s’étiole sans pour autant disparaître, maintenue par la prévalence du réseau familial et les petits services sont rémunérés.
Une vue d’ensemble de Duprey donne un sentiment d’un amas de constructions en béton, en partie achevée. Constructions qui, quelque soit leur degré d’avancement, semblent, comme dans d’autres lieux de la Martinique, « ostentatoires par la démesure de leur superficie, par de nombreux détails architecturaux (galeries, frises, colonnes….). Ces matériaux correspondent à la confrontation de deux systèmes de valeurs : « Le bois symbolise la Guadeloupe [les Antilles], la pauvreté, la vieillesse (concept négatif) tandis que le béton correspond à l’Europe, à la richesse et au neuf (concept positif) » [30]. De même, la case a une allure de protection, de caché, de « cœur », alors que le béton se montre. La même conception domine à la Martinique. […] Les maisons en béton sont toujours en travaux, prévues pour d’éventuelles extensions : quand la famille s’agrandit on élargit l’espace de vie » [31].
L’évolution de l’habitat extérieurement témoigne certes d’un embourgeoisement, mais ce dernier reste quand même bien encore façonné par les conditions modestes dans lesquelles semblent évoluer les habitants. On trouve ainsi de vastes zones où s’érigent désormais d’élégantes villas dont les propriétaires cultivent soigneusement les abords de leur villa
Autour du quartier mais aussi dans le quartier lui-même cet ensemble disparate de maisons donne tout de même un indicateur du désinvestissement des pouvoirs public, si l’on excepte la nouvelle cité. Sa construction entraîne par ailleurs l’accélération des écoulements d’eau, et les ravinements lors des fortes pluie pour les habitations situées en contrebas. Les nombreuses plaintes à la mairie restées sans suite renforce l’idée pour les habitants de la Duprey du désintérêt de la municipalité pour le quartier ; une attitude qui contraste avec le zèle de l’AG des 50 pas à réclamer la régulation de leurs titres de propriété.
Le questionnement de l’urbain nous a d’abord frappé par la gestion des abords du quartier, qui apparaissaient assez brouillons dans son appréhension des espaces de transition.
On peut expliquer une partie de cette désaffection par les caractéristiques végétales : ce morne de la Duprey semble raviné, les roches quasi apparentes. De loin le végétal qui constitue son environnement n’est guère réjouissant : ti baume, épineux, beaucoup de savanes et de friches. L’impression est celle d’un espace rural avec les nuisances les déchets de la ville, impressions accentuées par les carcasses de voitures, des dépôts d’appareils électroménagers hors d’usage. Le long de la nationale, d’autres lieux atones participent de cette vision d’une insalubrité urbaine .Certains lieux ont perdu l’activité qui les dynamisait, comme la salle de danse près du bar et n’ont pas de compensation. A l’autre extrémité des cabanes des pêcheurs, la part de la mangrove qui jouxte une maison est nauséabonde, l’eau stagne, des détritus s’y accumulent. De l’autre côté du siège de la Case, le paysage est le même, on n’est pas surpris d’y apprendre qu’il soit l’espace des trafics.
Les raisons données par exemple à l’absence de vivriers où d’auto production de volailles sont les anciennes histoires, les bêtes qui saccageaient les jardins où la plus grande sensibilité aux voisinages des coqs, des cochons, etc. ce qui explique la rareté de ces activités aujourd’hui. Ce sont elles qui souvent sont avancées pour justifier l’existence d’une clôture autour d’un terrain sur une propriété familiale. La bonne entente du groupe reposait sur un effort de régulation des sujets conflictuels entre les différents occupants du terrain.
Ce qui détermine le véritable espace de passage, invisible, sont les liens qu’entretiennent les familles, c’est l’intention plus que la nécessité d’emprunter des raccourcis.
L’ensemble des écrits, des témoignages indiquent le rôle prépondérant des catholiques dans l’asservissement servile. Les traces du catholicisme sont les plus faciles à appréhender dans l’univers colonial. L’église catholique est parvenue à changer d’image, à adapter son discours au contemporain, son rôle dans le passé esclavagiste n’est pas un handicap à son rayonnement actuel, bien qu’elle soit concurrencée par les religions protestantes qui font florès dans l’ensemble des Antilles.
Elle a son empreinte dans le paysage de par les églises, les calvaires, les ex-votos, les chapelles. La Chapelle de la Duprey est un lieu symbolique. Elle aurait été située avant sa destruction à l’intérieur du quartier. La construction de la nationale oblige à son déplacement, de l’autre côté de la route, au bout du ponton, en face des cabanes des pêcheurs. S’agit-il d’une démolition puis d’une reconstruction ? Dans quelle mesure son architecture se rapproche t-elle de l’ancienne ?
De loin la chapelle semble désaffectée, conservant néanmoins une activité certains jours de la semaine, pour le catéchisme où la prière. Avant son déplacement, elle servait, bien entendu, de lieu de culte mais aussi de salle pour diverses activités sociales, impossibles dans les maisons en matériaux traditionnel de fortune. Son emplacement sur l’îlet est paradoxal, puisqu’il l’isole ; la configuration de ce dernier, masqué, au bout d’un ponton ancien guère utilisé, en fait un lieu classique de pratiques illicites, si l’on s’arrête à la simple analyse qu’offre l’observation de plein pied.
D’un point de vue des mornes, des hauteurs du quartier nous nous apercevons qu’elle est plus visible que prévu, évidente : le regard se l’approprie, l’îlet est l’objet d’un contrôle discret de l’ensemble du quartier, l’arrière de la chapelle étant alors dissimulé, visible toutefois par les pêcheurs à leur retour. La chapelle est d’ailleurs bien protégée par des grilles, des portes renforcées contre les intrusions, preuve que la foi n’écarte plus le réel.
Toujours dans cette appréhension de l’espace de la Duprey le bord de mer a donc un avant et un après, que résume l’historique de la nationale.
Les martiniquais aiment à user d’un discours du contemporain qui conforte un leurre, celui du discours de « l’antan » qui touche parfois à la caricature. Confronté à des mutations, il est pratique d’en attribuer les errements à l’exogène. Après le passage sur la chapelle, celui sur la drogue devient un obligé, une sorte d’opposition symbolique entre le bien et le mal.
Le phénomène de la drogue à la Martinique, dont nous avons décrit par ailleurs ses implications soit dans les quartiers (Vieux-Pont) soit dans des comportements déviants ( crack et toxicomanies..) est dans un premier temps urbain. Le Marin pourrait être dans l’aire des communes hors du cercle de « contagion ».
On s’aperçoit que le rond-point de la Duprey à une importance particulière dans leur espace, et ceci bien avant les autres trafics routiers ou illicites. Il s’y est toujours passé quelque chose, en termes de limites entre des espaces.
Méthodologiquement intégrer ce thème dans le questionnement de l’urbain est déjà un parti-pris : celui où la figure du S.D.F, de la drogue, du chômage sont un l’apanage de l’urbain. Ceci mérite une exposition détaillée. Les cheminements du circuit de la drogue sont doubles, la conurbation foyalaise et les « anglais » de Ste Lucie. Pour notre part nous savons par des études antérieures que l’usage de la drogue est tout de même un phénomène martiniquais et que l’adosser à des problématiques extérieures n’est qu’une parade, destinée dans un premier à entretenir l’idéal d’une société intègre, souillé par une relation avec l’étranger, avant, dans un second, de la majorer dans les pratiques et les faits. On retrouve dans ce qui nous est dit de la drogue a Duprey des problématiques martiniquaises.
Dès les années soixante-dix, la dégradation des conditions économiques, l’étroitesse croissante du marché de travail face à la poussée démographique annoncent les années de généralisation du chômage des jeunes et de réduction de leurs perspectives d’avenir. Au début des années quatre-vingt la situation se détériore durablement. Les données statistiques dont nous disposons pour ce quartier font ressortir que sur 56 personnes interrogées, le revenu moyen par ménage se situe aux environ de 750 euros. Ces difficultés économiques apparaissaient en filigrane dans les entretiens : à Duprey le nombre de pêcheurs professionnels diminuerait, au profit des « djobeurs » ; la pêche n’étant qu’une activité complémentaire qui fournira subside financier ou alimentera les besoins de la famille en produits frais. Dans ce cas les revenus complémentaires que pourraient constituer ailleurs la culture d’un lopin de terre sont ici tirés de la mer.
La drogue à la Duprey nous renvoie aux problématiques liées à l’irruption de la modernité à Duprey. L’arrivée de la nationale coïncide avec l’urbanisation croissante de l’île débutée dans les années soixante, à tel point que les deux se confondent. La modernité se donne à voir dans la déliquescence du réseau d’entraide qui autrefois étendait les échanges au-delà de la seule famille, aux voisins et aux amis, dans le désir des quelques jeunes interrogés de quitter le quartier pour aller ailleurs, ou « il y a de l’animation ». C’est aussi dans l’apparition de toxicomanes, enfants du quartier qui squattent une maison délabrée située en contrebas du rond-point. Le trafic semble ici bien circonscrit : le squat situé en contrebas du rond-point, une maison quelque part dans les hauteurs de Duprey et la ravine située en haut du rond-point aux dires de l’un des informateurs. Achat et vente de crack se déroulent toute la journée. En journée, la fréquentation est anodine pour s’amplifier à la tombée de la nuit. Fait que nous avons pu vérifier pour y être resté à proximité durant quelques heures jusqu’à la tombée de la nuit. Ici également, même si l’on sait le fait avéré, l’on ne cesse d’être surpris par la diversité des acheteurs : à pied ou en voiture de petites ou de grosses cylindrées, Antillais, Métropolitain, l’usage du produit est banalisé. Le trafic est à la fois dissimulé et visible, localisé et nomade. En fait tout est fonction de l’origine de celui qui sert de revendeur. Selon un de nos informateurs résidant à proximité du squat, les ressortissants de Sainte-Lucie développeraient un trafic nomade et dissimulé, prenant refuge dans la ravine où ils seraient nombreux à séjourner clandestinement ; les revendeurs locaux seraient à la Duprey en grande partie des toxicomanes consommant une partie de leur gagne-pain. La revente du caillou étant un moyen d’assurer sa propre subsistance. Dans ce trafic l’héritage d’un fait colonial persiste ; Sainte-Lucie, ancienne colonie anglaise mais aussi créolophone par le jeu des appartenances consécutives des conflits entre la France et l’Angleterre est vilipendée car la proximité des côtes alimente les soupçons de trafic(crack, herbe, moteurs des bateaux…) entre les deux îles.. Toutefois, dans l’ensemble, les propos xénophobes à l’égard des Saint-Lucéens sont rares. Les plus âgés, anciens pêcheurs pour la plupart ont eu l’occasion de se rendre à Sainte-Lucie au cours de leurs expéditions en mer, et nombreux sont ceux à avoir été secouru par des Saints-Lucéens alors que leur embarcation dérivait en pleine mer. L’on parle également à la Duprey des unions entre Saints-Lucéens et gens du coin qui ne sont pas rares depuis bientôt un siècle. Les dépenses considérables induites par l’accoutumance au crack sont à l’origine de quelques vols.
Comment les habitants de la Duprey ont-ils résolu ce problème ? Selon les affirmations des aînés, les mineurs qui prennent un mauvais chemin sont rapidement pris en charge par le groupe. Ils n’évoluent donc pas un milieu incitatif. L’introduction du crack à la Duprey n’a que peu bouleversé le fonctionnement et l’ambiance du quartier, ce qui est impossible dans un contexte urbain.La famille a cependant une importance différente dans l’émergence et les résolutions, ceci de deux manières.
D’une part on constate, comme dans l’ensemble de la société antillaise, une délégation de l’autorité à des tiers. Ainsi les animateurs de l’antenne sociale constatent à leur grand désarroi, l’attitude des ainés qui leurs confient leurs enfants et adolescents sans s’informer outre mesure des activités pratiqués et ne songent pas eux-mêmes à participer aux animations. Les aînés comme les plus jeunes sont d’abord insérés dans leur classe d’âge respective. Ce désengagement dans l’éducation par les aînés n’écarte pas la persistance d’un fort contrôle social. Ce dernier est intéressant car il concourt à l’identité des résidents et au maintien des solidarités familiales.
Nous avions eu l’occasion d’écrire il y a une dizaine d’années, lors d’un précédent travail sur le quartier de Vieux Pont, dans la commune du Lamentin, que le phénomène de la consommation, du trafic du krack ne s’y confinerait pas et serait rapidement une problématique sur l’ensemble des communes de la Martinique. La Duprey, comme d’autres, en est une illustration.Il y a dans ce commerce illicite des bénéfices impressionnants qui peuvent tenter plus d’un.
Il semble aussi que l’on puisse tracer un territoire de la drogue au sein du quartier et que celui-ci épouse des lieux prédestinés, qui peuvent se confondre avec des territoires familiaux. On peut voir cependant ici les limites de l’identité du quartier, qui est malgré tout perméable aux influences extérieures.
Pour récapituler, à partir des traits forts que nous avons mis en exergue, les micro territoires ainsi constitués peuvent autant être le lieu de résistance que de refuge pour des économies non officielles.
Dans l’analyse complémentaire réalisée pour cette commande publique, Gustavo Torres note : « La cité a occupé les lieux de ses barres à lapin et l’Usine a cédé la place au super-marché, tout en se rappelant que l’avenir de la propriété foncière était son débit en tranches de lotissement… » [32]. Il est en effet remarquable de constater que les logiques de modification du quartier ont toujours été de déconstruire ce qui s’élaborait sous des formes populaires, et ceci depuis fort longtemps. La construction de la nationale n’est qu’un épisode de plus. Le remplacement de l’usine par cet hyper marché sur la route balnéaire du sud, dont au fil des ans tout le monde a pu suivre la transformation de boutique en supérette, puis l’état actuel est symbolique de l’un des moteurs de l’économie martiniquaise contemporaine, une consommation excessive de biens produits ailleurs.
L’espace que nous venons de décrire à travers son habitat, ses marges et son ancrage dans un fort réseau social interpelle par son originalité que l’on retrouve dans son récit cosmogonique. Il y est fait état d’un commencement qui se situe dans la période post esclavagiste avec l’installation de Noirs affranchis qui, très tôt, mettent en place un mode de survie qui s’appuie sur un espace de morne et de littoral, ce qui est assez rare à la Martinique.
La transmission du récit fondateur du quartier a forgé une identité qui s’ancre dans l’appartenance au lieu. Un ancrage territorial qui s’exprime dans l’opposition aux bourgeois, dans son sens originel, à savoir ceux qui habitent le bourg, chef lieu qui n’est pourtant pas si loin.
Autre particularité de ce lieu : sans être un espace de marronnage, il interpelle cependant à plus d’un titre. Il cultive une mémoire collective en conservant paradoxalement des habitats anciens, parfois délabrés, témoignage visuel de la forte cohésion familiale qui structure le quartier où les apparentements sont très forts, allant même jusqu’à une endogamie suffisante pour que les propriétés familiales demeurent dans le giron de la Duprey. Unions endogamiques qui assurent la transmission du foncier comme du bâti au sein d’une même famille.
Le quartier de la Duprey renvoie à une situation coloniale plus qu’il ne porte une trace d’un passé colonial dans le bâti. La lutte autour de la légitimation de l’appartenance des terres oppose les habitants qui revendiquent une identité territoriale forte aux représentants du pouvoir politique. Ce rapport de force est lu en terme colonial car il oppose des habitants, pour l’essentiel noirs aux fonctionnaires venus du bourg, de la ville (Fort de France et sa conurbation si ce n’est de la « métropole » ) . Ces fonctionnaires incarnent le pouvoir colonial d’ailleurs le maire de la commune. M. Désiré est un mulâtre, symbole de ce groupe qui pendant longtemps fut accusé d’être un relais du pouvoir colonial auprès des descendants d’esclaves. Comment ne pas évoquer ici la lecture du colonialisme de Balandier [33]. Décrivant le colonialisme comme un système dont doivent tenir compte les études sur les sociétés colonisées, Balandier constate que la population colonisée « réduite à une masse économique exploitée remplit un statut identique à ceux remplis par le prolétariat ». Dans un tel système le prolétariat écrit-il « est le véhicule du racisme, il donne à la lutte des classes une violence inouïe en l’entremêlant à la lutte des « races ». Ce modèle s’appuie sur ce que Julien [34] nomme les forces émanant du colonialisme : l’administration, les missions et l’économie nouvelle.
L’application de réformes dans l’espace habité rappelle qu’en dépit de la décentralisation, les politiques applicables au territoire martiniquais sont conçus en métropole. Elles contiennent donc les germes de la résistance au pouvoir qu’elles représentent en se heurtant aux structures sociales, économiques locales comme on l’observe à la Duprey. L’histoire de la Duprey participe à ce refus du pouvoir institutionnel et de ses représentants. Il est fréquent que les discours des résidents de longue date de la Duprey soient émaillés des refus ou des humiliation infligées, réelles ou mystifiées, aux maires successifs ou à leurs représentants depuis plusieurs décennies. On retrouve cette attitude de défiance teintée de méfiance à l’égard des enquêteurs régulièrement dépêchés par les différents organismes territoriaux dans le quartier. Ces faits d’arme sonnent comme des rappels à l’ordre résumé en une préposition : à la Duprey l’on ne fait pas ce que l’on veut et ce encore moins si l’on n’est pas originaire du lieu.
Dans un quartier qui s’est érigé en une communauté soudée par l’appartenance au lieu, par le partage d’une histoire commune, la demande de l’Agence des 50 pas et de la municipalité est perçue comme une intrusion de ceux dont la légitimité n’est pas reconnue malgré la dimension légale de leur intervention.
La Duprey est l’un de ces quartiers qui jouit d’une mauvaise presse auprès de ceux qui n’en sont pas. Nous avons en mémoire ces propos des travailleuses sociaux (Techniciens de l’intervention sociale et familiales, les auxiliaires de vie sociale et assistantes sociales) amenées à y intervenir et le présentant en ces termes fidèlement retranscrits « l’espèce de quartier qui craint, situé en haut à l’entrée du Marin » . L’une évoque cette jeune fille de 19 ans qui il y a deux ans de cela, avait déjà été deux fois à Paris mais ne s’était jamais rendue à Fort de France. Un récit parmi d’autres répété par les travailleurs sociaux, des histoires qui se répètent : toxicomanie, analphabétisme, difficultés sociales et économiques. La majorité de la population qui y réside peut être considérée comme économiquement vulnérable. Précarité, djobage [35], concourent au sentiment des habitants de la Duprey d’être tenus à l’écart de la société productrice, tandis que la persistance d’une mémoire collective sur les fondations du quartier exaltant le désir de liberté des premiers défricheurs du quartier cimente un fort communautarisme. Le sentiment d’exclusion couplé à l’attachement au lieu et à son histoire forment les bases de la politisation des rapports de force qui opposent les habitants de la Duprey au pouvoir institutionnel.
Glissant (1981) [36] , Chivallon (2002) [37] notaient l’absence de métadiscours en Martinique qui amènerait l’ensemble de la population à se fédérer. L’exemple de la Duprey souligne le fait observable à la Martinique : la formation de communautés rassemblant des individus agrégés autour de prédicats communs (couleur de peau, statut social, religion, ancrage territoriale…) ici, l’ancrage au quartier .
La Duprey offre le profil de ces lieux où se cristallise l’histoire des mornes du littoral sud : pêcheurs, agriculteurs, récits de résistance ; échanges économiques et alliances avec les « Anglais » [38] - des pêcheurs sont mariés avec des Saint-Luciennes ou ont un foyer à Sainte-Lucie, située en face du littoral marinois.
La résistance des habitants de la Duprey au pouvoir étatique se nourrit d’une mémoire partagée. Ici donc par des silences ou d’oubli du passé, ce dernier vit à travers les discours, mémoires vivantes collectives. Le discours sur les origines de la Duprey « instaure un ordre intelligible dans un univers autrement trop hétérogène […]. Le discours identitaire sur le temps est ainsi lié à la nécessité pour un groupe de se donner une image de lui-même, de se représenter . […] La fonction du discours identitaire portant sur le temps est une fonction d’intégration de la communauté » [39] ). Les habitants de la Duprey recourent à une interprétation des fondations du quartier où domine un mode particulier de rapport au passé centré sur la résistance à l’ordre institutionnel. La persistance d’un récit communautaire est lié à la conquête de liberté des résidents de la Duprey durant la période coloniale, il vient attester de « cette condition consubstantielle que doit remplir l’édification communautaire : celle d’un gage de souveraineté pleinement réalisée » [40].
Les discours et les pratiques sociales observées à la Duprey convergent vers une défiance vis-à-vis du pouvoir institutionnel, l’on retrouve également une crainte vivace de se faire déposséder du lieu par les procédures d’authentification et d’aménagement du quartier lancés par l’Agence des 50 pas ou la municipalité. Des rumeurs circulent faisant mention de l’intention des politiciens de raser ce quartier pour en faire une vitrine de la commune avec des villas cossues. Dans ce contexte, il semble important de maintenir la mémoire du quartier sur ses origines ; la maitrise de la mémoire est la maîtrise du corps social. Tous savent qui est « une terre rapportée » ou qui est natif du lieu.
Il n’est alors pas inconvenant de maintenir ce propos de l’anthropologie urbaine, tel que nous la concevons ; les cases départs qui ponctuent le paysage, loin d’être des signes d’insalubrité, doivent être maintenues si tel est le désir des habitants car traces tangibles d’une mémoire à la fois familial, et du lieu ancestral.
La Duprey a un paysage qui peut paraître ingrat par endroits. Il est parcouru de traces, diverses, plus perpendiculaires que longitudinales, vestiges des chemins que prenaient les mulets pour emmener les cannes au bord de mer, à l’époque où les maisons étaient moins nombreuses
Photo2
Photo3
photo chemin
Aucune ne converge vers un point central.
Nous avons évoqué la chapelle et son déplacement. Nous savons qu’à une époque elle rassemblait les habitants de la Duprey pour des célébrations diverses, Sa position actuelle est particulière puisque excentrée sur un ponton, résultat de la construction de la nationale. Si vu de celle-ci elle apparaît donc excentré, de la Duprey elle est d’une visibilité exemplaire ; il subsiste un maintien visuel du contrôle social par le regard, ceci expliquant que le trafic de la drogue ne s’y développe pas.
Photo4
photo chapelle, intérieur.
Photo5
photo chapelle, vue d’en haut de la Duprey.
.
L’intitulé de ce article, éloge de la case départ met en exergue le mode de transmission du patrimoine foncier particulier au quartier de la Duprey que nous résumons ; filiation utérine, endogamie partielle, constitution des nouvelles maisons à proximité de la case ou maison familiale, où ajout à partir de celle-ci.
En voici quelques exemples.
L’ossature des maisons révèle un usage de la peinture à l’intérieur.
photo ossature ancienne maison
photo6
photo 7
photo ancienne maison
photo8
photo ancienne maison, tandis que la nouvelle est construite derrière
Il est généralement convenu que la peinture s’appliquait à l’extérieur et non à l’intérieur de l’habitat, et l’on continue à générer cette idée qu’il s’agissait de peinture de récupération pour expliquer la « disparité » de celle-ci. A notre sens les usages sont plus complexes, et toujours le résultat d’un choix délibéré, avec ses codes.
Aujourd’hui la peinture extérieure des maisons de la Duprey est similaire de ce que l’on voit dans l’ensemble de la Martinique ; des couleurs pastel ou l’usage d’un jaune très visible, d’un rose sur l’ensemble de la façade, quelle que soit la surface ou le nombre d’étage de la maison. Il devient de plus en plus difficile de trouver des maisons avec la palette de couleur des années 1970, (une pour le contrebas, une pour les portes et fenêtres, une pour le mur, une autre pour une éventuelle barrière). On y voit aussi une ou deux maisons avec des couleurs rares et originales, plus proche de la palette des îles anglophones. Ceci devient assez régulier dans les lotissements de l’ile, phénomène de mode des années 2000.
Ceci est le signe d’un « embourgeoisement » certain des goûts, sans que l’expression ne soit péjorative. La tendance vers le blanc est aussi observable en France métropolitaine dans les catégories sociales moyennes. Dans cette société coloniale la couleur des hommes (enjeu de racialisation idéologique) fut un temps différencié de la couleur des maisons. Lorsque celle-ci furent en état d’être peinte, une symbolique de l’ordonnancement de la couleur des façades s’élabora, jouant d’une résistance à un ordre dominant. Les couleurs peuvent rejoindre le politique.
“ Devant, le monde des békés avec ses vérandas luisantes, ses berceuses en bois de mahogany, ses lits à colonnes voilés de moustiquaires blanches, ses plateaux à punch scintillant de cristaux, ses odeurs de vanille, de rhum et de citron vert. Derrière le monde des nég’’, avec d’autres odeurs -café, morue salée, friture, coco ranci et, toujours, celle du rhum - d’autres couleurs plus denses, plus sombres, plus violentes.” [41]
Des couleurs actuelles du quartier nous pouvons conclure qu’elles ne révèlent pas une identité différente du reste de la Martinique, qu’il n’y a pas de décalage visible dans la palette utilisée, et si nombre d’entre elles ne sont pas peintes, la raison en est leur transformation inachevée.
Il est vraisemblable que la sécurité qu’octroierait un type de propriété serait un élément de dynamique pour l’achèvement et la peinture définitive. Qu’y analyserions nous alors ?
L’analyse de l’aménagement intérieur du quartier de la Duprey corrobore nos appréciations précédentes concernant la famille, l’identité stabilisée du quartier, avec cependant des demandes latentes d’évolution.
Si quelques maisons témoignent, de l’extérieur, de l’histoire de la progression et des évolutions de l’habitat, à l’intérieur nous trouvons une décoration des deux décennies précédentes si nous nous référons aux ameublements et à leur origine. On voit nettement que leur provenance est celle des magasins de meubles implantés à la Martinique dans les zones industrielles depuis près de 20 ans.
Dans les quartiers d’habitat spontané en milieu urbain nous avions distingué plusieurs temps, dont celui des hommes, puis celui des femmes.
Il s’agissait d’expliquer ainsi que l’ensemble des tâches, des travaux pour prendre possession des zones squattérisées, répondait à des priorités, des urgences, se mettre à l’abri des eaux, de la boue, puis selon les revenus faire les murs d’une maison, les pièces, etc.
Venait enfin le moment où le bâti entrait dans une phase satisfaisante, et le temps des femmes se consacrait à l’intérieur, auparavant elles s’activaient également à l’extérieur, avec leurs hommes, ou seules. Dans cet intérieur est à l’œuvre une projection : « cette manière d’aménagement est dévolue aux femmes et, après le temps de la fondation du quartier où les hommes apparaissent prépondérants, succède pour Volga-Plage le temps de la privatisation de l’espace, moment des femmes. Elles proposent alors une nouvelle perception de la famille dans laquelle le couple devient un phénomène intime, rompant avec l’ancienne structure de la famille élargie qui accompagnait l’économie de la plantation. » [42]
Les intérieurs de la Duprey que nous avons pu visiter n’ont pas cette temporalité visible dans le contexte urbain. L’analyse mise en place précédemment nous permet d’en donner une explication ; l’antériorité des mornes et cette transmission utérine de la terre, la pratique des pêcheurs qui ont besoin des femmes dans la répartition du travail, et ses femmes ayant une forme d’autonomie dans des frontières différentes ont pour conséquence qu’à l’arrivée certains aménagements intérieurs peuvent ne pas être exclusivement celui des femmes. Enfin le temps, historiquement long de la création du quartier. D’autre part les données statistiques concernant la zone des 50 pas montrent une répartition équilibré entre femmes et hommes habitants le quartier.
Etayons le propos d’une relation assez équilibrée dans la gestion de l’aménagement intérieur entre les femmes et les hommes.
Photo9
Cette maison entre deux temps à un ancien pêcheur. Elle est en transformation un des fils s’étant construit une maison accolée à la demeure ancestrale de l’aïeule.
On y voit le toit rehaussé, une première armature en bois peint [43]. Le buffet concentre une partie de son itinéraire avec les photos des petits-enfants en France, les divers cadeaux qui ont pu lui être fait, à l’intérieur des acquisitions de vaisselle de réception, tout marque un lien familial très fort.
Photo10
Sur la cloison en face, les chaises indiquent des étapes, de la chaise en paille tressée, celle en bois local, et pour finir celle de « salon des grands magasins d’ameublement ».Le buffet reste dans la tradition martiniquaise, nous reverrons le même dans la maison d’un autre sinistré après Dean.
Dans cet intérieur masculin, les vases sont parées de fleurs artificielles colorées, posés sur de véritables napperons brodés.
La décoration murale mêle le religieux et le personnel, mais en fait il s’agit du même destin, car la photo du pape rappelle que les pêcheurs sont dépendants et à la « merci de Dieu », la représentation du Christ avec sa branche de rameaux également. De l’autre côté deux « tableaux » personnels, l’un le représentant lors de sa période militaire à Fort-de-France. L’autre photographie est celle d’une scène parisienne, l’un des ailleurs colonial et exotique.
Autre intérieur soumis à l’analyse, toujours masculin, toujours celui d’un ancien pêcheur. La maison actuelle a pu être transformé grâce à un prêt du PACS, mais bien entendu les finitions ont bénéficié d’un investissement personnel et de « koudmin » [44]. Nous voyons ici un l’ameublement que l’on trouve habituellement dans les magasins de meubles de la zone industrielle. Même la pendule est plus « moderne » si nous la comparons à la photographie précédente. L’espace est un peu encombré par ces meubles massifs, mais on n’y dénote pas une surcharge, où une surabondance.
Photo11
La principale photographie dans ce salon est celle de la mère défunte, en haut du buffet. Nous répétons l’importance de la lignée maternelle dans le quartier. Il y a également celle d’un des petits-enfants au mur, une autre photographie familiale dans le buffet. Celui-ci contient les verres classiques de la convivialité. On remarquera également que les vases sont déjà une recherche esthétique, et que le bouquet artificiel répond à une harmonie. Des enfants, des membres de la famille passent souvent et ne sont sans doute pas étrangers à cet agencement. A l’âge qu’à notre informateur il peut voir le chemin parcouru. Dans l’entretien sera évoqué un temps ancien, celui de la pêche à Miquelon à la voile, celui ou « ou péd tan-an, pas tan-an blan [45] », n’avoir aucune garantie d’être retrouvé, sinon par chance et par chance ou hasard. L’aménagement intérieur témoigne d’une sérénité.
L’intérieur que nous présentons est celle d’un couple plus jeune. Les photographies non présentées de la cuisine (exiguë) n’indiquent rien de particulier. Les culs brillant de casseroles n’existent plus, mais on ne s’en étonnera pas dans ce contexte d’un jeune couple, quelques étagères servent à mettre épices, verres de cuisine, etc..mais la cuisine n’est pas aménagée de manière très moderne, du type cuisine intégrée, la pièce étant pour l’instant soumise à des infiltrations.
Photo12
Du salon nous retenons surtout cette mise en valeur de la famille conjugale sur les murs. Dans d’autres travaux, nous remarquions que progressivement disparaissent des murs les photos de famille – elles pouvaient composées presque un paravent tant elles étaient nombreuses dans certains salons – et qu’elles rejoignaient l’intimité de l’album de famille. Ici, même si elles ne sont pas nombreuses les photographies mettent en scène la famille conjugale, se limite à celle-ci, autour principalement de l’enfant.
Photo13
L’autre partie du salon un aménagement contemporain, avec une certaine liberté dans l’agencement, qui déroge un peu à l’ordonnancement des plus anciens. La télé est dans un cadre particulier mais aux murs nous voyons d’autres photographies de cette famille, le père un peu plus présent que la mère sur celles-ci. Dans la chambre, on distingue également des traces d’infiltration. Cet intérieur, assez moyennent investi, est l’exemple de l’attente de certains habitants de la zone des cinquante pas d’un titre de propriété pour enfin investir sur les travaux extérieurs, avant de redémarrer sur l’investissement intérieur, en fonction de ce que nous avons dit des « temps ».
Nous sommes maintenant au cœur de la Duprey, avec ces familles très anciennes dont le patronyme est un garant de l’historicité du quartier.
La maison et les meubles ont vieilli, chaque objet est le témoignage d’une époque, le lustre au plafond celui d’une réussite. En interrogeant la propriétaire nous apprîmes qu’il s’agissait de la première maison en dur du quartier, au début des années soixante-dix, correspondant à la nouveauté de la nationale, aux premiers retours de certains émigrés antillais en vacances au pays. Son modèle de maison fut consciemment l’exemple d’un des médecins de la commune. Et avec la revendication de l’intimité, pour cette femme qui eut dix enfants. Aussi après le salon, la cuisine, et leur chambre, s’ajoutèrent d’autres pièces.
Photo14
Photo15
Photo16
Au-dessus du vieux buffet, nous revoyons les tableaux agréés à l’époque comme belles œuvres d’art, Millet, des natures mortes représentant l’abondance culinaire, la présence du lion gardien de la maison, signe de force et de prospérité. Aux murs des souvenirs des enfants, qui ont voyagé ou émigré.
Les sujets ont un meuble à part, situé dans une pièce annexe. On y repère les porcelaines classiques, qui témoignent de la vacance, du repos, d’un monde apaisé, en regard du monde du labeur que symbolisent les reproductions de Millet.
C’est la partie du vieux quartier, celle qui devrait être abordé avec prudence en cas de rénovation car elle constitue une des mémoires fortes du quartier, celle où le souvenir des arbres encore debout se décline par « mon père l’avait déjà trouvé là »
Nous montrons ce dernier exemple d’aménagement intérieur pour de nouveau dire l’importance du groupe communautaire, familial dans ce quartier. L’un des buffets appartient à une femme âgée, l’autre également. La relation entre les deux femmes étant que l’une a élevée l’autre, car elle était sa tante. Aujourd’hui la fille de la première femme soigne les deux femmes alitées, dans une maison jumelée, partagée ; elle même réside à proximité, sur un terrain cédé par la famille après son retour à la Martinique, après un divorce.
Photo17
Bien entendu en regardant les buffets on voit tout de suite celui qui appartient à la femme qui eut des enfants.
Dans ce petit espace des mornes qui subsiste à la Duprey, avec le respect du jardin créole tel qu’il est défini par la littérature ; sous un aspect de désordre il y a un agencement rigoureux, dans lequel les plantes se protègent les unes les autres, dans une relation d’osmose imposée par le cultivateur.
Photo18
Nous avons également dans cette partie des mornes, cette présence des femmes autour d’une case départ, habité aujourd’hui par un des fils, tandis que les maisons( en voie de finition) des filles s’élaborèrent autour. Cet espace des mornes ne néglige pas les activités de la pêche, mais on y perçoit une attention accrue aux limites territoriales, différente de la conception de l’espace qu’ont les pêcheurs.
Deux explications peuvent être proposées. L’une, improbable et vérifiée, serait que les propriétaires des maisons alentour soient de l’extérieur de la Duprey, donc en perte d’intelligence avec le type d’appropriation traditionnel de l’espace.
L’autre serait que la présence du jardin créole s’accompagne d’un type de relation sociale différent lorsque l’activité était tournée essentiellement vers la mer
Toujours dans cette même parcelle nous avons un autre exemple de conflit latent où justement le développement sauvage d’un jardin crée une polémique de paysage, l’un des habitants refusant de gérer son jardin, le laissant devenir razzié et privant ainsi de la vue sur la mer ses voisins mitoyens.
Photo19
Dans cette partie des mornes se pose donc des problèmes de limites, d’achat de terre et de titre de propriété qui transgresse la répartition familiale. Le fait qu’un titre de propriété puisse être validée, que l’un des habitants sorte du cadre défini de la première partie [46] a une influence sur la gestion du territoire, car effectivement ses revenus proviennent maintenant d’un cadre moderne, il est propriétaire d’une boutique.
Le quartier de la Duprey renvoie à la double dynamique politique dans laquelle est inscrite la Martinique. Y sont appliquées les décisions politiques de la « métropole » dans sa volonté d’organiser l’espace socio-géographique selon des règles qu’elle édicte et s’y produisent des résistances qui forment autant de contraintes qui obligent la métropole à aménager des adaptations aux situations locales. Les attitudes de résistance que nous avons décrites à travers la structuration de l’espace social à la Duprey et la défiance vis-à-vis des interventions institutionnelles sont les soubassements d’une identité qui existe autant par l’attachement au quartier que par contraste aux décisions administratives.
L’exemple du quartier de la Duprey souligne la complexité des processus en jeu dans le colonialisme. Il serait réducteur de mettre en avant la seule dimension oppressive et contraignante de ce processus en ce qu’il repose sur un rapport de force économique et politique entre la métropole et les territoires conquis. En effet comment conclure sans évoquer l’approche culturaliste de Gilroy [47], ce courant qualifié d’humaniste par sa quête à créer de nouveaux champs d’humanité dans la rencontre des contraires. Le colonialisme et surtout le commerce triangulaire ont conjointement permis l’émergence de la modernité en Occident et aux Antilles, du processus de créolisation.
Le colonialisme aurait donc deux visages. Dans le cas de la Duprey, le rapport de force sur lequel il se fonde s’exerce dans les contraintes réglementaires imposées de l’extérieur aux résidents (légalisation de leur lot ; restructuration de l’espace...) mais il est aussi générateur d’un fort sentiment identitaire. L’histoire du quartier, fut-elle un mythe fondateur ou un fait avéré, débutant pendant la période coloniale esclavagiste avec des Noirs affranchis. Le discours sur les origines, la fierté qui l’accompagne, l’attachement au lieu montrent que le colonialisme doit être présenté aussi sous l’angle des opportunités, des opportunités qui se sont créées entre les interstices, les vides du système.
NOTES
[1] W. Rolle, « Urbanités martiniquaises, système d’habitat, aménagement intérieur, des discours ? », Revue de sociolinguistique et de sociologie française, 2008 2009), numéro 34/2, Sociolinguistique urbaine des zones créolophones, p. 51-66
[2] D. Duprez et M. Autes, « Intervention du sociologue dans l’espace local ». Cahiers Internationaux de Sociologie, vol LXXIX, 1985, p. 202 -223.
[3] En mars 1946, sur proposition du député Aimé Césaire, la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion et la Guyane sont séparés de l’Empire colonial et deviennent départements administrés par des préfets.
[4] carte en annexe
[5] Vers 1717, une soixante d’hommes issus du Marin avaient rejoint la milice du Diamant afin de soutenir des planteurs martiniquais contre la tutelle française.
[6] Le Gaoulé : 1717 : Révolte des blancs appelée " Gaoulé " contre le gouverneur et l’intendant qui sont renvoyés au régent. Le port de Nantes va être autorisé à s’occuper du trafic de traite des esclaves.
[7] J.L. Flohic, Le patrimoine des communes de la Martinique, Carenton-le-Pont, Flohic éditions, 1998, p 208.
[8] http://www.francegenweb.org/mairesg...
[9] transportant
[10] G. Bougrier, C. Bersani, Rapport sur les cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique, 2004.http://www.ladocumentationfrancaise...
[11] littéralement « békés-terre », fief des blancs créoles, anciens maîtres esclavagistes.
[12] D’avant.
[13] pratique artistique de Martinique qui mêle musique, danse et tambour.
[14] W. Rolle, « Système et catégories alimentaires martiniquais », Présence Africaine, 144, 4 trimestre, 1987, p. 118-132.
[15] Jusqu’au début des années 1980 dans l’usage de la langue, l’accolement d’un substantif « France » permettait de distinguer des produits locaux et importés. Ainsi « farine France » désignait la farine de blé, en opposition avec la farine de manioc.
[16] W. Rolle, « Gens des mornes, gens des villes », Autrement, H.S. N°41, Octobre 1983, p.133-136.
[17] G. Torres, « Villes et démocratie » Revue d’anthropologie Tyanaba, , n°4, janvier 2000, p 20-59.
[18] travail non déclaré.
[19] I. Dubost, De soi aux Autres… Un parcours périlleux : la construction d’un territoire par les pêcheurs martiniquais, Thèse de Doctorat sous la direction de Alain Tarrius, professeur à l’université Toulouse III, 1996, (834 p).
[20] Ibid., p. 394.
[21] J. Berthelot et M. Gaumé, Kaz antiyé jan moun ka rété. Editions perspectives créoles, 1982, 167 p.
[22] Anonyme, Dissertation sur les Pesches des Antilles ,Montréal, Centre de recherches Caraïbes, 1775, (réed 1975), p. 6-7.
[23] W. Rolle, « Des mémoires pour la réhabilitation de l’espace urbain », Revue d’Anthropologie Tyanaba, N°4, Mars 2000, p.107-135.
[24] C. Chivallon, « Recompositions sociales à l’abolition de l’esclavage. L’importance de l’expérience des mornes dans la définition des orientations sociales à la Martinique », in : M. Dorigny (ed.) Esclavage, résistances et abolitions, Paris, Les Éditions du CTHS (Comité des Travaux Historiques et Scientifiques), 2006, pp. 417-431.
[25] un ensemble de maisons où relations de voisinages et relations familiales s’entremêlent, comme dans une cour .
[26] R. Price, « Magie et pêche à la Martinique » L’Homme, Année 1964, Volume 4, Numéro 2 pp. 84-113.
[27] Op cit, p. 395.
[28] Les termes sont employés dans cette rapide étude avec précaution, le débat épistémologique de leur application dans la formation familiale martiniquaise serait long.
[29] G. Augustin, La perpétuation des groupes domestiques, un essai de formalisation. L’Homme, 148 (1998), pp. 15-46.
[30] J. Berthelot, M. Gaume, « La dimension créole des architectures antillaises ». Les temps Modernes, n° 441-442, 1983, pp. 1108-2125.
[31] I. Dubost, op. cit., p 394.
[32] Op. cit., p. 19.
[33] G. Balandier, « La situation coloniale, approche théorique » Cahiers internationaux de sociologie, vol. 11, 1951, pp. 44-79.
[34] Ch.-A. Julien, Histoire de l’Afrique, Collection Que sais-je ?, Presses Universitaires de France, 1994.
[35] emplois irréguliers et non déclarés
[36] E. Glissant, Le Discours antillais. Paris, Gallimard, 1981.
[37] C. Chivallon, « Mémoire antillaise de l’esclavage », Ethnologie française,14, Vol 32, 2002, pp. 601-612.
[38] Désigne aux Antilles françaises les originaires des îles anglophones voisines : Sainte-Lucie, la Dominique ; Saint-Vincent.
[39] Poirier, op cit, pp. 81-82.
[40] C. Chivallon, op.cit., p. 611.
[41] M.R. De Jaham, La grande béké, Paris, R. Laffont, 1990, p. 54.
[42] W. Rolle. « L’aménagement intérieur de la maison et la mémoire martiniquaise », in : M. Dorigny M. (ed.), op cit.
[43] notation personnelle, non d’usage dans les travaux anthropologiques : Le propriétaire des lieux a tenu à être présent sur les photographies, contrairement à nos usages. Le lendemain nous lui avons remis quelques-unes des photos ; en effet son intérieur lui convient, de même que son histoire
[44] entraide collective
[45] perdre son chemin par cause de temps blanc, trop nuageux.
[46] Voir la remarque dans la première partie à propos de R. Price qui ajoute : « Il attribue l’émergence de cet individualisme au mercantilisme des échanges engendrés par la modernisation des embarcations, l’argent désormais devant remplacer le troc. L’autre, qu’il désigne comme « égalitaire » pour décrire leur aspiration au conformisme, le refus de s’élever ou rester en deçà du niveau socioéconomique moyen du groupe. »
[47] P. Gilroy, The Black Atlantic : Modernity and Double Consciousness, Verso, 1993.