avril 2012
Clémence Henryrésumé
Aujourd’hui, les Tibétains, au Tibet comme en exil, continuent de se penser comme originaires de l’une des trois régions de leur pays que sont le U-Tsang, le Kham et l’Amdo. Toutes trois pourtant n’existent plus depuis 1965, date à laquelle fut créée, plus de dix ans après l’invasion chinoise, la Région Autonome du Tibet (RAT), englobant très grossièrement la région du U-Tsang, aussi appelée Tibet Central. Les deux autres régions tibétaines furent intégrées aux provinces chinoises du Qinghai, du Sichuan et du Gansu pour l’Amdo ; de la RAT, du Sichuan, du Qinghai et du Yunnan pour le Kham. L’ensemble du territoire sur lequel s’étale la population tibétaine au Tibet, quoique celle-ci ne dépasse pas les sept millions, représente une surface de 2.5 millions de km², soit cinq fois la France.
En ce qui concerne la population de mon sujet d’étude, les Tibétains en région parisienne, la plupart ont environ 35 ans, la majorité étant comprise dans une tranche allant de 25 à 45 ans selon mes observations. Que ces Tibétains soient nés au Tibet ou en exil, aucun ou presque n’a donc connu la période où le découpage « historique » du Tibet était en vigueur. Pourtant aucun ne se définirait comme originaire du Sichuan ou du Qinghai par exemple. Les Tibétains continuent de se définir comme Khampas -originaires du Kham-, Amdowas -originaires de l’Amdo-, ou U-Tsangwas -originaires du U-Tsang -. Il n’y a, derrière ces auto-définitions sur la base de la région, aucune volonté d’indépendance politique régionale. Ce que je désignerai comme « régionalisme » n’est pas de nature politique ; il n’y a aucune aspiration à la sécession des régions les unes par rapport aux autres.
En outre, une nouvelle « origine » semble être apparue pour ceux qui sont nés en exil, en Inde : ils sont désignés par les Tibétains venus du Tibet comme les shichak, terme provenant d’un glissement de la géopolitique à la socio-anthropologie. Traduction en tibétain de l’anglais settlement, « camp », ce mot en est venu à désigner ceux qui y sont nés. Eux-mêmes n’emploient pas cette expression pour se désigner et ne se définissent que comme « Tibétains ». Ils semblent aussi n’afficher aucune des saillances régionales que les Tibétains reconnaitraient comme de la région de l’Amdo, de celle du Kham ou de celle du U-Tsang. Pourtant, eux aussi semblent former du « nous » par une série de traits caractéristiques. En France, ces souvenirs et habitudes d’Inde sont souvent dissimulés dans la société tibétaine et face à la française, mais dans l’entre soi, ils sont souvent cultivés. Peut-on pour autant parler d’une « quatrième région » ? C’est l’une des questions que je souhaite explorer.
à propos
Master 2 Recherche « Migrations et Relations interethniques », sous la direction de Nicolas PUIG, à l’UFR sciences sociales / URMIS de l’Université Paris Diderot Paris 7
Mots clefs
citation
Clémence Henry, "Tibétains en exil : appartenances et formes de différenciation identitaires. La réinvention du régionalisme tibétain.", Recueil Alexandries, Collections Masters, avril 2012, url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article1235.html
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