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Le programme "ZONES FRONTIERES"

Séminaire 2010 : Repenser la recherche sur la pauvreté

7 janvier 2010, 1ère séance, salle 216, Université Paris 1/Panthéon-Sorbonne.

« Etudier la pauvreté : par-delà misérabilisme et populisme »

- Argument :Dans le Savant et le populaire, Claude Grignon et Jean-Claude Passeron ont marqué leur résistance face aux « cécités sociologiques du relativisme culturel », fondatrices des approches populistes, « pour qui le sens des pratiques populaires s’accomplit intégralement dans le bonheur monadique et l’autosuffisance symbolique ». Comment toutefois échapper aux affres du populisme sans verser dans une forme de misérabilisme où il ne reste plus au chercheur qu’à « décompter d’un air navré toutes les différences comme autant de manques, toutes les altérités comme autant de moindre-être […] » ? Comment ne pas succomber au « degré zéro – néant descriptif » et aux sirènes de la sociologie de la privation ? S’ils semblent douter de la formule de l’oscillation, faisant alterner en un mouvement de balancier description misérabiliste et description populiste, à la question « est-elle une démarche indépassable pour le sociologue ? », ils ne donnent au fond aucune réponse. Ce mutisme est-il coextensif, comme le posait Philippe Genestier dans un texte de 1994 au caractère aporétique du débat ? Dans cette première séance, il est proposé de revenir sur les éléments du débat en les éclairant à l’aune de travaux conduits dans le domaine de la pauvreté, là peut-être où le chercheur est le plus sujet aux risques de décrire, d’expliquer et d’interpréter en ayant recours aux catégories d’analyse relevant de schémas populistes ou misérabilistes.

Intervenants :

- Cédric Frétigné, Maître de Conférences, Université Paris 12, CIRCEFT, « Une sociologie “au ras du sol” : par-delà misérabilisme et populisme ».

- Julian Mischi, Sociologue, INRA, « De la classe ouvrière aux pauvres. Le PCF face à l’idéologie dominante dans la deuxième partie des années 1970 ».

- Bernard Pudal, Professeur de Science politique, Université Paris X- Nanterre, « Présentation du livre « Un monde défait » ( Edit. du Croquant, 2009) sur le thème ouvriers, politisation et communisme ou comment les analyses légitimistes et relativistes conduisent à réinterroger certains présupposés de l’histoire du communisme dans ses rapports avec le monde ouvrier"


4 Février 2110, 2ème séance, salle 216, Université Paris 1/ Panthéon-Sorbonne.

« Actions collectives et pauvreté ».

- Argument : Diverses actions collectives ont été menées au nom des « sans- abri », et parfois avec eux, pour tenter d’alerter la société sur leur sort et de faire valoir leurs droits. Du discours compassionnel ou humanitaire à celui de la citoyenneté, en passant par la dénonciation des rapports de domination, tout un ensemble de positionnements se sont manifestés dans le champ de cette mobilisation par procuration des populations les plus démunies en capital. Ne convient-il pas d’analyser sociologiquement les formes de cette solidarité avec les sans-abri à travers ces actions collectives ? Comment les acteurs concernés (les « mal-logés », les « SDF », les « sans-papiers », les « jeunes des cités », les minorités de « l’underclass » aux USA) s’inscrivent-ils dans la pluralité de cette offre ? Que font-ils concrètement lorsqu’ils s’intègrent dans des postes de militantisme plus ou moins formalisés ? Quelles relations entretiennent-ils avec ceux qui, fondateurs du mouvement, continuent d’être des dirigeants ? Les représentants de l’Etat ont chaque fois assuré un engagement sans faille dans les issues des mobilisations « réussies » et, force est de constater que les effets d’annonce rivalisent avec les lois non appliquées ou votées avec des amendements qui les dénaturent. Que font concrètement les organisations bureaucratiques (DASS, FNARS) prises entre le cadre légal, les nouvelles donnes culturelles issues des nouveaux positionnements des acteurs contestataires, et les faibles marges de manœuvres opérationnelles ? Comment les groupes minoritaires réagissent-ils à ces manipulations répétées ? Comment les autres groupes constitués, à commencer par les journalistes, soutiennent ou délégitiment les organisations des « sans » ?

Intervenants :

- Lucas Graeff, doctorant en anthropologie à Paris V : « Luttes collectives et ethnographie des Enfants de Don Quichotte »

-  Patrick Bruneteaux, chercheur au CRPS : « De l’action collective à l’action sociale : la journée de passage de relais des Don Quichotte à la FNARS ».


11 Mars 2010, 3ème séance, salle 419 B, Université Paris 1/Panthéon-Sorbonne.

« Constructions sociales et discours sur la pauvreté : la psychiatrie »

Argument : Un des intérêts épistémologiques majeurs de la sociologie de la pauvreté réside dans la mise en discussion des frontières entre dimensions sociales et dimensions individuelles. Dans ce cadre, il existe une sorte de concurrence entre la sociologie et la psychiatrie qu’il nous apparaît utile de mettre en débat. Le chercheur en sciences sociales a-t-il les outils méthodologiques et théoriques pour penser concrètement non seulement les processus mais également la folie en tant que tels ? Ou bien cela ne ressort-il que de la seule compétence du psychiatre ? Singulièrement, peut-on considérer (et dans quelle mesure) que le sociologue a compétence à traiter de la « folie » (et dans quels termes) de ceux que l’on désigne sous le terme de « SDF » ? Quelles analyses produisent celles et ceux qui travaillent au contact des sous-prolétaires au sujet de la santé mentale et des formes de relations suscitées par la vie à la rue ? Les psychiatres repèrent-ils des pathologies mentales qui seraient spécifiques aux populations suivies ? Comment délimitent-ils eux-mêmes ce qui relève de l’individuel et du social ? Et pourquoi les sociologues vont-ils si rarement sur cette « zone frontière » entre le normal et le pathologique alors que leur objet interroge les frontières entre l’humain et l’inhumain ? Au delà des normes posées par le fonctionnement institutionnel de la psychiatrie, les questions de la folie et de la santé mentale, de la souffrance extrême et du laisser-aller de soi dans la « clochardisation » ne peuvent-elles être repensées par la sociologie de la domination ?

Intervenants :

- Vincent Girard, Coordonateur médical d’une équipe de santé mentale communautaire, Marseille (Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille/Médecins du Monde), « Du contrôle social en psychiatrie : de la prison aux espaces interstitiels de la ville ».

- Jean Maisondieu, Psychiatre, « Pauvreté, souffrance psychique et maladie mentale : quels liens ? »


8 Avril 2010, 4ème séance, salle 419 B, Université Paris 1/ Panthéon-Sorbonne.

« Zone frontière et frontières de la zone »

- Argument : Traiter de la « frontière » de la pauvreté, est-ce uniquement user d’une image, parlante en ce qu’elle appelle à raisonner suivant une ligne de démarcation entre un avant et un après, un dedans et un dehors, une zone de droit et une zone où l’extraterritorialité est synonyme de privation ou d’impossibilité d’accès aux mêmes droits ? Traiter de la « frontière » de la pauvreté, est-ce s’en tenir au registre de la métaphore ou bien cela traduit-il des lignes de partage spatialement énonçables, et donc descriptibles par les outils de la statistique, de la cartographie, de l’observation ethnographique ? Le pari de cette séance est de prendre au sérieux la notion de « frontière » dans son acception territoriale et de chercher à repérer dans quelle mesure une ou des frontières de la pauvreté sont appréhendables (en des termes concurrents, complémentaires ou opposés à l’habituelle saisie via des indicateurs de taux de pauvreté monétaires). Penser les ghettos et les enclaves de la relégation, n’est-ce pas aussi cerner les espaces de la visibilité et de l’invisibilité, y compris au cœur des centre-villes ? Comme les habitus sont-ils construits de telle sorte que la misère extrême et la déshumanisation puissent uniquement produire une « souffrance à distance » ? Quels mécanismes sont à l’œuvre dans les opérations de neutralisation de la dénonciation sociale inscrites dans la coexistence quotidienne des statutaires urbains et des sous-prolétaires parias ?

Intervenants :

- Catherine Sélimanovski, IUFM / Maître de Conférences en géographie, Montpellier, LIRDEF, « L’inscription spatiale de la pauvreté »

- Nicolas Roinsard, Maître de Conférences en géographie, Université de Clermont, « La construction sociale de la pauvreté à La Réunion ou le poids de l’Histoire dans une ancienne société de plantation ».


6 mai 2010, 5ème séance, salle 419 B, Université Paris 1/ Panthéon-Sorbonne.

« Zones frontières : déclassement, reclassement et paupérisation »

- Argument : Penser la pauvreté dans une logique structurale, c’est penser des mécanismes, des déterminations, des flux et des trajectoires. Dans cette logique, pour casser l’approche culturaliste substantialiste, nous posons la question des dynamiques d’entrée et de sortie de ce que l’on peut appeler par convention les classes populaires. Pour ce faire, nous nous interrogerons autant sur les mécanismes de précarisations des classes moyennes ou populaires salariées que sur les logiques sociales « simmeliennes » d’insertion des fractions « marginales » des classes populaires. Sur le reclassement : Comment penser le phénomène des ciseaux entre l’immense rhétorique sur l’insertion sociale et professionnelle des « jeunes des cités », « chômeurs », « RMIstes » ou « SDF » d’une part, et, d’autre part, la déconstruction sociologique de l’inefficacité patente des politiques publiques qui les sous-tendent ? Comment la sociologie des technologies et des outils des professionnels de l’insertion (démarche globale, logique du projet, supports psychologiques, dynamiques de groupes, etc.) nous permet de pratiquer une sociologie de l’acculturation, de l’initiation, de la transformation de l’habitus, etc. ? Comment le sociologue peut-il sociologiser les dynamiques individuelles identitaires ? Comment empiriquement en rend-il compte ?

Intervenants :

- Emmanuel Pierru et Alexis Spire, chercheurs CNRS, CERAPS / Université de Lille 2, « Un contrôle des chômeurs toujours plus sévère : analyse ethnographique des opérations de classement des demandeurs d’emploi au prisme des pratiques professionnelles des « Street-Level Bureaucrats » depuis la réforme de 2005 ».

- Xavier Zunigo, docteur en sociologie à l’EHESS : « La gestion publique du chômage des jeunes : logiques de reclassement professionnel et étayage des dispositions socioprofessionnelles »


3 juin 2010, 6ème séance, salle du C.R.P.S., Sorbonne.

« Zones frontières : genre et pauvreté »

- Argument : Cette séance s’organise autour d’une interrogation portant sur les spécificités de la pauvreté lorsqu’elle se décline, au féminin, dans des contextes marqués par des atteintes à l’intégrité physique même des personnes. Dans la mesure où les formes de violence observées (particulièrement explicites et traumatisantes) s’inscrivent dans le cadre de rapports sociaux de sexe marqués par la brutalité de la domination, l’ambition est non seulement de repérer les formes spécifiques prises par cette domination mais plus généralement d’interroger la configuration dans laquelle elle s’inscrit : un univers où la violence entre sous-prolétaires se présente comme un mode d’adaptation à la condition qui leur est faite. Comment les relations de domination entre hommes et femmes déjà repérées dans le monde « ordinaire » jouent-elles dans le monde de la « rue » ? Dans le sens de l’aggravation ou de l’atténuation ? Comment les violences de la « rue » sont-elles pensées par les travailleurs sociaux lorsqu’ils ont affaire à des femmes ? Est-il vrai que leur prise en charge est plus systématique et plus efficace ? Comment le vérifier empiriquement ? Comment situer la présence de l’enfant dans le passage dans (ou la sortie de) la rue ? Et comment penser les différenciations internes entre les populations féminines, selon qu’elles sont migrantes ou non ?

Intervenantes :

- Estelle Soudant-Depelchin , doctorante en sociologie, Institut de Sociologie et d’Anthropologie, Lille 1 / Clersé : « Genre et extrême pauvreté : le cas des sans-domicile lillois ».

- Jane Freedman, Professeure de sociologie à Paris VIII : « Genre, migrations et pauvreté : le cas des exilées en France »