Le programme "ZONES FRONTIERES"
Centre de Recherches Politiques de la Sorbonne / CNRS / Université Paris 1 Centre Interdisciplinaire de Recherche Culture Education Formation Travail Laboratoire d’Anthropologie Urbaine / CNRS
8 janvier 2009, 1ère séance, lieu : salle de séminaire du CRPS, Sorbonne, 14 rue Cujas, 3e étage .
Argument : Comment mobiliser les méthodes classiques de l’ethnographie et de la sociologie, depuis les techniques d’observation proprement dites jusqu’aux prises de notes sur le terrain et à la rédaction du journal de terrain (Emerson & Shaw) ? Comment articuler ces outils traditionnels aux innovations actuelles (recherche sur internet, par exemple), tout en maintenant l’exigence de vérification et de recoupement des informations ? Comment peut-on intégrer d’autres supports (internet, photos prises avec le téléphone portable et l’audio-visuel ethnographique…) en complément des méthodes classiques du chercheur sur le terrain (fieldworker ) ? Comment contrôler le processus de fabrication de la preuve de sorte que le chercheur ne substitue pas ces dernières aux premières, en faisant notamment l’économie du « terrain » au profit d’un « terrain virtuel », avec tous les avatars que ce dernier véhicule : idéologie, visions tronquée et rétention de données, etc. ? D’autre part, comment dépasser en la posant autrement la question de la déontologie (qui a aussi son écho épistémologique) dans la construction d’un objet qui reposerait sur la posture de l’observateur caché (covert researcher) ? De fait, l’opacité de nombreuses structures – officielles et/ou associatives – oblige le chercheur à travailler masqué pour obtenir les informations sur le terrain. Dans ce cadre, comment penser méthodologiquement la relation d’enquête ? Plus généralement dans le domaine de la pauvreté, comment produire un objet scientifique qui préserve au mieux des parasitages idéologiques multiples auxquels le chercheur n’échappe pas ?
Intervenants :
David Lepoutre, Professeur de sociologie, Université de Picardie, « Ethnocentrisme et décentrement dans le travail de terrain. D’une cité de banlieue à un immeuble haussmannien ».
Emmanuelle Santelli, Sociologue au CNRS, associée à l’INED Institut des Sciences de l’Homme, MoDyS, Lyon, « Grandir en banlieue. Une approche du terrain par la constitution d’une cohorte. Questions de méthodes, apports et limites de cette démarche ».
12 février 2009, 2ème séance, lieu : Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, 12, Place du Panthéon, salle 419 B .
Argument : Diverses actions collectives ont été menées au nom des sans- abri, et parfois avec eux, pour tenter d’alerter la société sur leur sort et de faire valoir leurs droits. Du discours compassionnel ou humanitaire à celui de la citoyenneté, en passant par la dénonciation des rapports de domination, tout un ensemble de positionnements se sont manifestés dans le champ de cette mobilisation par procuration des populations les plus démunies en capital. Ne convient-il pas d’analyser sociologiquement les formes de cette solidarité avec les sans-abri à travers ces actions collectives et de remarquer que leurs porteurs collaborent assez curieusement à la pérennité de ce qu’ils entendent dénoncer ? Comment les acteurs concernés (les « mal-logés », les « SDF », les « sans-papiers », les « jeunes des cités », les minorités de « l’underclass » aux USA) s’inscrivent-ils dans la pluralité de cette offre ? Que font-ils concrètement lorsqu’ils s’intègrent dans des postes de militantisme plus ou moins formalisés ? Quelles relations entretiennent-ils avec ceux qui, fondateurs du mouvement, continuent d’être des dirigeants ? Les représentants de l’Etat ont chaque fois assuré un engagement sans faille dans les issues des mobilisations « réussies » et, force est de constater que les effets d’annonce rivalisent avec les lois non appliquées ou votées avec des amendements qui les dénaturent. Comment les groupes minoritaires réagissent-ils à ces manipulations répétées ? Comment les autres groupes constitués, à commencer par les journalistes, soutiennent ou délégitiment les organisations des « sans » ?
Intervenants :
Lucas Graeff, doctorant en anthropologie à Paris V : « Luttes collectives et ethnographie des Enfants de Don Quichotte »
Patrick Bruneteaux, chercheur au CRPS : « De l’action collective à l’action sociale : la journée de passage de relais des Don Quichotte à la FNARS ».
----
12 mars 2009, 3ème séance, lieu : salle de réunion du CRPS. Sorbonne, entrée 14 rue Cujas, 3e étage.
Argument : Un des intérêts épistémologiques majeurs de la sociologie de la pauvreté réside dans la mise en discussion des frontières entre dimensions sociales et dimensions individuelles. Dans ce cadre, il existe une sorte de concurrence entre la sociologie et la psychiatrie qu’il nous apparaît utile de mettre en débat. Le chercheur en sciences sociales a-t-il les outils méthodologiques et théoriques pour penser concrètement non seulement les processus mais également la folie en tant que tels ? Ou bien cela ne ressort-il que de la seule compétence du psychiatre ? Singulièrement, peut-on considérer (et dans quelle mesure) que le sociologue a compétence à traiter de la « folie » (et dans quels termes) de ceux que l’on désigne sous le terme de « SDF » ? Quelles analyses produisent celles et ceux qui travaillent au contact des sans-abri au sujet de la santé mentale et des formes de relations suscitées par la vie à la rue ? Les psychiatres repèrent-ils des pathologies mentales qui seraient spécifiques aux populations suivies ? Comment délimitent-ils eux-mêmes ce qui relève de l’individuel et du social ? Et pourquoi les sociologues vont-ils si rarement sur cette « zone frontière » entre le normal et le pathologique ?
Intervenants :
Vincent Girard, Coordonateur médical d’une équipe de santé mentale communautaire, Marseille (Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille/Médecins du Monde), « Du contrôle social en psychiatrie : de la prison aux espaces interstitiels de la ville ».
Jean Maisondieu, Psychiatre, « Pauvreté, souffrance psychique et maladie mentale : quels liens ? »
9 avril 2009, 4ème séance, lieu : Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, 12, Place du Panthéon, salle 419 B .
Argument : Traiter de la « frontière » de la pauvreté, est-ce uniquement user d’une image, parlante en ce qu’elle appelle à raisonner suivant une ligne de démarcation entre un avant et un après, un dedans et un dehors, une zone de droit et une zone où l’extraterritorialité est synonyme de privation ou d’impossibilité d’accès aux mêmes droits ? Traiter de la « frontière » de la pauvreté, est-ce s’en tenir au registre de la métaphore ou bien cela traduit-il des lignes de partage spatialement énonçables, et donc descriptibles par les outils de la statistique, de la cartographie, de l’observation ethnographique ? Le pari de cette séance est de prendre au sérieux la notion de « frontière » dans son acception territoriale et de chercher à repérer dans quelle mesure une ou des frontières de la pauvreté sont appréhendables (en des termes concurrents, complémentaires ou opposés à l’habituelle saisie via des indicateurs de taux de pauvreté monétaires).
Intervenants :
Catherine Sélimanovski, IUFM / docteure en géographie, Montpellier, LIRDEF, « L’inscription spatiale de la pauvreté »
Florence Bouillon, Docteure en sociologie EHESS Marseille, « Du sentiment d’indignité à la rhétorique de la résistance : les carrières morales des habitants sans droit ni titre »
14 mai 2009, 5ème séance, lieu : CRPS, entrée 14 rue Cujas, salle de réunion au 3e étage.
Argument : Penser la pauvreté dans une logique structurale, c’est penser des mécanismes, des déterminations, des flux et des trajectoires. Dans cette logique, pour casser l’approche culturaliste substantialiste, nous posons la question des dynamiques d’entrée et de sortie de ce que l’on peut appeler par convention les classes populaires. Pour ce faire, nous nous interrogerons autant sur les mécanismes de précarisations des classes moyennes ou populaires salariées que sur les logiques sociales « simmeliennes » d’insertion des fractions « marginales » des classes populaires. Sur le reclassement : Comment penser le phénomène des ciseaux entre l’immense rhétorique sur l’insertion sociale et professionnelle des « jeunes des cités », « chômeurs », « RMIstes » ou « SDF » d’une part, et, d’autre part, la déconstruction sociologique de l’inefficacité patente des politiques publiques qui les sous-tendent ? Comment la sociologie des technologies et des outils des professionnels de l’insertion (démarche globale, logique du projet, supports psychologiques, dynamiques de groupes, etc.) nous permet de pratiquer une sociologie de l’acculturation, de l’initiation, de la transformation de l’habitus, etc. ? Comment le sociologue peut-il sociologiser les dynamiques individuelles identitaires ? Comment empiriquement en rend-il compte ?
Intervenants :
N. Burgi, (avec Béatrice Appay, sous réserve) chercheure en science politique au CRPS : « La précarisation des fonctionnaires. Le cas de France Télécom »
Xavier Zunigo, docteur en sociologie à l’EHESS : « La gestion publique du chômage des jeunes : logiques de reclassement professionnel et étayage des dispositions socioprofessionnelles »
11 juin 2009, 6ème séance, lieu : Université Paris 1- Panthéon-Sorbonne, 12, Place du Panthéon, salle 419 B.
Argument : Cette séance s’organise autour d’une interrogation portant sur les spécificités de la pauvreté lorsqu’elle se décline, au féminin, dans des contextes marqués par des atteintes à l’intégrité physique même des personnes. Dans la mesure où les formes de violence observées (particulièrement explicites et traumatisantes) s’inscrivent dans le cadre de rapports sociaux de sexe marqués par la brutalité de la domination, l’ambition est non seulement de repérer les formes spécifiques prises par cette domination mais plus généralement d’interroger la configuration dans laquelle elle s’inscrit : un univers où la violence entre sous-prolétaires se présente comme un mode d’adaptation à la condition qui leur est faite. Comment les relations de domination entre hommes et femmes déjà repérées dans le monde « ordinaire » jouent-elles dans le monde de la « rue » ? Dans le sens de l’aggravation ou de l’atténuation ? Comment les violences de la « rue » sont-elles pensées par les travailleurs sociaux lorsqu’ils ont affaire à des femmes ? Est-il vrai que leur prise en charge est plus systématique et plus efficace ? Comment le vérifier empiriquement ? Comment situer la présence de l’enfant dans le passage dans (ou la sortie de) la rue ? Et comment penser les différenciations internes entre les populations féminines, selon qu’elles sont migrantes ou non ?
Intervenantes :
Estelle Soudant-Depelchin , doctorante en sociologie, Institut de Sociologie et d’Anthropologie, Lille 1 / Clersé : « Genre et extrême pauvreté : le cas des sans-domicile lillois ».
Jane Freedman, Maître de Conférences en Science politique à l’Université Paris 1/CRPS : « Genre, migrations et pauvreté : le cas des exilées en France »