Savoirs, mobilisations et protections
Éditions du Croquant, Collection TERRA
ISBN : 978-2-9149-6834-8
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TEXTE INTÉGRAL EN ACCÈS LIBRE
bon de commande TEXTE INTÉGRAL EN ACCÈS LIBREPrésentation de l'éditeur
Mariages forcés, grossesses ou avortements forcés, mutilations génitales, lapidations, défigurations à l’acide et autres crimes d’honneur, esclavages et violences domestiques sans recours, viols d’épurations ethniques, esclavage sexuel et prostitution forcée, privations traditionnelles ou politiquement tolérées de libertés et droits humains fondamentaux…
Dans ce domaine, les travaux des sciences humaines et sociales n’ont généralement pas été produits en relation avec la problématique de l’exil et de la protection internationale des réfugiés. Ce point de vue spécifique permet de reconsidérer les données existantes sur la situation des femmes persécutées dans le monde et d’apporter des connaissances nouvelles qui permettent d’inaugurer une anthropologie des persécutions spécifiques aux femmes.
Les persécutions des femmes ne sont pas seulement des faits sociaux, elles sont aussi des causes de mobilisations sociales nationales et internationales. Le mouvement féministe participe, par ses actions, à la reconnaissance de ces persécutions mais demeure segmenté par les frontières nationales et par le fossé qui sépare le « nord » et le « sud » des conditions économiques et sociales : les « violences aux femmes » ici, sont peu reliées encore aux « persécutions des femmes » là-bas.
A la croisée de la sociologie des mouvements sociaux et des rapports de domination entre les genres, les recherches existantes montrent que ce sont surtout les associations caritatives et humanitaires qui se mobilisent aujourd’hui en faveur de la reconnaissance et de la protection des victimes de persécutions spécifiques aux femmes.
Jane Freedman est professeure (Dr., MdC, HdR) de science politique à l’Université de Southampton (Royaume Uni) et chercheur associée au Centre de Recherches Politiques de la Sorbonnes (Univ. Paris 1 - CRNS), membre du Groupe de Pilotage du Réseau scientifique TERRA.
Jérôme Valluy est professeur (Dr. MdC) de sociologie politique à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1), chercheur au Centre de Recherches Politiques de la Sorbonne (CNRS - Paris 1), chercheur associé au Centre d’Etudes Africaines (CNRS - EHESS), membre du Groupe de Pilotage du Réseau scientifique TERRA..
Mots clefs
AVEC : Philip Aïdan, Sabreen Al’Rassace, Miranda Alison, Maria Aparecida da Silva Pereira Costa, Christine Bellas Cabane, Lucie Brocard, Flora Burchianti, Robert Cabanes, Renata Carvalho da Silva, Sophia Ceneda, Clara Domingues, Pierrick Devidal, Jules Falquet, Éric Fassin, Barkahoum Ferhati, Jane Freedman, Yumi Garcia dos Santos, Arlette Gautier, Morgane Gueguen, Florence Lacaze, Jérôme Larché, Sonia Lépine, Claudie Lesselier, Carol Mann, Yassaman Montazami, Jean-Claude Oulai, Khadija Noura, Élodie Razy, Natalia Suarez, Flor de Maria Valdez Arroyo, Jérôme Valluy.
Préambule
Introduction : Jane FREEDMAN, Jérôme VALLUY, Persécutions genrées des femmes
1ère partie : Anthropologie des persécutions genrées des femmes
1. Dans tous les pays...
Arlette GAUTIER, « Les violences contre les femmes dans les pays en développement »
Flora BURCHIANTI, « "La fresa amarga" : Mobilisations autour des persécutions rencontrées par les travailleuses agricoles saisonnières étrangères dans la province de Huelva (Espagne) »
Jules FALQUET, « Guerre de basse intensité contre les femmes ? La violence domestique comme torture, réflexions sur la violence comme système à partir du cas salvadorien. »
2. Immuable culture ?...
Carol MANN, « Les shahidé du monde traditionnel : le suicide des jeunes filles afghanes. »
Jean-Claude OULAI, « La pratique de l’excision chez les Dan de Logouqlé (Cote-d’Ivoire) : Comment et pourquoi ? »
Christine BELLAS CABANE, « Fondements sociaux de l’excision dans le Mali du 21ème siècle. »
Elodie RAZY, « Les "réfugiées de l’intérieur". Excision et mariage précoce contraint entre la France et le Mali. »
3. Genres et traumas...
Flor de María VALDEZ ARROYO, « Le déni de justice constitue-t-il une forme de persécution ? L’exemple des victimes de violence sexuelle au Pérou durant le conflit armé interne de 1980 à 2000. »
Miranda ALLISON,« Les violences sexuelles en temps de guerre : droits des femmes et questions de masculinité. »
Yassaman MONTAZAMI, « Enjeux psychiques et destin social du trauma : le chemin de la subjectivité chez une jeune femme ivoirienne exilée en France. »
4. Résistances, luttes, mobilisations...
Natalia SUAREZ, « Le travail de résistance des femmes persécutées dans des situations de guerre : le cas de la Colombie. »
Robert CABANES, Carvahlo da SILVA Renata, Maria da Silva Pereira, Yumi GARCIA DOS SANTOS, « Violence domestique, crises et processus de reconfigurations familiales. »
Barkahoum FERHATI, « La lutte contre l’excision des fillettes et des femmes au Soudan : entre politiques volontaristes, mondialisation et résistances sociales. »
5. Idéologies et climats d’opinion...
Éric FASSIN, « " Une enquête qui dérange" : sur la difficile réception en France de l’Enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France (Enveff-2001). »
« accueil aux lesbiennes et aux femmes étrangères - Lesbiennes étrangères en mouvement, en France aujourd’hui. »
Khadija NOURA, « Travail de construction de la crédibilité, processus d’évaluation et de catégorisation des motifs de persécution : études de cas, les femmes réfugiées provenant d’ex-URSS. »
6. Faiblesses des politiques publiques...
Sonia LEPINE, « L’évolution du droit international pénal et les crimes contre les femmes lors des conflits armés. »
Pierrick DEVIDAL, « Pour un système de protection active des femmes réfugiées. »
Jane FREEDMAN, « Droit d’asile pour les femmes persécutées ? La Convention de Genève Revisitée. »
7. Accueillir...
MDM - Jérôme LARCHE, « Modalités pratiques et obstacles à la prise en charge par Médecins du Monde des femmes victimes de violences au Darfour. »
RAJFIRE - Clara DOMINGUES, Claudie LESSELIER, « Parcours d’exil, demandes d’asile. »
Cimade - Morgane GUEGUEN,« La permanence de la Cimade Ile-de-France pour les femmes étrangères victimes de violences : 2004-2005, actions réalisées et actions envisagées. »
Comede - Philip AÏDAN, « Femmes, soin et parcours d’exil. »
8. Défendre...
RWRP. - Sophia CENEDA, « Projet de Ressources pour les Femmes Réfugiées. »
GRAF - Lucie BROCARD, Morgane GUEGUEN, Florence LACAZE, « Présentation de l’intervention du GRAF : L’appréhension des persécutions visant spécifiquement les femmes dans le milieu associatif : regards croisés sur un Collectif. »
Amnesty International -,« Mettre fin à la violence contre les femmes : un combat pour aujourd’hui : résumé du rapport général... . »
Sélection bibliographie Biographies des auteurs La Collection TERRA
Le présent ouvrage est le résultat d’un vaste travail d’information, de recherche et de mise en débat réalisé par le réseau scientifique TERRA. Un travail de collecte et de diffusion des informations d’actualité sur ce domaine a été assuré au bénéfice des abonnés du forum [TERRA] depuis trois ans. Deux textes publiés dans cet ouvrage avaient été initialement mis en ligne sur le site du réseau : http://www.reseau-terra.eu. Une journée d’étude (Rencontre TERRA n° 16) a eu lieu le 31 janvier 2006 sur le thème « Freins et obstacles à l’action associative en faveur des femmes persécutées en tant que femmes » dont sont issues deux contributions au présent ouvrage. Un colloque international a été organisé sur le thème « Persécutions des femmes, mobilisations sociales et droit d’asile » à l’université Panthéon-Sorbonne, les 14, 15, 16 sept. 2006 ; comité scientifique : Gill Allwood (univ. Nottingham Trent, UK), Didier Fassin (EHESS/Univ. Paris 13, Fr.) Jane Freedman (univ. Southampton, UK), Lilian Mathieu (CNRS-CRPS, Fr.), Nouria Ouali (univ. libre de Bruxelles, B.), Jérôme Valluy (univ. Paris 1, Fr). L’ensemble des contributions au colloque a été publié dans le n° 1 de la revue en ligne Asylon(s) sur le site de TERRA. Une partie d’entre elles est reprise ici. Enfin plusieurs textes initialement publiés dans d’autres ouvrages ou revues, notamment en langue anglaise, sont réédités avec l’aimable autorisation des auteurs et premiers éditeurs ; qu’ils en soient ici remerciés ainsi que l’ensemble des personnes ayant individuellement contribué au travail de réflexion collective depuis trois ans.
L’organisation de la journée d’étude et du colloque, la traduction des textes anglais et le travail éditorial ont été réalisés grâce aux soutiens du Centre de recherches politiques de Sorbonne (UMR CNRS-Paris 1), du Programme Frontières (dir. D. Fassin) de l’Agence nationale de la recherche (ANR) du Conseil scientifique de l’université Panthéon-Sorbonne (Paris 1), de la Fondation roi Baudouin (Belgique) et de l’Observatoire de l’égalité entre les femmes et les hommes de la Ville de Paris. Nous les remercions pour leur aide et leur confiance.
Enfin, nous tenons à inciter nos lecteurs, notamment français, à découvrir aussi, si ce n’est déjà fait, l’excellente Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff, 2001) ainsi que le livre collectif revenant sur les conditions de réalisation, les thèmes et la réception de cette enquête : Nathalie Chetcuti, Maryse Jaspard (dir), Violences envers les femmes : trois pas en avant, deux pas en arrière, Paris, L’Harmattan, 2007. Une sélection bibliographique des autres références importantes est proposée à la fin du présent ouvrage ainsi que les notices individuelles de présentation de ses auteurs.
Jane Freedman, Jérôme Valluy
La violence à l’égard des femmes est un problème universel et l’une des violations les plus courantes des droits humains. Une femme sur trois subira une forme quelconque de violence dans sa vie." (Unifem, 2006)
Des femmes sont persécutées en raison de leurs croyances, de leurs engagements politiques, de leurs appartenances à des ethnies ou des groupes minoritaires ou simplement en raison de leurs proximités familiales ou amicales avec des personnes stigmatisées par une société ou un agent de persécutions. Elles sont alors persécutées en tant que femmes qualifiées au regard d’autres critères (ex. : femme de telle ethnie, femme croyante, femme en opposition politique ou femme d’opposant…) mais non parce qu’elles sont des femmes soumises à une définition sociale de la féminité dont la mise en question suffit à entraîner des violences ou des persécutions tolérées voire encouragées par la société d’appartenance, comme celles qui accablent les femmes tentant d’échapper à un mariage, une grossesse ou un avortement forcés, ou simplement à un mode de vie qui les rabaisse ou les enferme. C’est ce qui distingue les persécutions des femmes en général de celles qui sont liées au genre féminin.
Par ailleurs les violences et les persécutions liées au genre ne sont pas spécifiques aux femmes : dans le cas des rapports de genre ayant trait aux orientations sexuelles, par exemple, et à la domination sociale et politique de l’hétérosexualité, des hommes peuvent également être victimes de persécutions liées au genre. Dans de nombreuses sociétés, cependant, les femmes subissent plus durement que les hommes la persécution de l’homosexualité en raison de la faiblesse générale du genre féminin et des ressources de pouvoir y afférant ; mais, même dans ce cas, la répression de l’homosexualité n’est pas spécifique aux femmes : elle est aggravée par l’infériorité de la condition féminine et la réduction que cela entraîne des possibilités de résister ou d’échapper aux persécutions. Il faut donc distinguer les persécutions liées au genre en général de celles qui concernent spécifiquement les femmes parce qu’elles sont des femmes tout en considérant cette circonstance aggravante – le fait d’être femme – vis-à-vis d’autres types de persécutions comme une dimension des rapports de genre et de la condition féminine dans la plupart des sociétés et, par suite, comme une dimension de notre domaine d’étude.
Cette double distinction délimite un domaine d’étude qui est celui des persécutions genrées des femmes. On l’entend bien : le qualificatif « genré » sonne mal en français, contrairement, par exemple, aux usages déjà établis dans la langue anglaise. Cependant l’expression française de substitution – « lié au genre » – ne suffit pas dans bien des cas à désigner correctement ce qui doit l’être et fait courir le risque d’un emploi discutable d’expressions par trop contournées, d’euphémisations ou même d’occultations susceptibles de participer aux multiples phénomènes, que nous aurons l’occasion d’évoquer, de dénégation de ces réalités sociales. Il nous paraît donc plus urgent d’être sociologiquement rigoureux que musicalement juste, sachant que les sonorités nouvelles de la langue ne peuvent pas se normaliser si chacun évite de les utiliser.
S’il y a, en effet, urgence à désigner et à analyser clairement les persécutions genrées des femmes c’est qu’une large partie de l’humanité y est exposée et qu’entre l’ampleur démographique et géographique du phénomène et la faible importance qui lui est accordée dans de multiples contextes sociaux (associatifs, politiques, universitaires, institutionnels, etc.), il y a une disproportion susceptible de dessiner à elle seule les contours d’une vaste problématique pour les sciences humaines et sociales. C’est du constat de cet écart et avec lui d’une carence des connaissances disponibles dans le corpus bibliographique des sciences humaines et sociales qu’est né le projet de ce livre. Il prend ainsi place dans la dynamique d’ensemble du réseau scientifique TERRA [1] qui vise à inscrire sur l’agenda des chercheurs les sujets à ce point délaissés que les connaissances disponibles en la matière sont devenues rares ou inexistantes et que l’ignorance pèse plus encore sur le monde.
Plus précisément, ces connaissances font défaut en ce qui concerne deux problématiques aujourd’hui saillantes dans le débat national et international : celui du lien entre ces persécutions et les systèmes de domination sociale liés au genre d’une part ; celui du lien entre ces persécutions et les phénomènes d’exil d’autre part. Si des campagnes nationales et internationales ont récemment attiré l’attention sur les violences faites aux femmes, peu de recherches vont au-delà du simple catalogue de ces violences pour examiner les systèmes de domination qui les sous-tendent et les relient. D’autre part, s’il y a eu des débats juridiques sur le statut des persécutions liées au genre dans le droit international, ces débats restent souvent limités à une discussion très « technique » de la Convention de Genève sur les Réfugiés (1951), des variantes et subtilités de jurisprudence, sans que cela ne débouche ou ne contribue à un examen plus global de la situation des femmes et des possibilités qui existent pour elles de se soustraire aux persécutions dont elles sont victimes en tant que femmes.
Bien loin de prétendre à lui seul combler tous les déficits de connaissances de ce domaine, le présent ouvrage vise à repérer et baliser les perspectives de recherche les plus importantes. Il ne s’agit pas d’un traité qui regrouperait et ferait la synthèse d’un ensemble de connaissances déjà produites mais plutôt d’une sélection de travaux choisis en fonction de leur portée programmatique. Ils illustrent la nécessité de favoriser, plus fortement que cela n’a été fait jusque-là, une compréhension sociologique et anthropologique des persécutions des femmes en considérant la nature sociale et systématique de telles persécutions et en faisant le lien entre ces persécutions et les problématiques de l’exil et de l’asile : quelle défense les femmes victimes de persécutions genrées peuvent espérer des autorités politiques ou des mobilisations sociales dans leurs propres pays ou en provenance de l’étranger ? Et, lorsque certaines d’entre elles, exceptionnellement, parviennent à fuir leur pays où aucune action locale n’est efficiente, quelle protection peuvent-elles trouver à l’étranger sous l’égide des règles internationales et des politiques nationales ?
Le concept de persécution liée au genre et spécifique aux femmes a été traité davantage par les études juridiques que par les recherches en sciences sociales. En effet, la centralité de la notion de persécution dans la définition du réfugié fait que ces débats ont eu lieu en grande partie à l’instigation des critiques féministes du droit international et de son application. Le Comité sur l’élimination de la discrimination contre les femmes (CEDAW) définit la violence fondée sur le genre comme la violence qui est dirigée contre une femme parce qu’elle est une femme ou qui touche les femmes à un degré disproportionné. Nous préférons ici parler ici de persécution genrée des femmes plutôt que de persécution spécifique aux femmes, car cette notion de la persécution liée au genre englobe les persécutions des femmes parce qu’elles sont des femmes, mais aussi les persécutions qu’elles subissent comme femmes, c’est-à-dire comme acteurs sociaux tributaires d’un rôle social et d’une position voire d’une fonction, imputés à « la femme » dans la société de référence. Nous rejoignons ainsi l’analyse d’Audrey Macklin :
Le genre peut expliquer pourquoi une femme a été persécutée. Le genre peut également déterminer la forme que prend la persécution. Parfois, elle peut même être un facteur de risque qui rend la crainte de persécution plus fondée que celle d’un homme dans des circonstances semblables. Bien qu’un ou plusieurs de ces liens entre le genre et la persécution puissent être présents simultanément dans un cas donné, ils n’ont pas le même sens. L’idée des femmes persécutées comme femmes n’est pas la même que celle des femmes persécutées parce qu’elles sont des femmes." (Macklin, 1995 : 259).
Les persécutions liées au genre sont multiples et variées, mais nous soutenons dans ce livre qu’un lien peut être fait entre ces formes très diverses de violence. Il s’agit de tenter une définition ou une catégorisation de ces types de violence, en évitant le piège de l’essentialisme, notamment culturel, des rôles et normes de genre ce pourquoi nous réunirons souvent violences et persécutions non pas pour les dissocier mais au contraire pour désigner un ensemble de violences diverses repérables au travers de configurations sociétales également diverses. La première partie de ce livre présente ainsi des études anthropologiques de quelques formes de persécutions genrées en faisant apparaître ce lien qui justifie de les réunir, lorsqu’on les considère moins comme des phénomènes isolés issus de comportements masculins « aberrants » ou « anormaux » que comme les résultats de structures et de rapports de pouvoir profondément inégaux entre les hommes et les femmes. Ainsi les analyses de la pratique de l’excision révèlent les mêmes fondements idéologiques et structurels que les analyses des violences domestiques ou des violences sexuelles pendant les conflits. Toutes ces pratiques sont fondées sur des structures sociales qui tendent au contrôle des femmes, et les relèguent à des positions économiques et sociales inférieures.
La notion de persécution est également au cœur de notre analyse : primordiale pour la définition du réfugié dans les conventions internationales et les lois nationales, elle demeure un concept sociologiquement mal défini. Elle est pourtant étroitement rattachable aux problématiques du genre, à la fois parce qu’elle désigne une violence durable et surtout structurelle, souvent continue ou réitérée et toujours menaçante, reflet d’une configuration sociétale des rapports de force entre des catégories ou des groupes sociaux dans laquelle les possibilités de résistance sont faibles ou nulles et les échappatoires également limitées. La notion de persécution est importante aussi parce qu’elle rappelle la part de dénégation, voire d’inversion de la responsabilité au détriment des victimes, qui accompagne le plus souvent le phénomène de persécution tant du fait des auteurs de persécution que des sociétés susceptibles d’accueil-lir les réfugié(e)s.
Diversité de formes, continuum de genre
Un aperçu de la multiplicité des formes de persécutions genrées dont sont victimes les femmes dans le monde est donné, dans ce livre, par plusieurs études relatives aux pays en développement. Mais nous les accompagnons de plusieurs textes qui montrent ou rappellent que de telles persécutions ont lieu également dans les pays développés et justifient de mettre en relation le domaine d’étude avec celui abordé, par exemple, par L’enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Chetcuti, Jaspard, 2007), relativisant ainsi certaines croyances et classifications de sens commun, notionnelles et géographiques, tendant à dissocier abusivement des types de violences et des groupes de pays.
Par ailleurs, l’étude du corpus bibliographique international dans ce domaine et l’analyse des réponses à l’appel à communication que nous avons lancé pour l’organisation du colloque « Persécutions des femmes, mobilisations sociales et droit d’asile » [2] (Sorbonne, 14, 15, 16 sept. 2006) nous laissent penser que certaines formes de persécutions, notamment l’excision, sont abondamment étudiées par les sciences humaines et sociales, mais qu’une large part des persécutions genrées des femmes est très peu ou pas du tout étudiée ; ceci dit pour appeler à accroître les efforts et les moyens de recherche sur ces zones aveugles de la connaissance qui sont probablement aussi des zones de carence de la prévention et de la protection.
L’intention de ce livre n’est pas de dresser un inventaire exhaustif des formes de violence et de persécution dont les femmes peuvent être victimes (Ockrent, Treiner, 2006 ; Fayner 2006), mais plutôt d’analyser la nature genrée de ces types de persécutions et d’examiner leur place dans les rapports de pouvoir asymétriques entre hommes et femmes, asymétrie que l’on retrouve sous différentes formes et en différents lieux (Bourdieu 1998 ; Héritier 2002). Nous voudrions surtout insister sur l’existence d’un continuum des violences contre les femmes, un continuum sous-tendu par les rapports de genre qui imposent des rôles et des comportements particuliers aux femmes, les placent souvent dans une dépendance économique et politique par rapport aux hommes, faisant de ces violences des persécutions à proprement parler.
Ces violences et persécutions liées au genre, en effet, ne résultent pas de comportements individuels isolés et atypiques voire « aberrants », mais reflètent au contraire des structures et des normes sociales profondément inégalitaires. Elles peuvent se révéler à travers des pratiques coutumières – par exemple les mutilations génitales féminines (excision et infibulation) visant à contrôler la sexualité des femmes – ou des législations explicites comme les lois imposant aux femmes certains modèles de comportements ou tenues vestimentaires. Ainsi les « lois Hudood » au Pakistan qui interdisent toute relation sexuelle hors mariage, imposent aux femmes violées de produire trois témoignages masculins à l’appui de leur plainte pour ne pas être accusées d’adultère. De manière plus diffuse mais dans beaucoup plus de sociétés, les perceptions sociales du comportement « normal » de la femme, créent des contraintes de vie quotidienne et de trajectoire biographique qui maintiennent la femme dans un état d’infériorité par rapport aux hommes, perpétuant les rapports de domination, et entraînant la persécution de celles qui tentent de s’affranchir ou de changer l’ordre des choses.
Une grande partie des persécutions subies par les femmes sont liées à leurs capacités sexuelles et reproductrices, dans les sociétés qui cherchent à contrôler à la fois leur sexualité, représentée comme « menaçante », et leur capacité à reproduire, représentée comme une fonction à disposition de la société ou de la nation (Des Forts, 2001 ; Dorlin, 2006). Ce contrôle des fonctions reproductrices peut relever d’une organisation sociale traditionnelle ou s’inscrire dans un projet nationaliste de préservation de l’identité ethnique ou culturelle d’une population. De l’interdit des relations prénuptiales aux mariages et grossesses forcés, dans les sociétés traditionnelles, la sexualité des femmes, essentiellement hétéronomes, dépend souvent à la fois d’une hiérarchie sociale, parentale puis maritale, et d’une économie d’échanges sociaux, symboliques ou matériels, qui déterminent tout autant les conditions de la sexualité et de la maternité que les déchaînements de violence (lapidations, défigurations à l’acide, crimes d’honneur…) et les persécutions de celles qui tentent de s’autonomiser en tant que femmes ou en tant que mères. Dans un autre type de configurations celles des guerres (Migration forcée n° 27, 2007), interethniques notamment, le viol des femmes par les hommes de la partie adverse doit très souvent être analysé non pas comme l’effet d’un désir masculin « incontrôlable » mais d’une stratégie de conflit dans laquelle les femmes représentent biologiquement et symboliquement l’intégrité de l’ethnie ou de la nation combattue. De ce fait les viols de masse, dans les stratégies d’épuration ethnique ou de domination ethnique, menacent essentiellement les femmes. En outre, les viols généralisés de femmes en situation de guerre sont également liés aux constructions genrées, et aussi racistes, qui sont généralement utilisées pour normaliser la fourniture de femmes comme prostituées aux armées (Enloe, 2000) [3].
Le fait que les femmes soient vues comme porteurs d’identités nationales, productrices et reproductrices des frontières culturelles et identitaires explique pourquoi, si souvent, le contrôle de leurs organismes et de leur sexualité, prend socialement tant d’importance (Pettman, 2002). Ce contrôle procède et affecte différemment les femmes selon leurs classes sociales, leurs catégories d’âges ou leurs groupes ethniques, mais toutes sont tributaires des constructions dominantes de la masculinité et de la féminité qui prévalent dans chaque société.
Normalisation culturaliste et occultations
Les femmes sont soumises à un large éventail de violences et de traitements inhumains du fait de leur statut social, économique et politique de femme. Or ces persécutions sont le plus souvent considérées, dans le pays lui-même mais aussi à l’étranger, comme des « pratiques traditionnelles » ou des « caractéristiques culturelles » : les mutilations génitales féminines (excisions, infibulations…), le mariage forcé, les crimes d’honneur perdurent ainsi sous couvert d’une telle perception culturaliste tandis que d’autres femmes sont soumises à l’avortement, à la stérilisation ou à la grossesse forcées, ainsi qu’à la violence domestique et d’autres encore sont persécutées en raison de leur orientation sexuelle ou de leur choix de mode de vie trop « moderne ».
Ce culturalisme qui normalise ces persécutions en les présentant comme les attributs d’une culture ou d’une tradition, qui seraient l’une et l’autre par elles-mêmes respectables, peut correspondre à diverses formes de conservatismes : celui d’« acteurs dominants, chez les hommes mais aussi les femmes, bénéficiant de l’ordre établi et de sa perpétuation ; celui d’acteurs ayant intériorisé les caractères de cet ordre au point de ne pas en imaginer d’autres possibles ; celui d’observateurs extérieurs ou intervenants ponctuels, que ce soit dans les institutions internationales, les acteurs humanitaires mais aussi les sciences sociales, composant avec cet ordre sans reconnaître ces persécutions.
Les femmes qui les subissent sont affectées d’une triple illégitimité, socialement construite qui maintient une chape de silence et entretient les dénégations du phénomène : celle qu’opposent les sociétés d’origines aux déviantes ou simplement à la reconnaissance de ce type de faits ; celle qu’opposent les sociétés d’accueil aux réfugiés en général et à la reconnaissance de ce type de persécution en particulier ; celle intériorisée par les victimes qui craignent souvent d’exprimer leurs motifs réels de départ et les masquent derrière d’autres motifs perçus par elles-mêmes comme plus légitimes ou simplement plus faciles à exprimer.
Normalisation et dénégation des persécutions liées au genre font partie des rapports de genre qui construisent comme « naturels » et donc indiscutables des rôles et comportements masculins et féminins, ceci, depuis la plus tendre enfance, au cours de la socialisation initiale jusqu’aux réactions sociales auxquelles se heurte la déviante tentant de fuir une persécution liée au genre : dans bien des pays, les autorités traditionnelles du village ou les services de police renvoient la victime au respect de l’autorité maritale ou paternelle, ou simplement au caractère privé du problème évoqué.
Même les actions des autorités politiques nationales ou des organisations nationales qui ont pour but d’aider les femmes ont fréquemment pour effet involontaire de renforcer la normalisation des rapports de genre en utilisant les catégories d’analyse et d’action établies dans la société de référence. Ces actions font ainsi souvent l’amalgame, par exemple, entre femmes et enfants, supposant et soutenant par cette supposition que les femmes ont la charge de s’occuper des enfants ou que les femmes et les enfants relèvent d’un même groupe « vulnérable ». Les aides économiques sont souvent attribuées aux hommes, en tant que « chefs de famille », pour leur donner les moyens de subvenir aux besoins de l’ensemble de la famille, renforçant ainsi la dépendance économique des femmes. Et en période de conflit les interventions humanitaires se basent presque exclusivement sur la division vue comme « normale » ou « naturelle » entre hommes combattants et femmes civiles/victimes (Carpenter, 2005).
La normalisation des persécutions genrées contre les femmes s’accompagne souvent aussi d’un silence qui tient à la difficulté qu’ont les victimes de parler de ce qui leur arrive. L’un des causes de ce silence est la peur ou la honte ressenties par ces femmes face à une société qui cautionne les persécuteurs ou culpabilise les victimes. Typiquement les femmes violées préfèrent souvent ne pas parler de leur expérience par peur des réactions négatives de leur mari ou de leur communauté – surtout dans des sociétés ou les relations sexuelles hors mariages sont stigmatisées voire criminalisées. Les persécutions des femmes sont passées sous silence aussi parce qu’elles se produisent souvent dans ce qui est considéré comme la sphère privée de la maison, de la famille ou de la communauté. Cette division artificielle entre le privé et le public a été critiquée par les féministes et les sociologues qui montrent la façon dont elle occulte une grande partie des dominations et des violences qui se produisent dans les sphères « privées » (Fabre, Fassin 2003). Cependant, malgré ces critiques, et malgré la pénalisation (très tardive), par quelques États, des violences « domestiques » ou des viols conjugaux, les autorités publiques restent en général réticentes à intervenir dans les domaines perçus comme « privés ». Tout ce qui se passe à l’intérieur de ces domaines réputés « privés » est donc poussé hors du champ de l’intervention « politique » générant un « déni d’agenda » (Cobb, Ross 1997) : ces persécutions ne sont pas construites comme des problèmes publics sur lesquelles l’État pourrait intervenir, ni comme des enjeux susceptibles d’apparaître à l’agenda des politiques nationales ou internationales.
Comme nous le verrons dans la deuxième partie de ce livre, où nous abordons ce domaine d’étude sous l’angle des politiques publiques et des mobilisations sociales relatives aux persécutions genrées des femmes, le phénomène de normalisation/dénégation s’étend aussi au plan international à travers le traitement des demandes d’asile : celles qui sont motivées par référence à ce type de persécutions demeurent, et depuis toujours, massivement rejetées par défaut de reconnaissance de cette forme de persécution comme justifiant une protection internationale au titre de la Convention de Genève sur les Réfugiés (1951). Ce n’est que depuis quelques années et de manière quantitativement marginale ou par des statuts subalternes et précarisés de réfugiés (notamment les « protections subsidiaires » de courte durée) que ces persécutions apparaissent dans les catégories administratives et juridictionnelles de pensée pour l’évaluation des demandes d’asile, révélant surtout par la faiblesse quantitative ou qualitative des protections accordées l’ampleur de l’occultation réalisée d’une manière générale. Or cette dénégation tendancielle dans les procédures d’asile des persécutions genrées des femmes accentue, notamment au sein des diasporas, l’illégitimité de celles qui tentent de revendiquer une protection pour ce type de motif. Même les acteurs de solidarité leur venant en aide, tenant compte de la faible probabilité de réussite d’une demande d’asile ainsi argumentée, dissuadent souvent les femmes concernées de motiver leurs demandes par référence à ce type de persécution, accentuant ainsi l’effet d’occultation du sort dont elles sont victimes.
Persécutions : une tout autre culture ?
En considérant ces persécutions comme des faits culturels, rattachés aux traditions ou aux religions, plutôt que sous l’angle de rapports de genre beaucoup plus universels, le culturalisme non seulement tend à normaliser ces persécutions dans le cadre de chaque société de référence mais également à introduire l’idée d’une altérité radicale entre des cultures de persécution et des cultures de protection. Les persécutions seraient situées dans certaines sociétés, plutôt traditionalistes et sous-développées tandis que la modernité occidentale des pays riches assurerait l’émancipation et la protection des femmes. Cette vision du monde est d’autant plus fréquente qu’elle offre trois avantages psychologiques et idéologiques à ceux qui l’adoptent : chacun pouvant situer la frontière de la modernité au-delà de sa propre culture est porté à se croire du bon côté de la frontière, tout en trouvant dans le culturalisme la justification d’une indifférence à l’égard de faits observés ailleurs, et à s’exonérer ainsi de toute responsabilité à l’égard des victimes.
D’un côté, un monde barbare, toujours éloigné, où les femmes sont opprimées et persécutées ; de l’autre côté, un monde « civilisé » qui les met à l’abri des persécutions ou violences liées au genre. Cette dichotomie rassurante conduit à un piège qu’il convient d’éviter dans l’analyse des persécutions liées au genre : les penser comme les produits de cultures si « étrangères » qu’aucun lien ne serait envisageable avec les violences que subissent les femmes dans les sociétés qui se perçoivent comme modernes. Cette attribution exclusive de telles persécutions aux « autres » cultures manque l’essentiel, à savoir qu’elles sont un effet de structures et de systèmes de pouvoir observable dans toutes les sociétés et dans toutes les cultures, aujourd’hui encore, y compris en Europe et autres pays occidentaux, avec seulement des variations de formes et d’intensité, d’une époque à l’autre et d’un territoire à l’autre (Ramber, 2001 ; Dorlin, 2006). Ces variations ne sont pas minimes – et il ne s’agit pas de minimiser les écarts, au risque de relativiser les situations les plus tragiques – mais elles laissent subsister ce continuum qui va des persécutions généralisées aux violences persistantes.
Il ne s’agit pas de nier non plus, pas même de minimiser, les rééquilibrages en cours dans les rapports de genre au sein de certaines sociétés plus que dans d’autres, mais de rappeler que ces rééquilibrages sont partout loin d’être aboutis, et que les femmes subissent dans toutes les sociétés des violences liées au genre face auxquelles les échappatoires sont souvent plus limitées que ce que chaque société se représente d’elle-même à travers les appareils idéologiques ou les représentations de sens commun (Dayras, 1995). Aucune société ne perçoit comme telles les persécutions qu’elle suscite ou laisse se développer en son sein, ce qui explique les réactions fréquemment dubitatives des diasporas à l’égard des compatriotes sollicitant l’asile, ce qui explique également les difficultés qu’il y a dans les sociétés occidentales à protéger des personnes persécutées dans d’autres sociétés occidentales : ces réfugiés internes d’un monde qui se croit privilégié ont pour effet, peu rassurant, de subvertir la frontière symbolique entre celui-ci et l’autre monde, celui des persécutions. Or ce qui vaut de manière générale pour toutes les sortes de persécutions vaut plus encore pour les persécutions liées aux rapports de genre parce que ces rapports de domination sont plus fréquemment que d’autres, politiques ou religieux, perçus comme naturels. La scandalisation ponctuelle du phénomène des « tournantes » (Mucchielli, 2003) ou la difficile réception de l’étude Enveff-2001 (Chetcuti et Jaspard, 2007), montre à quel point un pays comme la France peine à prendre conscience de réalités sociales qui ébranlent l’image rassurante du pays des droits humains.
La dichotomie naïve entre le modèle de la femme émancipée des pays « du Nord » et celui de l’éternelle victime, des pays « du Sud » est d’autant plus prégnante qu’elle s’imbrique, dans ce domaine, avec une autre dichotomie aussi ethnocentrique et fausse : celle qui dissocie les pays producteurs de réfugiés, des pays d’accueil des réfugiés. Construite durant la guerre froide lorsque la protection de réfugiés permettait de conforter l’opposition entre le bloc socialiste et le monde « libre », cette dichotomie a évolué vers une opposition plus culturelle et religieuse que politique entre un monde économiquement et culturellement sous-développé générateur d’exilés et un monde riche et accueillant les exilés. Cette image d’Épinal est fausse : les pays riches sont aujourd’hui au plus bas du classement de l’hospitalité internationale (en nombre de réfugiés accueillis rapporté au nombre d’habitants et plus encore au revenu par habitant). Cette double dichotomie pèse sur les campagnes et les représentations des organisations internationales et nationales qui tentent de lutter contre les persécutions liées au genre et/ou d’aider les victimes de ces persécutions parvenues à s’exiler à l’étranger. Elle participe d’une séparation observable entre les mouvements et les institutions luttant en Occident contre les violences genrées aux femmes d’une part et les mouvements et institutions agissant en faveur des exilées ou, dans leurs pays d’origine, contre les persécutions liées au genre d’autre part. Cette séparation entretient les illusions qui la sous-tendent et affaiblit l’ensemble des mouvements sociaux dans ce domaine.
Alors que les persécutions et les violences genrées contre les femmes s’observent dans tous les pays, la relation est rarement établie entre les « violences » contre les femmes « ici » et les « persécutions » des femmes « là-bas ». Par suite, les persécutions qui ont lieu dans ces « autres » pays sont attribuées aux caractéristiques socioculturelles immuables, et les dynamiques réelles de l’inégalité entre les sexes à la base de tous les types de violences et de persécutions ne sont pas analysées. Ainsi, la dichotomie « accepteur de réfugié »/« producteur de réfugié » conduit à une classification parallèle « femme occidentale »/« femme autre » facilitant l’admission de certaines femmes fuyant la persécution liée au genre, mais par l’utilisation tactique d’un préjugé non seulement discutable sur le plan sociologique mais ambivalent en ce qui concerne ses effets politiques (Macklin, 1995). Dans les sociétés occidentales où l’on débat beaucoup des pratiques perçues comme musulmanes, contraires aux droits des femmes, il est souvent tentant pour aider les victimes de placer leurs plaintes dans ce cadre cognitif préformé, facilitant les alliances tactiques, mais au prix d’une accentuation idéologique, trop radicale pour être sociologiquement juste, des mondes sociaux. Ainsi peut-il être plus facile pour une femme fuyant l’excision d’être acceptée en Europe comme réfugiée qu’une femme fuyant la violence domestique ou la répression de l’homosexualité, la première forme de persécution évoquant l’altérité d’un monde distant tandis que les persécutions « comme chez nous » peinent à être reconnues pour ce qu’elles sont.
Comment cette dichotomie problématique, mais si fortement ancrée dans la culture européenne, depuis les antiquités grecque et romaine, de la civilisation d’un côté et de la barbarie de l’autre, peut-elle être surmontée sans tomber dans une fausse généralisation ou essentialisation qui ignorerait les écarts internationaux, mais aussi les divisions de classe, d’appartenance ethnique, de race, de religion, d’âge ou d’orientation sexuelle ? Il nous semble que la réponse consiste à considérer soigneusement les contextes locaux et internationaux de persécutions et violences genrées ainsi que leurs formes diverses, mais sans jamais omettre, au moins à titre d’hypothèse, de les rattacher à la problématique relativement universelle des rapports de genre inégalitaires qui affectent encore la condition des femmes dans tous les pays du monde.
Violences et persécutions liées au genre peuvent forcer des femmes à fuir leur pays. Néanmoins, pour beaucoup de femmes l’exil n’est pas une option, soit parce que la persécution dont elles sont victimes a été tellement normalisée que les femmes l’acceptent sans imaginer qu’il y ait une alternative soit parce que les circonstances sociales et matérielles ne leur permettent pas de fuir. Certaines néanmoins parviennent à partir pour chercher refuge à l’étranger et sont alors confrontées aux difficultés d’obtention d’un titre de séjour et notamment d’un statut de réfugié au titre de la Convention de Genève. Paradoxalement, c’est au moment où la protection de ces femmes devient plus improbable dans ce cadre juridique, par suite de l’élévation tendancielle des taux de rejets des demandes d’asile, que les experts, associations et institutions du droit d’asile ont fait émerger la problématique des persécutions genrées des femmes.
La fuite : improbable mais plus fréquente ?
Si l’on rapporte les chiffres estimés de femmes concernées dans le monde par chaque type de persécutions liées au genre à ceux des demandes d’asile de femmes, notamment les femmes seules ou celles explicitant ce type de motif, force est de constater que le ratio est infinitésimal. Il y a en effet de multiples facteurs psychologiques, sociaux, économiques qui, faisant obstacle à une éventuelle fuite à l’étranger des femmes victimes de persécutions liées au genre, rendent cette fuite tendanciellement improbable.
Le premier de ces obstacles, et peut-être le plus difficile à surmonter, est celui de la normalisation dont font l’objet dans toute société les persécutions en général et les persécutions liées au genre en particulier. Cette normalisation, on l’a vu, construit comme « naturels » les rapports de domination et indiscutables les effets qu’ils produisent pour chaque personne. Il n’est pas exclu que cette normalisation s’accompagne parfois de formes d’aliénation par laquelle les victimes de persécutions ne se pensent pas comme telles mais produisent au contraire et intériorisent les justifications de leur propre situation sociale. Dans beaucoup de pays, les organisations féministes et, plus largement les mouvements sociaux, susceptibles de faire reconnaître ces violences et persécutions des femmes comme un problème public et d’inscrire ce problème à l’agenda politique du pays, sont faibles ou inexistants (Tshilombo, Bombo, 2004). Les autorités publiques, le plus souvent participent à cette normalisation soit par des lois explicites soit par tolérance à l’égard de pratiques dites « traditionnelles » soit par incapacité à mettre en œuvre les intentions ou velléités réformatrices affichées notamment sur la scène internationale. Pour l’ensemble de ces raisons, l’absence, dans l’espace public, de discours et d’institutions pouvant subvertir efficacement la culture dominante renforce le climat d’opinion qui pèse sur l’éveil des consciences y compris celles des victimes de persécutions.
Pour celles qui s’affranchissent de cette spirale d’un silence consensuel et espèrent la rompre ou simplement lui échapper, même discrètement, par et dans l’exil, le poids des rapports de genre sur les possibilités de fuites ne s’amenuise pas. Quitter sa maison, réunir l’argent du voyage, fixer une destination, voyager seule, même avec ses enfants, sans la protection d’un mari ou d’un parent masculin autant de défis, dans bien des pays, à toute raison émancipatrice ; quitter sa communauté, sa famille, son quartier ou son village pour entreprendre un long voyage vers un pays lointain ou demander l’asile peut sembler une idée folle.
Dans toutes les fuites en exil, dans tous les périples migratoires, réunir l’argent du voyage n’est pas le moindre des problèmes. Mais dans les situations de persécution qui nous intéressent, les rapports de genre se traduisent généralement par une dépendance économique des femmes qui aggrave considérablement le problème du financement : faute de pouvoir travailler, de pouvoir hériter ou simplement disposer des revenus familiaux, et même de pouvoir solliciter un entourage quelconque au motif de telles persécutions, ces victimes peinent plus que d’autres à passer les péages de l’exil. Le renchérissement des circulations marginales sous le poids des interdits et des répressions antimigratoires, faisant l’affaire des passeurs, hébergeur et informateurs, accentue encore la difficulté du départ et avec elle l’enfermement social des femmes victimes de persécutions liées au genre.
Pour celles qui partent quand même, les rapports de genre continuent de marquer les conditions du voyage : femmes seules elles s’exposent plus que les hommes à leurs violences, aux abus sexuels et à l’exploitation sexuelle. Trouver un compagnon de route est fréquemment la seule manière de voyager en sécurité mais pour beaucoup de femmes en voyage clandestin, la prostitution est la seule voie de passage quand ce n’est pas aussi le point d’aboutissement. Face à de tels dangers, aisément prévisibles, tant dans le pays de départ, pendant le voyage, que dans le pays d’arrivée, bien des femmes doivent se résoudre à endurer les persécutions à la maison plutôt qu’à envisager un périple d’exil (Binder et Tosic, 2005).
Malgré ce parcours d’obstacles qui fait de l’exil une échappatoire improbable pour la plupart des femmes victimes de persécutions liées au genre, certaines parviennent à fuir leur pays. Il est difficile d’estimer leur nombre et d’en suivre l’évolution. Les données statistiques font défaut y compris, dans de nombreux pays, les données les plus élémentaires relatives à la répartition par sexes des demandes d’asile. En outre, des millions d’exilés dans le monde ne sont comptabilisés dans aucune procédure d’asile et des millions de femmes vivent dans des camps de réfugiés sans recensements. Au-delà de ces catégories élémentaires, nul ne sait quelle proportion de femmes en exil fuit des persécutions liées au genre, ce motif de départ pouvant se combiner avec d’autres. L’ensemble de ces carences statistiques accentue la spirale du silence qui pèse sur la reconnaissance de ces persécutions.
Les indicateurs disponibles sont donc superficiels : ils montrent une proportion croissante de femmes parmi les demandeurs d’asile enregistrés d’une part et l’émergence récente de cas de protections accordées au motif de persécutions genrées des femmes d’autre part. En relation, d’ailleurs ambivalente, avec ces évolutions, sont apparus quelques textes internationaux tendant à promouvoir la reconnaissance de ces persécutions mais sans produire de transformations importantes des normes nationales.
Des protections internationales limitées
Depuis le milieu des années quatre-vingt, des organisations internationales ont pris des résolutions et promulgué des textes incitant à la reconnaissance des persécutions genrées des femmes et à leur protection dans le cadre du droit d’asile. Ainsi en 1984, le parlement européen a adopté une résolution qui demandait aux États d’interpréter la Convention de Genève sur les Réfugiés (1951) en considérant les victimes de telles persécutions comme relevant bien de la notion de « groupe social » inscrit à l’article 1A2 de la dite convention et éligibles au statut de réfugié. Cette résolution a été suivie d’une initiative du HCR qui a adopté l’année suivante une résolution similaire, puis, à partir de 1991, a produit une série de directives (« guidelines ») relatives à la protection des demandeuses d’asile et des femmes réfugiées. Ces avancées sont dues, pour une part importante, à l’action de réseaux féministes transnationaux notamment le « Groupe de travail sur les femmes réfugiées » (Working Group on Refugee Women, WGRW) réunissant de multiples ONG qui ont fait pression sur le HCR afin de l’amener à prendre en considération les situations des femmes demandeuses d’asile et réfugiées (Forbes-Martin, 2004).
Cette mobilisation transnationale a donc bien eu un impact sur les organisations internationales, notamment le HCR, et a fait l’objet d’un relatif consensus au plan international. Cependant, la transcription de ces normes nouvelles en droit interne par les États reste très limitée : peu de gouvernements ou de parlements ont inséré explicitement ces normes dans les régimes juridiques nationaux ; peu d’instances administratives ou juridictionnelles nationales ont accepté de tenir compte de ces normes internationales. Le Canada fait figure de pionnier avec une législation spécifique adoptée dès 1993, suivi par les États-Unis et l’Australie. Cependant l’effet attendu de diffusion aux politiques nationales dans les autres pays du monde – ce que l’on a nommé l’effet de « cross-border shopping » (Mackling 1998) – ne s’est pas produit. Les autres États ont réagi avec beaucoup moins d’enthousiasme voire en ignorant complètement ces normes internationales. Malgré la résolution du parlement européen, les seuls pays en Europe à avoir adopté des réglementations spécifiques à ce sujet, sont encore aujourd’hui la Suède et le Royaume-Uni.
Dans le cas de la France, non seulement aucune modification législative ou réglementaire n’est intervenue en ce sens mais les timides avancées enregistrées dans des décisions éparses de la Commission des recours des réfugiés (juridiction d’appel des demandeurs d’asile rejetés par l’administration) ont été contrecarrées par l’instauration d’un système dit de « protection subsidiaire », étranger à la Convention de Genève et débouchant sur une protection temporaire et précaire des réfugiées. Alors que la Convention de Genève permet, en pratique, de refaire sa vie dans un autre pays, ce qui est particulièrement nécessaire aux victimes de persécutions liées au genre (les changements culturels dans les rapports de genre ne pouvant s’opérer que sur des temps longs), la protection subsidiaire qui est (parfois) accordée à ces réfugiées ne leur permet pas d’envisager une nouvelle vie et s’analyse au contraire comme un rejet différé dans le temps de leur demande d’asile (à échéance l’autorisation de séjour cesse et ces personnes deviennent des « sans-papiers » risquant l’expulsion). À cet égard, le déclassement des persécutions genrées des femmes, de la Convention de Genève à la « protection subsidiaire », engageant la responsabilité politique d’une partie des élus au Parlement et des technocrates dirigeant la CRR, participe au phénomène de dénégation de cette forme de persécution ainsi qu’à la normalisation/banalisation de ces réalités sociales tout en révélant paradoxalement l’ampleur de cette dénégation par le nombre, modeste mais croissant, de protections « subsidiaires » accordées.
Effets du droit d’asile, ornière du juridisme
Les mouvements féministes transnationaux, comme nous l’avons vu, ont conduit à reconsidérer les conventions internationales et les législations nationales du droit d’asile issu de la Convention de Genève sur les Réfugiés. Ils ont contribué à mettre en évidence les soubassements idéologiques profondément tributaires des rapports de genre dans la genèse de ces réglementations qui échouent à protéger les victimes de persécutions liées au genre faute de considérer cette domination et les violences qui en résultent comme des persécutions. La démonstration s’inscrit ainsi dans la perspective plus générale de la critique féministe des droits de l’homme qui montre que la définition de ces droits repose sur un modèle masculin évacuant, y compris dans les campagnes et mouvements de défense de ces droits, ce qui relève des relations entre hommes et femmes (Bunch, 1995).
Dans les rares travaux académiques, actions associatives et débats publics qui ont eu lieu ces 15 dernières années sur la situation des demandeuses d’asile et des femmes réfugiées, victimes de persécutions liées au genre, les approches qui prédominent sont juridiques et référées à la Convention de Genève sur les Réfugiés. L’enjeu central, et parfois exclusif, est celui des jurisprudences nationales d’application de cette convention par les administrations et les juridictions spécialisées dans le traitement des demandes d’asile. La plupart des articles disponibles commentent les décisions reconnaissant des persécutions genrées de femme, exposent pour chaque pays l’historique de ces décisions et comparent les avancées relatives des pays les uns par rapport aux autres dans la prise en compte de ces persécutions et la protection des victimes.
Cette orientation générale, essentiellement juridique et focalisée sur la Convention de Genève, a contribué à l’émergence des premières et rares décisions juridictionnelles de protection par délivrance d’un statut de réfugié ainsi qu’à la formation d’un corpus doctrinal et jurisprudentiel certes limité mais contribuant à fonder la légitimité d’arguments de défense des femmes victimes de ces persécutions. Dans certains cas, il semble que l’accueil de réfugiées au motif de persécutions genrées des femmes, revient en écho auprès des autorités des pays d’origine comme une disqualification exprimée par les diplomaties de pays d’accueils peu enclins à voir affluer des réfugiées invoquant de nouveaux motifs de demande d’asile. D’autre part, ces reconnaissances associatives, administratives et juridictionnelles, peuvent avoir pour effet de soutenir, au sein des diasporas, la légitimité des discours favorables à l’émancipation des femmes et, dans les pays d’origine, la légitimité des mouvements en faveur des femmes quand ils parviennent à se former.
Ce processus social tendant à la reconnaissance des persécutions liées au genre se heurte néanmoins aujourd’hui aux conditions générales d’application de la Convention de Genève sur les Réfugiés. Les pays les plus riches de la planète, politiquement marqués par les phobies d’envahissement migratoire, ont continuellement restreint la portée de cette convention internationale en réprimant les circulations migratoires impliquant leurs territoires. Les taux de rejets des demandes d’asile se sont ainsi élevés continuellement dans tous les pays occidentaux et dans les procédures gérées directement par le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU. En outre les obstacles préalables à l’expression des demandes d’asile (fermetures des frontières, contrôles avancés des routes migratoires, camps d’internements délocalisés, exportations de législations répressives, etc.) se sont également multipliés autour de pays riches qui entraînent de plus en plus leurs voisins et les pays proches dans cette logique de rejet généralisé des exilés.
Les phobies de submersions migratoires pèsent particulièrement sur la reconnaissance des persécutions genrées des femmes tant le nombre de personnes susceptibles d’être concernées dans le monde paraît important. Les croyances dites de « l’appel d’air » expliquant l’arrivée d’exilés par les opportunités qu’offriraient les systèmes d’asile et prédisant l’augmentation de ces arrivées à chaque avancée ou innovation jurisprudentielle n’ont beau avoir que peu de rapports avec la réalité, elles déterminent souvent les choix des fonctionnaires et des juges, considérant artificiellement « toutes » ces femmes sur la planète forcées au mariage ou à l’excision, victimes de crimes d’honneur ou de viols de masse, susceptibles de venir demander l’asile après chaque nouvel exemple de protection de ce type. Les travaux sociologiques examinant les conditions d’information et les difficultés de départ de ces victimes ainsi que le parcours d’obstacles qu’elles subissent sont de peu de poids face à ces croyances de sens commun.
Les travaux académiques, actions associatives et débats publics focalisés sur la Convention de Genève, procèdent également d’une croyance, une forme de juridisme, qui présuppose que l’octroi du statut de réfugié au titre de cette convention dépend essentiellement de règles, légiférées ou jurisprudentielles, et qu’en infléchissant ces règles par des actions de lobbying on peut améliorer le sort des femmes fuyant les persécutions liées au genre. Relativement hégémonique du fait notamment du grand nombre de juristes (associatifs, fonctionnaires ou universitaires), travaillant dans le secteur de l’asile, cette croyance résiste pourtant mal à l’observation des conditions concrètes d’octroi de la protection internationale : il s’agit de processus aléatoires, tributaires de multiples variables intervenant tout au long de la participation des exilés à la procédure d’asile, tributaires aussi des évolutions politiques et des choix de politiques publiques. Des processus qui ne garantissent donc aucune corrélation entre le droit et les décisions individuelles sauf peut-être en ce qui concerne l’élévation tendancielle des taux de rejet des demandes d’asile.
Résiduel et aléatoire, le droit d’asile peut-il encore, comme cela a pu l’être dans les décennies 1970 et 1980, constituer une cible prioritaire des mouvements féministes soucieux de la reconnaissance des persécutions genrées des femmes et de la défense internationale des victimes ?
Même sous l’angle de l’efficacité stratégique, la réponse ne semble pas évidente. Il n’appartient pas aux chercheurs de fixer les lignes d’action des mouvements sociaux, mais l’on ne peut ignorer ce que les sciences sociales, par leurs éclairages, sont susceptibles d’induire dans le développement de ces mouvements. La marginalisation des travaux juridiques dans le présent ouvrage correspond à un choix intellectuel que nous assumons et qui découle des constats précédents : penser ce qui entoure le droit plutôt que s’obnubiler sur le droit lui-même en le considérant à tort comme une cause quand il est une conséquence, celle notamment de rapports de forces qui se construisent dans la société globale. Cela ne réduit pas l’intérêt de jouer du droit ou avec le droit mais cela réduit l’ascendant idéologique que nos travaux sociologiques pourraient involontairement lui donner, en lui accordant plus d’importance, alors qu’il se retourne tendanciellement contre les victimes de persécutions.
Nous assumons de même le choix intellectuel, celui de chercheurs maîtrisant la construction de leur objet, de subvertir la dissociation entre les violences aux femmes « ici » et les persécutions des femmes « là-bas », dissociation entre deux univers de militance aux histoires disjointes et aux actions souvent séparées, dissociation qui repose pourtant sur une base intellectuelle dont la fragilité apparaît lorsque l’on considère ces violences et ces persécutions sous l’angle des rapports de genre entre hommes et femmes. Cela ne réduit ni l’intérêt d’étudier séparément chaque type de persécution ni celui de lutter contre elles en avançant aussi vite que possible « ici » ou « là-bas », au rythme des contraintes et des opportunités qu’offre chaque configuration, mais attire l’attention sur les affaiblissements réciproques et éventuellement involontaires que peut causer une telle dissociation, sociologiquement contestable.
Jane Freedman, Jérôme Valluy
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NOTES
[1] . http://www.reseau-terra.eu
[2] . Colloque international en sciences humaines organisé par le Centre de recherches politiques de la Sorbonne (CNRS/Paris 1) dans le cadre du réseau TERRA (http://www.reseau-terra.eu) et du programme « Frontières » de l’Agence nationale pour la recherche (http://www.reseau-terra.eu/rubrique...) avec le soutien de L’observatoire de l’égalité entre les femmes et les hommes de la Ville de Paris (www.paris.fr), de la Fondation roi Baudouin (www.kbs-frb.be) et du Conseil scientifique de l’université Paris 1 (www.univ-paris1.fr). Texte de l’appel à communications : http://www.reseau-terra.eu/article3...
[3] . Le viol des hommes est aussi utilisé comme forme de persécution, visant la résistance psychologique des prisonniers en redoublant la violence sexuelle d’une violence de genre qui rabaisse l’individu masculin au rang inférieur et dominé de femme, rappelant par là l’état général des rapports de genre. Cependant, le viol des hommes est infiniment plus rare que celui des femmes celles-ci étant spécifiquement visées autant pour des raisons sexuelles par des armées composées principalement de combattants masculins qu’en raison des fonctions biologiques et symboliques de la reproduction dans les campagnes d’épuration ethniques. Sur ce sujet, cf. Wynne Russell, « Les violences sexuelles contre les hommes et les garçons dans les conflits », revue Migration forcée n° 27, mars 2007, p. 22-23.