Le cas de la « Zapi 3 » de Roissy-Charles-De-Gaulle.
citation
Chowra Makaremi ,
"Vies « en instance » : Le temps et l’espace du maintien en zone d’attente. Le cas de la « Zapi 3 » de Roissy-Charles-De-Gaulle.",
REVUE Asylon(s),
N°2, octobre 2007
ISBN : 979-10-95908-06-7 9791095908067, Terrains d’ASILES,
url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article664.html
résumé
Les voyageurs se présentant aux frontières françaises sur le territoire (comme c’est le cas dans les aéroports internationaux), à qui l’on refuse l’entrée ou qui demandent l’asile sont placés en « zone d’attente » : ils peuvent y être enfermés pour une période allant jusqu’à 20 jours , le temps de pourvoir à leur renvoi ou de statuer sur leur admission. Les règles de la circulation internationale et ses dispositifs d’entrave ont produit un espace qui relève de l’institution disciplinaire, mais constitue également un lieu de vie temporaire, un lieu de transition et parfois, un premier lieu de resocialisation après un voyage plus ou moins long. La zone d’attente est définie par le droit et s’intègre à des pratiques politiques de contrôle migratoire, resserrées dans le cadre de la construction européenne de ces deux dernières décennies autour d’un contrôle des frontières – qui ne fait pas tant les consolider qu’en redéfinir la nature et la fonction. (...)
Mots clefs
Les voyageurs se présentant aux frontières françaises sur le territoire (comme c’est le cas dans les aéroports internationaux), à qui l’on refuse l’entrée ou qui demandent l’asile sont placés en « zone d’attente » : ils peuvent y être enfermés pour une période allant jusqu’à 20 jours , le temps de pourvoir à leur renvoi ou de statuer sur leur admission. Les règles de la circulation internationale et ses dispositifs d’entrave ont produit un espace qui relève de l’institution disciplinaire, mais constitue également un lieu de vie temporaire, un lieu de transition et parfois, un premier lieu de resocialisation après un voyage plus ou moins long. La zone d’attente est définie par le droit et s’intègre à des pratiques politiques de contrôle migratoire, resserrées dans le cadre de la construction européenne de ces deux dernières décennies autour d’un contrôle des frontières – qui ne fait pas tant les consolider qu’en redéfinir la nature et la fonction. Cependant, c’est une approche ethnographique que nous revendiquons ici, en suivant l’idée qu’une observation du maintien (de la détention) dans sa matérialité – dans la temporalité, l’espace et la construction légale qui lui sont propres – peut nous aider à saisir les pratiques et les rapports de gouvernement en jeux à la frontière.
Lorsque les étrangers arrivent en train, en bateau ou en avion, une difficulté particulière tient à ce qu’ils ont de fait déjà débarqué sur le territoire français lorsque la police leur en interdit l’entrée. Leur interdisant d’entrer, elle ne peut pas forcément les faire repartir immédiatement, comme c’est le cas pour les personnes qui se présentent à un poste frontière terrestre et qui peuvent être refoulés de l’autre côté de cette frontière. Pour rendre le refus d’entrée effectif, ou pendant l’examen de la demande d’entrée au titre de l’asile, la Police de l’Air aux Frontières détient donc l’étranger dans la zone frontière jusqu’à son renvoi, ou jusqu’à ce qu’il soit finalement admis. Concrètement, 98% des entrées irrégulières faisant l’objet de non-admission se produisent dans les aéroports, et 96% d’entre elles à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle . Jusqu’en 1992, les étrangers entrés sur le territoire français en situation irrégulière étaient détenus dans n’importe quel lieu disponible pourvu qu’il se trouvât en « zone internationale » : postes de police, guichets de contrôle de douane, salles d’attente des compagnies aériennes, hangars, etc. Dans les aéroports, la zone internationale appelée « zone sous douane » désigne cet espace compris entre la « zone de transit » (de la descente d’avion aux carrousels de bagage) et les postes de contrôle de la Police de l’Air aux Frontières. Juridiquement, l’espace était reconnu par l’Etat français comme extraterritorial : il ne faisait pas l’objet de réglementation internationale , la loi française ne s’y appliquait pas. La détention de fait des étrangers non-admis en attente d’un retour n’avait donc pas de cadre juridique (pour en réglementer la durée, les conditions, les recours) puisqu’elle se passait dans une « zone » considérée hors de France, un sol sans terre. Sans repères normatifs, la réalité des conditions de détention en zone internationale et de renvoi des étrangers non-admis était alors du ressort des pratiques de la Police de l’Air aux Frontières, et de la procédure d’examen prioritaire de la demande d’asile instituée au milieu des années 1980. Un rapport de commission de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe publié le 20 juin 1991, observe ainsi que « les demandeurs d’asile dorment par terre ou sur des chaises en plastique (…) certains d’entre eux ayant vécu six semaines dans ces conditions ». En décembre 1991, sous la pression des associations et des syndicats réunis dans l’Association Nationale d’Assistance aux Frontières pour les Étrangers (Anafé) , et sous la menace de plusieurs procédures judiciaires, le ministre de l’intérieur socialiste Philipe Marchand introduit dans un projet de loi en cours de discussion, un amendement visant à donner une base légale à la détention de fait des étrangers non-admis, ou dont l’entrée en France au titre de l’asile est en cours d’examen. Après plusieurs modifications, cette initiative débouche dans la loi de juillet 1992 (dite loi Quilès) , qui donne un cadre juridique à une pratique administrative contestée, qu’elle nomme et qu’elle enserre dans le verbe d’Etat, en instituant les « zones d’attente pour personnes en instance ». Il n’y a plus de pratiques de détention aux frontières, mais on parle du maintien des Individus Non-ADmis (appelés « inads » dans le jargon administratif).
La zone d’attente pour personnes en instances annule donc le principe d’extraterritorialité de la « zone internationale » puisqu’une législation française en réglemente la procédure. Ainsi, cette « zone » est-elle d’abord un cadre juridique : le cadre légal du maintien à la frontière. Le retournement significatif qu’entérine la zone d’attente légalisée est de partir de l’argument géographique (« ces étrangers ne sont pas encore sur le territoire ») pour en faire une condition et un statut juridique : ce n’est plus le lieu qui fait le maintenu, mais le maintenu qui fait le lieu. La zone internationale était également critiquée pour être un lieu « indéfini » : l’institution des zones d’attente la définira donc, mais par ce tour de force qui dématérialise le lieu même qu’elle définit. Avec la zone internationale, le statut des étrangers non-admis était déterminé par le lieu où ils se trouvaient, alors qu’avec la zone d’attente, c’est tout le contraire : leur statut déteint sur le lieu où ils se trouvent. La définition des lieux devient donc flexible, dépendant du statut juridique de celui qui s’y trouve, illustrant une appréhension nouvelle de la territorialité. Cette logique connaît un aboutissement avec la loi de novembre 2003 (dite Loi Sarkozy) qui précise que « La zone d’attente s’étend, sans qu’il soir besoin de prendre une décision particulière, aux lieux dans lesquels l’étranger doit se rendre dans le cadre de sa procédure en cours, soit en cas de nécessité médicale ». Les frontières nationales, zones mouvantes et protéiformes, glissent leur exception légale au cœur du territoire.
La zone d’attente est également un lieu physique défini par une topographie précise : créée et délimitée par le préfet du département , elle s’étend des points d’embarquement et de débarquement aux points où est effectué le contrôle des personnes. Elle peut être étendue à un ou plusieurs lieux d’hébergement. Les zones d’attente se matérialisent la plupart du temps par des locaux réquisitionnés par l’administration (locaux de police, chambre d’hôtel, etc.) lorsqu’un étranger est « non-admis » sur le territoire ou qu’il présente une demande d’asile à son arrivée. La seule exception est celle de l’aéroport de Roissy CDG (exception notable puisqu’il rassemble à lui seul 96% des arrivées d’étrangers enregistrés en zone d’attente), où se trouvent des centres d’hébergement pour maintenus ou Zones d’Attentes pour Personnes en Instances (Zapi 1, puis 2 et 3). Inaugurée en 2001, la Zapi 3 est la première zone d’attente spécifiquement pensée et construite pour le maintien des étrangers non-admis. Le centre se trouve dans la zone de fret de l’aéroport, juxtaposé aux locaux de l’entreprise Servair. Combinant les fonctions de centre d’hébergement et de centre administratif, Zapi 3 est un bâtiment rectangulaire de 3500 m2 en tôle ondulé et en béton blanc, jaune et orange, sur deux étages, entouré de deux grillages (de 2,5 m. puis 4m. de haut) et de caméras : une quinzaine de caméras de surveillance sont réparties sur le bâtiment, centralisées dans une salle de contrôle gérée par la Police de l’Air aux Frontières, qui assure l’administration du lieu.
La population maintenue en zone d’attente est hétérogène. Selon les pratiques de détention et d’expulsion en Europe, les différents groupes de « migrants clandestins », « regroupement familial sauvage », « migrants économiques », « demandeurs d’asile » etc. sont soit catégorisés et placés dans des centres spécifiques, soit –comme c’est le cas de la zone d’attente en France – maintenus dans la même structure, qui se charge à la fois d’examiner les demandes d’asile et de procéder à l’expulsion des étrangers non admis sur le territoire.
A leur arrivée à l’aéroport de Roissy, les étrangers soumis au contrôle aux frontières, ceux qui ne disposent pas de toutes les garanties suffisantes, ceux qui ont voyagé avec de faux documents ou ceux qui ont fait escale en France pour y demander l’asile , se trouvent souvent démunis. Fréquemment, ceux qui ont voyagé par un réseau de passeurs n’ont avec eux aucun document d’identité ou de voyage, que leurs « accompagnateurs » aient repris avec eux le document qui a permis de faire le voyage pour s’en resservir, ou qu’eux-mêmes, sur consigne, aient détruit leurs propres documents pendant le vol. En effet, la loi prévoit qu’un étranger dont la police ne peut trouver l’identité, ou le vol qui l’a acheminé en France (lieu d’embarquement et surtout nom de la compagnie aérienne), ne peut pas être renvoyé vers son pays de provenance ni d’origine, puisque son renvoi est à la charge du transporteur. L’étranger sera donc admis sur le territoire « à titre exceptionnel », au terme du délai de maintien de 20 jours, si toutefois aucune des ambassades et consulats auxquels l’administration l’a présenté ne l’a reconnu comme l’un de ses ressortissants.
Un demandeur d’asile irakien raconte son expérience :
« Je voulais me rendre en Suède mais les autorités françaises m’ont arrêté. On m’a confisqué mon passeport. J’ai été retenu à l’aéroport de 14h00 à 18h00. Là, j’ai dit que je demandais l’asile mais le monsieur s’est mis à rire. Ensuite, j’ai été amené en ‘prison’ [la zone d’attente]. L’interprète m’avait dit que je n’avais rien à craindre, que j’irais à l’hôtel. J’ai compris après-coup que le papier que j’avais signé signifiait que je devais quitter le territoire. C’est pourquoi j’ai demandé l’asile en zone d’attente. J’avais signé ce papier sans comprendre parce que j’étais fatigué, j’étais resté trois jours sans dormir. C’est quelqu’un de la Croix-Rouge qui m’avait dit que j’avais signé une autorisation à quitter le territoire »
Les propos de ce demandeur d’asile sont révélateurs des conditions dans lesquelles les étrangers « entrent » en zone d’attente, comme lieu et comme condition. L’entrée en maintien est déterminée par une série de contraintes, telles que la non maîtrise de la langue, l’état d’épuisement et la perte de repère induite par un voyage de plusieurs jours couvrant des distances importantes et impliquant souvent de longues heures d’attente, une série de changement de fuseaux horaires, etc. À cette situation s’ajoute la complexité d’une procédure qui multiplie les acteurs, et qui peut être si compliquée et parfois si vague que leurs interlocuteurs eux-mêmes n’en maîtrisent pas tous les rouages. Dans ce contexte commence une série de négociations entreprises par les maintenus afin, d’abord, de comprendre et de ressaisir leur situation : recherche d’alliés parmi les interlocuteurs mais aussi les compagnons d’infortune mieux renseignés, recherche d’informations et surtout tentatives de décodage du contexte juridique dans lequel les étrangers se trouvent – puisque l’une des premières conclusion à laquelle les non-admis ont tôt fait d’arriver est qu’il s’agit de raisonner en termes de droit et de droits. L’un des moments décisifs est ainsi la déroute première du contact avec l’interprète, personne tierce capable de traduire en partie la situation dans la langue et les références de l’étranger, mais porteuse également de messages paradoxaux par sa familiarité avec la police, par les conseils à la fois durs et informels qu’elle peut prodiguer en douce. Ensuite, les étrangers rencontrent une série d’interlocuteurs différents au long du maintien, ce qui implique de raconter plusieurs fois son histoire à des personnes différentes. Être en zone d’attente, c’est se raconter à tous, tout le temps – le récit étant le support d’une resocialisation aussi bien que le champ d’application de relations de pouvoir. Mais au fil de ces entreprises d’information, de décryptage, d’observation, le récit évolue d’un interlocuteur à l’autre, s’ajustant aux logiques du lieu, se précisant peu à peu comme modalité de présentation de soi dans le cadre d’une réappropriation progressive du maintien. Un champ du possible émerge, où se réimpriment fragilement les lignes du parcours individuel, d’abord désarticulées sous la violence de la détention, à tout moment menacées par la violence du renvoi forcé.
Il est rare que les maintenus restent en zone d’attente 20 jours, comme le prévoit au maximum la loi . Au terme du maintien en zone d’attente, l’étranger est « admis sur le territoire », ou tenu de le quitter sous escorte. L’admission des maintenus peut avoir plusieurs motifs. L’étranger peut ainsi être « admis au titre de l’asile », mais il existe également d’autres procédures d’admission : l’admission « à titre humanitaire » (sa situation ne relève pas de l’asile mais la protection de l’Etat lui est accordé pour des raisons humanitaires ), « à titre exceptionnel » (notamment parce qu’il est impossible de le renvoyer nulle part, ou encore parce que la police s’est trompée lors du contrôle), ou de facto, suite à une hospitalisation. Le maintien étant officiellement soumis au contrôle du juge judiciaire, le maintenu peut également être libéré par le juge des détentions et libertés, qui estime que la procédure de maintien n’a pas été conforme aux textes ou respectueuse des droits fondamentaux de l’étranger. Si un demandeur d’asile débouté a saisi le juge administratif, par le biais d’un avocat choisi ou grâce à l’assistance juridique bénévole de l’Anafé, il peut être admis par le tribunal administratif, au terme d’une audience où sa demande d’asile sera réévaluée. Au terme d’un maximum de 20 jours, le maintenu qui n’aura pu être expulsé est admis en France. Cependant, ce cas de figure se produit rarement, une autre procédure lui étant substitué : quelques jours avant la fin légale du maintien, l’étranger est placé en garde-à-vue. Il est présenté au tribunal correctionnel à Bobigny en comparution immédiate, avec les étrangers irréguliers sur le territoire et les petits délinquants. L’audience débouche en général sur une peine de trois mois de prison ferme à purger dans le cadre d’une détention « normale », avec des prisonniers de droit commun, et trois ans d’interdiction de territoire français (ITF). Au terme de sa peine de prison, le maintenu est libéré sur le territoire, de l’autre côté de la machine à fabriquer des sans-papiers. La diversité des modalités d’admission sur le territoire, dont certaines sont codifiées et d’autres demeurent floues, dessine une procédure de maintien qui n’est ni linéaire, ni exempte de failles, de « vides juridiques » que connaissent par ailleurs les réseaux de passeurs : un parcours fragmentaire dont les étapes seraient déterminées par les issues possibles à chaque moment. La réappropriation du maintien passe par une série de choix et de stratégies, successives ou superposées, collectives ou individuelles.
Le passage en zone d’attente relève ainsi d’une série de négociations entre des parcours, des « conduites » qui relèvent d’une appropriation de nouvelles réalités sociales par les sujets. Sujets d’autre part soumis à des processus de contrôle qui se nouent autour du lien entre gestion politique des espaces et gestion des altérités, en portant une remise en cause profonde, extrême, de l’identité. Mise à distance, mise à l’écart, rapport à l’autre aux frontières de sa négation, avec au bout de cette chaîne, des hommes que l’on embarque dans l’avion « comme un paquet », pieds et mains liés au velcro, bouche scotchée. Il est important de clarifier ce qui se noue dans le rapport entre les conditions d’existence des sujets en déplacement et leur localisation dans l’espace. Une question centrale est alors celle de savoir– au sens propre et au sens figuré — où sont les exilés. Pour ceux qui se nomment eux-mêmes les « Zapiens », la zone d’attente est un lieu de subjectivation. S’y joue en effet un rapport singulier à l’espace et au temps. S’y articule une épreuve du temps, polarisée par l’attente et l’urgence. S’y noue un rapport à la société hôte, à l’extérieur de laquelle sont enfermés les étrangers.
Entre urgence et attente
Dans le confinement du maintien, la temporalité se concentre autour de deux régimes : l’attente des longues heures désoeuvrées qui (dé)structure l’enfermement, et le temps administratif marqué par l’urgence d’une gestion des flux en temps réel. La temps instauré par l’administration du maintien est double : rythme disciplinaire de la vie en Zapi et temps administratif jalonné par les délais de la procédure. Le premier est vécu par les étrangers comme ce qui les renvoie à la réalité carcérale du maintien. Libres de leurs allées et venues à l’étage des chambres, les maintenus sont enfermés dans le rythme du centre. Pour Ahmet, demandeur d’asile kurde de Syrie, ce qui fait la différence entre un hôtel et une prison, c’est l’obligation des réveils et des repas pris en commun :
« Le premier jour quand vous êtes arrivé à Zapi, vous êtes tranquille (…) c’est-à-dire vous n’avez rien à faire si ce n’est le réveil obligatoire. A Zapi 2 c’était vers 5h, 6h, l’heure du déjeuner, mais à Zapi 3 c’était vers 3h 4h du matin. Ils ont commencé à réveiller tout le monde, à appeler tout le monde. Que tu aies un mouvement à faire ou rien, on te fait descendre en bas pour passer à l’appel. Ceux qui vont aller aux tribunaux vont aux tribunaux, ceux qui vont regagner leur chambre remontent après. »
« Les repas, c’était de force. Tu ne peux pas refuser, donc quand les gens sont dans le restaurant tu dois quand même être là-bas. Tu ne veux pas manger mais sois quand même là-bas »
Cette discipline esquisse une ligne de subjectivation du maintien. Elle est le point où s’ancrent les résistances, mais aussi, où s’articulent les modalités d’une obéissance à la règle. Elle est un lieu de résistance du corps contraint, mais aussi un lieu de production de nouvelles « technique du corps » qui marquent la vie de l’étranger en situation irrégulière – le quotidien qui attend une partie des personnes sorties de la zone d’attente. Youssouf, demandeur d’asile comorien, est passé par la zone d’attente. Après avoir été admis au titre de l’asile, sa demande a été déboutée sur le territoire, où il est resté comme « clandestin ». Il révèle ce processus lorsqu’il parle des réveils obligatoires, en mentionnant l’expérience de son camarade de chambre, puis en revenant sur sa propre expérience :
« Lui, il était un peu malade. A chaque fois qu’on le forçait de se réveiller, lui ne voulait pas. Donc il fallait que les policiers, six policiers montent pour prendre une seule personne. Il faut envoyer six policiers dans sa chambre et l’escorter jusqu’en bas. (…) Vous savez, sur place c’était un peu négatif de voir les gens souffrir comme ça. On en a aussi tiré certaines leçons. Ce n’est pas seulement Zapi. Lorsque vous dormez dans un centre d’hébergement du « 115 » (centre pour SDF de la Croix-Rouge), on va vous réveiller : à 9h vous devez libérer le centre pour revenir le soir. Donc ça veut dire qu’à 6 heures du matin vous êtes obligé de vous réveiller. On est déjà habitué avec ça à Zapi. C’était dur, mais comme on est déjà habitué, bon ça nous dérange moins de se réveiller tôt. Donc quelque part moi je me dis on a eu des leçons à tirer. Même dans la vie active, ça arrive des fois on travaille au noir. Ça arrive des fois que vous travaillez plus loin. On vous dit par exemple que vous travaillez à Bayeux en France. Vous arrivez, vous descendez dans la gare de Montsous, il n’y a pas de transport en commun pour le lieu de travail. Vous allez faire 30 mn à pied ; aller-retour : une heure de temps. Vous vous levez à 5 heures du matin. Mais là personne ne vous réveille à 5 heures du matin ; vous êtes obligés parce qu’il y a un travail. Si vous ne travaillez pas, on ne vous paye pas. Ça aussi, ça a été positif. On a compris ça après. Mais quand on était sur place, on se disait : mais on nous fait souffrir pour rien. A quelque chose malheur est bon. Voilà. »
Ainsi sont donc découpés les jours : réveil vers 4h00, petit déjeuner à 5h00, déjeuner à 11h00 et dîner à 17h00. Ces horaires qui étaient alignées sur le relais des unités de police en charge de surveiller les maintenus, ont été modifié pour « plus d’humanité », après négociation avec la Croix-Rouge et l’Anafé : le petit-déjeuner est désormais servi à 6h00, le déjeuner à 12h00 et le dîner à 18h00. Les repas se prennent dans un silence général et en vitesse (la nourriture servie est unanimement honnie par les maintenus) sous surveillance de deux policiers. La journée de maintien, finie à 18h30, ouvre sur de longues nuits d’attentes, interrompues par les interventions policières pour chercher les maintenus qui ont un vol de renvoi à l’aube, ou pour faire par exemple signer des papiers de renouvellement de maintien vers 1h00 du matin. En effet, pour les maintenus qui connaissant un « séjour » en zone d’attente, c’est-à-dire ceux qui sont transférés en Zapi et ne sont pas renvoyés sous 48h00, le cadre temporel des délais procéduraux se superpose à celui du quotidien de l’enfermement : signature de la notification de prolongation de maintien 48h00 après le transfert en Zapi, entretien de demande d’asile généralement dans les deux jours qui suivent l’enregistrement de la demande, présentation devant le juge des libertés à Bobigny après 4 jours, notification du refus de demande d’asile et de l’expulsion, second passage devant le tribunal de Bobigny pour prolongation du maintien etc. Ce cadre temporel est celui de l’urgence : urgence dans laquelle travaille l’administration, dans un effort constant vers le raccourcissement de la procédure et une recherche d’optimisation dans la gestion des flux. La gestion en temps réel se traduit par une précipitation dans le traitement des demandes d’asile. Il s’est vu ainsi qu’un demandeur d’asile arrive à 7h00 sur le territoire français, soit transféré en Zapi à 14h00, soit auditionné par l’OFPRA à 16h30, et se voit notifié sa décision (de refus) le lendemain. L’urgence est celle aussi dans laquelle les non-admis tentent de se trouver des garanties d’accueil sur le territoire, et les demandeurs d’asile, de constituer leur « dossiers » informels de demande, c’est-à-dire se faire faxer depuis le pays qu’ils ont quitté (souvent dans l’urgence et un certain secret) des documents qui feront preuve (carte de membre de parti politique, certificat de décès, coupure de journaux, etc.).
Ce découpage séquentiel ne tient pas compte d’un facteur qu’il nous faut réintroduire : l’expulsion. En effet, la notification d’expulsion (qui intervient soit dès le début du maintien, soit au terme du refus d’admission au titre de l’asile) marque en général le moment à partir duquel se brouille le régime temporel du maintien que nous venons de décrire. Elle introduit le maintenu à un temps sans repère, jusqu’à dissoudre chez ceux qui y sont soumis la notion même du temps (savoir quel jour et quel moment de la journée on est). Les tentatives de renvoi supposent de présenter les maintenus à tous les vols retour de la compagnie avec laquelle ils sont arrivés, ce qui suppose des procédures de renvoi s’étalant de plusieurs fois par semaine à plusieurs fois par jour selon les destinations. Le rythme quotidien est rompu par les allées et venues entre le centre et les aérogares, indique Ahmet : « Il y a deux vols tous les jours, c’est tous les jours qu’on se retrouvait à l’aéroport (…) Tous les jours, il y a un vol à 11h00, il y a un vol du soir : un vol le matin, un vol le soir ... » . Le maintenu est renvoyé dans son pays d’origine ou vers le lieu d’où il provient, au terme d’un voyage qui compte souvent plusieurs étapes. Il arrive ainsi que l’étranger soit expulsé vers une destination qui refuse de l’admettre et le renvoie à nouveau vers la France, qui peut décider de l’expulser encore une fois vers le pays de provenance (ou dont il est supposé originaire), qui refuse encore une fois de le laisser descendre de l’avion etc. Dans ces cas appelés pittoresquement des « ping-pong », la temporalité brisée des expulsions se combine à de longs voyages de plusieurs heures, un décalage horaire, des heures de maintien dans les aéroports de destination en attente du vol retour vers la France, le tout s’étalant parfois sur plusieurs jours, qu’il serait plus exact de compter en centaine d’heures, la notion de « jour » devenant elle-même ambiguë et presque vidée de réalité. Nous citerons ainsi un bref passage de notre carnet de terrain :
« Un homme d’une quarantaine d’année voyageait avec un compagnon plus jeune. Ils étaient en instance de renvoi et ils venaient de faire plusieurs allers-retours entre la France et le Pakistan, qui ne voulait pas d’eux. Entre temps ils avaient été renvoyés en Egypte mais ils n’avaient pas eu l’autorisation de descendre de l’avion. A chaque nouvelle arrivée à Roissy, le décompte de leur séjour en zone d’attente était remis à zéro. L’homme était assis devant moi et je lui demandais de m’expliquer ses itinéraires successifs des derniers jours en indiquant les dates. « C’est jeudi qu’on vous a mis dans l’avion pour le Caire ? ». Jeudi…il n’avait pas l’air de comprendre ce mot. Il ne savait plus quel jour on était. Il ne savait pas si on était hier ou déjà aujourd’hui : il avait passé plus de quarante heures en avion et autant en transit. »
Lorsque l’étranger n’est pas en procédure d’expulsion, le temps du maintien se détend en une attente qui impose son ennui : entre le quadrillage administratif du quotidien, les heures passées au centre sont des heures creuses. Dans le régime de circulation, la bien nommée « zone d’attente » est cet interstice qui introduit l’espace d’une attente, une absence d’activité qui impose l’ennui et la conscience de l’ennui pour tous les maintenus. Comment décrire cette temporalité vide, et pourtant lourde. Ali Mohamad, demandeur d’asile palestinien, parle des conditions de son maintien :
« - Depuis combien de temps êtes-vous là ?
Deux nuits.
Que faites-vous ?
Parfois il regarde la télévision, il va dans le jardin pour fumer, ou il fume dans les couloirs, ou il va dans la chambre.
Vous vous ennuyez ?
Bien sûr qu’il s’ennuie »
Pour les personnes en instance , l’attente est aiguisée encore par la gestion des repas : le dîner qui se finit avant 18h30 ouvre sur de longues nuits à attendre ; la faim qui peut gêner les maintenus entre les repas allonge elle aussi le temps. Au revers de la course contre la montre qui règle la procédure de maintien, il s’agit pour les étrangers de tuer le temps pour ne pas s’enfoncer dans l’ennui : ils regardent la télévision, lisent parfois, font une sieste, discutent, boivent un café dans le bureau de la Croix-Rouge, fument encore et encore. Les postes de télévision de deux salles Tv au rez-de-chaussée restent allumés en permanence.
Cette temporalité vide s’inscrit dans le corps même des maintenus, dans le changement physique qui s’opère en eux : le maintien impose ainsi ses « techniques du corps ». L’arrivée en France est souvent préparée par une mise en valeur physique : la tenue est soignée, les femmes africaines se sont « fait faire » les cheveux avant le départ. Venus dans les meilleures dispositions, il faut un moment pour que les maintenus atterrissent en zone d’attente. « Le premier jour, ils sont toujours dans le rêve. Ils ont pris l’avion, ils sont arrivés. Tu n’a pas envie de leur ouvrir les yeux » , remarque ainsi un médiateur de la Croix-Rouge, qui observe un tel changement au bout de quelques jours de maintiens, qu’il lui est arrivé de ne pas reconnaître lors d’un deuxième service des maintenus qu’il avait vu arriver lors de son premier service deux jours auparavant. L’attente en Zapi et l’épreuve morale qui y est lié transforme en effet ces voyageurs. Les femmes sont décoiffées, elles ne se maquillent plus. Les hommes ont un peu de barbe , laissent leurs chemises déboutonnées. Les habits sont froissés par des courtes siestes où l’on essaie de récupérer le manque de sommeil de la nuit. Gênés par le port constant des chaussures de ville, certains marchent pieds nus dans leurs chaussures dont ils n’enfilent pas le talon : leur démarche est traînante et disgracieuse . L’ennui n’est pas seulement un état intérieur de l’individu à un moment donné, il est partie intégrante de l’épreuve du réel. Le temps de l’attente, qui fait pendant au temps administratif des audiences et des notifications, n’est plus maîtrisé : il n’est pas tant représenté qu’il est subi. L’étranger en zone d’attente se trouve brusquement dans une situation où ce qu’il peut faire ou ne pas faire n’a plus d’importance pour sa destinée. Empruntant une problématique familière à Hannah Arendt, l’on peut dire que c’est sa responsabilité même, qui lie ses actes et leurs conséquences, qui lui est niée : c’est sa condition de sujet politique qui est engagée. Cette question de la possibilité de conditions de vie politiques est au cœur du rapport au temps comme à l’espace. En effet, elle est celle qui détermine et donne sens aux analyses qui cherchent en dernier lieu à savoir « où » sont les populations en mouvement.
« A l’extérieur de l’intérieur, et inversement »
Les étrangers maintenus en Zapi ne sont pas officiellement sur le territoire français : ils sont enfermés dehors, aux portes de la France, dans un espace qui combine paradoxalement le transit et l’enfermement, dans un rapport à la circulation que nous pourrions évoquer en reprenant la synthèse du « confinement » comme processus ambigu d’immobilisation et d’isolement . En effet, au terme du séjour en zone d’attente, la moitié des maintenus sont renvoyés et continuent souvent leurs déplacements, de lieux de transits en lieux d’exils temporaires (en fin de compte, ce n’est pas tant la circulation que l’installation qui leur est interdite). De très rares personnes parviennent à négocier avec le GASAI et usent de leur « liberté » de repartir vers un autre pays où ils sont admissibles . D’autres sont admis sur le territoire, et leur passage en zone d’attente aura été le moment de négociation de leur nouveau statut dans la société hôte (demandeurs d’asiles, cas humanitaires, sans-papiers). La Zapi est ainsi un lieu de transit, qui participe pleinement des espaces intermédiaires de la circulation internationale. Ce qu’il y a, c’est que contrairement à d’autres relais de la circulation, tels que par exemple les camps ad hoc construits de bric et de broc dans des bois au Maroc par les ressortissants d’Afrique subsaharienne, à la lisière des forts militaires qui sont en territoire espagnol et vers lesquels il s’agit de passer , la zone d’attente est un transit institué et géré par l’Etat, à travers un enfermement administratif.
Cette réflexion pose une question essentielle : les étrangers maintenus à Zapi sont-ils ou non arrivés en Europe ? Le droit et la science politique apportent leur réponse. Mais quelle est la réponse de ceux qui font l’expérience du seuil ? Claude est un demandeur d’asile du Congo-Kinshassa, qui a été maintenu à plusieurs reprises en Zapi entre décembre 2003 et janvier 2004. Il a fait l’objet de renvois vers un pays de provenance, la Turquie, qui ne l’acceptait pas sur son territoire, et s’est retrouvé en situation de « ping-pong ». Admis sur le territoire français au terme de vingt jours de maintien, il a déposé une demande d’asile à la préfecture de Seine Saint-Denis qui a été refusée. Il a fait appel depuis lors et attend la date de son jugement devant la Commission de Recours des Réfugiés. Durant sa demande d’asile, il a dormi dans un centre de la Croix-Rouge pour personnes sans domiciles (le « 115 »), jusqu’à ce qu’un ami soit en mesure de le loger dans son studio. Pour Claude, la zone d’attente était déjà, et, à la fois, n’était pas encore la France ; c’était un ailleurs où il avait pourtant conscience de se trouver :
« Oui, tout le monde rêve de paradis à Zapi (rires). Surtout quand on vous escorte au tribunal : vous voyez les autoroutes. Ah ! C’est joli, c’est beau ! Ah ! Je suis quand même en Europe ! Donc on ne peut pas imaginer que c’est souffrant, comme ce que nous on vit maintenant. »
La séparation spatiale qu’institue la zone d’attente se retrouve pour Claude dans la suite de son parcours, sur le territoire. De même que dans la voiture de police qui l’emmène au Tribunal de Bobigny, il voit la France dont pourtant le sépare sa condition de maintenu escorté ; de même en tant que demandeur d’asile, il prend conscience que les conditions de vie qui sont les siennes n’obéissent pas aux normes de vie européennes telles qu’elles sont pensées par ceux qui y vivent en citoyens autant que par ceux qui y aspirent.
Comment donc penser l’articulation entre intérieur et extérieur, entre inclusion et exclusion dans cet espace qui a tant de mal à être nommé autrement que par suspension et euphémisme ? Les étrangers en déplacement, dont le mouvement est entravé en puissance, interdit et frappé d’illégalité, se trouvent « au bord du monde » ; ils « végètent » dans ses « seuils » . Ainsi la question de l’identité sociale et politique des exilés se pose-t-elle distinctement en terme d’espace et de lieux : opposant un dedans à un dehors, les lieux pleins aux lieux vides de la « pénombre liminale », du seuil où l’on « végète », de l’ « isolement », ou encore des camps « posés dans le désert de sable ou de pierres, dans des brousses sèches, inhabitées et autres espaces vides » .
La Zapi se trouve ainsi dans la zone de Fret de l’aéroport, en périphérie, difficile d’accès comme nous l’avons vu par sa position excentrée. Le propre de cet espace de confinement et de transit où se renoue une sociabilité pour ceux qui sont partis de chez eux, est de relever de ces « non-lieux » qui pour Marc Augé cartographient la surmodernité :
« Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu. La surmodernité est productrice de non-lieux, c’est-à-dire d’espaces qui ne sont pas eux-mêmes des lieux anthropologiques et qui, contrairement à la modernité baudelairienne, n’intègrent pas les lieux anciens. »
La zone de fret est un espace où l’on travaille et où l’on passe, mais nul n’y habite et ne s’y arrête ; les dimensions même n’y sont pas humaines, car tout est pensé pour la voiture et pour le camion, ou encore pour l’avion, dans ces espaces situés entre les embranchements de l’autoroute et les pistes de l’aéroport. La Zapi, « belle comme un hôtel formule 1 » , entre la zone de Fret et l’aéroport, entre l’autoroute et les pistes s’inscrit dans une matrice de non-lieu, qui selon Augé se noue en « additionn(ant) voies aériennes, ferroviaires, autoroutières et habitacles dits ‘moyens de transport’ (avions, trains, cars), aéroports, gares, stations aérospatiales, grandes chaînes hôtelières, parcs de loisir, grandes surfaces de distribution, écheveau complexe des réseaux câblés ou sans fil » : « l’ espace du voyageur serait l’archétype du non-lieu » . La distinction entre lieux et non-lieux passe par l’opposition du « lieu » à l’ « espace ». Ne retrouverait-on pas, dans le contexte des société post-industrielles occidentales, le « désert de sable ou de pierres, (les) brousses sèches, inhabitées et autres espaces vides » où se montent les tentes bleues du HCR pour les camps de réfugiés du Sud ?
La zone d’attente joue ainsi avec les notions de centre et de périphérie, en imposant une localisation ambiguë. Or cette dimension topographique est essentielle aux analyses qui s’attachent aux conditions de vie des étrangers en zone d’attente. Celles-ci partent souvent en effet des dichotomies spatiales pour décrire une situation de rupture : étrangers « aux marges » du territoire français, « aux seuil » de l’Europe, « aux bords du monde ». L’expérience des populations en déplacement s’énonce à travers les paradigmes du rapport à l’espace. Ce que charrie en dernier lieu cette discussion sur la « place » des populations en mouvements comme porteuse de leur condition, c’est une dialectique d’inclusion et d’exclusion, comprise en termes politiques. L’important n’est pas que l’on soit dans une partie connectée et intégrée du monde, là où il se passe des choses, ou dans ses périphéries délaissées ; ce qui compte c’est bien plutôt la possibilité de conditions de vie politiques, qui détermine et donne sens aux analyses qui ont pour objet ultime de savoir « où » sont les populations en mouvement. Cette place est celle de l’inclusion dans ou de l’exclusion hors de communautés politiques, qui se joue dans le rapport concret à l’espace et au lieu de vie. Le maintien à la frontière est le lieu du soupçon sur le nom et sur l’identité, où l’étranger n’est plus lui-même, identique et identifiable. Venus en France avec un faux passeport, certains maintenus restent en zone d’attente sous un faux nom et une fausse nationalité. C’est pourquoi les listes administratives de la Zapi portent la mention : « Mme Untel alias Untel ou X1 » à leur nom. L’étranger maintenu se retrouve dans un moment d’exil qui est une « forme vide de l’existence » , étant privé de références, de critères de définitions et de modèle d’identification : il existe sans existence officielle. La migration initiale signifie la perte de la trame sociale dans laquelle les étrangers sont nés et dans laquelle ils se sont aménagé une place distincte dans le monde – l’espace dans lequel ils avaient l’habitude d’exister . L’exceptionnel dans la « mise sur orbite » des voyageurs sans documents n’est pas la perte d’une place, qui intervient au seuil de chaque migration, mais l’impossibilité d’en retrouver une. Il arrive que le contrôle aux frontières se joue autour d’une désarticulation du lien entre l’individu en déplacement et l’Etat souverain dont il est le sujet. Ainsi en est-il du cas de Dharar, demandeur d’asile somalien maintenu en zone d’attente, dont la demande d’admission sur le territoire au titre de l’asile a été rejetée, notamment au motif qu’il voyageait avec un faux passeport et un faux visa kenyan établis à son nom. Cette personne est dessaisie de ses documents de voyage falsifiés lors de son arrestation par la police le 4 mai 2005 : elle se trouve dépourvue de tout document d’identité. Non-admis en France, Dharar doit être expulsé vers le pays de provenance de son avion : la Suisse, ou son pays d’origine si l’on en croit son passeport contrefait : le Kénya. Ni l’un ni l’autre de ces pays ne laissent le voyageur renvoyé descendre de l’avion, et Dharar se retrouve à nouveau maintenu en zone d’attente après avoir fait deux fois le tour du monde en trois jours . N’étant pas sorti des zones internationales durant ce voyage de quelques milliers de kilomètres, ce demandeur d’asile se trouve donc en quelque sorte en orbite autour d’un système international où il n’a littéralement pas de place, son identité n’étant plus inscrite dans le lien à l’Etat-nation qu’institue le passeport. Lorsque nous interrogeons Dharar sur la raison pour laquelle il ne s’est pas fait établir de passeport somalien pour voyager, il nous regarde d’un air perplexe avant de répondre que cela fait quinze ans qu’il n’y a plus d’Etat en Somalie, et que par conséquent il ne pouvait pas se procurer de documents de voyages somaliens de la part des autorités. L’étranger qui quitte son pays pour venir en France avec un faux passeport, et qui est refusé sur le territoire, peut repartir selon la loi vers n’importe quelle destination où il sera admise légalement – or sans passeport, autant dire nulle part. Le maintien institutionnalise paradoxalement une errance : soudain, il n’y a plus un seul endroit sur terre où l’étranger non identifié peut aller. Ce n’est pas matériellement un problème d’espace (il n’y aurait plus de place sur terre pour tous) mais « un problème d’organisation politique », remarque Hannah Arendt , qui lie l’aporie des réfugiés à un système international formé par une communauté d’Etats-nations, telle que quiconque est exclu de l’une des communautés politiques, se trouve exclu de la famille des communautés. Or ce mouvement est à la conjonction des principes de souveraineté qui organisent politiquement le monde contemporain, mais également des principes d’universalisation qui fondent son intégration à l’échelle globale : « seule une humanité complètement organisée pouvait faire que la perte de résidence et de statut politique revienne à être expulsé de l’humanité entière » . C’est en tant que révélateur des lignes de tension qui traversent l’organisation du système international, que le « peuple toujours croissant d’apatrides (est) le groupe le plus symptomatique des politiques contemporaines ». Récusant la distinction entre le réfugié et l’individu qui décide de son propre gré de ne pas bénéficier de la protection de son Etat – l’un se retrouvant sans-Etat de jure, l’autre le devenant de facto – Arendt insiste sur le fait que « ce n’est pas la perte de droits spécifiques (…) mais la perte d’une communauté disposée et capable de garantir des droits quelconques, qui fut la calamité qui s’est abattue sur un nombre croissant d’individus » . Pour l’écume mouvante de ceux dont aucun Etat ne se porte garant, la question qui se pose est de savoir quelle identité s’applique quand une personne ne représente rien d’autre que sa propre et unique individualité, sans monde commun où elle peut s’exprimer et sur lequel elle peut intervenir.
La resocialisation après le voyage
Les vies « en instance », dont la perte de destin s’inscrit dans le corps, ne sont pourtant pas des victimes. L’épreuve du maintien, qui se laisse saisir à travers le régime spatial et temporel de la zone d’attente, n’est pas une situation purement subie : elle est vécue à travers la mobilisation d’une résistance parfois juste esquissée et parfois affirmée avec une grande force morale. Les modalités à travers lesquelles les maintenus résistent à leur maintien sont diverses, mais elles tendent également à poser ces vies confinées en sujets sociaux, politique et moraux. Alors que les maintenus sont matériellement dans une situation de confinement (enfermement dans une « zone », identité non-fixe), une résistance des sujets se cristallise le long d’une ligne de (re)socialisation, qui continue et se recompose entre les lignes de ruptures du dispositif de maintien et d’expulsion.
On peut distinguer, à la suite de Smaïn Laacher, deux fonctions du centre comme lieu de socialisation. D’une part, il s’agit de renouer avec des personnes appartenant à la même communauté, retrouver du lien en envisageant le court terme en commun et non plus dans la solitude, « se mettre au courant », discuter, s’informer, évaluer, comparer, afin d’élaborer et ajuster sa stratégie. D’autre part, il s’agit pour certains de renouer le contact avec la famille en France, parents ou « cousins » (dans une définition parentale large). Il s’agit alors d’informer de sa situation et de demander conseil aux personnes avec qui les maintenus sont liés par des liens de solidarité (prêt d’argent, contact auprès d’un avocat), qui signifient aussi des dettes contractées. Conduits au tribunal sans connaître la finalité de l’audience ni même parfois ce qui y est discuté, transférés sous escorte sans savoir où, appelés à plusieurs reprises à se rendre « en bas avec (leurs) papiers de police » sans en connaître la raison et dans la crainte d’un renvoi, les étrangers vivent généralement à leur arrivée dans l’ignorance du statut dont ils relèvent, des droits dont ils disposent et du sort qui les attend (a fortiori lorsque joue l’écart culturel). Dans l’absence d’information se noue le contrôle. Dès lors, c’est autour de ce point que se tissent résistance et gouvernement : la circulation de l’information qui s’élabore dans une resocialisation des maintenus procède d’une reconquête aussi bien individuelle que collective du destin perdu. Malgré la singularité des parcours, l’extrême diversité des provenances, les règles élémentaires d’individualisme et de silence de ceux qui voyagent avec des passeurs, le maintien est un moment de recomposition d’une organisation sociale (même a minima). Cette recomposition passe par une structure de solidarité qui s’organise selon des lignes communautaires d’une part, et de partage de l’information d’autre part. L’occupation de l’espace dans le centre d’hébergement est ainsi polarisée de façon stratégique autour des deux bureaux de la Croix-Rouge situés de part et d’autre du couloir, les cabines téléphoniques, medium de la relation avec l’extérieur, lieux de regroupement communautaire, lieux de contact avec les siens.
La répartition des maintenus se fait généralement par affinité régionales ou linguistiques : les maintenus originaires d’Asie et majoritairement de Chine occupent les cabines de téléphone du fond donnant sur le couloir de gauche et sur le second bureau de la CRF. Il ont une position discrète et excentrée. Les bornes téléphoniques situées à gauche sur le couloir sont généralement occupés par les maintenus arabophones et d’Asie du Sud. Trois autres téléphones sont installés au fond, le long du couloir de droite ; ils sont moins utilisés que les autres et ne semblent pas spécifiquement attribués. Ils se trouvent à côté d’une fenêtre plus grande que les autres dans le mur de droite, qui donne sur l’entrée de Zapi et la route. Un fauteuil est généralement disposé sous cette fenêtre, qui s’impose comme un petit lieu de rassemblement où se forment des groupes ad hoc de maintenus d’origines différentes : on y tient des discussions ponctuées de quelques blagues amères, les mères tiennent leur enfants sur leurs genoux, des familles attendent. Ce lieu est aussi ce qu’un médiateur de la Croix-Rouge appelle le « 4ème bureau » de la Zapi (les trois autres étant les deux bureaux de la Croix-Rouge et le bureau de l’Anafé). Ce recoin est un endroit vers lequel on est spontanément attiré : regarder « dehors » à travers la fenêtre condamnée – le parking, le portail grillagé, puis, bordée par un talus, le virage de la route où passent quelques voitures — est ce qui soulage le mieux du sentiment d’enfermement lié à cet endroit. C’est là que se tiennent des conciliabules et que des situations de nouveaux venus sont exposés aux anciens plus expérimentés : Faut-il dire que l’on parle l’anglais ou le cacher ? Doit-on payer un avocat qui nous promet de nous faire sortir ? Est-il encore temps de se faire faxer une attestation d’hébergement par un cousin vivant en France ? Au bout de combien de tentatives, en général, est-on renvoyé sous escorte ? Que faut-il avoir fait pour avoir droit à l’asile ? Doit-on demander à la police de nous laisser continuer notre voyage vers une autre destination, et dans ce cas, quelles sont nos chances d’être écouté ?
« A Zapi parmi les gens qui commencent à se connaître et qui sont là au même moment, il y en a qui sont plus instruits (…) Ça fait des gens qui décident un peu, un qui pourra dire ‘ah mais l’Anafé existe’ et un peu informer tout le monde, c’est lui qu’on ira toujours voir ».
La constitution de réseaux de solidarité ou l’exercice d’une solidarité communautaire varie de simples informations échangées entre deux portes à une plus organisation structurée. Michel Agier remarque au sujet des populations déplacées et réfugiées du Sud qu’« il y a (des) compétences ethniques permettant à certains groupes qui vivent dans la clandestinité, hors des camps, hors de leur terre d’origine, de se réorganiser plus vite que d’autres » . Une initiative des maintenus nigérians et du Cameroun anglophone est de désigner un « président » : cela peut être le maintenu le plus ancien en Zapi, ou un maintenu qui a l’habitude de voyager, un commerçant rencontrant des problèmes de visa, qui parle les langues étrangères et connaît le système d’immigration des pays occidentaux. Les membres de la communauté ad hoc ne prennent leurs décisions et n’adoptent leurs stratégies qu’après avis consultatif du « président ».
Le lieu le plus fréquenté à l’étage se trouve devant les cabines de téléphone qui font face au bureau de la CRF. S’y retrouvent les ressortissants d’Afrique subsaharienne, et plus majoritairement d’Afrique de l’Ouest et des Grands Lacs. Si les maintenus occupent le couloir à cet endroit, c’est qu’ils y sont le mieux placé pour entendre les appels téléphoniques et les appels de la police. Comme le rapporte un maintenu, ils attendent là, « les oreilles vers les hauts parleurs pour entendre si on va (les) appeler », car on les « appel(le) à tout moment » . D’autre part, ils se trouvent près du bureau des médiateurs, et peuvent faire appel à eux, sans avoir besoin de couper leur communication pour leur demander un renseignement ou un service (notamment le numéro du bureau de la CRF où se faire faxer d’éventuels documents à l’appui de leur dossier). A ce carrefour de passage, les maintenus sont assis sur le rebord des cabines de douche ouvertes, debout à côté des bornes de téléphone, ou encore assis par terre le long de la vitre qui ouvre sur le petit carré de patio. Le groupe qui se forme souvent devant les téléphones et le bureau de la CRF discute, hommes et femmes mélangés, échangeant sur les situations respectives de chacun. Les personnes présentes attendent généralement un appel de leur famille ou de leur avocat, mais il y a également des personnes mieux renseignées que les autres (ayant plus l’habitude de voyager, maintenus depuis plus longtemps, ou ayant déjà résidé en France) qui restent assis au bord de la cabine de douche et dispensent des conseils à leurs co-maintenus. La porte du bureau de la CRF est pratiquement toujours ouverte et un médiateur, en discussion sur le pas de la porte. Ces groupes de discussion créent souvent une atmosphère de relative détente : on y parle à bâton rompu de sa vie d’avant, on se cherche des connaissances communes le cas échéant, on plaisante également… c’est un lieu de passage central qui est témoin d’un va et vient incessant (relève des équipes de la CRF, montée d’une équipe de police à l’étage, retour du tribunal, nouvelles arrivées, retour des aérogares, etc.) : tout ce qui se passe d’important transite par ce carrefour, et pourtant au milieu du passage, le groupe informel peut rester des heures à parler, en se déplaçant fréquemment pour ne pas gêner les va et vient. Si l’on cherche un maintenu, c’est à ce groupe qu’il faut poser la question : tout en discutant, l’on y tient un compte assez précis des allées et venues de chacun (untel est parti à l’aérogare il y a deux heures, untel vient de descendre, untel a été emmené au tribunal). Or l’observation des relations entre maintenus et médiateurs de la Croix-Rouge, mais aussi entre maintenus et intervenants de l’Anafé montre que ce bavardage a son intérêt. Il s’agit de raconter sa vie comme on l’entend, avec la liberté de détailler des faits à l’excès et en omettre d’autre, de revenir sur certains évènements importants dans la biographie personnelles, qui sont constitutifs du parcours qui amène en zone d’attente, même si ce lien n’est pas évident ni compréhensible du premier coup. La résistance passe ici par une reconquête biographique. Il s’agit de redire dans une narrativité singulière à chaque maintenu, ce récit que tous en zone d’attente ont le droit d’exiger de lui, et qu’il doit réajuster et servir à maintes reprises (devant l’OFPRA, le juge, le GASAI, etc.), en déroulant chronologiquement les faits, en comblant les trous, en mentionnant les dates et surtout en adoptant les normes narratives et morales tel que l’entend la France . Ou bien il s’agit de s’épancher et de raconter l’histoire vraie, celle du nom et de l’identité, derrière l’histoire qu’a apprise le passeur. Aussi, ces moments où l’on fait le point sur le parcours et demande conseil intègrent-ils dans le récit les conditions même du maintien, qui est réinscrit dans le parcours d’exil. Cette narration de soi se joue en mineur, en créant d’elle-même des espaces d’intimité là où l’optimisation du maintien opère une confiscation de l’intimité. Bien que le premier bureau de la Croix-Rouge soit le centre névralgique de la vie sociale des « Zapiens », c’est le second bureau qui est le plus important, car c’est là que se font les confidences, préparées par un rituel « On se voit dans le deuxième bureau ? » .
Les modalités de la résistance, portés par les étrangers mais aussi par les membres de la communauté politique française opposés aux principes de la zone d’attente, prennent forme là où se joue le contrôle, articulant la resocialisation au confinement, la circulation de l’information au silence de la procédure. C’est au cœur du dispositif de maintien que s’agencent les modalités d’une réponse au contrôle, par laquelle les étrangers s’extraient, fragilement, de la dialectique du « pouvoir souverain » et de « la vie nue » .
Au croisement de l’agencement institutionnel juridique et administratif, des modalités de prise en charge disciplinaires et des usages politiques d’une gestion des populations étrangères pensées en termes de stocks et de flux à maîtriser, le dispositif de la zone d’attente participe de ces espaces de confinements et ces seuils où se nouent les « pratiques liminales de subjectivation » . Les populations en déplacement, contrôlées et gérées par les Etats aux frontières, dessinent ainsi une ligne d’actualisation de notre condition actuelle. Au-delà de l’expérience singulière amère des 15 à 20 000 étrangers qui chaque année sont maintenus en zone d’attente, l’approche ethnographique met au jour des conditions d’existence qui renvoient aux évolutions de l’organisation sociale au niveau international. Ce qu’on nomme mondialisation se laisse saisir dans l’un de ses effets politiques les plus visibles au Nord, à savoir la circulation des personnes et son entrave institutionnalisée. Or dans ce processus, les frontières ne se referment pas sur un espace national clos, cohérent, mais elles se désarticulent pour faire émerger, à travers des dispositifs juridiques inédits, des lieux et une temporalité ambigus, de nouveaux espaces de gouvernement qui participent de la mondialisation.
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