citation
Morgane Gueguen,
Florence Lacaze,
Lucie Brocard,
"Présentation de l’intervention du GRAF : L’appréhension des persécutions visant spécifiquement les femmes dans le milieu associatif : regards croisés sur un Collectif ",
REVUE Asylon(s),
N°1, octobre 2006
ISBN : 979-10-95908-05-0 9791095908050, Les persécutions spécifiques aux femmes. ,
url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article506.html
résumé
Nous évoquerons tout d’abord dans une perspective historique le contexte dans lequel s’est articulée la naissance du GRAF et le travail de déconstruction des représentations que nous, militantes et structures de solidarité, tentons de faire. Puis, nous présenterons le Groupe Asile Femmes – GRAF -. Nous verrons ensuite comment est appréhendée dans le milieu associatif la question relative au droit d’asile et aux femmes. Enfin, nous réfléchirons aux différents modes d’actions, effectifs ou à mettre en place, pour une meilleure prise en compte de la question.
Mots clefs
« Tout être humain possède des droits, ces droits sont universels. On ne peut accepter qu’une partie de l’humanité, les femmes, en soit privée. On ne peut accepter que certains Etats les leur dénient, arguant que les valeurs seraient relatives à un contexte culturel donné.
Le droit de chercher asile face à la persécution dans un autre pays que le sien est aussi un droit fondamental.
La France a ratifié les textes affirmant ces principes : la Convention de Genève relative au statut de réfugié, les déclarations et conventions internationales sur les droits des êtres humains, la Convention pour l’élimination des discriminations contre les femmes.
C’est parce qu’elles sont des femmes que certaines sont l’objet de violences spécifiques (mariage forcé, viol, exploitation sexuelle, violences conjugales, mutilations génitales etc.). C’est aussi en tant que femmes que celles qui transgressent ou refusent les lois, normes, rôles, contraintes, discriminations qui leur sont imposées sont persécutées ou menacées de l’être. » [1]
Tirée du texte introductif du Groupe Asile Femmes, cette citation précise en quelques phrases l’objet de ce collectif qui a vu le jour en 2004.
Mais rendre visible et lisible une solidarité spécifique avec les femmes persécutées n’est pas choses aisée, en faire comprendre la démarche théorique ainsi que la pratique est également difficile.
Nous nous heurtons fréquemment à une somme de représentations. Pour les plus communes, sur ce qu’est l’asile et qui sont les demandeurs d’asile, sur les conséquences d’une lutte spécifique pour les droits des femmes, sur ce qu’est un acte politique ou une démarche de solidarité.
Nous évoquerons tout d’abord dans une perspective historique le contexte dans lequel s’est articulée la naissance du GRAF et le travail de déconstruction des représentations que nous, militantes et structures de solidarité, tentons de faire.
Puis, nous présenterons le Groupe Asile Femmes – GRAF -.
Nous verrons ensuite comment est appréhendée dans le milieu associatif la question relative au droit d’asile et aux femmes.
Enfin, nous réfléchirons aux différents modes d’actions, effectifs ou à mettre en place, pour une meilleure prise en compte de la question.
Perspective historique : une lente émergence, un processus de représentation en évolution.
La prise de conscience de la situation et des problèmes spécifiques que peuvent rencontrer les femmes étrangères est, de manière générale, apparue progressivement et relativement récemment.
Les obstacles à cette prise de conscience sont de plusieurs ordres.
Tout d’abord, il est nécessaire de se défaire de certains préjugés.
Ainsi deux des obstacles majeurs qu’il a fallu franchir sont liés, primo à la confusion qui est faite entre immigration et asile et secundo à la représentation des migrants et des demandeurs d’asile.
Ainsi, en premier lieu, de l’idée selon laquelle immigration et asile sont équivalents.
L’asile est une protection dont le régime est principalement défini par la Convention de Genève de 1951. En effet, après les atrocités commises durant la deuxième guerre mondiale, apparaît la nécessité de réaffirmer le droit à l’asile et de permettre aux réfugiés d’accéder à un statut, à une reconnaissance et à une protection internationale. Le séjour, quant à lui, reste très lié à la politique des Etats qui s’estiment « souverains » en la matière. Par suite, la politique d’immigration est très marquée notamment par les besoins économiques nationaux. Cette absence de distinction entre asile et séjour nourrit des systèmes de représentation préjudiciables au droit d’asile et à sa pleine effectivité, et donc à la reconnaissance des persécutions liées au genre.
En second lieu, de l’image du demandeur d’asile et du réfugié. [2]
Pendant très longtemps a prédominé l’idée que les étrangers qui venaient en France, migrants ou demandeurs d’asile, étaient des hommes. Ainsi, selon la représentation dominante, le demandeur d’asile et le réfugié étaient des hommes qui fuyaient, seuls ou avec leur famille, leur pays en raison de leur opposition au régime politique. Les femmes étaient perçues souvent uniquement comme des épouses. Ainsi, la plupart d’entre-elles ont obtenu le statut de réfugié parce qu’elles étaient « l’épouse de », par application du principe d’unité de famille, sans que l’existence de craintes personnelles les concernant ne soient examinées.
Par ailleurs, on peut établir un parallèle avec les représentations dominantes sur les migrants :
L’image type du migrant est très marquée notamment par la migration telle qu’elle était dans les années soixante et soixante dix. Cette image a fort peu évolué depuis les années 1970 : il s’agit d’un homme, travailleur ouvrier qui arrive seul, puis fait venir sa famille. D’ailleurs c’est par le biais de la famille que, dans les associations de solidarité, les femmes sont d’abord évoquées dans le milieu des années 1970. Il est question de résoudre les problèmes de promotion sociale et d’adaptation scolaire des enfants. C’est donc uniquement en tant que mères qu’on s’intéresse à elles. C’est d’ailleurs, entre autres, cette image de la femme étrangère à la progéniture inextinguible qui est brandie par les politiques pour justifier la crainte de l’envahissement et instaurer la fermeture des frontières.
Par la suite, c’est avant tout la mobilisation de ces femmes pour leurs droits qui leur a donné une visibilité dans l’espace public.
Il faut attendre les années 80 pour qu’au sein des associations antiracistes, il soit question d’« action pour permettre aux jeunes et aux femmes de s’organiser pour prendre en charge leurs problèmes spécifiques » [3].
Indubitablement, les femmes ont fait du chemin et sont reconnues au sein des associations mixtes en tant que groupe autonome. D’ailleurs, à peu près à la même époque, apparaissent les premières permanences spécifiques femmes, non mixtes, tenues pas des femmes pour des femmes. Il en est ainsi de celle du GASProm – A.S.T.I. [4] de Nantes à la fin des années 80. L’association Femmes de la Terre est quant à elle créée en 1992. Elle assure notamment des permanences d’information et de soutien en matière de séjour et d’asile. Sa création procède du constat que les permanences alors existantes n’étaient pas adaptées à l’accueil des femmes (horaires, écoute,…). Le R.A.J.F.I.R.E, collectif féministe de lutte pour les droits des femmes étrangères, immigrées et réfugiées, naît quant à lui officiellement en 1999. Des structures d’accueil pérennes ont ainsi été créées. Dans des structures comme la F.A.S.T.I., cette auto-organisation des femmes ne va depuis cesser d’interroger les modèles de représentations, les pratiques de solidarité et d’action en faveur des femmes. Des espaces de rencontres et d’échanges entre militantes féministes occidentales et femmes migrantes s’organisent. Riches en partage d’expériences et en mutualisation des savoirs, ils seront toujours réfléchis comme des lieux d’autonomie où la pensée et l’action politique doivent partir des besoins de la base et du local pour remonter vers le national, contrairement aux cadres structurels classiques des organisations. Les femmes se refusent à être enfermées dans le statut de victimes, d’épouses ou de mères et se saisissent de cette autonomie pour construire leurs formes de luttes.
C’est dans les années 80 également qu’apparaissent clairement les premières revendications relatives à la considération des persécutions liées au genre. Des actions collectives et des groupes se constituent autour de ces questions.
Ainsi, en 1983, un numéro spécial du journal de la Cimade est consacré aux femmes. En 1987, Shalah Shafiq crée une des premières associations de femmes réfugiées. Elle est soutenue par d’autres structures associatives.
Le 4 décembre 1993, la F.A.S.T.I. organise un forum intitulé « Droit d’asile pour les femmes » qui réunit bon nombre d’organisations (dont le GAS, le GAMS, Femmes de la Terre..) et dénonce déjà la non reconnaissance de la persécution des femmes en raison de leur sexe (mariage forcé, excision, ...) et par suite la difficulté pour les femmes à obtenir le droit d’asile lorsqu’elles sont persécutées en tant que femmes. Nous revendiquions par exemple, à l’instar d’aujourd’hui, le droit des femmes à être reçue par des femmes lors de leur audition à l’O.F.P.R.A [5]. Cf Journal de la F.A.S.T.I., numéro 75, janvier 1994.
La revendication autour des femmes et du droit d’asile existe donc depuis plusieurs années. Cependant, hormis des rencontres ponctuelles, il ne semble pas qu’il y ait eu une continuité des actions collectives.
En juin 2004, des associations ont organisé à la Bourse du Travail une réunion publique sur le droit d’asile et les femmes. Cela a débouché sur la constitution d’un groupe de travail et de réflexion autour de la question du droit d’asile et des persécutions visant spécifiquement les femmes, devenu ensuite le GRAF.
Présentation du Groupe Asile Femmes – Graf
Le GRAF est un groupe inter associatif de réflexion et d’action, constitué fin 2004, sur la question des femmes et du droit d’asile. Il est composé aujourd’hui de Amnesty International Section Française, la Cimade, le Comede, la F.A.S.T.I. [6], Femmes de la Terre, la Ligue des Droits de l’Homme et le R.A.J.F.I.RE [7].
Il milite pour une prise en considération des persécutions visant spécifiquement les femmes et une adaptation des procédures et des conditions d’accueil des femmes demandeuses d’asile et réfugiées, et donc pour un droit d’asile effectif.
En effet, la Convention de Genève définit le réfugié comme « toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».
Cette définition est donc sexuellement neutre, mais n’interdit en aucun cas de reconnaître que le motif ou le type de persécution subie ou crainte peuvent être dus au sexe ou au genre.
Pour que le droit d’asile soit effectif, il faut que l’Etat qui accueille les demandeurs et demandeuses d’asile et examine leur demande appréhende :
les diverses formes de persécutions qu’ils et elles fuient,
les craintes de persécutions qu’ils et elles peuvent avoir,
dans quelle mesure leur Etat ne peut ou ne veut les en protéger (dans le cas où il n’est pas lui même agent de persécution),
en quoi ces persécutions sont provoquées par différents motifs, dont l’appartenance à un “ groupe social ”.
L’ampleur des persécutions, graves discriminations, violences et violations des droits humains dont sont victimes certaines femmes ne peut plus aujourd’hui être négligée.
Ainsi il est nécessaire pour la détermination du statut de réfugié de prendre en compte les persécutions fondées sur le genre, c’est à dire sur le fait d’être une femme, dans des pays où les femmes en tant que telles sont l’objet de graves discriminations, de violences, de violations des droits humains et où les autorités soit exercent ces violences soit n’en protègent pas les femmes.
Le GR.A.F. est d’abord issu d’un processus de réflexion et d’un cheminement propre dans nos organisations respectives qui, pour la plupart, ne sont pas axées spécifiquement sur les femmes ou dans lesquelles la dimension du genre n’est pas nécessairement présente. Il y a donc eu un processus de prise en compte d’une problématique spécifique.
En outre, une des particularités du collectif est que la majorité des associations et des personnes qui le composent sont présentes auprès des femmes sollicitant l’asile, notamment par le biais de permanences d’accueil. Ainsi, nous nous appuyons sur notre expérience et celles que les femmes nous ont transmises pour mener une action plus politique au sein du GR.A.F. Inversement, l’action politique menée au sein du GR.A.F. nous permet de mieux accompagner les femmes reçues dans nos permanences. Les deux niveaux d’action sont donc totalement interdépendants.
Le GRAF agit à la fois en direction des institutions (par des rencontres avec l’OFPRA, la CRR, le HCR), des associations (par la présentation de son action) et de tous ceux qui accompagnent dans leurs démarches des demandeuses d’asile / ont affaire avec les demandeuses d’asile (par l’élaboration d’un guide).
Les difficultés rencontrées dans l’action du GRAF, notamment vis-à-vis des autres associations travaillant sur le droit d’asile, nous ont amenées à élaborer un questionnaire adressé à ces associations pour essayer de mieux cerner leur rapport à la question du genre.
Appréhension de la question des persécutions visant spécifiquement les femmes au sein des associations
Nous avons adressé un questionnaire aux associations membres du GRAF et de la CFDA [8].
Nous présenterons lors de notre intervention une synthèse et une analyse des informations que nous aurons reçues.
Dans le milieu associatif en général : synthèse et analyse du questionnaire sur la prise en compte du genre dans les associations intervenant en matière d’asile
Questionnaire sur la perception de la question « femmes et asile » au sein des associations Ce questionnaire a pour but de mieux comprendre l’appréhension, au sein des associations, de la question des femmes et du droit d’asile. Il est produit par le GRAF (Groupe Asile Femmes) Nous vous demandons de bien vouloir prendre le temps de le remplir, dans la mesure de vos possibilités, et de le renvoyer pour le 15 mai 2006 à l’adresse suivante : Par mail : asilefemmes@club-internet.fr Ou par courrier : association Femmes de la Terre 2 rue de la Solidarité 75019 Paris Ce questionnaire est anonyme. Nous vous remercions chaleureusement de votre collaboration. I. Description de l’association 1) Objet de votre association : II. La prise en compte de la problématique « femmes » dans l’action associative
1) Prenez-vous en compte spécifiquement la problématique femmes dans votre action ? III. Femmes et droit d’asile
Pensez-vous qu’il soit nécessaire de créer un groupe de réflexion et d’action spécifique pour soutenir la question du droit d’asile pour les femmes persécutées en tant que femmes ? |
Dans les associations composant le GRAF : une perception toujours en débat
Sans avoir dépouillé les réponses au questionnaire, nous pouvons déjà dire que le processus de déconstruction des représentations n’est pas fini pour autant. La visibilité soudaine des femmes en tant que groupe autonome n’est pas sans faire débat en interne. Certaines personnes, hommes comme femmes, peuvent craindre d’être dépassées par cette problématique ou n’en comprennent par les enjeux.
Il nous est donc indispensable de lutter collectivement pour asseoir notre légitimité, tout en tentant d’expliciter nos propos, ceci afin de lever trois ambiguïtés récurrentes :
Rendre visible cette problématique n’équivaut pas à revendiquer une pensée naturaliste criminalisant les hommes parce que hommes, mais s’inscrit dans une démarche d’égalité fondamentale entre les hommes et les femmes.
Il ne s’agit pas non plus d’ethniciser un débat mais de s’attaquer à des pratiques sociales.
Défendre le droit d’asile pour les femmes ne signifie pas l’abandon de la lutte pour un meilleur droit d’asile pour tous.
Nous sommes amenées bien souvent à justifier nos positions et à rappeler la nécessité et la légitimité d’introduire la dimension du genre dans nos structures.
Pistes d’actions et de réflexion
Nous devons, d’une part, adapter nos pratiques quotidiennes pour accompagner au mieux les femmes dans leur demande d’asile et, d’autre part, (in)former et sensibiliser.
Solidarité quotidienne (ou par delà le juridique, un enjeu de réparation)
Agir au quotidien : Les permanences
S’approprier le juridique – un outil de solidarité pour les militantes
Le droit est ici appréhendé comme un moyen d’entraide des femmes. C’est en tant que tel et non comme une fin en soi, que les militantes se le sont approprié et s’y sont formé. Elles y ont accolé des pratiques de fonctionnement et d’accompagnement qui leur sont propres, issues pour la plupart du mouvement féministe des années 1970, c’est à dire axé sur l’autonomie et la libération des femmes, les échanges de savoirs et /ou les groupes de parole, le refus de la hiérarchie ou la non-mixité et affirmant que le privé est politique [9].
Ecouter et reconnaître l’histoire des femmes
L’écoute et la reconnaissance des violences subies interviennent comme des éléments réparateurs. C’est aussi permettre à la personne de se reconstruire et de s’approprier son autonomie.
Il s’agit alors pour les personnes qui tiennent des permanences d’accueil de se positionner du côté des femmes : en tant que témoin actif, solidaire de la femme dans les persécutions qu’elle a subie.
Souvent nous allons être la première personne qui va la croire et à qui elle va pouvoir de fait se confier plus facilement.
Notre légitimité à recevoir cette histoire est de la restituer dans le dossier :
en tant qu’élément technique,
en tant que travail participant à la reconstruction de la personne et la réappropriation de son histoire.
Travailler en réseau – orientation –soutien
L’idée est de permettre aux femmes d’être actrices de leur histoire par un accompagnement spécifique et global, notamment en travaillant en réseau avec d’autres structures.
Les permanences permettent souvent d’instaurer une solidarité entre les femmes.
Elles peuvent :
Réaliser que leur histoire n’est pas isolée et que d’autres en ont vécues des similaires. Cela les aide à se rendre compte qu’elles ne sont pas coupables de ce qui leur est arrivé et ce sera un plus pour leur vie à venir, en terme de confiance en soi.
Se soutenir au quotidien et échanger des informations ( où manger, où dormir….)
Cette solidarité s’appuie sur les réseaux concentriques :
En interne au sein des permanences : Solliciter si nécessaire l’aide des femmes présentes pour traduire nos propos (si les personnes sont d’accord, il est possible de constituer ainsi un réseau d’interprètes compétentes).
En interne pour la régulation des militantes : analyse de la pratique, espace de paroles…
En semi interne : soutien des femmes migrantes (orientation pour soutien psychologique, travail autour du corps avec des partenaires sensibilisées à l’accompagnement ).
Informer et convaincre
Comprendre les mécanismes d’oppression : construction sociale / violence faite aux femmes
Construire nos propres outils théoriques et revendicatifs : site internet, élaboration en cours d’un guide à destination des personnes qui accompagnent les femmes demandeuses d’asile dans leurs démarches
Organiser des formations : à destination des différents intervenants (travailleurs sociaux, OFPRA et CRR, personnes du milieu associatif,…)
Prévoir des rencontres périodiques avec les institutions (O.F.P.R.A. [10], C.R.R. [11], H.C.R. [12]).
Faciliter la rencontre et la prise de paroles des femmes exilées
Travailler en partenariat avec des associations de défense des droits des personnes implantées à l’étranger
En guise de conclusion :
Si un peu de chemin a été parcouru, la route est encore longue…
Il nous apparaît fondamental de nous mobiliser, avant toute chose, contre les représentations qui existent. La lutte des femmes est politique. La Convention de Genève reste lue au prisme du masculin. La montée du nationalisme, du racisme et de la xénophobie freine la reconnaissance des persécutions liées au genre par focalisation sur un « hypothétique appel d’air ». La crainte de l’arrivée en France de « la moitié de l’humanité » reste au cœur des préoccupations des instances de détermination, et paradoxalement, cette attitude est un aveu de la condition des femmes dans le monde. C’est reconnaître que les Hommes dont les droits sont les plus bafoués sont les femmes…
C’est aussi méconnaître la difficulté de l’exil et de la rupture d’avec le pays d’origine et participer à la dissimulation des souffrances liées à l’exil [13].
S’il commence à être reconnu en France qu’une femme craignant l’excision doit pouvoir obtenir le statut de réfugiée, faire entendre qu’une femme qui choisit de fuir un mariage forcé pose un acte politique n’est pas chose aisée.
Il n’est par ailleurs pas admis qu’une femme fuyant une législation ouvertement discriminatoire puisse obtenir le statut de réfugiée pour cette raison. Elle est pourtant alors dans une démarche d’opposition politique, et risque des persécutions en raison de son opinion politique.
Il reste de nombreux combats à mener. Or nos combats, qui sont relatifs aux droits des femmes, aux droits des étrangers et au droit d’asile, et plus largement aux droits de la personne, sont à contre-courant des politiques actuelles et de l’état d’esprit dominant aujourd’hui. L’évolution de la politique d’immigration en France, les réformes récurrentes du Code de l’Entrée et du Séjour et du Droit d’Asile, par leurs restrictions, réduisent peu à peu des droits fondamentaux comme celui de chercher refuge hors de son pays en cas de danger et crée un climat de souffrance morale sans précédent pour les exilées, ne leur accordant pas le cadre nécessaire pour entreprendre une possible reconstruction. Par ailleurs, la fermeture des frontières contribue à accentuer, en les rendant propices, les situations de violences faites aux femmes étrangères. [14]
Il est donc indispensable de penser à de nouvelles formes d’action et de solidarité.
Le GR.A.F. constitué d’associations qui pour la plupart existent depuis plusieurs décennies peut s’appuyer sur une expérience de long terme dans la lutte au côté des femmes. Lieu ressource d’information et d’échange, au plus près des besoins du terrain, il s’enrichit de ses allers retours incessants entre les permanences d’accueil et la mise en place de dispositifs concourant à une meilleure compréhension des persécutions spécifiques des femmes.
Nous avons pleinement conscience qu’il s’agit d’un travail de longue haleine.
Mais le GRAF ne peut-il être un point de rencontre autour des questions relatives à l’immigration, à l’asile, aux femmes et féminismes, au terrain et à l’action politique ?
Morgane GUEGUEN - CIMADE
Florence LACAZE – F.A.S.T.I.
Lucie BROCARD - Femmes de la Terre
septembre 2006
NOTES
[1] cf GRAF, "droit d’asile et persécutions visant plus spécifiquement les femmes", juin 2005, disponible sur le site de la Coordination Française pour le Droit d’Asile.
[2] Sur les enjeux de ces représentations voir notamment Smaïn Laacher –Après Sangatte ed La Dispute 2002
[3] Congrès de la F.A.S.T.I. en 1981
[4] Groupement Association Service Promotion-Association de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés
[5] Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides
[6] Fédération des Associations de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés
[7] Réseau pour l’Autonomie des Femmes Immigrées et Réfugiées
[8] Coordination française pour le droit d’asile
[9] CF Dictionnaire critique du féminisme-PUF –2ème édition
[10] Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides
[11] Commission de Recours des Réfugiés
[12] Haut Commissariat des Réfugiés
[13] Abdelmalek Sayad 1999 La double absence
[14] Jane Freedman- « Introduire le genre dans le débat sur l’asile politique » –CEDREF- Genre travail et migration en Europe